Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
03. mai 2024

Paramètres d’exploitation utiles

Exploiter les traitements MP de manière stable

Le taux d'épuration des micropolluants est déterminé par les STEP avec des mesures périodiques des substances de référence. Pour l'exploitation quotidienne, des mesures UV ainsi que les dosages d'ozone ou de charbon actif permettent en plus d'obtenir des informations en temps réel sur le taux d'épuration.
Pascal Wunderlin, Rebekka Gulde, Aline Brander, Marc Böhler, 

Certaines stations d'épuration des eaux usées (STEP) construisent un traitement supplémentaire (traitement MP) d'ici 2040 afin d'éliminer les micropolluants dans leurs eaux usées. Plus de 20 traitement des MP sont déjà exploitées en Suisse (situation en novembre 2023) et de nombreux projets sont en cours de planification ou de construction (fig. 1). Au total, selon les quatre critères actuellement en vigueur dans l'ordonnance sur la protection des eaux (OEaux), environ 120 STEP doivent prendre des mesures pour réduire les MP. D'autres installations viendront probablement s'y ajouter afin que les STEP ne dépassent pas les valeurs limites spécifiques aux substances dans les eaux [1].

Le contrôle légal du taux d'épuration a lieu six à 24 fois par an avec l’analyse des douze substances de référence dans des laboratoires externes. Les résultats ne sont généralement disponibles qu'une à deux semaines après les prélèvements. Or, la STEP doit respecter à tout moment le taux d’épuration de 80% exigé par la loi. Des paramètres de substitution sont donc nécessaires. Dans le cas idéal, les exploitants de STEP pourraient ainsi vérifier à tout moment si leur traitement MP respecte l'efficacité d'épuration prescrite par la loi. L'ozone et le charbon actif pourraient être dosés de manière encore plus adaptée aux besoins. 

Sommes-nous déjà arrivés à cette situation idéale ? Comment la STEP parvient-elle à maintenir le taux d'épuration de manière stable et comment le contrôle-t-elle quotidiennement sans mesures de MP ? C'est à ces questions que la plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants» a tenté de répondre en évaluant les expériences et les données d'exploitation des dix premières STEP suisses dotées d'un traitement MP. Il s'agit d'un premier aperçu qui doit être complété avec d’autres installations dans les années à venir.

EXPÉRIENCES ET DONNÉES DE DIX STEP ANALYSÉES

Parmi les STEP analysées figurent cinq installations à charbon actif, quatre ozonations et une combinaison de procédés (ozonation avec filtration CAG). Pour plus d'informations sur ces installations, voir tableau 1.

L'ensemble des données analysées sur plusieurs années se compose, pour chaque STEP, de 6 à 96 analyses des substances de référence, ainsi que des données d'exploitation suivantes : Mesures UV, quantité d'ozone ou de charbon actif, débit, carbone organique dissous (COD) ou demande chimique en oxygène dissoute (DCOdissoute) et nitrites (pour les ozonations). Les valeurs moyennes journalières de ces données d'exploitation ont été utilisées pour les jours où des mesures de MP étaient également disponibles. Il en résulte un jeu de données limité. En complément, les données annuelles des quantités de charbon actif et d'ozone utilisées ont été intégrées.

Les données sont en principe comparables entre les STEP, mais les considérations suivantes doivent être prises en compte:

