Quels sont les objectifs de l’association Géothermie-Suisse?
Géothermie-Suisse a pour but de concrétiser et d’accélérer l’utilisation des différentes formes de géothermie en Suisse, afin de fournir au plus grand nombre et rapidement une source d’énergie locale, renouvelable et décarbonée. Aujourd’hui l’association Géothermie-Suisse est animée par la nécessité d’accélérer le développement de la géothermie. Il s’agit en priorité d’augmenter la visibilité de la géothermie, de faciliter le démarrage de projets et de développer les filières – notamment à moyenne profondeur – afin de doter la Suisse d’un véritable marché de la géothermie. Pour répondre à ses défis l’association a initié des partenariats avec des associations complémentaires et a renforcé et professionnalisé sa structure.
«Aujourd’hui l’association Géothermie-Suisse est animée par la nécessité d’accélérer le développement de la géothermie.»
Quels sont les différents types de géothermie et quels sont les critères de classification?
Selon la profondeur, on parle de géothermie de faible, de moyenne ou de grande profondeur. Il existe différentes manières d’exploiter la chaleur du sous-sol, soit par des systèmes dits «fermés» – par exemple des sondes géothermiques – qui récupèrent des calories directement dans le sous-sol par l’installation d’échangeurs au sein de forages cimentés, ou des systèmes dits «ouverts» qui permettent le pompage et la réinjection d’eau souterraine par deux forages (appelé doublet), avec récupération des calories de l’eau souterraine en surface. Dans le cas des systèmes qui exploitent les calories de l’eau souterraine, on parle aussi de géothermie hydrothermale.
La température de l’eau puisée en profondeur dépend essentiellement de la profondeur à laquelle elle est pompée. À titre général, quelles sont les températures que l’on trouve à quelle profondeur?
À une profondeur d’une dizaine de mètres la température terrestre reste pratiquement constante tout au long de l’année et est de l’ordre de 12 °C sur le Plateau Suisse. En s’approfondissant, cette température augmente d’environ 3 °C tous les 100 mètres, pouvant donc atteindre environ 100 °C à 3000 mètres de profondeur.
Le type d’utilisation dépend du niveau de température. Quelles sont les applications typiques selon le type de géothermie et dans quelles situations la chaleur à distance entre-t-elle en jeu?
Suivant les niveaux de profondeur, et donc de température de la ressource, l’échange de calories avec le sous-sol ou la récupération de calories des eaux souterraines permettront donc de fournir soit du rafraîchissement, du chauffage (par des pompes à chaleur ou en échange direct) ou des solutions de stockages thermiques souterrains. Lorsque le niveau de température dépasse environ 100 °C, il est aussi possible de co-générer de l’électricité avec la chaleur récupérée.
Les installations de géothermie hydrothermale de moyenne et grande profondeur sont raccordées à un réseau de chaleur à distance car la puissance délivrée par un seul puits fournit en général de l’énergie pour plusieurs milliers de ménages.
Chaque année, Géothermie-Suisse établit une statistique sur la production d’énergie géothermique en Suisse sur mandat de SuisseEnergie. Quelle quantité de chaleur est actuellement produite par des installations géothermiques en Suisse? Comment cette production de chaleur se répartit-elle entre les différentes technologies et les différents types d’utilisation?
Aujourd’hui la géothermie est déjà un contributeur important d’énergie renouvelable locale. En effet, plus de 4 TWh/an d’énergie géothermique est valorisée, ce qui couvre environ 5% des besoins thermiques helvétiques. Au cours des dix dernières années, la puissance de chauffage et l’énergie de chauffage produite par la géothermie ont doublé. L’énergie géothermique est aujourd’hui produite à environ 80% par des sondes et des champs de sondes géothermiques, qui sont très développées en Suisse et à 10% par l’utilisation des eaux souterraines de faible profondeur. Le reste de la production géothermique en Suisse est notamment issu des bains thermaux, de la valorisation de la chaleur des tunnels ou encore de la valorisation d’aquifères de moyenne profondeur (réalisation de Riehen).
