Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
05. septembre 2019

Évacuation des eaux urbaines

Alternative économique à l'augmentation de la capacité du réseau de canalisation

La commune suburbaine bernoise d’Ostermundigen propose des incitations financières à la construction d'installations d’infiltration privés pour les biens-fonds existants. Avec son modèle novateur, elle veut éviter que des eaux pluviales relativement propres ne parviennent inutilement dans la canalisation et induisent ainsi une extension coûteuse des capacités des réseaux de canalisation pour l’évacuation des eaux urbaines. Les propriétaires immobiliers en profitent tout autant que les pouvoirs publics.

Ostermundigen est une agglomération intercommunale à l’est de Berne qui compte actuellement plus de 16 000 habitants. Comme déjà constaté ces dernières années, la population devrait encore croître dans un avenir proche. «Suite à la densification du milieu bâti et à l’aménagement de nouvelles zones de construction, le réseau de canalisations atteint dès aujourd’hui sa limite de capacité en cas de fortes précipitations» explique Marc Sterchi, le responsable des infrastructures communales. Ainsi, la capacité de la canalisation principale, de dimensions 2,6 sur 1,6 mètres, est déjà épuisée à 92 pour cent lors des orages. Afin de créer des réserves suffisantes pour le raccordement de biens-fonds supplémentaires, la commune pourrait augmenter la capacité de son réseau de canalisations avec de nouveaux ouvrages ou des ouvrages de rejet. «Mais, une extension des canalisations entraîne une explosion des coûts de l’évacuation des eaux urbaines sans plus-value pour la population» constate Marc Sterchi.

L’infiltration des eaux pluviales est prioritaire

Tant l’ordonnance sur la protection des eaux du canton de Berne que le règlement des eaux usées d’Ostermundigen prévoient que les eaux pluviales non polluées de surfaces imperméabilisées doivent si possible s’infiltrer sur place, si les conditions locales le permettent (fig. 1–4). Si une telle solution est exclue en raison de la nature défavorable du sol, il faut opter en second lieu pour le déversement dans un cours d’eau en surface. Ce n’est que lorsque ces deux variantes ne sont pas réalisables que les eaux pluviales peuvent être déversées dans la canalisation. Il faut alors réaliser si possible des mesures de rétention – comme p. ex. sous forme de toits plats végétalisés, de places avec grilles-gazons ou des installations de rétention.
Dans le cadre de la procédure d’autorisation de nouvelles constructions, la commune d’Ostermundigen impose la réalisation d’installations d’infiltration et de rétention depuis déjà plusieurs années. «Notre problème découle toutefois des nombreux biens-fonds avec de grandes surfaces imperméabilisées construits à une époque où l’on ne se posait pas beaucoup de questions sur l’évacuation des eaux urbaines» constate Marc Sterchi. «Nous voulons maintenant motiver leurs propriétaires à construire également des installations d’infiltration afin de délester le réseau de canalisations, notamment lors des orages.»

Incitations financières pour les installations d'infiltration 

C’est pourquoi la commune a mis en vigueur son règlement révisé sur les eaux usées et le tarif de taxes correspondant début février 2013. Les propriétaires de bâtiments existants reçoivent ainsi des incitations financières pour ne plus continuer à déverser les eaux pluviales dans la canalisation, mais pour les infiltrer sur leur terrain. La commune d’Ostermundigen participe au coût des installations en remboursant aux propriétaires la taxe de raccordement en vigueur de 25 francs par mètre-carré (m2) si les surfaces sont découplées de la canalisation d’eaux unitaires et pratiquent désormais l’infiltration. Le paiement est toutefois limité à 50 pour cent des investissements. De plus, la taxe annuelle périodique pour les surfaces imperméabilisées jusqu’alors raccordées au réseau de canalisations est supprimée après la mise en service d’une installation d’infiltration. Grâce à la suppression des taxes et au financement de départ à la construction, une telle installation devient, dans le meilleur des cas, un investissement rentable pour le propriétaire du bien-fonds après quelques années.

