Le projet GRHYD [1] a été lancé en 2014 pour répondre à l’enjeu de stockage des énergies renouvelables électriques intermittentes. Il consistait à mettre en œuvre une solution power-to-gas (PtG) comme technologie permettant d’injecter dans le réseau de gaz naturel de l’hydrogène produit à partir d’énergies électriques renouvelables [2].
Le projet GRHYD a été retenu lors de l’Appel à manifestations d’intérêt (AMI) «Hydrogène et piles à combustible» piloté par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) dans le cadre du programme des Investissements d’Avenir. D’un montant de 15,3 millions d’euros, il a été financé à hauteur de 4,9 millions d’euros par les Investissements d’Avenir et labellisé par le pôle de compétitivité Tenerrdis. Il a regroupé 11 partenaires: ENGIE Lab CRIGEN, CEA, CETIAT, INERIS, Areva H2Gen (devenue Elogen), McPhy, ENGIE INEO, CUD, GNVert (filiale d’ENGIE Solutions), STDE (Société de Transport de Dunkerque et Extensions, filiale de Transdev) et GRDF.
Le démonstrateur GRHYD (fig. 1 et 2) s’appuie sur plusieurs équipements innovants:
Au-delà du caractère innovant de chacun de ces équipements, l’intégration de ces différents équipements a constitué un défi important. La chaîne complète a pu être mise au point et le démonstrateur a ainsi pu injecter pendant 21 mois de l’hydrogène en mélange avec le gaz naturel, avec des teneurs allant jusqu’à 20% vol.
Préalablement à la phase de démonstration, un vaste programme de travail a été mené en laboratoire pour vérifier la compatibilité des équipements du réseau et des usages gaz avec le mélange gaz naturel/hydrogène.
Ainsi, en collaboration avec le ENGIE Lab CRIGEN, le CEA ou encore le CETIM, le premier volet des travaux en laboratoire pilotés par GRDF visait à :
Ces tests R&D réalisés en amont de l’expérimentation GRHYD répondaient à deux enjeux majeurs: assurer la sécurité et l’intégrité des actifs en présence d’hydrogène, et maintenir la qualité de la mission de distribution. Ces axes sont repris aujourd’hui dans la feuille de route R&D H2 de GRDF.
Un deuxième volet visait à vérifier la compatibilité des usages gaz avec le mélange gaz naturel/hydrogène. Dans cette optique:
Ces différents travaux ont alimenté un dialogue constructif avec l’administration française qui a débouché sur la publication le 22 juin 2016 de l’arrêté dérogatoire [3] permettant l’injection d’hydrogène à des teneurs allant jusqu’à 20% et qui autorisait notamment la distribution d’un gaz dont le pouvoir calorifique supérieur (PCS) ne respectait pas la plage prévue par la réglementation nationale.
Le démonstrateur terrain a été inauguré en juin 2018 et l’injection d’hydrogène a démarré avec une teneur initiale de 6% en hydrogène dans le gaz distribué. En février 2019, les partenaires du projet ont décidé de passer à une teneur en hydrogène de 10%, puis quelques mois après de 20%. Enfin, dans la dernière phase du projet, les teneurs en hydrogène dans le gaz distribué étaient variables (dans la limite de la borne supérieure de 20%) pour simuler une disponibilité de l’hydrogène qui soit en fonction de la disponibilité des énergies électriques renouvelables et donc un fonctionnement intermittent du power-to-gas (fig. 3).
Lors de cette expérimentation d’une durée de 21 mois, la production d’hydrogène s’est élevée à 13 000 m3(n) (consommation de 112 GWh d’électricité et 14,4 m3 d’eau pure). La capacité de production était de 12 m3(n)/h d’hydrogène, et la capacité de stockage de 50 m3(n).
GRDF a adapté ses procédures d’exploitation du réseau de distribution de gaz [4] de sorte à renforcer la fréquence de ses interventions. Aucun incident n’a été recensé lors de ces interventions (recherche systématique de fuites, inspections des conduites intérieures et conduites montantes des immeubles, etc.).
Par ailleurs, la qualité de l’hydrogène produit était très bonne (< 5 ppm H2O et < 5 ppm O2), ce qui a permis le respect des prescriptions techniques pour le gaz distribué – à l’exception de la teneur en hydrogène, du PCS et de l’indice de Wobbe. Pour ces paramètres, des dérogations par rapport aux seuils réglementaires étaient accordées par l’arrêté du 22 juin 2016 [3].