Plusieurs installations pilotes ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă l’étranger, dans lesquelles la gĂ©othermie est utilisĂ©e pour produire de l’électricitĂ©. Selon vous, quel est le potentiel dans ce doÂmaine en Suisse et peut-on s’attendre Ă de tels projets dans notre pays dans les annĂ©es Ă venir?
L’intérêt à produire de l’électricité géothermique réside dans le fait qu’il s’agit d’une source d’énergie en ruban, disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Comme nous ne sommes pas dans un pays volcanique où le sous-sol est plus chaud qu’en Suisse, le potentiel de production d’électricité y est plus faible. Cependant, on le voit dans le bassin munichois où de tels installations existent alors que le contexte géologique est similaire au notre, dès environ 3 kilomètres de profondeur la température serait suffisante pour produire de l’électricité. Ce potentiel de production d’électricité est estimé par l’Office fédéral de l’énergie à 2 TWh/an mais il pourrait être revu à la hausse si des développements technologiques profonds et ubiquistes surviennent à la faveur des projets pilotes en cours.
Lorsque l’on évoque la géothermie en Suisse, beaucoup de gens pensent aux secousses provoquées par les projets de Saint-Gall et de Bâle il y a quelques années. Quelles leçons le secteur a-t-il tirées de ces incidents?
Comme évoqué ci-dessus, il n’y a pas un seul type de géothermie mais une multitude de possibilités plus ou moins complexes avec des niveaux de maturité technique et donc de risques liés très différents les uns des autres. Avec les projets de St-Gall et surtout de Bâle on a voulu tout de suite développer en Suisse des projets de la plus grande complexité alors même que la connaissance du sous-sol helvétique n’était pas bonne. Les difficultés rencontrées par ces projets ont eu le mérite de mettre en lumière les approches exploratoires structurées et les autres solutions géothermiques, notamment à moyenne profondeur, qui se développent aujourd’hui en grand nombre. Ces expériences permettent d’améliorer le savoir-faire local de manière graduel et donc de disposer de filières plus matures à même de porter des projets efficients et peu risqués.
«Les difficultés rencontrées par ces projets ont eu le mérite de mettre en lumière les approches exploratoires structurées et les autres solutions géothermiques, notamment à moyenne profondeur.»
Comment évaluez-vous les risques que les projets géothermiques actuels, comme ceux de Haute-Sorne ou de Lavey-les-Bains, provoquent à nouveau des secousses de ce type?
Le projet de Haute-Sorne est un pilote qui vise à développer des solutions profondes novatrices et reproductibles en matière de fourniture d’électricité. Comme il implique de la fracturation hydraulique, il sera mené sous bonne surveillance, sur la base des apprentissages de Bâle afin que les opérations soient maîtrisées en matière de sismicité induite. Le projet de Lavey-les-Bains est un projet hydrothermal qui ne requière pas de fracturation hydraulique et qui présente donc un risque de sismicité induite faible. De manière générale, les règles qui prévalent en matière de gestion de la sismicité induite et les méthodes de suivi se sont fortement renforcées depuis le projet de Bâle.
En octobre 2020, Géothermie-Suisse a publié la prise de position «Potentiel thermique de la géothermie». Quel objectif 2050 y est-il formulé et où se situe le plus grand potentiel?
Dans la prise de position, l’objectif est formulé: À l’avenir, la géothermie fournira au moins 17 TWh/an de chaleur pour le parc immobilier suisse et pour les processus industriels. Le potentiel de géothermie de faible profondeur va pouvoir plus que doubler et atteindre une production d’environ 9 TWh/an alors que celle à moyenne profondeur va décoller et devrait couvrir au moins 8 TWh/an. Avec au moins 17 TWh/an la géothermie couvrirait ainsi plus de 25% de la demande thermique estimée en 2050.