Exemple

Une habitation collective existante disposait d’une surface imperméabilisée de 1448 m2 dont l’évacuation des eaux a été nouvellement réalisée par une installation d’infiltration d’un coût de 18'000 francs. Étant donné que le remboursement de la taxe de raccordement par m2 aurait été deux fois plus élevé que les coûts de construction, la commune a limité son paiement à 9000 francs. À Ostermundigen, le tarif des taxes annuelles périodiques pour le déversement d’eaux pluviales dans le réseau de canalisations est établi de sorte que les coûts augmentent de manière surproportionnelle à la surface. Dans le cas concret, le propriétaire payait jusqu’à présent 2620 francs par an qui ont été entièrement supprimés. Le propriétaire peut ainsi amortir son investissement en seulement trois ans et demi et économiser dorénavant une partie importante des taxes.
Pour que ces nouveautés profitent aussi aux personnes concernées qui avaient réalisé des installations d’infiltration les années précédentes sur incitation des autorités communales, le droit de remboursement partiel des coûts de construction est rétroactif sur cinq ans (fig. 5). De manière similaire, le nouveau modèle incite de plus à la construction de bassins de rétention des eaux pluviales, de toitures végétalisées et de places avec grilles-gazons, ainsi qu’au déversement des eaux pluviales et des eaux claires dans des cours d’eau en surface. La taxe d’évacuation des eaux pluviales est alors réduite de 50 pour cent maximum.

La commune profite elle aussi 

Mais ce modèle profite-t-il aussi aux pouvoirs publics? Pour Stefan Hasler, qui dirigeait le service Gestion des eaux urbaines à l’Office des eaux et des déchets (OED) du canton de Berne et qui est aujourd’hui directeur du VSA, il n’y a aucun doute: «D’un point de vue économique, il est certainement plus avantageux de recourir à la taxe d’assainissement pour découpler les surfaces imperméabilisées de la canalisation que de l’employer pour une extension des capacités de parties importantes du réseau de canalisations communal.» C’est pourquoi il considère que le nouveau modèle de taxation d’Ostermundigen est une situation gagnant-gagnant pour la commune et les propriétaires privés. «Il s’agit d’une approche particulièrement intéressante de réduction à prix avantageux des goulots d’étranglement hydrauliques, surtout pour les agglomérations intercommunales en croissance dans lesquelles la limite de capacité du réseau de canalisations est atteinte en de nombreux endroits suite à la densification du milieu bâti.»
Étant donné que les eaux pluviales sont aujourd’hui infiltrées sur place dans la plupart des constructions neuves et que les biens-fonds existants possèdent en partie de grandes surfaces imperméabilisées, Marc Sterchi suppose que l'infiltration des eaux pluviales d'un bien-fonds précédemment raccordée au réseau d'eaux mixtes permettra de créer une capacité de raccordement de dix nouveaux bâtiments. «C’est pourquoi nous sommes en mesure d’utiliser le système de canalisation existant pour l’évacuation des eaux usées de bien plus de bâtiments.»

Économies lors des réhabilitations du réseau 

Car c’est aussi le but déclaré de la commune de continuer à croître sans devoir augmenter la capacité du réseau de canalisations. Pour cette raison, les recettes de la taxe pluviale, qui correspondent à environ 20 pour cent de toutes les taxes sur les eaux usées à Ostermundigen, sont désormais utilisées de manière ciblée pour inciter des personnes privées à faire des investissements utiles au délestage du réseau. Entre-temps, près de 750 des 2200 biens-fonds au total disposent d’installations d’infiltration. L’époque où pratiquement chaque orage déclenchait une intervention des pompiers à cause d’engorgement de la canalisation et de caves inondées appartient en tout cas au passé.
La réduction des problèmes de capacité a aussi des retombées positives sur les possibilités de réparation des fuites sur les anciennes canalisations. Alors que le remplacement complet d’une conduite d’égout de 50 cm de diamètre coûte environ 2500 francs par mètre linéaire, le chemisage de l’intérieur de la conduite avec un revêtement en plastique étanche – sans coûteux travaux d’excavation – revient à 600 à 800 francs. Toutefois, la section d’évacuation est alors légèrement réduite. «Grâce à la construction d’installations d’infiltration pour les biens-fonds existants, nous dégageons notamment la place nécessaire pour pouvoir évacuer les eaux pluviales de constructions neuves sur des terrains non infiltrables, malgré une section réduite des canalisations ainsi réhabilitées» explique Marc Sterchi.

