La ville d’Yverdon-les-Bains s’est engagée dans une politique énergétique ambitieuse visant plusieurs objectifs à l’horizon 2020. Afin de garantir un développement urbain en ligne avec la stratégie énergétique 2050, la Ville a révisé ses ambitions à l’horizon 2035 en se fixant trois objectifs quantitatifs principaux et un objectif transversal, qui vise à faciliter la mise en œuvre de la politique énergétique communale:
Pour atteindre ces objectifs, la Municipalité s’est engagée à prendre 9 mesures en matière d’énergie dans son programme de législature 2016–2021, parmi lesquelles figure celle d’étudier et de lancer la réalisation de réseaux de chauffage à distance (CAD), mesure parfaitement en phase avec la stratégie de développement du Service des énergies d’Yverdon-les-Bains (SEY).
Pour disposer d’une vue d’ensemble des ressources et des besoins à l’échelle communale, ceux-ci ont fait l’objet d’un inventaire exhaustif dans le cadre d’une étude très détaillée (PlanETer, Navitas Consilium SA, 2015; [1]). L’étude de planification énergétique territoriale a permis de définir de façon précise la structure du parc bâti et les systèmes énergétiques utilisés, notamment pour le chauffage des bâtiments.
Cet inventaire montre que les logements collectifs représentent 35% de la surface de référence énergétique (SRE) identifiée pour 23% des bâtiments. En comparaison, les 11% de la SRE dédiée aux logements individuels représentent le 40% des bâtiments. L’administration (administration publique et secteur tertiaire) est également bien représentée avec 23% de la SRE pour 17% du parc bâti. L’industrie représente quant à elle 7% de la SRE et 5% du parc bâti.
Sur la figure 1, la surface des rectangles représente les besoins de chaleur (estimés) cumulés des bâtiments à affectation logement par époque de référence. La surface se situant au-dessus du trait vert représente la quantité d’énergie qu’il serait possible d’économiser si tous les bâtiments étaient construits selon la norme SIA 380/1 [2].
Seules les caractéristiques des affectations liées aux logements (logements collectifs et maisons individuelles) sont représentées sur cette figure car les valeurs limites de la norme SIA 380/1 pour les autres affectations sont différentes. Par ailleurs, ces affectations ont le plus important potentiel d’économie d’énergie lié à la rénovation.
La vieille ville d’Yverdon-les-Bains (au centre sur la figure 2) est la zone où la concentration de bâtiments nécessitant un approvisionnement à température élevée (> 70 °C) est la plus importante. Les bâtiments qui s’y trouvent, très anciens, sont le plus souvent mal isolés et équipés de systèmes de chauffage peu efficaces. Les bâtiments nécessitant des niveaux de température plus bas (55 et 40 °C) sont répartis de manière relativement uniforme et homogène sur le reste de la commune. Quant au chauffage à basse température (40 °C), il ne concerne que 12% de la SRE totale, soit 7% des bâtiments.
Enseignement crucial de cette analyse: les 78% des bâtiments (équivalant aux 66% de la SRE) nécessitant un approvisionnement à plus de 70 °C représentent un formidable marché pour le développement des réseaux thermiques.
Comme le montre la figure 3, l’étude de planification énergétique territoriale a permis de définir différentes zones énergétiques au sein de la Commune. Pour chacun de ces zones, 3 scenarii d’approvisionnement ont été proposés (conservateur, ambitieux A et ambitieux B). Les scenarii diffèrent en fonction des agents énergétiques et des technologies utilisés dans chacune des zones. Ils ne permettent cependant qu’une appréciation générale de l’adéquation entre besoins et ressources, sans mise en perspective de leur faisabilité technico-économique.
Pour vérifier la faisabilité, le service des énergies de la ville d’Yverdon-les-Bains (SEY) a souhaité consolider cette démarche en évaluant, pour chaque zone, le scénario d’approvisionnement le plus pertinent. Pour cela, cinq critères comprenant chacun un ou plusieurs sous-critères dotés d’une pondération propre ont été définis puis notés afin d’attribuer une note globale à chacun des scénarii dans chacune des zones et de pouvoir les comparer entre eux d’un point de vue environnemental, technique et économique. Les résultats ont ensuite été compilés dans des fiches de synthèse par zone, facilitant la prise de décisions.
Cette étude de consolidation [3] a fourni les éléments indispensables à l’élaboration du plan directeur des énergies (PdEN, [4]), faisant partie intégrante du plan directeur communal (PdCOM). Le PdEN a ainsi pour vocation de décrire les principaux systèmes énergétiques qui seront développés sur le territoire communal, en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique et climatique de la Ville.