  • Les quantitĂ©s spĂ©cifiques d'ozone et de charbon actif par rapport au COD sont comparables. Pour certaines STEP, la concentration en COD en sortie de dĂ©cantation secondaire a dĂ» ĂŞtre estimĂ©e Ă  partir de la DCOdissoute. Pour d'autres STEP, les donnĂ©es relatives au COD n'Ă©taient disponibles que pour quelques mesures de MP. De plus, dans les STEP avec dosage de charbon actif en poudre (CAP) et recirculation dans la biologie, celui-ci rĂ©duit le COD en sortie de la dĂ©cantation secondaire, ce qui a tendance Ă  surestimer la quantitĂ© spĂ©cifique de dosage. Si les CAP sont dosĂ©s directement dans la biologie, seules des estimations approximatives des quantitĂ©s spĂ©cifiques de dosage sont possibles.
  • Les produits Ă  base de charbon actif peuvent se distinguer les uns des autres par leur capacitĂ© d'Ă©limination. Il peut Ă©galement y avoir des variations de qualitĂ© au sein d'un mĂŞme type de charbon. Cela peut avoir des rĂ©percussions sur la consommation spĂ©cifique de charbon actif et donc sur la comparabilitĂ© avec d'autres STEP.
  • Le choix des substances de rĂ©fĂ©rence influence le taux d'Ă©puration qui en rĂ©sulte [2]. Les taux d'Ă©puration utilisĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©s par les cantons.
  • Les STEP Ă©chantillonnent simultanĂ©ment leurs eaux d'entrĂ©e et de sortie. Lors du passage d'un temps sec Ă  un temps de pluie ou inversement, ce type de prĂ©lèvement peut influencer le taux d'Ă©puration calculĂ©, car ce n'est pas la mĂŞme masse d'eau qui est Ă©chantillonnĂ©. De plus, le fait que les MP soient mesurĂ©es en entrĂ©e de STEP ou Ă  la sortie de la dĂ©cantation primaire, tandis que les mesures d'UV sont effectuĂ©es en entrĂ©e du traitement MP, joue un rĂ´le. Entre les deux, il y a dix Ă  vingt heures de sĂ©jour dans la biologie.

 

STEP Procédés Débit totale/partiel

Remarques (nombre de points de données et période)

Thunersee Dosage de CAP avec sédimentation et filtration sur sable Débit partiel Avec recirculation de CAP dans la biologie des boues activées (55, 2018-2021)
Herisau Dosage de CAP avec sédimentation et filtration sur sable Débit partiel Rejets industriels importants, condition de rejet pour la coloration et autres valeurs limites renforcées par rapport à l'OEaux. Avec recirculation de CAP dans la biologie des boues activées (42, 2017-2021)
Schönau Dosage de CAP avant la filtration sur sable Débit total Avec recirculation de CAP dans la biologie des boues activées (34, 2020/2021)
Wetzikon Dosage de CAP dans la biologie des boues activées Débit total Traitement en une étape (51, 2020/2021)
Penthaz CAG en lit flottant DĂ©bit partiel Traitement en une Ă©tape (19, 2019-2021)
Altenrhein Ozonation et filtration CAG Débit partiel Ozonation partielle, consommation de charbon actif pas encore quantifiable en raison de la courte durée (31, 2020/2021)
Werdhölzli Ozonation et filtration sur sable Débit total (96 dont 54 avec delta UV, 2020-2022)
Neugut Ozonation et filtration sur sable DĂ©bit total (58, 2017-2021)
Bassersdorf Ozonation et filtration sur sable DĂ©bit total (20, 2020/2021)
Reinach Ozonation et filtration sur sable DĂ©bit total (6, 2021)

Tab. 1 Informations sur les STEP dont les données ont été évaluées. Complément à l'indication du débit total/partiel: le taux d'épuration se rapporte à chaque fois au débit total.

LES ANALYSES MP FOURNISSENT DES INFORMATIONS IMPORTANTES

Les installations d'ozonation et de charbon actif atteignent en général le taux d’épuration de 80% exigé par la loi (fig. 2). Durant la période analysée, il était supérieur à 80% pour près de 90% des prélèvements. Pour la STEP d'Herisau et la STEP d'Altenrhein, il était même nettement plus élevé avec environ 95%. Cela s'explique par les raisons suivantes: en raison d'importants rejets industriels, la STEP d'Herisau a des exigences de rejet plus strictes, notamment pour le COD et la couleur résiduelle. C'est pourquoi la STEP d'Herisau applique des doses de charbon actif plutôt plus élevées que les autres STEP, ce qui se traduit par un meilleur taux d'épuration. La STEP d'Altenrhein exploite une combinaison de procédés comprenant une ozonation partielle et une filtration par CAG. Durant la période analysée, le CAG utilisé était encore relativement nouveau et sa capacité d'élimination était donc élevée. Malgré une dose d'ozone minimale, le taux d'épuration moyen était de plus de 95%.

Il arrive néanmoins aussi que le taux d’épuration soit inférieur à 80% (voir fig. 2). Certaines STEP ont déjà dépassé le nombre d'écarts autorisés et n'ont donc pas satisfait aux exigences légales pour l'année en question [3]. Cela a pour conséquence que des mesures MP supplémentaires sont nécessaires l'année suivante.

