Le 21 mai 2017, le peuple suisse a accepté la révision de la Loi sur l’énergie (LEne) visant à réduire la consommation d’énergie, améliorer l’efficacité énergétique et promouvoir les énergies renouvelables. La Suisse pourra ainsi diminuer sa dépendance à l’égard des importations d’énergies fossiles et promouvoir les énergies renouvelables indigènes.
A l’image du Canton de Vaud et d’autres collectivités en Suisse, la Municipalité de la Ville de Lausanne présentait en 2019 ses intentions générales en matière de politique climatique. Dix-huit mois plus tard, un bilan complet des émissions des gaz à effet de serre de la Ville de Lausanne a été établi ainsi qu’une analyse des moyens d’actions en matière de réduction et d’adaptation au changement climatique nécessaires à l’élaboration d’un Plan climat communal. Celui-ci définit les orientations de la politique climatique de la ville engageant l’administration et adopté par le Conseil communal en 2020.
Les changements climatiques nécessitent des actions fortes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au mieux auxdits changements. Dans le cadre de son Plan climat, la Municipalité vise l’objectif global d’émissions directes nulles à 2050 pour les différentes sources d’émission suivantes:
En plus de la réduction de la consommation d’énergie par personne, la réduction des émissions de gaz à effet de serre liée à cette même énergie passera obligatoirement par le remplacement des combustibles fossiles par des sources d’énergie bas carbone et renouvelables (énergie hydraulique, géothermique, solaire, éolienne, bioénergie et gaz renouvelable ou de synthèse à bas carbone). Cet objectif nécessite le développement et la décarbonisation du chauffage à distance (CAD) ainsi que la décarbonisation des réseaux de gaz par le recours au biogaz, au gaz de synthèse et à l’hydrogène.
Ainsi, une stratégie de «chaleur renouvelable» sera mise en place avec pour ressources:
En 2019, la Ville de Lausanne affiche des émissions de gaz à effet de serre (émissions directes) de 3,3 tonnes de CO₂ équivalent par habitant. Ces valeurs sont bien éloignées des objectifs fixés par le Plan climat: zéro émission directe d’ici à 2030 dans le domaine de la mobilité et zéro émission pour l’ensemble des émissions directes, en bilan net, au plus tard en 2050.
Comme le montre la figure 1, le chauffage des bâtiments représente un enjeu central puisqu’il représente près de 60% des émissions directes totales. Avec ses réseaux thermiques, en particulier son réseau de chauffage à distance construit à partir de 1934, la Municipalité de Lausanne dispose d’un levier très important pour décarboner le secteur des bâtiments.
Dans le cadre du Plan climat, la Municipalité a validé une feuille de route qui vise un chauffage à distance 100% renouvelable dès 2035, avec une couverture de l’ordre de 50% des besoins lausannois à cette échéance et de plus de 75% des besoins à l’horizon 2050 (fig. 2). Ce programme implique des investissements de l’ordre d’un milliard de francs d’ici 2050 pour permettre, d’une part, la valorisation de ressources locales de chaleur renouvelable et, d’autre part, le développement, l’assainissement et la rénovation des réseaux de chauffages à distances.
Le réseau de chauffage à distance lausannois (fig. 3) fournit de la chaleur à quelques 1450 clients, pour une énergie totale distribuée d’environ 400 GWhth. L’approvisionnement en chaleur de ces réseaux de chauffage à distance est aujourd’hui assuré par six unités de production de chaleur:
A l’horizon 2050 les besoins de chaleur seront de l’ordre de 950 GWh/an pour l’ensemble du territoire communal (1500 GWh/an actuellement; voir fig. 2). Le réseau de chauffage à distance et les productions de chaleur renouvelables locales seront développés pour garantir un approvisionnement de l’ordre de 870 GWh. L’énergie manquante sera assurée par des installations spécifiques et décentralisées (par exemple pompes à chaleur ou solaire thermique) et par le réseau de gaz approvisionné à 100% en gaz renouvelable (biogaz à partir de matière organique et gaz de synthèse à partir d’électricité renouvelable).