Depuis 2018, la loi sur le CO2 prévoit des subventions pour les projets d’utilisation directe de la géothermie pour la production de chaleur. Ces mesures de soutien pour la géothermie de moyenne profondeur portent leurs fruits puisque de nombreux projets ont démarré depuis. Avec le renforcement de ces mesures et une dynamique de partage et retours d’information structurée telle que mise en place par Géothermie-Suisse à la faveur de la plateforme Transfer, la filière de moyenne profondeur va pouvoir décoller.
Où la géothermie à moyenne profondeur est-elle déjà utilisée en Suisse pour la production de chaleur?
Une exploitation de géothermie de moyenne profondeur existe à Riehen dans le Canton de Bâle depuis des décennies. Fort de ce succès, de nouveaux développements sont en cours pour augmenter la production géothermique sur le réseau de chauffage à distance déjà alimenté.
Quels sont les projets en cours de planification, notamment en ce qui concerne les réseaux de chaleur à distance?
Des projets sont en cours à Genève où deux forages exploratoires ont déjà été réalisés avec des résultats encourageants. En plus, des travaux de forage exploratoire viennent de débuter à Lavey-les-Bains et un chantier équivalent devrait débuter dans la foulée sur la côte vaudoise à Vinzel. Par ailleurs, des prospections sont en cours ou planifiées sur de nombreux sites tels qu’à Lausanne, dans la région d’Yverdon, à Fribourg, à Macolin ou encore à Bâle. Sur l’ensemble de ces sites des réflexions sont menées pour développer les réseaux de chaleur qui permettront de valoriser la grande quantité d’énergie produite. Le projet de Lavey-les-Bains prévoit de produire de l’électricité en plus de la chaleur.
On remarque que les projets se situent surtout dans l’ouest du pays. Une des raisons pourrait être que le poids de St-Gall et Bâle a pesé plus lourd sur la partie Suisse allemande que sur la partie ouest. En plus, on a toujours besoin de projets pionniers. Ainsi, le projet genevois joue un rôle important par rapport à la visibilité de la géothermie et par rapport à toute la communication qui est faite autour. De tels projets pionniers déclenchent une certaine dynamique, comme on peut l’observer actuellement dans l’ouest de la Suisse.
Vous avez Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment la possibilitĂ© d’un stockage thermique dans le sous-sol. Quelles sont les solutions posÂsibles dans ce domaine? Quels sont les projets de stockage thermique dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©s ou en cours de planification?
Le stockage géothermique profite de la capacité de stockage thermique du sous-sol pour emmagasiner de la chaleur quand on ne l’utilise pas. Le stockage est possible avec des sondes géothermiques, tout comme avec les nappes d’eau souterraine: le chaud dont personne n’a besoin en été va réchauffer les eaux souterraines de quelques degrés. En hiver, la ressource naturelle sera alors préchauffée et les calories seront à disposition. Il existe de nombreux projets de stockage géothermique à faible profondeur en Suisse. La plupart prévoit un stockage sous forme de champs de sondes géothermiques ou dans des nappes, avec intégration dans des réseaux d’anergie. On peut citer des exemples à Zurich, Lucerne et Zoug. Mais le stockage dans des nappes plus profondes offre également des perspectives très prometteuses. Un exemple concret est le projet de stockage sur le site du Forsthaus à Berne , dans lequel le grès est utilisé comme stock de chaleur.
«Le stockage dans des nappes plus profondes offre des perspectives très prometteuses. Le projet de stockage du Forsthaus à Berne sert d’exemple.»
Le programme GEothermies du canton de Genève fait office de programme précurseur. Quels sont les objectifs de ce programme et comment procède-t-on?
Le programme genevois vise à développer massivement et durablement tous les types de géothermie sur le Canton de Genève. Diverses actions transversales sont menées conjointement par l’État de Genève et par SIG afin de développer toutes les filières géothermiques. Plus concrètement des travaux d’exploration géologique et de cartographie du sous-sol de faible, moyenne et grande profondeur sont menés pour préciser les potentiels géothermiques et identifier des cibles favorables: Des forages exploratoires ont été faits, puis, en automne 2021, une campagne sismique 3D a été menée dans l’agglomération genevoise, y compris en France voisine. Les ondes vibratoires envoyées dans le sous-sol et leurs renvois mesurés par des capteurs permettent une cartographie précise du sous-sol.