Dans une STEP, cela a conduit à des transformations ultérieures du réacteur à ozone. En effet, des essais de traçage ont révélé des court-circuit, ce qui a eu pour conséquence qu'en cas de débits élevés, l'ozone s'est échappé dans l'environnement par la sortie du réacteur à ozone. Il n'y avait donc pas assez d'ozone disponible pour l'élimination. De plus, des dépôts se sont formés dans le réacteur à ozone de cette STEP, aussi bien sur le système d'entrée que sur d'autres pièces. L'apport d'ozone a donc fortement diminué au fil du temps, de sorte que la STEP ne respectait plus le taux d'épuration. Depuis, la STEP vide périodiquement le réacteur à ozone et le nettoie. Elle respecte désormais de manière fiable le taux d’épuration de 80%.

Pour tous les traitements MP, le temps de pluie est difficile à gérer et peut entraîner une réduction du taux d’épuration. Une vue d'ensemble des difficultés d'exploitation et des solutions possibles sont présentées dans les publications suivantes ([4-6]).

Lors des deux premières années après la mise en service, les exploitants optimisent leur traitement MP et posent les bases d'une exploitation stable et optimisée. Sur la base des analyses MP périodiques, ils adaptent en permanence la stratégie d'exploitation et le dosage de charbon actif et d'ozone et acquièrent ainsi une expérience d'exploitation importante. Le fait de doubler le nombre d'analyses MP prescrit au cours de la première année est donc judicieux. Cela leur permet également d'acquérir des valeurs empiriques dans différentes conditions d'exploitation telles que le temps sec et le temps de pluie. Durant cette phase, il peut arriver que certains échantillons soient inférieurs au taux d’épuration de 80%. Pendant la mise en service, il est utile de tester également des dosages plus faibles afin d'obtenir des valeurs empiriques sur la relation dose/effet et les valeurs UV correspondantes (voir ci-après).

Dans le cas d'une installation à charbon actif, les différents types de charbon actif éliminent plus ou moins bien les MP. Si la STEP change de charbon actif, elle doit à nouveau déterminer la dose optimale selon les conditions d’exploitation.

MESURE UV UTILE POUR L'EXPLOITATION QUOTIDIENNE

En complément des mesures périodiques des substances de référence, les STEP dotées d'un traitement MP utilisent généralement la mesure de l'absorbance d'un effluent à une longueur d'onde de 254 nm (mesure UV) au moyen d'un photomètre pour estimer le taux d'épuration. La diminution de l'absorbance UV donne des informations sur la pollution par des micropolluants organiques. En effet, lors d'essais avec une large gamme de dosage d’ozone en laboratoire et à grande échelle, ce delta UV corrèle très bien avec l'élimination des MP. Ce paramètre de substitution peut être relevé en temps réel au moyen de sondes en ligne ou en laboratoire ([7-11]). L'encadré 1 fournit des informations plus précises sur les mesures UV des installations étudiées.

En revanche, il n'y a pas de lien évident dans les données analysées des STEP avec traitement MP (voir par ex. fig. 3). Cela vaut aussi bien pour les ozonations que pour les installations à charbon actif. Les raisons de cette mauvaise corrélation sont notamment les suivantes:

