Plusieurs scientifiques ont défini que nous avons changé d’époque: nous sommes entrés dans l’anthropocène, une époque dans laquelle les activités humaines affectent de manière indubitable le fonctionnement global du système terrestre [1]. Dans cette nouvelle époque, la grande majorité des impacts sur notre système terrestre provient des villes: 80% de la population mondiale habitera dans une ville en 2050. Gérer de manière optimale les infrastructures permettant de faire cohabiter ces populations représente un défi considérable. Bien entendu, on ne part pas de zéro: ces infrastructures sont pour la plupart existantes, il s’agit de les étendre, d’accroître leurs capacités et d’optimiser leur fonctionnement. Or, la planification, la conception et l’exploitation des infrastructures urbaines et des services urbains sont des activités de plus en plus complexes. La population demande des services de haute qualité au coût le plus bas possible. Si l’on se focalise sur la gestion des eaux, Janusz Niemczynowicz faisait déjà en 1999 le constat suivant [2]: «Les défis futurs de la gestion des eaux urbaines au cours des prochaines décennies consisteront à organiser la coopération intersectorielle entre plusieurs acteurs afin d’introduire des technologies, des systèmes de gestion et des arrangements institutionnels innovants dans le domaine de l’eau, qui soient capables de répondre aux multiples objectifs d’équité, d’intégrité environnementale et d’efficacité économique, tout en maintenant et/ou en fournissant un niveau élevé de services d’eau aux résidents urbains.»
Ces Ă©lĂ©ments se concentrent sur nos activitĂ©s dans le domaine de l’eau. Les mĂŞmes rĂ©flexions opèrent pour les autres infrastructures, que ce soit pour l’énergie, les tĂ©lĂ©communications, les transports, les dĂ©chets, etc. N’y a-t-il pas un moyen d’optimiser les infrastructures de maÂnières communes, intĂ©grĂ©es? Plusieurs dĂ©veloppements ont vu le jour dans ce domaine. Dans le cadre de cet article, nous proposons de nous pencher sur la gestion urbaine multi-infrastructures en nous basant sur les notions de mĂ©tabolisme urbain et de rĂ©silience. Ă€ titre d’exemple, la rĂ©habilitation d’une ancienne friche industrielle, le quartier de blueFACTORY Ă Fribourg, est illustrĂ©.
Par définition, le terme «métabolisme urbain» fait un rapprochement entre la ville et le vivant [3–7]. Le métabolisme urbain considère la ville comme un organisme vivant, qui consomme des matières premières (eau, énergie, etc.), rejette des déchets (pollution de l’air, des eaux, déchets, etc.) tout en assurant sa croissance et son développement (elle grandit) et assure des services (éducation, production, fabrication, etc.). Comme tout être vivant, la ville est de ce fait complexe, on ne sépare pas ses différents composants comme pour un être vivant (foie, cœur, poumon, etc.) qui interagissent de manière permanente (fig. 1).
La définition du métabolisme peut être résumée comme suit: «L’ensemble des processus complexes et incessants de transformation de matière et d’énergie par la cellule ou l’organisme, au cours des phénomènes anaboliques (création de la matière) et cataboliques (dégradation de la matière)» [8]. En analogie avec la ville, «le métabolisme urbain constitue un ensemble de transformations et de flux de matières et d’énergie intervenant dans le cycle de vie d’une zone urbaine» [9, 10].
Dans le concept de métabolisme urbain, la ville est alors représentée comme un écosystème qui gère ses entrants et ses sortants par la régulation [11, 12]. Cela signifie que les flux d’entrée ne sont plus seulement transférés pour être métabolisés, mais une partie d’entre eux est revalorisée au sein du système comme matières premières pour d’autres sous-systèmes. Cette notion de régulation induit une moindre consommation ou une transformation des flux d’entrée afin de réduire les pressions exercées sur l’environnement au sens large.