En parallèle des travaux plus institutionnels et organisationnels sont mis sur pied afin de disposer d’un cadre favorable au dĂ©veloppement de la gĂ©othermie. Les axes sur lesquels il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’intervenir sont notamment les aspects lĂ©gaux, la gestion des donnĂ©es, la planification Ă©nergĂ©tique, la communication, le dĂ©veloppement des filières professionnelles ou encore la coordination transfrontalière et intercantonale. Le cadre est ainsi aujourd’hui nettement plus adaptĂ© et favorable au dĂ©veÂloppeÂment de la gĂ©othermie avec notamment des nouvelles bases lĂ©gales et l’intĂ©gration franche de la gĂ©othermie dans la planification territoriale et Ă©nergĂ©tique. Durant cette pĂ©riode les compĂ©tences locales ont aussi très largement augmentĂ©es tant du cĂ´tĂ© des porteurs de projets et des prestataires (bureaux et entreprises) locaux et rĂ©gionaux que du cĂ´tĂ© des autoritĂ©s.
Après une phase exploratoire menée entre 2015 et 2021, le programme est maintenant dans une phase de stabilisation et de transition vers l’industrialisation qui se fera d’ici à 2026.
Au milieu de l’année 2020, Géothermie-Suisse a lancé le programme Transfer, que vous avez déjà brièvement évoqué. Quel est le but de cette démarche et quels sont les projets actuellement en cours?
La plateforme Transfer a été mise sur pied afin de favoriser le retour et partage d’expérience mutualisé entre les acteurs de la géothermie. Le but est d’accélérer le savoir-faire commun et ainsi de favoriser les projets de qualité, avec notamment des retours sur investissement conséquents immédiats. La plateforme a déjà traité plusieurs thématiques essentielles et profite d’une gouvernance représentative de la branche dans son ensemble permettant d’identifier les thèmes à forts enjeux et ainsi les prioriser. Voici quelques exemples de projets réalisés et en cours:
Finalement, nous créons et animons des communautés de pratique pour la géothermie, afin de permettre aux différents acteurs-clés – porteurs de projets et autorités notamment – de partager leurs expériences dans un cadre approprié.
Géothermie-Suisse est l’association faîtière des acteurs de la géothermie en Suisse. L’association s’engage pour que l’énergie d’origine géothermique soit reconnue comme source d’énergie écologique, indigène et fiable, et pour qu’elle devienne un pilier essentiel dans l’approvisionnement de chaleur, d’électricité ainsi que pour le rafraîchissement et le stockage en Suisse. Afin de mieux pouvoir soutenir les acteurs de la géothermie et d’accélérer le développement, Géothermie-Suisse a mis sur pied un programme d’échange de connaissances et de technologies (Transfer) ainsi qu’une nouvelle manifestation nationale et une plateforme d’échange (Forum et plateforme «Connect»). En outre, GEOTH22, une formation continue en géothermie, a été améliorée et sera à nouveau proposée cette année. Cette formation modulaire permet aux professionnels de l’énergie, de l’ingénierie, de l’urbanisme et de la construction d’acquérir les connaissances pour libérer le potentiel de la géothermie et fournir les quartiers de Suisse en énergie locale pour le chauffage et le refroidissement. Les cours d’une journée peuvent être suivis indépendamment les uns des autres et se déroulent du 17.05 au 29.11.2022.
Actuellement, l’association se renforce avec une nouvelle co-direction (dès mai 2022) et se donne les ressources et les structures nécessaires pour répondre aux besoins de la filière et à l’urgence climatique. Les deux co-directeurs Jérôme Faessler et Cédric Höllmüller sont à votre disposition pour toute question liée à la géothermie.
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Info: https://geothermie-schweiz.ch/
Contact: info@geothermie-suisse.ch
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