Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Le traitement des eaux usées par voie physico-chimique ou biologique produit des sous-produits d’élimination. Ils sont dénommés les boues de station d’épuration.
La déshydratation de ces boues de station d’épuration, permettant de réduire leur volume avant leur dévolution, produit des jus ou centrats. Ce fluide, lorsque les boues sont digérées, contient une charge importante en ammonium (NH4+). La charge en azote (N) concentrée dans les centrats peut représenter jusqu’à 20% de la charge globale entrante sur la STEP et impacter significativement le fonctionnement du traitement biologique.
La STEP d’Yverdon-les-Bains a donc décidé de réaliser un traitement spécifique de l’ammonium des centrats pour plusieurs raisons:
– La STEP d’Yverdon-les-Bains est un centre de collecte des boues pour sa région et, par conséquent, elle produit une quantité importante de centrats chargés en ammoniaque.
– La STEP d’Yverdon-les-Bains ne traite pas pour l’instant le polluant azote, mais devra le traiter dans le cadre de la nouvelle ordonnance fédérale (Ordonnance sur la protection des eaux, OEaux, RS 814.201). La mise en place du traitement des centrats permet de soulager de façon importante la ligne de traitement biologique pendant les travaux d’extension de la STEP et de diminuer la taille des bassins futurs pour la nitrification.
– La ville d’Yverdon-les-Bains, grâce à ce procédé, nommé stripping, réduit l’empreinte écologique (émissions à effet de serre induites par le protoxyde d’azote ou gaz hilarant) de la STEP en fabriquant un engrais naturel qui est utilisé dans la région.
Le stripping membranaire de l’ammoniaque est constitué de deux étapes principales de traitement:
– Le prétraitement dont le rôle est de préparer les centrats au Stripping membranaire.
– Le Stripping membranaire dont le rôle est d’extraire l’ammoniaque sous forme de gaz et de le concentrer dans une solution d’acide sulfurique.
Au cours du prétraitement des centrats, l’équilibre chimique de la phase liquide (ammonium NH4+) est déplacé vers la phase gazeuse (ammoniaque NH3) en élevant le pH entre 9,3 et 10 et en augmentant leur température entre 35 et 50 °C.
En parallèle, le prétraitement doit extraire les matières en suspension et les sous-produits contenus dans les centrats et les sous-produits issus de l’élévation de la température et du pH.
Une fois les centrats prétraités, c’est-à -dire filtrés et à un pH et une température déterminés, l’ammoniaque diffuse à travers une membrane hydrophobe (ou contacteur membranaire) pour être concentrée dans une solution d’acide sulfurique (H2SO4) à 96% (voir 3M Company, Liqui-Cel Membrane Contactors, TechBrief n° 10-09). Cette solution deviendra ensuite l’engrais (sulfate d’ammonium (NH4)2SO4). La filière de traitement des centrats par stripping de la station d’épuration d’Yverdon-les-Bains repose sur les étapes suivantes:
– Un stripping CO2 afin d’augmenter le pH.
– Une augmentation finale du pH par adjonction de soude et élimination des sous-produits par décantation.
– Une filtration de plus en plus fine: du filtre à sable jusqu’au filtre de maille 1 µm.
– Une élévation de la température sur des échangeurs.
– Et surtout, une unité de traitement membranaire des centrats en deux étages.
Les études et travaux ont été réalisés entre le 1er octobre 2015 et le 31 mars 2016, et l’installation est en service depuis le 1er avril 2016. Depuis cette date, 16 000 m3 de centrats ont été traités avec 80% d’élimination moyenne de l'ammonium et 300 m3 d’engrais ont été produits à une concentration entre 35 et 50 mg/l de N-NH4.
Les enseignements de l’exploitation de cette installation au cours de sa première année de fonctionnement à l’échelle industrielle sont les suivants:
– Le pilotage par les sondes de pH est délicat et nécessite un travail constant de maintenance et de calibration.
– L’efficacité du stripping CO2, suite à un design adapté aux conditions particulières du bâtiment, peut être améliorée afin de réduire les quantités de soude dosées en aval.
– La fiabilité de ce procédé a été prouvée et les optimisations de l’ergonomie d’exploitation de la section membranaire déployées.
La ville d’Yverdon-les-Bains a réalisé au préalable plusieurs campagnes d’essais d’épandage d’engrais produit à partir des centrats d’autres stations d’épuration depuis 2014. Elle a également conduit toutes les demandes et obtenu les autorisations auprès des autorités fédérales, nécessaires à la mise en circulation de l’engrais.
Cela a donc permis, au cours de l’année 2016, d’épandre l’engrais produit par l'installation de stripping membrannaire de l'ammoniaque de la STEP d’Yverdon-les-Bains sur une surface de 20 ha dans la région d’Yverdon-les-Bains. Une labélisation bio permettrait une meilleure valorisation de ce produit.
Les avantages agronomiques et écologiques convainquent de plus en plus les agriculteurs. Ci-dessous un aperçu de ces avantages:
– Application à terme d’ammonium liquide;
– Haute efficacité de l’engrais azoté, même par temps sec;
– Qualité des plantes;
– Assure un bon rendement;
– Diminution du travail d’exploitation;
– Préservation de l’environnement grâce au faible risque d’apport de N dans l’air et le lessivage.
Durant l’année 2016, l’installation pilote de stripping de l'ammoniaque a démontré qu’il était possible de traiter industriellement les centrats de la STEP d’Yverdon-les-Bains pour en faire un engrais de haute qualité. Très fière de la mise en œuvre de ce procédé innovant et novateur qui permet de valoriser les ressources existantes issues des eaux usées, la Ville d’Yverdon-les-Bains espère voir ce système se propager en Suisse et ailleurs.
En 2018, l’entreprise ALPHA WasserTechnik AG, conceptrice de l’installation d’Yverdon-les-Bains, va d’ailleurs mettre en service une deuxième installation de stripping membranaire sur la STEP d’Altenrhein.
Les principaux avantages de ce procédé (traitement fiable de l’ammonium, production d’un engrais de haute qualité, diminution des émissions en gaz hilarant) en font un système adéquat en réponse à une problématique, celle de l’abattement de l’ammonium, qui demande des solutions. L’intérêt en constante augmentation pour cette technologie est une preuve de son essor futur. Des études menées par l’Eawag montrent qu’un traitement des retours permet de diminuer de manière significative les émissions de gaz hilarant (protoxyde d’azote). Le gaz hilarant (N2O) est la source numéro un des gaz à effet de serre produits par les STEP. En effet, 1 tonne de N2O équivaut à 298 tonnes de CO2. Un traitement des retours par traitement membranaire ouvre par conséquent la voie à des aides financières issues de la vente d’attestations de réduction des émissions en équivalent CO2. Un programme fédéral permettant de valoriser la réduction d’émission des gaz hilarants est en voie de validation à l’Office fédéral de l’environnement. Quant à l’engrais produit, la production indigène de sulfate d’ammonium permettrait de réduire les importations de cet engrais.
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