Comme pour tout organisme vivant, en période de crise, le métabolisme urbain se trouve perturbé. Par analogie avec l’homme, la ville est malade ou blessée par un événement externe. Cette situation de crise peut être ponctuelle: inondation, sécheresse, coupure électrique, etc. ou s’étendre sur une longue période, comme pour les changements climatiques. Afin de prévenir au mieux les aléas rencontrés, la ville doit posséder une certaine forme de résilience. Dans notre approche, la résilience est définie comme «la capacité d’un territoire à subvenir à ses besoins vitaux alors qu’il est soit impacté directement lui-même, soit par les dysfonctionnements des infrastructures environnantes qui engendrent des perturbations» [5]. Être résilient implique de passer d’une culture «défensive», opposant ville et nature, à des dispositifs intégrés prenant en compte par exemple les effets des événements climatiques extrêmes sur la ville.
L’approche Sponge City ou ville éponge est une bonne illustration de la résilience urbaine dans le domaine des eaux: en ralentissant le cycle de l’eau en ville, en réutilisant l’eau lors de sécheresse ou en absorbant l’eau excessive lors de précipitations intenses, la ville ne se défend pas face à l’aléa, mais est conçue pour faire avec. Dans le domaine de l’énergie, cette résilience se matérialise par le recours à des sources locales d’énergie (photovoltaïque, sondes géothermiques, échangeurs thermiques, appoints ponctuels) et une autoconsommation élevée, limitant la dépendance aux énergies externes.
Ces approches de métabolisme urbain et de résilience sont utilisées concrètement pour le développement du quartier géré par blueFACTORY Fribourg–Freiburg SA (BFF), située au cœur de la ville de Fribourg (fig. 2). Depuis la fermeture de la brasserie Cardinal en 2011, BFF ambitionne de développer sur les 6 ha du site un quartier démonstrateur en termes de gestion des eaux, de construction et d’énergie. Le site compte notamment gérer son énergie et ses eaux de manière optimale et contribuer à l’objectif Net Zéro Carbone [13, 14].
Selon le Plan d’Affectation Cantonal (PAC) établi par le canton de Fribourg ainsi que BFF [15], le site accueillera essentiellement des start-ups, des services dédiés aux sociétés en développement, des petites et moyennes entreprises (PME), des plateformes technologiques, mais également des fonctions urbaines telles que des services, des restaurants, des projets culturels ou artistiques. L’ancien site Cardinal sera identifié comme un «quartier de l’innovation» capable d’attirer des compétences de pointe issues de différents horizons. Il sera également en mesure d’accueillir des logements (14%), en lien aussi avec les activités développées sur le site. Aujourd’hui, BFF fait déjà partie du Parc suisse d’innovation: le site est notamment reconnu pour sa compétence dans le domaine de l’habitat du futur. BFF construit un nouveau bâtiment pour accueillir le centre de compétence Smart Living Lab (SLL), composé de 9 laboratoires de l’EPFL, l’HEIA FR et l’UniFR, dédié à cet objectif. La construction des premiers bâtiments (SLL et Bâtiment B) débutera dès 2021 tandis que l’édification de l’ensemble des bâtiments est prévue d’ici 2040 (fig. 3).
La taille du quartier (6 ha), ses futurs rĂ©sidents et travailleurs (1500 Ă©quivalents habitants) et la volontĂ© d’innovation affichĂ©e du quartier en fait un excellent exemple d’application des concepts de mĂ©tabolisme urbain et de rĂ©silience. Une taille critique est en effet nĂ©cessaire pour ces approches, permettant de mettre en Ĺ“uvre des solutions qui ne seraient pas intĂ©ressantes pour une maison indiviÂduelle et beaucoup plus complexes pour une ville dans sa globalitĂ©.
Comme spécifié dans le PAC de BFF, la réutilisation des infrastructures existantes est primordiale. Historiquement, le site était de nature industrielle, abritant autrefois une brasserie (Cardinal). Par conséquent, différentes structures construites à l’époque sont encore en parfait état aujourd’hui et sont réutilisées. La valorisation des infrastructures existantes est un point fort du projet, qui résulte en une empreinte écologique avantageusement réduite et des coûts de construction plus faibles.