  • Dans les cas considĂ©rĂ©s, le taux d’épuration se situe dans une fourchette Ă©troite de 80% Ă  90%, c'est-Ă -dire dans une fenĂŞtre d'observation limitĂ©e. Les points de donnĂ©es supplĂ©mentaires issus d'Ă©ventuels essais avec diffĂ©rents dosage d’ozone (voir encadrĂ© 2) n'ont pas Ă©tĂ© pris en compte dans notre Ă©valuation.
  • Il faut en outre tenir compte du fait que des erreurs peuvent survenir lors du prĂ©lèvement, de la prĂ©paration des Ă©chantillons et de l'analyse MP. Ces erreurs influencent nĂ©gativement la corrĂ©lation entre le taux d’épuration et le delta UV.
  • En fonction de l'âge des sondes UV, la corrĂ©lation entre les mesures UV et MP d'une STEP peut varier dans le temps.
  • Dans les installations Ă  charbon actif avec une filtration finale, la sonde UV mesure des eaux usĂ©es filtrĂ©es en sortie de STEP, alors que l'Ă©chantillon d'eaux usĂ©es n'est pas filtrĂ© en entrĂ©e de l'Ă©tape MP. Cela se rĂ©percute sur les rĂ©sultats [7]. C'est Ă©galement le cas lors de la comparaison des valeurs UV en ligne (gĂ©nĂ©ralement non filtrĂ©es) et des valeurs UV en laboratoire (filtrĂ©es).
  • A la STEP de Neugut, plusieurs sondes UV sont utilisĂ©es avec diffĂ©rents delta UV correspondants. Selon la paire de sondes utilisĂ©e pour la rĂ©gulation, un facteur diffĂ©rent est nĂ©cessaire pour que toutes les sondes UV fournissent le mĂŞme rĂ©sultat final. Les essais avec diffĂ©rents dosages d’ozone ont rĂ©vĂ©lĂ© une très bonne corrĂ©lation (R2 de 0,96) via l'ozonation (comparaison entre l'entrĂ©e et la sortie de l'ozonation, voir fig. 4).
  • Le taux d'Ă©puration est dĂ©terminĂ© entre l'entrĂ©e et la sortie de la STEP, alors que le delta UV n'est dĂ©terminĂ© que sur le traitement MP. Cela signifie que l'Ă©tape biologique contribue en plus au taux d'Ă©puration. MĂŞme si l'influence est faible au total, il peut y avoir certains dĂ©calages.
  • La stratĂ©gie choisie pour le dosage de l'ozone a Ă©galement une grande influence sur la fourchette du rĂ©sultat delta UV, tout comme la croissance du biofilm au fil du temps dans les sondes UV et son Ă©limination.
Mesure UV utile sur la plupart des installations  - avec certaines restrictions 

Malgré une mauvaise corrélation dans les données recueillies, les ozonations peuvent, selon l'expérience des exploitants et exploitantes, être contrôlées ou plutôt régulées de manière stable par temps sec à l'aide de sondes UV. Par contre, par temps de pluie, ce paramètre atteint jusqu'à présent ses limites dans la plupart des ozonations, probablement parce que la composition des eaux usées change rapidement et donc aussi le rapport entre le COD et l'absorbance. A la STEP de Neugut, la régulation avec le delta UV fonctionne de manière fiable même par temps de pluie [4]. On ne sait pas pourquoi cela ne fonctionne pas toujours pour les autres ozonations.

Le signal UV est également utilisé dans les installations à charbon actif. L'expérience montre toutefois que ce signal représente plutôt une valeur indicative dans ces cas. Il indique par exemple les dysfonctionnements de manière fiable. Le signal UV n'est donc pas utilisé pour le contrôle/la régulation, car les installations à charbon actif réagissent très lentement aux modifications de dosage, en particulier lorsqu'elles réinjectent les CAP dans la biologie. Le temps de séjour du charbon actif dans le système est alors de plusieurs jours. Le taux d'épuration ne change donc pas immédiatement si l'on ajoute plus ou moins de charbon actif à court terme. Pour les STEP de petite et moyenne taille, les moyennes journalières du delta UV sont ainsi suffisantes. 

Le dosage de charbon actif dans la biologie, tel qu'il est par exemple mis en œuvre à la STEP de Wetzikon, constitue un cas particulier. Une mesure UV à la sortie du décanteur primaire devrait être faite pour ce procédé. Dans les eaux usées pré-décantées, le COD est quantitativement et qualitativement différent de celui obtenu après traitement biologique des eaux usées. Par conséquent, la mesure UV n'est pas utile dans ce cas.

La régulation du dosage du charbon actif se fait donc indépendamment du delta UV, le plus souvent proportionnellement au débit. La STEP d'Herisau dose le charbon actif un peu différemment, à savoir une quantité constante répartie sur la journée selon les variations du débit.

