Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
La Suisse est submergée de fumier. Les eaux souterraines ne sont pas épargnées. Elles sont couramment chargées de nitrates dans le Moyen Pays à cause de l’agriculture. Nous le savons depuis plus de 20 ans. Bien que la Confédération ait affecté des fonds à des projets de gestion des nitrates, la pollution n’a pas reflué, comme le révèle l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) dans son rapport sur l’état des eaux. Le fumier pourrait être converti en énergie s’il n’était pas épandu dans les champs. Les résidus de fermentation issus du bioréacteur peuvent encore servir d’engrais et remplacer une partie des engrais artificiels que la Suisse importe. Comme les plantes absorbent mieux ses nutriments que si le fumier était épandu directement, il est possible de réduire la quantité d’engrais à appliquer s’il est utilisé correctement et donc de juguler la pollution à l’azote. Cette approche permet alors de faire baisser la pollution par les nitrates dans les eaux souterraines et l’utilisation de l’énergie contribue à la réalisation des objectifs climatiques et au renforcement de la sécurité de l’approvisionnement.
Trop peu de nouvelles installations de biogaz sont construites malgré ces avantages et ce potentiel. Le canton de Thurgovie a récemment annoncé que l’objectif consistant à convertir 20% du fumier en énergie d’ici à l’année prochaine ne pourra pas être atteint. Sur plus d’un million de tonnes de lisier et de fumier produites rien qu’en 2022 dans ce canton, à peine 6,5% ont été transformées en biogaz. D’après l’exécutif thurgovien, ce ratio est aussi faible parce que les projets correspondants ne peuvent être réalisés avec les subventions fédérales actuelles que si les conditions locales sont très favorables et si les agriculteurs individuels font preuve d’idéalisme. Bien qu’il semble que les conditions économiques du biogaz aient connu une embellie du fait de la guerre en Ukraine, il n’existe encore aucun signe d’une augmentation significative du nombre de nouvelles installations de biogaz. La Confédération devrait consentir davantage de subventions pour rendre intéressante la construction d’installations de biogaz.
Le Conseil fédéral vient de définir les critères de la loi sur l’approvisionnement en gaz dans laquelle il stipule qu’une exigence de raccordement au réseau devrait être introduite en faveur d’installations de biogaz. En outre, il devrait être en mesure d’imposer aux fournisseurs de gaz des quotas minimaux de gaz issu de sources renouvelables, y compris de l’hydrogène. Personne ne sait cependant si cette méthode permettra de relever la part du biogaz en Suisse. La part de biomasse convertie en énergie pourrait progresser grâce à des mesures d’encouragement, telles que des modèles de financement adaptés et des initiatives de transfert de savoir-faire aux agriculteurs qui investissent dans une installation de biogaz.
La technologie permettant de valoriser la biomasse existe. La Suisse dispose de suffisamment de lisier et de fumier pour couvrir une partie de sa consommation d’énergie par un vecteur énergétique neutre en CO2 et pour réduire l’épandage excessif de fumier dans les sols et les nitrates dans les eaux souterraines. Le biogaz issu du fumier contribue à la réalisation des objectifs climatiques et pourrait renforcer la protection des ressources ainsi que la sécurité de l’approvisionnement énergétique du pays. Des conditions-cadres adaptées visant à rendre le biogaz plus attractif font néanmoins défaut. Il est temps de saisir cette opportunité et d’accorder au biogaz la place qu’il mérite avec des mesures d’encouragement adéquates.
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