L’utilisation de charbon actif en poudre ou en grain (CAP ou CAG) pour l’élimination des micropolluants (MP) des eaux usées est un procédé reconnu et appliqué à large échelle en Suisse et ailleurs. Le charbon représente toutefois une part importante des coûts d’exploitation et de l’empreinte environnementale de ces technologies.
Le broyage fin des particules de CAP pour produire du charbon actif en poudre super-fin (SCAP) sur site est une innovation qui présente des avantages prometteurs pour l’élimination des MP des eaux usées et potables. En effet, des essais au laboratoire avec des particules de SCAP ont démontré une cinétique d’adsorption beaucoup plus rapide de divers polluants et MP ainsi qu’une capacité d’adsorption plus importante [1, 2]. Ces propriétés se traduisent par des doses réduites de charbon et des temps de contact extrêmement courts (< 5 min) [1].
L’étape suivante était de vérifier à plus grande échelle les résultats prometteurs observés au laboratoire. La filière SCAP couplée à l’ultrafiltration (SCAP-UF) pour l’élimination des MP des eaux usées a été testée pour la première fois dans le cadre d’un projet pilote à la STEP de Châteauneuf-Sion entre juillet 2018 et août 2020.
L’objectif principal du pilotage était d’évaluer la faisabilité du procédé SCAP-UF à l'échelle industrielle et d’optimiser l’abattement des MP. Le projet est une collaboration entre Membratec SA, ALPHA Wassertechnik AG et l’EPFL et a été co-financé par l’OFEV, dans le cadre du programme de promotion des technologies environnementales.
Le procédé novateur SCAP-UF consiste en la production sur site d’un charbon actif en poudre super-fin (diamètre médian de 1–2 µm) par broyage humide – donc non-ATEX (ATmosphères EXplosibles) – d’une solution de CAP (diamètre moyen 20–50 µm). Le SCAP en solution est dosé dans un bassin de contact ou directement en ligne avant l’étape d’ultrafiltration.
Le pilote installé à la STEP de Châteauneuf-Sion comprend toutes les étapes du procédé SCAP-UF (fig. 1). Le fonctionnement est automatisé et permet de traiter 5 m3/h d’effluent de la STEP (66'000 EH, 18'500 m3/jour en moyenne; STEP conçue pour traiter la charge organique entrante dans des bassins combinés, une nitrification partielle a lieu pendant les périodes chaudes).
Le CAP, stocké dans une trémie, est dosé à l’aide d’une vis sans fin dans une barbotine alimentée en eau industrielle, permettant ainsi la mise en solution du CAP. Le transfert de poudre vers la barbotine est géré automatiquement par deux seuils de niveau sur la barbotine. Le broyage s’effectue ensuite sur la solution de CAP à l’aide d’un broyeur à billes; il produit ainsi une solution de SCAP. La taille moyenne et la distribution des particules obtenues dépendent de la méthode de broyage. La solution SCAP ainsi produite est stockée dans une cuve intermédiaire, avant dosage dans l’effluent de la STEP.
L’effluent de la STEP de Châteauneuf-Sion est puisé par une pompe immergée dans le canal de rejet. La solution SCAP concentrée est dosée sur la conduite d’alimentation de l’effluent préfiltré, en amont d’une cuve de contact équipée d’un mélangeur. Le niveau d’eau de cette cuve peut être varié, de telle sorte que des temps de contact de 2 à 30 min entre le SCAP et l'effluent peuvent être étudiés. Un by-pass de la cuve permet de tester également des temps de contact plus courts (< 30 sec).
De la cuve de contact SCAP, l’effluent est ensuite acheminé à l'aide d'une pompe d'alimentation vers le skid d’ultrafiltration, constitué de modules membranaires capillaires pour une filtration in-out (seuil de coupure 0,02 µm, surface membranaire 50 m2). A intervalles réguliers (environ 30 min), les particules SCAP retenues ainsi que d’autres matières en suspension (MES) sont éliminées par rétrolavage. Elles retournent en entrée des bassins de boues activées, où elles sont incorporées dans le processus d’élimination des boues. L’eau ultrafiltrée, servant au rétrolavage, est contenue dans un réservoir intégré au pilote. La filtration peut s’effectuer à un débit de consigne constant ou à débit variable, proportionnel au débit d’entrée de la STEP, afin de reproduire les variations de débit journalières et saisonnières.
