De nombreux cours d’eau suisses sont toujours contaminés par des pesticides. Les produits phytosanitaires (PPh) utilisés dans l’agriculture constituent une source importante de ces contaminations. Les responsables politiques ont reconnu le problème et ont engagé différentes mesures. Le Conseil fédéral a notamment adopté en 2017 le plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires (PA PPh). Celui-ci doit permettre de réduire de moitié les risques liés aux PPh. Sur mandat de l’OFEV, la plateforme Qualité de l’eau évalue les données de mesure des pesticides dans les cours d’eau à l’échelle nationale afin de déterminer si une amélioration de la qualité de l’eau est déjà sensible.
Les concentrations de pesticides dans les cours d’eau varient fortement sur plusieurs années. Cela s’explique par plusieurs raisons, comme la modification des quantités utilisées et les différences de conditions météorologiques. Du fait de ces concentrations très variables, les changements de la qualité de l’eau ne peuvent être observés que sur des séries chronologiques assez longues[1]. Les stations qui mesurent les pesticides en continu depuis de nombreuses années sont très peu nombreuses en Suisse. La station de surveillance du Rhin près de Bâle (RÜS) est particulièrement intéressante à cet égard.
À la RÜS, un échantillon est prélevé chaque jour depuis 1993 afin de rechercher les micropolluants. Aujourd’hui, 420 substances sont analysées quotidiennement, dont environ 150 sont des pesticides. Dans le cadre d’un projet mandaté par l’OFEV, les données des pesticides ont été étudiées par le bureau d’ingénieurs EBP Schweiz AG et la plate-forme Qualité de l’eau[2, 3]. La plupart des pesticides sont rarement détectés dans le Rhin, car ils sont trop dilués avec de l’eau non polluée provenant des montagnes. Cependant, depuis 2013, il est possible de déterminer de manière fiable la quantité qui atteint le Rhin chaque année pour sept herbicides. Ces quantités sont comprises en moyenne, selon les substances, entre 30 kg/an et plus de 300 kg/an et fluctuent fortement d’une année à l’autre.
Quelques-unes des mesures prises conduisent à une réduction des quantités utilisées de certaines substances actives. À condition que ces substances ne soient pas remplacées par d’autres, tout aussi problématiques, de telles mesures peuvent être efficaces. À la RÜS, on observe très bien, par exemple, la diminution de l’isoproturon, un herbicide pour céréales qui n’est plus autorisé aujourd’hui. La vente d’isoproturon comme PPh n’est plus autorisée en Suisse depuis 2020. Cependant, la quantité vendue en Suisse a baissé en continu bien avant l’interdiction, passant de vingt tonnes en 2013 à un peu plus d’une tonne en 2019. Au cours de la même période, la quantité dans le Rhin est passée de plus de 200 kg/an à un peu plus de 20 kg/an.
En plus de la réduction de l’utilisation des PPh, d’autres mesures tentent de réduire le transport des PPh dans les eaux. Ces mesures visent à réduire la part de la quantité utilisée qui aboutit finalement dans un cours d’eau. Des bordures tampons plus larges le long des cours d’eau ou l’assainissement des places de remplissage et de lavage des pulvérisateurs de PPh sont des exemples de telles mesures. Comme le Rhin draine la majeure partie de la surface agricole de la Suisse, nous pouvons estimer, à l’aide des chiffres de vente nationaux et des quantités annuelles relevées dans le Rhin, quel pourcentage de la quantité utilisée se retrouve dans le Rhin. Ce chiffre est appelé le taux de perte. Si les mesures visant à réduire le transport dans les eaux sont efficaces, elles devraient donc réduire le taux de perte.
Outre l’effet des mesures, d’autres facteurs influencent fortement les taux de perte. Par exemple, une pluie abondante pendant la période d’application d’une substance entraîne des taux de pertes plus élevés. Entre 60 et plus de 90% de la variabilité des taux de pertes peuvent être expliqués par les précipitations durant la période d’application. Pour les sept herbicides étudiés, cela signifie qu’ils sont principalement transportés dans les eaux par la pluie. Nous avons éliminé des données l’influence de la pluie pour obtenir un taux de perte corrigé des précipitations. Comme ce taux de perte corrigé varie moins dans le temps, il devrait permettre d’identifier plus facilement l’effet des mesures efficaces.
Malgré la correction pluviométrique décrite, la série de données sur huit ans, de 2013 à 2020, ne fait pas apparaître de tendance temporelle et les modèles statistiques ne permettent pas non plus d’identifier une tendance significative. Aucun effet significatif des mesures de réduction du transport dans les eaux ne peut donc encore être établi pour les sept substances actives étudiées. Cependant, il est possible qu’il y ait eu de légères améliorations, mais elles ne sont pas encore visibles en raison de la variabilité des données.
[1] C. Fabre et al., Feasibility study on trend analysis and spatial extrapolation of NAWA pesticide monitoring data, Final Report, 2022
[2] S. Spycher & T. Doppler, Auswertung von Messdaten der RheinĂĽberwachungsstation, Schlussbericht, 2022
[3] Amt fĂĽr Umwelt und Energie des Kantons Basel-Stadt
Anne Dietzel dirige le projet de contrôle de l’efficacité du plan d’action PPh. Elle a étudié la science des systèmes à l’Université d’Osnabrück et a rédigé à l’Eawag une thèse de doctorat sur les modèles de lacs. Depuis 2019, elle travaille pour la plateforme Qualité de l’eau du VSA, où elle s’occupe principalement de l’évaluation des données sur les micropolluants.
Tobias Doppler travaille sur le projet de contrôle de l’efficacité du plan d’action PPh. Il a étudié les sciences naturelles de l’environnement à l’EPF Zurich et a rédigé à l’Eawag une thèse de doctorat sur les apports de PPh dans les eaux. Depuis 2015, il travaille pour la plateforme Qualité de l’eau du VSA, où il s’occupe principalement du monitoring des pesticides.
Anne Dietzel et Tobias Doppler (se feront un plaisir de vous renseigner anne.dietzel@vsa.ch, tobias.doppler@vsa.ch).
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