Pour optimiser davantage les installations d'ozone et de charbon actif, des concepts de mesure différents ou supplémentaires sont nécessaires. Un concept de mesure prometteur est par exemple celui de l'Electrone Donating Capacity (EDC), qui pourrait compléter la mesure UV. L’EDC été testé avec succès lors de l'ozonation à la STEP de Werdhölzli [13]. Il faudrait toutefois le soutien des fabricants de techniques de mesure et des STEP intéressées pour continuer à développer le concept de mesure pour la pratique. Une autre méthode est celle de la fluorescence induite par laser, qui a été testée à la STEP de Neugut et a donné des résultats comparables aux sondes UV.

Le delta UV varie d'une STEP à l'autre 

Le signal UV baisse plus ou moins fortement avec le traitement MP selon les STEP étudiées (fig. 5). Selon la composition des eaux usées, la diminution moyenne des UV varie entre 23% (STEP de Penthaz) et 45% (STEP Bassersdorf). Les autres STEP étudiées se situent entre les deux. La STEP d'Altenrhein constitue un cas particulier: la diminution de l'absorbance UV présentée se réfère uniquement à l'ozonation – le traitement avec CAG n'est pas inclus.

A l'aide d'un test avec différents dosages d’ozone (voir encadré 2), chaque STEP peut attribuer le taux d'épuration au delta UV correspondant pour ses eaux usées. Si, plus tard dans l'exploitation, le delta UV s'écarte des valeurs spécifiques déterminées pour la STEP, il est judicieux de procéder à des clarifications plus précises.

Pour que l'ajout d'ozone fonctionne de manière stable et fiable lors d'une régulation à l'aide du delta UV, le signal UV doit varier le moins possible (éviter la dérive). Selon leur expertise, c'est le cas pour les STEP de Bassersdorf, Werdhölzli et Neugut. La boîte sur la figure 5 est étroite pour ces STEP - la zone entre le quartile 25% et le quartile 75% se situe à la valeur moyenne +/- 0,5 à 2,5%. Les données de la STEP de Reinach varient plus que celles des autres installations d'ozone. Cependant, seules six valeurs mesurées ont été prises en compte dans l'analyse.

Pour les installations Ă  charbon actif, les diminutions des UV varient plus fortement que pour les installations Ă  ozone, surtout pour la STEP d'Herisau en raison des fortes influences industrielles.

LE DOSAGE COMPLÉMENTE LES MESURES

En complément des mesures MP et UV, les quantités d'ozone et de charbon actif dosées permettent de classer le taux d’épuration momentané. Il s'agit d'une information importante, en particulier pour les installations à charbon actif. Si les dosages actuels s'écartent des valeurs empiriques, il est judicieux de procéder à des clarifications plus précises.

Doses habituelles de charbon actif 

Les installations de charbon actif étudiées des STEP Thunersee, Schönau, Wetzikon et de Penthaz nécessitent entre 7 et 17 mg/L de charbon actif. 50% des données se situaient dans cette fourchette. La STEP d'Herisau a besoin de plus de charbon actif en raison de ses exigences spécifiques (fig. 6). Comme on pouvait s'y attendre, le dosage diffère entre les STEP. Cela s'explique notamment par les différences de composition des eaux usées. De plus, parmi les cinq STEP étudiées, on trouve quatre procédés de charbon actif différents (voir tab. 1). Cela peut constituer une autre raison pour les dosages variables. En plus, ces STEP utilisent différents produits de CAP.

Les dosages spécifiques deviennent un peu plus comparables lorsqu'elles se rapportent au COD. Les STEP de Thunersee, Schönau et Penthaz ont besoin d'environ 1 à 2 mg de charbon actif par mg de COD (Figure 6, bande verte). Les valeurs de la STEP d'Herisau sont nettement plus élevées en raison d'exigences plus strictes, avec une dose spécifique moyenne d'environ 3,5 mgCA/mgCOD.
Le procédé avec dosage du CAP dans la biologie représente un cas particulier. Le COD en sortie de la décantation secondaire est fortement influencé par le traitement du CAP qui précède. C'est certes aussi le cas des STEP qui réinjectent le CAP dans la biologie, comme les STEP Thunersee ou Schönau. Mais l’effet y est moins prononcé, car le charbon actif est déjà partiellement chargé. Sur la base de valeurs empiriques, la STEP de Wetzikon estime sa consommation spécifique de charbon actif entre 2 et 4 mgCA/mgCOD. Comme il n'y a pas de traitement en plusieurs étapes, la consommation spécifique de CAP est plus élevée que dans les traitements d'effluents comme le procédé d'Ulm ou le dosage de CAP avant le filtre à sable.