Parmi les infrastructures valorisées, la source des Pilettes, située à 600 m du site et historiquement exploitée pour brasser la bière, joue un rôle clé (fig. 4). Utilisée jusque dans les années 1950 comme in-grédient de la bière, cette eau a été affectée par la suite comme eau industrielle. Avec l’abandon des activités industrielles, l’eau n’est plus acheminée sur le site. Une analyse des données historiques de la source depuis 1947 a été effectuée, et un monitoring a été remis en place pour suivre les débits (env. 190 l/min en moyenne) et les températures (12 °C en moyenne). Une prévision de débit et de température a également été effectuée selon plusieurs scénarios climatiques par la Haute École Fribourgeoise d’Ingénierie et d’Architecture (HEIA-FR) [16]. Au niveau de la source des Pilettes, un réservoir imposant de plus de 600 m3 est aujourd’hui abandonné mais pleinement fonctionnel. Dans l’approche de métabolisme urbain proposé, ce flux d’eau servira de source d’eau grise au site, soit les eaux ne nécessitant pas forcément de respecter les critères de potabilité (eau des chasses d’eau, arrosage, nettoyage public, etc.).
Situé sous le quartier BFF, un ancien réservoir d’une capacité de 1000 m3, actuellement hors service, va être réaffecté. Ce réservoir fera office de bassin de rétention également pour les eaux pluviales et les eaux recyclées.
Les infrastructures d’eau, d’énergie et de communication du quartier suivront le tracé des anciennes galeries techniques du site industriel (fig. 5). Celles-ci forment la colonne vertébrale du quartier, un squelette solide sur lequel tous les organes nécessaires au bon fonctionnement du site pourront se greffer, par comparaison avec l’approche de métabolisme urbain décrite précédemment.
En lien avec l’approche de métabolisme urbain, les flux d’eau font l’objet d’une optimisation poussée sur le site. Pour les eaux pluviales, une approche intégrée de type Sponge City est proposée, permettant de créer un environnement particulièrement résilient face aux changements climatiques. De manière concrète, 7 composantes sont assemblées sur le quartier (fig. 6).
L’eau de la source des Pilettes est pompée jusqu’au quartier de BFF où elle est stockée dans le bassin de rétention de 1000 m3 avec une partie des eaux de ruissellement. Ce réservoir est le centre de distribution depuis lequel sont alimentés les différents réseaux ne requérant pas d’eau potable (toilettes, arrosage, etc).
Après usage, les eaux usées sont récoltées et traitées via des réseaux distincts en eaux jaunes, brunes et grises. Pour ce faire, les toilettes sont de nature séparative, permettant ainsi une récupération distincte entre les eaux jaunes (urine) et brunes (fèces) [17]. Les eaux légèrement contaminées des lavabos/douches, les eaux grises, sont épurées avec des processus de phytoépuration sur site avant d’être renvoyées dans le réservoir principal pour être valorisées. Les eaux jaunes, riches en nutriments, sont valorisées à travers un processus innovant permettant la production d’un engrais certifié à base d’urine humaine [18]. Finalement, les eaux brunes sont traitées dans un système de type vermicomposteur, complétant la gestion décentralisée des eaux usées [19]. À la fin du cycle, l’excédent des eaux du réservoir souterrain est évacué par la même conduite qu’utilise le système de pompage, avec un prolongement jusqu’à la Sarine où elles sont encore une fois valorisées par le biais d’une installation de microturbinage.
Tous les bâtiments seront équipés de toi-tures végétalisées extensives (12–14 cm de substrat) en association avec des panneaux solaires photovoltaïques. Une installation d’aquaponie est également à l’étude. Ce système de production végétale et animale en synergie gagne de plus en plus d’intérêt en milieu urbain [20, 21]. L’intérêt est de disposer sur site d’une production de biens de consommation pour les habitants du quartier, en profitant de la présence d’eau et d’énergie locale.
La réutilisation du silo historique, utilisé à l’époque pour le stockage des céréales nécessaires à la fabrication de la bière, est à l’étude. Il pourrait jouer le rôle de «pile aquatique» pour stocker l’eau excédentaire du site avant valorisation par microturbinage.
