Les Services Industriels de Genève (SIG) exploitent un réseau de distribution de gaz naturel de 680 km sur le canton de Genève. Afin d’assurer en tout temps l’alimentation en gaz et la sécurité de ses clients, SIG déploie tout au long de l’année trois services de piquet pour remplir ces missions, à savoir un piquet spécialisé dans la mise en sécurité et dans la recherche des fuites de gaz naturel, un piquet centré sur l’exploitation des ouvrages gaz (épurateur biogaz, station GNC, stockages sous pression, etc.) et la gestion des pertes d’alimentation. Enfin, un piquet de soutien opérationnel, qui concerne les cadres techniques, fait office de conseil et peut aider les équipes sur les cas importants, nécessitant la présence des SIS ou de la police.
La formation des personnes de piquet repose sur un socle théorique, dispensé grâce à des supports informatiques conventionnels (PowerPoint, fascicules papiers), mais également avec des formations internes ou externes, pour se former aux bonnes pratiques de gestion des fuites de gaz naturel (ex: apprentissage au centre de formation de la Rama). Enfin, une formation sur le terrain par un système de compagnonnage, avec un gazier ou une gazière expérimenté(e) qui va, au travers des interventions, assurer, conseiller et soutenir la jeune recrue dans sa prise de poste.
Cette organisation a fait la preuve de son efficacité au fil du temps, elle n’en présente pas moins quelques points faibles. En effet, la formation théorique ne permet pas au stagiaire de se projeter et de prendre conscience des difficultés inhérentes à une intervention pour fuite (stress, respect des modes opératoires, difficulté de l’intervention, etc.). En outre, le panel de fuites de gaz proposé sur les sites de formation est souvent prédéfini, en nombre restreint, et les cas particuliers sont facilement mémorisables d’une session à l’autre, enlevant tout effet de surprise au stagiaire. Enfin, ce compagnonnage est très efficace pour l’apprentissage mais il nécessite que le ou la stagiaire soit confronté à des fuites lors de ses gardes. Malheureusement, si le ou la stagiaire passe plusieurs piquets sans intervention notable, il/elle risque de finir son processus d’apprentissage sans avoir emmagasiné d’expérience pour les futures gardes qu’il/elle assurera seul(e). C’est pour répondre à ces points faibles des formations conventionnelles que la réalité virtuelle peut apporter une grande plus-value.
La réalité virtuelle, comme son nom l’indique, est un environnement numérisé, en 3D, dans lequel un environnement fictif est reproduit et permet au stagiaire d’évoluer en toute sécurité. L’outil de réalité virtuelle a besoin d’un ordinateur, portable ou non, avec une carte graphique permettant d’afficher et d’animer l’environnement 3D dans lequel évoluera le ou la stagiaire, d’un casque de réalité virtuelle, accompagné de manettes, permettant au stagiaire de visualiser l’environnement 3D et d’interagir avec ce dernier pour réaliser les actions requises. Et finalement, d’un peu d’espace puisque qu’une salle de 9 m2 permettant d’évoluer en toute liberté se révèle suffisante.
La réalité virtuelle peut ainsi être déployée très facilement dans une salle de réunion, permettant de former le personnel quasiment partout et en très peu de temps.
La réalité virtuelle permet de mettre à disposition des stagiaires un «centre de formation virtuel» en une dizaine de minutes. Cette flexibilité est un gros point fort pour les structures pour lesquelles la gestion des ressources humaines est compliquée - un chantier annulé, une journée incomplète, etc. La réalité virtuelle permet de former les collaborateurs et collaboratrices sur des temps morts de l’agenda, sans planifier de transport et une absence sur une journée entière. L’organisation est ainsi plus simple pour maintenir les collaborateurs et collaboratrices à jour sur les modes opératoires et les bonnes pratiques.
SIG a développé, en collaboration avec l’entreprise Numix, un outil de formation en réalité virtuelle appelé EDGAR VR, permettant de simuler des fuites de gaz dans une villa. Dans cet outil, le ou la stagiaire se met dans la peau d’un agent SIG confronté à une fuite de gaz chez un client (fig. 1). L’objectif est ici de tester la capacité du stagiaire à prendre du recul sur la situation qui s’offre à lui, de bien analyser les informations disponibles en arrivant sur les lieux, de vérifier que les actions mises en œuvre par le ou la stagiaire sont cohérentes avec le mode opératoire afin d’assurer un haut niveau de sécurité de l’intervenant et des habitants, de contrôler le bon usage des détecteurs mis à disposition du stagiaire dans le scénario, ainsi que tous les gestes et actions réalisés durant l’exercice.
Le ou la stagiaire a une grande liberté de mouvement avec, par exemple, le choix des équipements de protection qu’il souhaite porter ou le type de détecteur qu’il souhaite utiliser. Il ou elle peut aussi décider de la manière d’intervenir dans la villa. Cette liberté est un point essentiel pour tester le ou la stagiaire et voir comment, seul(e), il ou elle gère la situation et arrive à supprimer le danger (fig. 2 et 3).