Jusqu'à présent, seuls les jours où les STEP ont effectué des analyses MP ont été considérés. Le dosage moyen indiqué dans le tableau 2 tient en revanche compte de tous les jours d'exploitation et sert de complément. Les valeurs ont été calculées avec les quantités totales consommées annuellement. Il en résulte des moyennes annuelles de 7 à 15 mgCA/L, soit 1,3 à 1,7 mgCA/mgCOD (sans Herisau et Wetzikon). Ces données correspondent bien aux consommations spécifiques calculées précédemment pour les jours d'analyse des MP. De plus, les valeurs correspondent bien aux données des installations allemandes.

 

STEP Moyenne annuelle mg CA/L Moyenne annuelle mg CA/mgCOD PĂ©riode prise en compte
Thunersee 8,3 - 10,3 1,5 - 1,6 2019 et 2020
Herisau 14,4 - 20,3 2,1 - 3,2 2016 - 2020
Schönau 7,0 - 9,2 1,3 - 1,7 2020 et 2021
Wetzikon 12,7 - 15,2 2,0 - 4,0 (estimation de l'exploitant) 2020 - 2022
Penthaz 12,0 - 12,2 1,7 2019 et 2020

Tab. 2: Dosages moyens de charbon actif, calculés à partir de la quantité totale consommée annuellement.

Doses habituelles d'ozone 

Les quatre installations d'ozonation examinées nécessitent en moyenne entre 1,8 et 4 mg/L d'ozone. 50% des valeurs se situent dans cette fourchette.

Les différences entre les STEP se réduisent nettement lorsque le dosage est rapporté au COD. En effet, cela permet à nouveau de tenir compte des différentes matrices d'eaux usées. Les STEP de Werdhölzli, Neugut, Bassersdorf et Reinach ont besoin d'environ 0,4 à 0,7 mg d'ozone par mg de COD (fig. 7, bande verte). Les valeurs de la STEP d'Altenrhein sont nettement inférieures en raison de l'ozonation partielle.

Si l'on considère les quantités de dosage calculées à partir de la quantité totale d'ozone dosée annuellement, on obtient des moyennes annuelles de 1,9 à 3,9 mgO3 /L, respectivement de 0,35 à 0,59 mgO3 /mgCOD (tab. 3, sans Altenrhein). Ces données coïncident bien avec les consommations spécifiques déterminées précédemment pour les jours d'analyse des MP.

 

STEP Moyenne annuelle mg O3/L Moyenne annuelle mg O3/mgCOD Années prises en compte
Altenrhein (installation combinée) 0,9 0,11 - 0,12 2020 et 2021
Werdhölzli 3,5 - 3,9 0,51 - 0,56 2019 - 2022
Neugut 1,9 - 2,2 0,35 - 0,45 2017 - 2020
Bassersdorf 2,7 - 2,8 0,56 - 0,59 2020 et 2021
Reinach Absence de données annuelles représentatives

Tab. 3: Dosages moyens d'ozone, calculées à partir de la quantité totale consommée annuellement.

DONNÉES GÉNÉRALES UTILES

Les cantons vérifient si les traitements MP sont exploités dans les règles de l'art et si elles respectent le taux d'épuration exigé par la loi. Pour ce faire, ils s'appuient sur les mesures périodiques des substances de référence, mais peuvent également consulter d'autres données d'exploitation. En plus des mesures UV (voir ci-dessus), les données d'exploitation suivantes sont également utiles :

  • Nombre d'heures de fonctionnement des agrĂ©gats importants (par ex. gĂ©nĂ©rateur d'ozone, dosage de charbon actif) et durĂ©e d’utilisation des filtres de CAG.
  • Intervalles de remplacement du charbon actif dans les diffĂ©rentes cellules CAG (on ne dispose pas encore de valeurs empiriques Ă  ce sujet).
  • Nombre et type de pannes survenues sur les principaux agrĂ©gats.
  • La consommation mensuelle d'Ă©lectricitĂ© du traitement MP. Pour pouvoir la classer, il faut disposer des valeurs empiriques des premières annĂ©es de fonctionnement.
  • Consommations mensuelles d'ozone et de charbon actif.