Tous ces processus font du quartier de BFF un démonstrateur du potentiel d’un cycle de l’eau optimisé en milieu urbain, en phase avec l’approche de métabolisme urbain. La source des Pilettes est un élément clé du système, assurant en permanence de l’eau pour les besoins non alimentaires du site. En cas de canicules, elle permet de créer un îlot de fraîcheur bienvenu par le biais de l’évapotranspiration des toitures, des places urbaines engazonnées et d’un étang urbain. Lors de précipitations extrêmes, les toitures végétalisées – comprenant également une capacité de stockage conséquente (60 mm) – permettent de limiter considérablement les eaux de ruissellement. L’excédent, de même que l’eau des places urbaines, peut être stocké sur place grâce au grand volume de rétention à disposition. Une modélisation de l’ensemble du cycle de l’eau sur le site, incluant différents scénarios climatiques extrêmes, ont démontré la robustesse du système [22].
L’utilisation rationnelle de l’eau potable permet une baisse significative de la consommation de l’ordre de 50%. Bien entendu, ceci implique certaines conditions à l’échelle du bâtiment. Un double réseau doit être mis en place pour les bâtiments raccordés afin d’alimenter ceux-ci avec deux types d’eau de qualité différente.
Avec cette approche de gestion intégrée des eaux, le ruissellement est limité au maximum et le réseau d’assainissement unitaire de la ville de Fribourg n’est quasiment plus sollicité. Tenant compte du fait que les traitements des eaux usées deviennent de plus en plus complexes et chers, notamment avec l’arrivée des traitements des micropolluants [23], les bénéfices de l’approche proposée vont au-delà de la limite géographique du quartier (fig. 7).
Cette réflexion intégrée donne, finalement, naissance à des quartiers ne nécessitant plus le raccordement au réseau d’assainissement de la ville. Cependant, ils restent connectés aux canalisations en cas de panne, liée aux installations de traitement décentralisées. On parle alors de système hybride, et c’est le même principe de suppléance qui se retrouve dans les voitures du même nom.
Le concept énergétique retenu pour l’approvisionnement en chaleur et le rafraîchissement des bâtiments du site repose sur une production d’énergie par pompes à chaleur centralisées et une distribution au moyen de deux réseaux thermiques possédant des températures et fonctions spécifiques.
Le premier réseau, dit de basse température (BT), permet la mutualisation des sources d’énergie présentes sur le site (sondes géothermiques, source des Pilettes, eaux de ruissellement, eaux usées, rejets thermiques des utilisateurs, fig. 8). Ce réseau, qui sera utilisé pour le rafraîchissement des bâtiments, permettra la récupération et la revalorisation de l’excédent de chaleur présent dans les bâtiments et servira de source froide pour les pompes à chaleur centralisées. Les températures de fonctionnement du réseau BT seront différenciées selon les saisons et adaptées aux besoins des utilisateurs du site. Les températures aller/retour seront de respectivement 14 °C/18 °C en été et 5 °C/8 °C en hiver. Chaque bâtiment présent sur le site sera raccordé au réseau BT par une sous-station faisant office d’interface entre le réseau BT et la distribution au sein du bâtiment. Afin de répondre à des besoins spécifiques et en fonction du développement du site, l’installation d’une machine de froid pourra être envisagée et intégrée au système global.
Le deuxième réseau, dit de moyenne température (MT), permettra la distribution de chaleur pour les besoins de chauffage. Les températures aller/retour du réseau MT seront de respectivement de 40 °C/28 °C. Chaque bâtiment sera raccordé au réseau MT par une sous-station faisant office d’interface entre le réseau MT et la distribution de chaleur au sein du bâtiment. La chaleur sera produite de manière centralisée à l’aide des pompes à chaleur eau-eau situées dans la centrale de production d’énergie se trouvant dans l’un des bâtiments existants du site, réaffecté pour y accueillir la centrale thermique. Les diverses sources du site ainsi que les sondes géothermiques verticales implantées sous les bâtiments à cons-truire seront raccordées au réseau BT et serviront de source froide aux pompes à chaleur. En complément, le concept énergétique mis en place sera soutenu par un raccordement sur le réseau de chauffage à distance de Fribourg (CAD-FR). Celui-ci servira d’appoint et permettra la couverture des besoins de chaleur lors des demandes de pointe.