Le développement du réseau de chauffage à distance (fig. 4) devra permettre d’alimenter en chaleur près de 75% de la population lausannoise avec une énergie 100% renouvelable. Afin de valoriser les différentes ressources locales et renouvelables, différents projets de production de chaleur renouvelable seront mis en place d’ici à 2050:
A ces différents projets de nouvelles productions de chaleur viennent s’y ajouter les différents travaux d’extension des réseaux de chauffage à distance, l’abaissement des températures des réseaux historiques à très haute température (175 °C et 130 °C) et la construction de différentes stations d’échange de chaleur permettant d’assurer la sécurité d’approvisionnement en chaleur de tous les clients. La figure 5 présente l’évolution du mix énergétique global du chauffage à distance lausannois selon la planification actuelle des Services Industriels de Lausanne (SiL).
La Ville de Lausanne prévoit un investissement de quelques 200 millions de francs dans ces différents projets de production de chaleur renouvelable, indispensables à l’atteinte de la neutralité carbone pour les émissions directes fixées au plus tard à 2050.
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De manière à pouvoir proposer des prestations de fourniture de froid renouvelable et afin de mutualiser les coûts et usages de la prise d’eau de la centrale de pompes à chaleur d’Ouchy, la réalisation d’un réseau de froid est une opportunité intéressante à plusieurs titres:
La construction du réseau de froid à distance, dès 2028, devra idéalement être planifiée en même temps que l’extension du réseau de chaleur situé dans la même zone pour des raisons évidentes de coordination et de rationalisation des coûts de construction. La capacité de production totale «froid direct» sera de l’ordre de 7,5 MWth pour une production maximale de l’ordre de 9 GWhth /an. A ce jour, les besoins de froid annuels ont été estimés à environ 7 GWhth. Selon l’évolution de la demande de froid, une augmentation du potentiel de froid pourrait se faire en valorisant la production de froid de la pompe à chaleur Ouchy à la sortie de son évaporateur. Cette valorisation permettrait de doubler le potentiel de fourniture de froid.
La décarbonation du réseau de chauffage à distance nécessite la recherche de nouvelles ressources de chaleur renouvelable. Les SiL misent sur la géothermie de moyenne profondeur pour fournir de la chaleur 100% renouvelable et locale, notamment en investissant dans la société GEOOL SA aux côtés de la Romande Energie Holding SA et SIE SA.
La géothermie sera produite grâce à un système hydrothermal consistant à :
Les analyses en surface effectuées par les SiL et par GEOOL SA ont démontré les atouts géologiques du sous-sol de la région pour cette technologie. Un vaste programme de prospection est en cours, incluant une campagne de géophysique 3D en 2025, ainsi que plusieurs forages exploratoires dès 2026.
Dès 2030, il devrait être possible d’exploiter un à deux sites pour la production de chaleur qui sera injectée dans le réseau de chauffage à distance pour autant que le débit d’eau ainsi que la température dans les forages exploratoires soient suffisants.
L’usine de production de chauffage à distance de Pierre-de-Plan ainsi que l’usine de traitement des déchets de Tridel sont toutes deux situées à proximité de trois importants réseaux énergétiques: électricité, gaz et chaleur à distance. Les SiL pourraient tirer profit de cette situation favorable pour la mise en place d’un système consacrant la convergence de ces trois agents énergétiques: le power-to-gas.
Un autre enjeu important pour la transition énergétique est l’équilibrage entre une production d’énergie toujours plus décentralisée et fluctuante issue des sources renouvelables (eau, soleil ou vent) et la consommation d’énergie. C’est la problématique de la sécurité d’approvisionnement. Alors que nous avons, aujourd’hui déjà , un déficit de production d’électricité en hiver, et que ce déficit devrait s’accroître encore avec le remplacement de l’électricité d’origine nucléaire par du renouvelable, l’hydrogène a l’avantage de permettre le déphasage saisonnier de la production par rapport à la consommation, sur le modèle d’une batterie géante.