Les valeurs telles que le débit de traitement, les pressions amont et aval de la membrane et du préfiltre, la température de l’eau, l’absorbance UV et la consommation électrique sont enregistrées en continu. La perméabilité (état de propreté des membranes) est calculée à l’aide du débit effectif normalisé par la perte de charge.
Des nettoyages chimiques préventifs des membranes ont été effectués 1 à 2 fois par mois pour éliminer les matières colmatantes (résidus de matière organique ou de coagulant, charbon et minéraux). Les nettoyages s’effectuent par ajout d’un réactif chimique (soude, divers acides ou solutions oxydantes) dans une eau qui circule pendant 1 à 2 heures dans une boucle fermée incluant les membranes et qui peut être chauffée à 40 °C, selon le type de nettoyage.
L’absorbance UV à 254 nm est mesurée en ligne par deux appareils de mesures UV placés, l’un en amont de la cuve de contact (mesure SAKSTEP sur l’effluent filtré à 200 µm, puis à 50 µm) et l’autre sur l’eau ultrafiltrée (mesure SAKpilote). Le dosage de SCAP peut se faire soit sur la base d’une dose fixe, soit il est asservi à l’absorbance UV (SAKSTEP ou SAKpilote), soit il peut être régulé sur l’abattement d’absorbance (%SAK = 1-SAKpilote/SAKSTEP). En parallèle, l’absorption UV des échantillons composites avant et après le pilote (après filtration à 0,45 µm) a été déterminée en laboratoire.
Les concentrations des 12 MP indicateurs de l’ordonnance du DETEC (Amisulpride, Benzotriazole, Candésartan, Carbamazépine, Citalopram, Clarithromycine, Diclofénac, Hydrochlorothiazide, Irbésartan, Méthylbenzotriazole, Métoprolol et Venlafaxine) ont été mesurées dans les échantillons composites prélevés en entrée et en sortie de la STEP et à la sortie du pilote. Les analyses de MP ont été réalisées au laboratoire CEL de l’EPFL par SPE (solid phase extraction) online-UPLC (ultra-performance liquid chromatography) MS/MS (tandem mass spectrometry) [2]. Les échantillons composites ont été prélevés sur une heure pour les essais d’optimisation et sur 24 heures pour les essais longue-durée. Durant le pilotage, l’élimination moyenne des 12 MP indicateurs par traitement biologique de la STEP était 15 ± 8% (n = 53). Les performances de traitement ci-après se réfèrent à l’abattement moyen des 12 MP entre la sortie de la STEP et la sortie du pilote.
Les concentrations des paramètres usuels des eaux usées (MES; carbone organique total, TOC; carbone organique dissous, COD; demande chimique en oxygène DCO; composés azotés; Ptot) ont également été mesurées pour chaque essai par le laboratoire de la STEP de Châteauneuf-Sion.
Le CAP Pulsorb FG4 (Chemviron) a été choisi pour ces essais, sur la base d’études préliminaires [1]. Une méthode de broyage a été développée et optimisée dans le cadre de ce projet pour produire différentes tailles de SCAP (déterminé par diffraction laser spectroscopy DSL avec Mastersizer S). Les concentrations de CAP et SCAP, ainsi que la granulométrie du SCAP en solution, ont été mesurées 1 à 2 fois par semaine afin de valider le bon fonctionnement de l’étape de préparation du SCAP. Le débit de dosage de la solution CAP ou SCAP a été mesuré avant et après chaque essai.
Les essais de pilotage se sont déroulés en deux phases:
La phase d’optimisation a servi à l’identification des paramètres clés qui influencent l’abattement des MP par la filière SCAP-UF.
La phase d’essais longue-durée a permis d’optimiser le fonctionnement du procédé et de démontrer sa stabilité sur une longue période d’exploitation, à débit et qualité d’eau variables.