La production d’eau chaude sanitaire (ECS) sera quant à elle assurée par des pompes à chaleur décentralisées, installées dans chacun des bâtiments. Celles-ci seront alimentées par le réseau MT. La décentralisation de la production d’ECS permet de diminuer la température du réseau MT et ainsi de limiter les pertes thermiques du réseau et par conséquent d’augmenter l’efficacité globale du
système.
En fonction de l’évolution du quartier, la solution mise en place devrait, à l’horizon 2040, fournir environ 10 GWh/an de chaleur et 1 GWh/an de froid pour les bâtiments du quartier.
Des panneaux solaires placés sur les toitures et en façade des différents bâtiments fourniront une partie de l’énergie électrique nécessaire aux infrastructures techniques de production et de distribution d’énergie thermique et couvriront une partie des besoins électriques du quotidien. Selon les surfaces de panneaux solaires prévues, environ 3 GWh/an d’énergie photovoltaïque seront produits sur le site. Cette énergie, qui sera en grande partie consommée sur site, limite l’énergie électrique soutirée au réseau électrique.
Le schéma illustrant le flux des énergies chaudes et froides sur le site de BFF est illustré dans la figure 9.
Le concept mis en place profitera pleinement des infrastructures existantes et mettra à profit les sources d’énergie présentes sur le site afin de proposer une fourniture d’énergie thermique
exempte de source fossile et assurera un confort d’utilisation optimal tout au long de l’année. Il sera en mesure de s’adapter aux développements futurs du site et répondra avec une longueur d’avance aux objectifs énergétiques des années à venir.
Pour assurer le bon développement du métabolisme du quartier urbain, une optimisation des flux hydrauliques et énergétiques doit être mise en place. Une mutualisation des données est nécessaire afin de vérifier les échanges entre les différents sous-systèmes [24]. Une hiérarchie en 4 niveaux est proposée (fig. 10) dans laquelle chaque catégorie de flux fonctionne indépendamment dans un premier temps (niveau 1), mais regroupe toutes les données mesurées via une transmission performante (niveau 2) dans un espace de stockage commun (niveau 3). De là , les différents sets de données peuvent être mutualisés, comparés et analysés simultanément afin d’analyser les interactions, d’améliorer les synergies et d’optimiser le système sous forme d’évolution continue (niveau 4). De cette manière, l’organisme urbain peut se développer au mieux et apprendre de ses faiblesses pour mieux s’adapter à un environnement changeant.
L’agrégation des informations collec-tées au niveau 4 permet de calculer des indicateurs de performances illustrant «l’état de santé» du quartier et le degré de satisfaction de la population résidente [7]. Ces critères, définis de manière numérique (p. ex. consommation totale en énergie, en équivalent CO2 ou en eau, pollution de l’air, impacts du bruit, etc.) permettront d’adapter le fonctionnement et le développement du quartier de manière dynamique.
Le projet tel qu’il se développe répond à l’ADN historique du site. L’eau et l’énergie ont fait la richesse du plateau de Pérolles à travers le développement industriel, et ce sont ces deux éléments qui forment la base du nouveau concept du quartier, tout en incluant au maximum les constructions encore présentes de cette époque.
Les concepts de métabolisme urbain et de résilience qui ont été développés entrent désormais en phase d’application. Ce n’est pas une utopie, mais bien une réponse concrète aux préoccupations de la population face aux changements climatiques, préoccupations confirmées par les résultats de récentes votations populaires.