En effet, grâce à l’hydrogène, les surplus d’électricité renouvelable produits en été peuvent être convertis et stockés afin d’être utilisés en différé par exemple au moyen d’une centrale de cogénération (CCF). On parle alors de couplage ou de convergence des réseaux. Comme le souligne l’Association des entreprises électriques de Suisse (AES), «la pièce maîtresse du couplage des secteurs est la liaison entre les secteurs de l’électricité, de la chaleur et des transports via les dispositifs de stockage et les convertisseurs d’énergie. L’électricité peut être ainsi utilisée pour fabriquer du gaz stockable (méthane, hydrogène) et vice-versa».
SiL souhaite utiliser la convergence de ses réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur pour optimiser le potentiel des énergies renouvelables, décarboner ses activités et valoriser le CO₂ capté sous forme de produits dérivés (fig. 6). Dès 2025, en collaboration avec Tridel SA, Gaznat SA et l’EPFL, les SiL vont lancer une analyse de faisabilité d’une unité de production de biogaz (power-to-gas). Cette dernière déterminera la pertinence ou non de réaliser un projet «power-to-gas» sur le territoire communal.
Aujourd’hui, les SiL distribuent annuellement près de 1,7 TWh de gaz à un peu plus de 14 800 clients répartis sur 39 communes. Près de la moitié de ces volumes de gaz sont consommés sur le territoire de la Commune de Lausanne. Le transport et la distribution de ce gaz se fait au travers différents réseau d’une longueur totale d’environ 800 km.
Afin de répondre au Plan climat, les SiL ont mis en place une planification énergétique territoriale permettant la valorisation des bonnes ressources en fonction des besoins. Il en a découlé une stratégie des infrastructures visant à rationaliser les investissements et les entretiens des différents réseaux, en particulier entre le gaz et le chauffage à distance. Cette analyse montre que le réseau de gaz va encore jouer un rôle important à l’horizon 2050 pour satisfaire, en énergie renouvelable, les besoins des installations individuelles non accessibles au chauffage à distance (chauffage et process). Le réseau de gaz servira également à assurer de manière souple et efficiente la sécurité et l’appoint hivernal pour le chauffage à distance. Il sera dès lors nécessaire de maintenir ces réseaux à un niveau de modernité adapté pour assurer la sécurité des personnes, des équipements et de l’approvisionnement des clients.
Finalement, la planification énergétique territoriale a notamment permis un redimensionnement des deux réseaux complémentaires que sont le gaz et le chauffage à distance. Ainsi, le réseau de gaz verra ses longueurs réduites d’environ 60% en coordination avec les extensions planifiées de celle du chauffage à distance (fig. 7). Les volumes de gaz distribués suivront la même tendance avec une diminution estimée à près de 50%.
Dans l’environnement des SiL, un réseau de gaz redimensionné jouera un rôle important dans l’atteinte des objectifs du Plan climat et la décarbonation des infrastructures thermiques. Pour se faire, les SiL évaluent également la compatibilité à l’hydrogène des infrastructures restantes afin de permettre la mise en place d’une éventuelle stratégie H₂ à la Ville de Lausanne.
En 2024 près de 60% des émissions directes de CO₂ de la Ville de Lausanne sont attribuables au chauffage des bâtiments. La mise en place d’une stratégie de «chaleur renouvelable» permettra de réduire de manière directe ces émissions et d’atteindre les objectifs ambitieux du Plan climat: une ville sans émission de CO₂ d’ici à 2050.
Les SiL mettent en place une stratégie de valorisation des différentes sources de chaleur renouvelables et locales au travers de différents projets tels que la construction d’une pompe à chaleur valorisant l’eau du lac, la valorisation de la chaleur produite par l’incinération des déchets, la valorisation de la chaleur des eaux usées de la STEP, l’exploitation de la géothermie de moyenne profondeur ou la production de biogaz issue de la digestion des boues de la STEP. Finalement, cette chaleur renouvelable sera accessible aux lausannois au travers d’un réseau de chauffage à distance en constant développement.
Afin de répondre à un des objectifs majeurs du Plan climat (fourniture de 75% des besoins en chaleur de la ville avec de la chaleur à 100% renouvelable d’ici à 2050) la Municipalité de Lausanne va investir près d’un milliard de francs dans des infrastructures de production et de distribution de chaleur renouvelable et ainsi offrir à ses habitants une ville à zéro émission de gaz à effet de serre et de faire face aux changements climatiques.
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