CONCLUSIONS

L'expérience opérationnelle et les données d'exploitation des dix premières installations de traitement des MP permettent de tirer les enseignements suivants:

  • Les STEP avec un traitement MP respectent gĂ©nĂ©ralement le taux d'Ă©puration de 80% exigĂ© par la loi. Les mesures de MP permettent aux exploitant·e·s de faire le point pĂ©riodiquement. De cette manière, ils gĂ©nèrent des valeurs empiriques importantes au cours de la première ou des deux premières annĂ©es d'exploitation en ce qui concerne le dosage de l'ozone ou du charbon actif et l'utilisation des sondes UV.
  • Pour l'exploitation quotidienne, les mesures UV Ă  254 nm sont très utiles, en particulier pour les installations d'ozonation (entrĂ©e/sortie de l'ozonation). Par temps de pluie, ces mesures sont parfois moins fiables. Pour les installations Ă  charbon actif, la diminution des UV ne reprĂ©sente qu'une valeur indicative et indique par exemple de manière fiable les perturbations d’exploitation.
  • La diminution absolue de l'absorbance de la mesure UV est diffĂ©rente pour chaque STEP, en fonction de la matrice spĂ©cifique des eaux usĂ©es et des sondes UV utilisĂ©es, respectivement de leurs rĂ©glages. Il est donc recommandĂ© d'attribuer la diminution de l'absorbance au taux d'Ă©puration correspondant dans le cadre d'un essai avec diffĂ©rents dosages d’ozone. De tels essais sont rĂ©alisĂ©s pendant la phase de rodage, dès que les sondes UV mesurent de manière stable.
  • Le dosage de l'ozone basĂ© sur le signal UV ou le delta UV nĂ©cessite une mesure de l'absorbance aussi prĂ©cise que possible avec peu de dĂ©rive. C'est pourquoi l'entretien des sondes revĂŞt une grande importance dans le fonctionnement des installations.
  • La quantitĂ© d'ozone et de charbon actif dosĂ© donne un point de repère supplĂ©mentaire par rapport au taux d’épuration momentanĂ©. C'est particulièrement important pour les installations Ă  charbon actif, car le delta UV est trop imprĂ©cis. Si les dosages actuels s'Ă©cartent des valeurs empiriques, il est judicieux de procĂ©der Ă  des clarifications approfondies. Pour rĂ©duire encore plus les incertitudes liĂ©es au dosage du charbon actif, des projets de recherche pour des outils adaptĂ©s Ă  la pratique et permettant d'assurer la qualitĂ© du charbon actif sont nĂ©cessaires.
  • Pour vĂ©rifier si le traitement MP a fonctionnĂ© toute l'annĂ©e, les paramètres complĂ©mentaires suivants sont utiles: le nombre d'heures de fonctionnement et le nombre et le type de pannes des principaux agrĂ©gats (entre autres le gĂ©nĂ©rateur d'ozone, le dosage de charbon actif), la durĂ©e de fonctionnement des cellules des filtres de CAG, la consommation Ă©lectrique mensuelle du traitement MP et les consommations mensuelles d'ozone et de charbon actif.
Bibliographie