Des solutions innovantes nécessitent des moyens de financements novateurs. Certains atouts jouent en notre faveur: des infrastructures sont déjà présentes et peuvent être valorisées. De plus, un travail peut être fait sur les différentes taxes (de raccordement, d’évacuation des eaux pluviales, d’épuration, etc.) pour les réinvestir sur le site. L’eau grise peut être vendue à un prix comparable à celui de l’eau potable, et l’urine valorisée en engrais permettra également un certain revenu pour financer le projet.
La fourniture d’énergie thermique et électrique est exempte d’énergie fossile. En prenant en considération les objectifs énergétiques appliqués, le concept mis en place ne génère pas de surcoût quant à la fourniture énergétique. Les investissements, certes conséquents, sont rentabilisés en maximisant la durée d’utilisation des pompes à chaleur et en limitant les puissances de raccordement au réseau de chauffage à distance et au réseau électrique. Les tarifs des énergies qui seront mises en place encourageront le consommateur final à adapter sa consommation énergétique en fonction des énergies disponibles (soleil, sources thermiques, réseau électrique externe, etc.) et ainsi optimiser le profil de consommation global du site.
De nombreux avantages intangibles (amélioration de la qualité de vie, confort, limitation des émissions de CO2, augmenta-tion de la biodiversité, image du site, etc.) doivent également être appréciés: ils sont indéniables pour toutes les personnes impliquées. La maîtrise des coûts sera assurée par une équation qui comprend d’une part un investissement de départ dans des infrastructures résilientes, et qui d’autre part prévoit une gestion et maintenance intégrée qui générera des économies significatives sur l’ensemble de la durée de vie de l’infrastructure [25].
Pour assurer un bon développement coordonné du quartier, une implication des futurs investisseurs sur le site est primordiale: le cahier des charges des futures constructions doit contenir toutes les exigences pour aller dans le sens souhaité du quartier. Cela peut être perçu comme des contraintes, mais finalement l’image même de la construction associée au concept global du site s’en trouve renforcée. Une plus-value nettement positive est ainsi générée pour les investisseurs au sein d’un quartier de l’innovation.
La démarche de l’optimisation des ressources peut encore aller plus loin, en incluant d’autres infrastructures aux réflexions, telles que les déchets, la construction, etc., afin d’intégrer le plus d’axes possi-bles dans une planification globale. Cette approche a d’autant plus de potentiel en milieu urbain où la mutualisation de ressources est plus importante qu’ailleurs.
La valorisation de ressources locales est primordiale, raison pour laquelle les solutions proposées ici ne seront pas forcément les mêmes pour un autre quartier. Le point commun demeure une résilience climatique propre aux atouts et avantages présents à échelle locale, par analogie au métabolisme qui s’adapte à son environnement, possible dans des conditions diverses, et même en plein centre-ville.
Dans cet article, la notion de métabolisme urbain est utilisée comme fil rouge. Le métabolisme urbain est un modèle d’abstraction de la ville permettant d’appréhender la complexité du fonctionnement urbain grâce à une approche systémique. Il s’agit d’un outil peu connu et qui dispose d’un potentiel d’évolution très important. Son champ d’application est vaste et va évoluer fortement ces prochaines années. Il est susceptible de répondre à des enjeux ambitieux, accompagnant l’analyse des flux et de leurs utilisations dans un système urbain dans lequel les infrastructures sont étroitement intriquées.
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Cet article est le fruit d’une étroite collaboration entre les différentes entités blueFACTORY Fribourg–Freiburg SA, Groupe E et Sinef SA. Bien que nombreuses personnes y aient contribué d’une manière ou d’une autre, il n’est pas possible de citer tout le monde dans la rubrique des co-auteurs. Nous tenons particulièrement à remercier le personnel de blueFACTORY Fribourg-Freiburg SA: Philippe Jemmely, Yanick Jolliet, Bruno Mülhauser et Vincent Bugnon. Un grand merci également à Marius Hayoz qui a partagé tout son savoir sur le site de blueFACTORY. Merci également à la Nouvelle Politique Régionale de Fribourg (NPR) qui soutient le projet «Sponge City» de Sinef SA, ainsi qu’à tous les partenaires qui ont contribué au développement du concept.
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