Pour comprendre l’influence de différents paramètres sur l’abattement des MP, l’élimination des 12 MP indicateurs par le procédé SCAP-UF a été mesurée en variant:
Des essais de 1 heure ont été réalisés à un débit de filtration constant de 50 l/min, afin de tester différentes variations de ces 3 paramètres, pour une qualité d’eau relativement constante. L’élimination des 12 MP indicateurs ainsi que celle du COD ont été quantifiées.
Les tests d’optimisation sur le pilote ont confirmé que le SCAP (tailles testées de 1, 2 et 3 µm) offre des performances d’abattement significativement plus grandes (30–50%) que le CAP non-broyé à l’échelle du pilote, pour des doses similaires et des temps de contact entre 15 sec et 20 min (fig. 2a). Pour les trois tailles de SCAP testées, une augmentation de l’adsorption est observée avec la diminution de taille du SCAP. Bien que légèrement moins performant que le SCAP 1 µm, le SCAP 2 µm est retenu pour les essais longue-durée, car sa production dans la configuration du pilote permet de garantir une exploitation fiable en mode automatique et permet surtout de réduire les coûts énergétiques de broyage.
La cinétique d’adsorption des MP sur le SCAP est très rapide. La diminution du temps de contact de 20 minutes à quelques dizaines de secondes ne montre pas d’influence significative sur l’abattement moyen des 12 MP indicateurs par le SCAP (fig. 2b).
La dose de charbon influence l’abattement des MP, cependant ce dernier est également fortement lié à la qualité de l’effluent, notamment à la concentration en COD qui fait concurrence aux MP pour les sites d’adsorption. De ce fait, la dose spécifique (dose absolue/concentration en COD de l’échantillon) est un paramètre plus pertinent pour comparer les abattements des différents essais entre eux (fig. 2c). Ces essais d’optimisation montrent que des doses spécifiques d’environ 1,5 à 2,5 mg SCAP/mg COD sont nécessaires pour atteindre 80% d’abattement moyen des 12 MP indicateurs. Des doses similaires de CAP ne permettent d’atteindre que 50% d’élimination des MP pour les temps de contacts testés (0,5 à 20 min).
Les essais longue-durée se sont déroulés sur 10 mois, entre août 2019 et août 2020 avec du SCAP 2 µm. Le pilote a tourné en continu entre août 2019 et mars 2020, sauf lors de périodes avec une qualité d’effluent non-représentative (vendanges et travaux sur les décanteurs primaires). Un à trois échantillons composites ont été prélevés par semaine pour l’évaluation des performances de traitement.
Dans une première étape (août à novembre 2019), le pilote a été exploité à débit constant. Cette étape a permis de tester des flux de filtration progressivement plus élevés (passant de 50 à 90 l h–1 m–2) et d’optimiser les paramètres de l’ultrafiltration (préfiltration, rétro-lavages, dosage de coagulant, nettoyages chimiques) ainsi que le fonctionnement du pilote en mode continu. Une dose fixe de SCAP entre 10 et 15 mg/l a été appliquée durant cette période.
Les flux de filtration, ainsi que la perméabilité membranaire entre août 2019 et mars 2020 sont illustrés à la figure 3. La perméabilité est restée stable durant les essais à débit de filtration constant, même pour les périodes de flux élevés sur plusieurs jours (> 80 l h-1 m-2).
L’ajout d’un coagulant en amont de la membrane d’ultrafiltration permet de favoriser la stabilité de la perméabilité. Les quelques épisodes de baisse abrupte de perméabilité sont liés à un dosage inadapté à la qualité de l’effluent de STEP.
Dès novembre 2019, le pilote a été exploité à débit proportionnel au débit d’entrée de la STEP, permettant de tester le pilote dans des conditions reproduisant les variations de débit journalières et saison-nières (fig. 3a). Le flux de filtration a varié entre 40 et plus de 100 l h-1 m-2 avec une perméabilité membranaire qui est restée stable entre 150 et 400 l h-1 m-2 bar-1.