Concernant les appareils à gaz, ENGIE Lab CRIGEN et le CETIAT ont conduit des campagnes de test (fig. 4; à la fois chez des habitants volontaires et sur les chaudières de l’établissement de soins). Ces campagnes confirment les tendances observées lors de tests dans les laboratoires du CETIAT:
En conclusion, les conditions de sécurité industrielle de fonctionnement du réseau de distribution et des usages gaz dans les secteurs résidentiel et tertiaire ont été équivalentes à celles du gaz naturel.
Pendant l’expérimentation, des interruptions de fonctionnement des équipements liées entre autres aux difficultés d’intégration de l’ensemble de la chaîne (production – stockage notamment) ont été observées. Le démonstrateur a démontré l’importance de la coordination des différents équipements – production, stockage, injection – pour favoriser l’injection d’hydrogène. Le taux de disponibilité s’est amélioré au fil de l’expérimentation.
En outre, la demande en gaz sur le quartier du Petit Village est faible, notamment en été, ce qui induit une difficulté à réaliser la dilution (débit minimal en hydrogène de 0,3 m3(n)/h pour que la régulation soit possible). Ainsi à certaines périodes le démonstrateur n’a pas pu fonctionner du fait du faible débit de gaz consommé sur la zone. Ce retour d’expérience sur la maîtrise de la dilution du taux d’hydrogène plaide pour un modèle d’injection en mélange sur des zones à fort débit, peu saisonnalisées.
Les partenaires du projet ont mis en place un dispositif d’information combinant réunions publiques auprès des futurs habitants du quartier, communications ciblées, affichage sur site, etc. (fig. 7). De plus, une enquête sociologique a été réalisée en début d’expérimentation auprès des habitants du quartier concerné par l’expérimentation GRHYD. À noter que cette zone d’expérimentation était a priori favorable, avec une population accoutumée à un environnement industriel. L’enquête sociologique a montré que les habitants faisaient confiance aux partenaires du projet pour gérer la sécurité industrielle, et que leur préoccupation principale était l’impact sur la facture énergétique (neutre dans le cadre du projet).
Le projet GRHYD [1] a permis de construire un socle de connaissances, et oriente aujourd’hui les prochains travaux qui s’articuleront autour de plusieurs axes:
Le retour d’expérience du projet GRHYD plaide pour la coexistence de différentes voies d’intégration de l’hydrogène dans les réseaux adaptés aux différentes situations territoriales. Ces voies d’intégration de l’hydrogène dans les réseaux sont (fig. 8; [5]):
Le projet GRHYD met en lumière que cette voie est surtout adaptée dans les zones avec forte capacité de dilution et peu saisonnalisées.
Cette voie semble davantage appropriée pour des injections sur le réseau de distribution. En effet, ces gaz de synthèse peuvent se substituer au gaz naturel sans nécessiter de mélange.
Cette voie supprime évidemment les contraintes de dilution et de maîtrise du taux d’hydrogène, mais suppose de traiter une dimension sécurité non abordée sur les usages diffus et décentralisés, en particulier en cas de conversion d’usages existants (sécurité des installations intérieures).
Chaque solution possède sa zone de compétitivité, et leur complémentarité permet de répondre à la diversité des situations dans les territoires (ressources locales, dimensionnement du réseau, clients avals, etc.). GRDF a lancé un appel à projets R&D et accompagnera trois projets de méthanation en cours de structuration [6] et deux projets de pyrogazéification [7]. GRDF prévoit également de lancer une expérimentation terrain de distribution 100% H2 à horizon 2025.
[1] Site internet du projet GRHYD: https://grhyd.fr/
[2] ADEME (2018): Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050? https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/france-independante-mix-gaz-renouvelable-010503a.pdf
[3] Legifrance (legifrance.gouv.fr): Arrêté du 22 juin 2016 fixant les conditions dans lesquelles la société GRDF peut injecter à titre expérimental un mélange composé de gaz naturel et d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz de la commune de Cappelle-la-Grande sur le territoire de la Communauté urbaine de Dunkerque
[4] GRDF (avril 2017): Prescriptions techniques du Distributeur GRDF. https://www.grdf.fr/documents/10184/3448557/Prescriptions_techniques_GRDF.pdf/684f33b5-0ee1-4c73-8324-a1ecb7e5d418
[6] GRDF (20 mai 2021): Appel à projets power-to-gas: GRDF soutient la dynamique hydrogène dans les territoires - GRDF.FR
[7] GRDF (12 juillet 2021): Appel à projets pyrogazéification: GRDF soutient l’émergence d’une nouvelle filière de production de gaz vert – GRDF.FR
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