Motifs écologiques 

Il y a par ailleurs aussi des arguments écologiques en faveur du modèle d’Ostermundigen: les installations d’infiltration compensent les effets négatifs de l’imperméabilisation du sol sur les ressources en eaux souterraines en contribuant à leur renouvellement sur place. Quand une quantité moindre d’eaux pluviales parvient au réseau de canalisations, cela réduit en outre les déversements d’eaux unitaires dans les cours d’eau et donc aussi le stress hydraulique. S’il est possible d’éviter des extensions coûteuses du réseau de canalisations grâce à une utilisation plus appropriée de l’infrastructure existante de traitement des eaux usées, une commune économise ainsi non seulement de l’argent, mais aussi des ressources, p. ex. sous forme de matériaux de construction, de machines ou de carburant.
Ostermundigen démontre aussi son caractère de modèle dans le quartier en développement d’Oberfeld avec la plus grande installation d’infiltration de Suisse en zone urbaine (fig. 6). Cet ouvrage entièrement réalisé en sous-sol a une capacité de stockage de 700 m3. Étant donné que jusqu’à 50 litres d’eaux pluviales s’écoulent par mètre-carré imperméabilisé dans les 20 premières minutes d’un orage, cela suffit pour évacuer les eaux d’une surface bâtie de 14'000 m2. Depuis 2011, l’Institut für Umwelt- und Verfahrenstechnik (Umtec) de la Hochschule für Technik à Rapperswil (SG) utilise cette installation pilote comme objet de test pour le contrôle scientifique de divers substrats filtrants destinés à retenir les éventuels polluants dans les eaux pluviales, avant leur infiltration dans le sous-sol en gravier.
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV), plusieurs cantons et divers fabricants apportent un soutien financier aux essais de terrain fortement axés sur la recherche de solutions. L’objectif est le développement d’installations de filtrage et d’infiltration pour zones urbaines aussi efficaces que possible qui filtrent notamment aussi les pesticides organiques, en plus des métaux lourds des surfaces de toiture et de route drainées. Selon les premiers résultats d’études antérieures, une résine adsorbante microporeuse à base de charbon ou de charbon actif en combinaison avec un granulé d’hydroxyde de fer enrichi en calcaire est la plus adaptée à cet usage.

Partie d'un Concept complet de réhabilitation 

La commune d’Ostermundigen investit 32 millions de francs jusqu’à 2014 pour assainir systématiquement quartier par quartier les conduites d’eau potable et d’eaux usées. Un deuxième crédit cadre est à l’étude pour la période jusqu’à 2018. En 2019, 95 pour cent de toutes les canalisations sur le territoire communal devraient être étanches et remplir leur fonction. Dans le cadre de ce programme, l’administration communale fait également vérifier les raccordements privés et propose aux propriétaires un pack de service avantageux pour le renouvellement de leurs installations d’évacuation des eaux. Là où des assainissements sont déjà prévus, les installations d’infiltration recommandées peuvent aussi être réalisées immédiatement dans ce cadre. «Il est alors parfois possible de couper tout simplement les anciennes canalisations d’eaux pluviales» ajoute Marc Sterchi. «Vu qu’elles n’auront plus de fonction à l’avenir, il n’est pas non plus nécessaire de les réhabiliter.»

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