Le dosage du SCAP a été modifié, avec l’idée de l’asservir aux mesures en ligne de l’absorbance UV254. Plusieurs méthodes d’asservissement ont été testées, notamment un dosage en fonction de la qualité de l’eau brute, de la qualité de l’eau filtrée ou de l’abattement de l’UV254. En effet, à l’instar des procédés d’ozonation, la faible inertie de la filière SCAP-UF, liée à la cinétique d’adsorption très rapide du SCAP, peut bénéficier d’un dosage adapté à la qualité d’eau et permettre des économies significatives de charbon [3].
La figure 3b illustre les variations journalières de l’absorbance UV de l’effluent de STEP (SAKSTEP) et de l’eau en sortie du pilote (SAKpilote), ainsi que le flux de filtration et la perméabilité. Sur cette période, la dose de SCAP est ajustée en fonction du SAKSTEP, avec une dose qui est augmentée par palier avec l’augmentation de l’absorbance UV. L’amplitude des variations de l’absorbance SAKpilote est plus faible que celle observée sur SAKSTEP, car le signal SAKpilote est tamponné par le dosage du charbon en amont.
Un dosage régulé sur la qualité d’eau permet une économie de charbon de l’ordre de 10–20% par comparaison à une dose fixe. La régulation sur SAKpilote était la plus efficiente dans le cadre de ce pilotage, en lien avec la meilleure fiabilité de la mesure d’absorbance sur l’eau traitée. Une étude plus ciblée de cette problématique, sur une plus longue durée serait intéressante pour une comparaison plus fine des modes de régulation et pour confirmer l’économie de charbon escomptée.
Ces essais longue-durée ont par ailleurs permis de démontrer la stabilité de l’exploitation du procédé SCAP-UF à l’échelle pilote, à des flux élevés, pour une qualité d’eau variable et pour des débits variables de traitement.
Les performances de traitement du pilote en fonctionnement continu, évaluées sur des échantillons composites 24 h, sont présentées à la figure 4, avec l’abattement moyen en fonction de la dose spécifique moyenne (dose de charbon moyenne/concentration COD) pour les essais longue-durée. Ces résultats correspondent à ceux obtenus lors des essais courts. Pour une dose spécifique donnée, une grande variabilité de l’abattement est observée, probablement en raison de l’incertitude de la mesure de COD et du fait que la dose est moyennée sur 24 h.
Une dose de SCAP entre 12 et 18 mg/l (2–2,5 mg SCAP/mg COD) permet d’éliminer en moyenne 80% des MP indicateurs, uniquement sur l’étape de traitement des MP, et ce pour un temps de contact inférieur à 10 min.
En comparaison, l’élimination des MP avec du CAP est nettement inférieure, pour des doses similaires et des temps de contact 3 fois plus longs (26 min en moyenne). Pour les essais avec le CAP, des temps de contact plus longs ont été testés afin de s’approcher des conditions appliquées pour les technologies mettant en œuvre du CAP. Il est certain que l’équilibre d’adsorption n’est pas complètement atteint en 30 min sur le CAP, ces essais démontrent toutefois que pour des temps de contact jusqu’à 30 min au moins, les performances d’abattement des MP par le SCAP sont 25% supérieures au CAP. Des temps de contact plus longs n’ont pas pu être testés dans la configuration du pilote. Les essais d’abattement des MP au laboratoire démontrent cependant une capacité d’adsorption significativement supérieure avec le SCAP, pour des temps de contact jusqu’à 1 h.
Par extrapolation, l’utilisation de SCAP permet d’économiser 25–30% de charbon par rapport au dosage de CAP, pour des temps de contact jusqu’à 30 min. Pour des temps de contact plus longs, il est attendu que ce gain diminue.
Il est à souligner que les doses spécifiques appliquées sont dans la tranche supérieure des valeurs généralement appliquées pour atteindre un taux d’élimination de 80% des MP. La normalisation par la concentration COD est certes justifiée pour considérer la qualité d’eau. Cependant l’incertitude sur la valeur absolue de COD mesurée lors de ces essais, sa grande variabilité, ainsi que la dose de CAP très importante pour atteindre un abattement de 80% des MP sont des éléments qui laissent supposer une possible sous-estimation de la concentration en COD, et donc une surestimation de la dose spécifique requise.