En résumé, les systèmes énergétiques décrits dans le PdEN consistent d’une part, en des installations décentralisées (solutions de chauffage individuelles) et d’autre part, en des installations dites «centralisées» (chauffages à distance, CAD). Il s’avère que la configuration d’Yverdon-les-Bains est particulièrement favorable au développement de plusieurs boucles de réseaux thermiques indépendants, pouvant à terme être reliées pour maximiser les synergies énergétiques entre les différents quartiers de la ville. Ces boucles thermiques seront progressivement alimentées en chaleur à partir des ressources disponibles via différents systèmes énergétiques tels que pompes à chaleur, chaudières à gaz naturel ou à bois.
Dans cette logique, le SEY a initié l’étude de plusieurs projets de chauffage à distance représentés sur la figure 4, ce qui lui permet aujourd’hui de disposer d’informations documentées en termes de faisabilité technique et économique. Mais quelle est le rôle du gaz naturel dans ces projets?
Avec la réalisation en 2014–2015 de son premier projet de chauffage à distance (projet Lotus), le SEY a pu éprouver un nouveau modèle d’affaires de contracting thermique et développer des compétences en matière de commercialisation et de gestion technique de prestations de fourniture d’énergie thermique. Ce projet, réalisé en moins de 12 mois entre la conception et la livraison des premiers kilowattheures de chaleur, présente un bilan financier équilibré, ainsi qu’un rendement au-delà des objectifs initiaux. La cogénération au gaz naturel permet à un des partenaires de couvrir plus de 85% de ses besoins en électricité, par l’optimisation des heures de fonctionnement possible par le regroupement des consommations thermiques en ruban (voir fig. 5). Basé sur un partenariat public-privé, ce premier réseau thermique permet au SEY de distribuer plus de 6,5 millions de kilowattheures de chaleur par an à «d’anciens» clients gaz naturel désormais fidélisés par un contrat à long terme, à un prix reconnu comme concurrentiel.
À l’heure de la mise sous presse de cet article, un second projet d’envergure est en cours de réalisation: le projet CAD STEP, situé dans le périmètre de la zone 1 en bleu sur la figure 4, Basé sur la valorisation de l’énergie résiduelle des eaux épurées de la STEP d’Yverdon-les-Bains, ce réseau thermique à basse enthalpie permettra d’alimenter un premier ensemble de bâtiments communaux, via des sous-stations équipées de pompes à chaleur eau-eau et de chaudières à gaz naturel. À terme, ce sont plus de 12 GWh de chaleur qui seront distribués.
Un troisième projet – plus important encore – situé dans le périmètre des zones 11, 12, 14 et 15 en brun sur la figure 4 a également démarré. Conçu pour fonctionner avec un taux de 80% de bois-énergie et 20% de gaz naturel, ce projet délivrera 22 GWh de chaleur à terme.
Pour répondre à la question-titre, en guise de conclusion, l’un comme l’autre, ces concepts ont besoin du gaz naturel: que ce soit comme appoint lors des fortes demandes hivernales ou pour relever la température de l’eau chaude sanitaire, ou encore comme secours lors des révisions. En phase de démarrage de ce type de projet, le gaz naturel est la solution provisoire idéale, par sa flexibilité et son faible impact environnemental. Le gaz naturel est la clé de voûte du développement des réseaux thermiques, nous ne pourrons pas nous en passer avant plusieurs décennies.
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Disposant désormais d’un plan directeur des énergies fixant les orientations à long terme de sa stratégie énergétique, Yverdon-les-Bains a passé la vitesse supérieure en agissant à la fois sur l’offre – les solutions énergétiques – et la demande – les habitudes de consommation (fig. 6). Côté solutions, l’opérateur local Yverdon-Énergies (SEY) a étoffé son offre avec des produits électrique et gaz naturel à composantes renouvelables, tout en développant les réseaux de chauffage à distance au gaz naturel ou majoritairement renouvelable en cohérence avec la planification énergétique territoriale. Côté demande, SEY a développé un vaste programme d’encouragement aux économies d’énergie via des mesures d’audit et d’accompagnement à la rénovation des bâtiments, à la production d’énergie renouvelable ou encore favorisant la mobilité alternative électrique ou au gaz naturel. Et pour mesurer les effets des mesures déployées, Yverdon-énergies disposera cette année d’un réseau de fibres optiques qui lui permettra de communiquer à terme avec les 25'000 compteurs d’électricité, de gaz naturel et d’eau de la ville et de visualiser l’évolution des consommations d’énergie et des émissions de CO2, immeuble par immeuble, quartier par quartier. Tout un programme!
[1] Navitas Consilium SA (2015): Rapport de Planification énergétique territoriale de la Commune d’Yverdon-les-Bains
[2] SIA (2016): Norme 380/1 – Besoins de chaleur pour le chauffage
[3] CSD Ingénieurs (2016): Rapport de Consolidation de la planification énergétique territoriale d’Yverdon-les-Bains
[4] Navitas Consilium SA (2018): Plan directeur communal des énergies d’Yverdon-les-Bains
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