[1] Regazzi, F., Schmid, M., Walti, B., (2020) : Motion 20.4262 Massnahmen zur Elimination von Mikroverunreinigungen für alle Abwasserreinigungsanlagen, dernière visite 11.10.23
[2] Wunderlin, P., Gulde, R., Bosshard, J. (2024) : Élimination des micropolluants dans les eaux ménagères : Enseignements tirés de sept années de vérification du taux d’épuration. A&G, n° 1, 46-53.
[3] OFEV (2023): Abwasserfinanzierung / Abwasserfonds, dernière visite 24.7.23
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[7] Wittmer, A., Ramisberger, M., Böhler, M., Heisele, A., Sigrist, H., Hollender, J., McArdell, C., Longrée, P. (2013): UV-Messung zur Regelung der Ozondosis und Überwachung der Reinigungsleistung. Eawag, Dübendorf, Suisse.
[8] VSA (2017): Konzepte zur Überwachung der Reinigungsleistung von weitergehenden Verfahren zur Spurenstoffelimination - Faktenblatt. www.micropoll.ch, consulté le 24.07.23
[9] Schachtler, M., Hubaux, N., Götz, C. (2017): Eignung von UV/VIS Sonden zur Überwachung der Spurenstoffelimination, Korrespondenz Abwasser 64, 889 - 904
[10] VSA (2018): Erfahrungen mit UV/VIS-Sonden zur Überwachung der Spurenstoffelimination auf Kläranlagen - Faktenblatt. www.micropoll.ch, consulté le 24.07.23
[11] McArdell, C.S., Böhler, M., Hernandez, A., Oltramare, C., Büeler, A., Siegrist, H. (2020): Pilotversuche zur erweiterten Abwasserbehandlung mit granulierter Aktivkohle (GAK) und kombiniert mit Teilozonung (O3/GAK) auf der ARA Glarnerland (AVG), Ergänzende Untersuchungen zur PAK-Dosierung in die biologische Stufe mit S::Select® -Verfahren in Kombination mit nachfolgender GAK. Schlussbericht Eawag, Dübendorf, Suisse.
[12] Schachtler, M., Hubaux, N. (2016) : BEAR: Innovative Regelstrategie der Ozonung – UV-Messtechnik für Regelung und Überwachung der Elimination von Mikroverunreinigungen. Aqua et Gas, p. 84 - 93.
[13] Walpen, N. (2022) : Application of UV absorbance and electron-donating capacity as surrogates for micropollutant abatement during full-scale ozonation of secondary-treated wastewater. Water Research 209 (117858)

Encadré 1: Informations sur les mesures UV

Dans le cas des ozonations, les sondes UV sont idéalement installées en entrée et sortie du réacteur d'ozone - donc avant le filtre à sable - et dans le cas des installations au charbon actif, en entrée et sortie du traitement MP. Dans le cas des installations à charbon actif, des échantillons d'entrée non filtrés sont parfois comparés aux échantillons de sortie du filtre à sable. Il peut en résulter de grandes divergences dans les résultats.

L'utilisation optimale des sondes UV n’est que possible si les sondes sont correctement installées dès le début. Il est indispensable d'optimiser le flux d'échantillons, l’automatisation du nettoyage à l’acide et air comprimé et les mesures comparatives en laboratoire pour l'assurance qualité. De plus, le Delta UV optimal peut varier au fil du temps.

Encadré 2: Essais avec différents dosages d’ozone

Les essais avec différents dosages d’ozone servent à établir une corrélation entre l’abattement de l’absorbance de l’eau à travers l’ozonation et le taux d’épuration mesuré en laboratoire (voir figure 4). Pour ce faire, une faible dose spécifique d'ozone ou de charbon actif en poudre est appliquée puis augmentée progressivement. L’abattement de l’absorbance mesurée par les sondes UV et l'élimination des MP sont déterminées à chaque dosage. Idéalement, cet essai couvre une plage de taux d’épuration comprise entre 50% et 90%.
Avec les installations à ozone, ce type d’essais est relativement facile à réaliser. Pour les installations CAP avec recirculation du charbon actif dans la biologie, l'essai doit impérativement être réalisé lors de la mise en service de l'installation. De plus, les installations CAP ont besoin de quelques semaines pour chaque type de dosage avant d’atteindre un état d'équilibre. Il n'est pas possible d'effectuer ce type d’essais pour les filtres à CAG.

Remerciements

Nous remercions tous et toutes les responsables d'exploitation pour avoir mis leurs données à notre disposition et de nous avoir partagé leurs expériences. Les discussions au sein du groupe de travail de la plateforme nous ont également beaucoup aidés. Nous remercions tout particulièrement Max Schachtler (step-ara GmbH), Christian Abegglen (ERZ), Thomas Klaus (ARA Schönau), Valentin Lanz (canton d'AR), Ingo Schoppe (ARA Thunersee), Stefan Vogel (Endress + Hauser), Damian Dominguez (OFEV) et Daniel Urfer (RWB) pour leur collaboration à l'article. Un grand merci également à Nathalie Hubaux (STEP de Neugut) pour la relecture de l’article en français! Le projet a été financé par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV).

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