De plus, le traitement biologique, sans nitrification, de la STEP de Châteauneuf-Sion n’est pas optimal pour le traitement des MP. Des doses spécifiques plus faibles sont donc attendues pour un traitement biologique optimisé.
Les concentrations moyennes de différents macropolluants mesurées lors des essais longue-durée en amont et aval du pilote sont données dans le tableau 1.
L’ultrafiltration, avec un seuil de coupure à 0,02 µm, permet de retenir la totalité des matières en suspension, indépendamment de la nature et la concentration de MES. Les mesures effectuées de MES confirment l’élimination complète de ces dernières, et ce jusqu’à la limite de quantification de la méthode (0,4 mg/l). Les particules de SCAP sont ainsi toutes retenues par la membrane.
L’abattement du COD a été en moyenne de 30%, sans relation observable avec la dose de SCAP appliquée. Un abattement similaire a été mesuré pour le CAP, contrairement aux essais de laboratoire et aux résultats des essais d’optimisation qui ont montré un meilleur abattement du COD par le SCAP [1].
L’élimination moyenne de la DCO est de 56% avec le SCAP et de 46% avec le CAP, ces moyennes ne sont pas significativement différentes.
La filière SCAP-UF (et CAP-UF) permet par ailleurs un abattement supplémentaire conséquent de phosphore, de l’ordre de 78%, lié à l’ajout d’une faible dose de coagulant pour le traitement UF. La filière n’a pas d’effet mesurable sur les concentrations des composés azotés.
La consommation électrique du pilote SCAP-UF a été mesurée durant tout le pilotage. Pour la phase d’exploitation stable, la consommation s’est stabilisée à 0,15 kWh/m3. Une fraction importante de l’énergie consommée est attribuable à la pompe d’alimentation de l’ultrafiltration. Des mesures spécifiques de l’énergie utilisée in-situ pour la production de SCAP ont montré que le broyage ne représente qu’une faible fraction de la consommation totale, soit 0,03 kWh/m3 d'eau traitée.
L’évaluation des coûts d’investissement et d’exploitation pour une installation SCAP-UF de 50'000 EH (Qmoyen = 170 l/s, Qmax = 330 l/s) est présentée dans le tableau 2. Cette estimation est basée sur l’extrapolation des données d’exploitation (flux, consommation électrique, réactifs) obtenues lors de ce pilotage et comparée aux procédés standards (O3-filtre à sable, O3-FS, et CAP-filtre à sable, CAP-FS), selon les mêmes hypothèses de calcul.
Les coûts d’investissement initiaux (CAPEX) d’une installation SCAP-UF sont largement supérieurs aux CAPEX des procédés standards. Il est toutefois souhaitable de considérer également l’emprise au sol et le coût de la construction des locaux de traitement (Génie Civil) dans cette comparaison. En effet, les faibles temps de contact pour l’adsorption efficace des MP (impliquant des bassins de contact nettement plus petits), couplé à des membranes compactes pour la rétention du SCAP, permettent des gains substantiels de surface au sol (–65%) par rapport aux deux autres technologies standard. Ce gain en surface se traduit par une réduction notable des coûts de construction des ouvrages. Les coûts d’investissement totaux sont ainsi équilibrés.
Le procédé SCAP-UF reste cependant plus couteux en termes de coûts d’exploitation (OPEX). L’économie de charbon estimée (–20%) est contrebalancée par les besoins énergétiques plus importants et les frais de remplacement des membranes.
Le coût total (CAPEX avec un amortissement sur 15 ans au Qmoyen + OPEX) par m3 d’eau traité revient à 7,7 ct/m3 pour le procédé SCAP-UF, en comparaison aux 5,6 et 6,6 ct/m3 pour les technologies O3-FS et CAP-FS, respectivement.