Le formateur ou la formatrice peut, au travers d’une interface très intuitive, configurer un scénario au choix avec les variantes qui l’intéressent (fig. 4–6). Les évènements peuvent ainsi se passer de jour ou de nuit, en présence d’habitants dans l’habitation comme en leur absence.
La fuite peut également être configurée à loisir. Fuite simple ou double, fuite de propane, de gaz naturel avec ou sans monoxyde de carbone. L’alimentation en gaz de la villa (basse pression ou haute pression avec régulateur) fait également partie des variables avec lesquelles on peut «jouer».
Une fois le scénario débuté, le formateur peut choisir, selon profil du ou de la stagiaire, de l’aider oralement ou au contraire, le laisser seul pour gérer la situation.
Durant tout le scénario, le ou la stagiaire SIG va évoluer dans l’environnement 3D et chaque action réalisée sera «surveillée» par le système. En effet, la logique des modes opératoires a été codée dans EDGAR VR et ce dernier est capable de détecter quelles actions ont été réalisées et dans quel ordre. Le système est donc capable de détecter automatiquement un non-respect du mode opératoire comme par exemple l’utilisation d’une sonnette ou d’un interrupteur alors que la fuite de gaz était présente.
EDGAR VR génère, en fin de session, un rapport avec la liste des actions correctes, celles pouvant présenter un risque et celles ayant clairement mises le ou la stagiaire ou d’autres personnes en danger. L’intérêt de ce rapport est double puisqu’il permet à la fois de garder une trace de la situation qu’a eu à gérer le ou la stagiaire et servir de base d’échange avec le formateur ou la formatrice à l’issu de la session. Ceci permet de faire prendre conscience au stagiaire des erreurs qu’il a commises et des manquements dont il a pu faire preuve lors de la gestion de la situation.
Â
SIG a décidé de faire tester l’outil aux stagiaires en les mettant en situation au travers de sessions de découverte. Afin que ce dernier soit bien accueilli et apprécié, nous avons privilégié des prises en main très simples avec un accompagnement oral par le formateur sur les actions à réaliser et la manière d’utiliser les outils avec les manettes.
Le déploiement d’un tel outil auprès d’opérationnels aguerris était un vrai défi mais les premiers retours sont plus que positifs. Tous ont pu apprécier la qualité et la fidélité de la réalisation, leur permettant de retrouver immédiatement leurs repères.
L’affichage du bilan des actions réalisées en fin de scénario est un vrai plus dont les stagiaires sont friands pour analyser leurs prestations et débattre avec les formateurs.
La prise en main peut être parfois déroutante pour certaines personnes mais dès la deuxième session, elle devient naturelle et les gestes sont réalisés avec plus d’assurance, et ce, quelque soit l’âge des stagiaires ou leur expérience sur du matériel informatique.
SIG souhaite maintenant capitaliser sur cet outil en améliorant la solution actuelle et en l’enrichissant d’une variante avec un immeuble pour permettre aux gaziers de se former sur des fuites intérieures encore plus complexes et délicates. Ce projet va être lancé au cours du second semestre 2022.
Le développement d’un outil tel qu’EDGAR VR nécessite une rédaction très rigoureuse du cahier des charges. Il faut être en mesure de décrire précisément ce que l’on attend de l’outil:
Ce travail, fastidieux, est la condition sine qua non pour que le développement de l’outil se passe d’une manière efficiente, aussi bien sur le temps passé que sur le coût. Plus la description sera précise, plus ce sera simple pour les développeurs.
En termes de ressources, une personne pleinement impliquée dans le développement de l’outil est primordiale pour fournir les données nécessaires aux développeurs, leur apporter les précisions nécessaires lorsqu’il y a un doute et organiser les phases de test des logiciels. Cette personne fera les remontées de défauts ou d’amélioration le plus promptement possible afin que le logiciel atteigne sa maturité rapidement. Pour les phases de test, il faudra aussi s’entourer de personnes aux profils variés et avec des sensibilités différentes (techniciens expérimentés, ingénieur, stagiaire novice, hommes, femmes, etc.). Cela permet d’apporter des commentaires percutants pour améliorer l’outil. Et il faudra organiser de nombreuses phases de test afin de mettre en exergue les défauts de jeunesse et les erreurs de codage ou de conception.
Ce projet fut une expérience formatrice pour SIG: créer notre propre outil de formation immersif. Grâce à l’implication des gaziers et gazières et de notre partenaire, nous avons réussi à produire un outil performant, évolutif qui nous donne pleinement satisfaction. Avec les évolutions futures déjà planifiées, nous améliorerons sans aucun doute l’aisance des collaborateurs et collaboratrices sur le terrain lors des interventions pour fuite de gaz.
Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «AQUA & GAS» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.
Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «Wasserspiegel» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.
Kommentare (0)