Le procédé SCAP-UF est certes renchéri par l’ultrafiltration, qui influence autant les CAPEX que les OPEX, cependant l’étape finale par séparation membranaire permet d’assurer une qualité d’eau améliorée, en plus de l’élimination des MP. En effet, le traitement par SCAP-UF permet d’éliminer les MP, sans production de sous-produits potentiellement toxiques, et de réduire le COD. De surcroit, grâce à l’étape d’ultrafiltration, ce traitement permet de retenir complètement les particules de charbon et toutes les MES en général, de réduire la concentration en phosphore et de garantir une désinfection susbtantielle de l'eau (filtration des agents pathogènes véhiculés par les eaux usées). Les projets de traitement des MP pour lesquels l’eau traitée est déversée dans un milieu récepteur sensible, et qui bénéficieraient de recevoir une eau de qualité améliorée sont donc susceptibles de s’intéresser à la filière SCAP-UF. De plus, la combinaison de la cinétique d’adsorption rapide sur le SCAP, autorisant des temps de contact très courts (< 2 min), et la séparation avec les membranes d’ultrafiltration, se traduit en une installation très compacte. L’espace au sol représente le tiers de l’espace requis par les autres procédés standard.
Le procédé SCAP-UF a également des inconvénients. Le CAP utilisé pour produire le SCAP reste une ressource non-renouvelable, non-régénérable, à forte empreinte environnementale. L’empreinte environnementale du SCAP-UF est légèrement réduite par les économies de charbon estimées à –20%, mais compensée par le surplus en besoin énergétique de l’ultrafiltration. L’utilisation de charbon plus grossier, de charbon à base de composantes renouvelables et/ou usagées permettrait de réduire encore les coûts et le bilan environnemental.
Ce projet a permis de démontrer la faisabilité du procédé SCAP-UF pour l’élimination des MP des eaux usées à l’échelle du pilote. L’exploitation du pilote sur une longue durée a permis de démontrer et d’optimiser la production automatique du SCAP in-situ, ainsi que la stabilité de l’ultrafiltration, et ce même à des flux de production élevés (jusqu’à 100 l h-1 m-2) et avec une qualité d’eau variable.
Les performances d’abattement des MP mesurés dans le cadre de ce pilotage valident les résultats initiaux constatés au laboratoire. On observe une cinétique extrêmement rapide de l’adsorption des MP sur le SCAP ainsi qu’un meilleur abattement des MP par le SCAP (abattement 25% supérieur avec le SCAP). Ces meilleures performances d’abattement se traduisent par une réduction d’environ 20% de la dose de charbon nécessaire à l’élimination de 80% des MP avec le SCAP, avec une installation extrêmement compacte (–65% surface au sol) et qui améliore substantiellement la qualité de l’effluent. Sur cette base, la technologie SCAP-UF semble particulièrement adaptée pour les installations rejetant leur effluent dans un milieu sensible, pour celles ayant des exigences élevées de qualité d’effluent ou pour des installations à espace réduit.
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[1] Bonvin, F. et al. (2016): Super-Fine Powdered Activated Carbon (SPAC) for Efficient Removal of Micropollutants from Wastewater Treatment Plant Effluent. Water Research 90: 90–99
[2] Decrey, L. et al. (2020): Removal of Trace Organic Contaminants from Wastewater by Superfine Powdered Activated Carbon (SPAC) is neither Affected by SPAC Dispersal nor Coagulation. Water Research 185: 116302
[3] Plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants» (2018): Expériences avec les sondes UV/VIS pour surveiller l’élimination des composés traces dans les stations d’épuration. www.micropoll.ch
Nous tenons à remercier tout spécialement l’équipe de la STEP de Châteauneuf-Sion, notamment Maud Vouillamoz et Frédéric Clerc pour leur aide et pour leur précieuse collaboration tout au long de ces essais; la Ville de Sion pour l’accès au site et pour la mise à disposition des containers; Dominique Grandjean (EPFL) pour les analyses de micropolluants; Prof. Paul Bowen (EPFL) pour la mesure de la taille des particules; ainsi que Max Schachtler de la STEP de Neugut pour ses précieux conseils relatifs à la mesure UV. Finalement, nous remercions très sincèrement l’OFEV pour le financement partiel de ce projet et pour l’intérêt continu qu’il a démontré durant ces deux dernières années.
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