Nichée au cœur du massif jurassien, la ville de la Chaux-de-Fonds est exposée à un climat rigoureux et à de fortes précipitations (1500 mm en moyenne annuelle sur ces 15 dernières années). Ses particularités géographiques ainsi que son ancienneté ont conduit la ville à développer un réseau d’évacuation entièrement unitaire. L’ensemble des eaux mixtes sont collectées puis acheminées à la station d’épuration (STEP), au fond de la combe des Moulins, via un canal en béton de 3,5 par 2,8 mètres.
Dans le cadre de la gestion de son réseau unitaire, La Chaux-de-Fonds s’appuie sur un bassin de rétention des eaux pluviales (BEP) d’une capacité de 2000 m³. Ce dispositif joue un rôle essentiel en retenant temporairement les eaux mixtes non traitées avant leur passage à la STEP. Il contribue à limiter les impacts environnementaux dans le ruisseau de la Ronde.
Cependant, si le BEP assure un traitement efficace pour les débits inférieurs à 2 m³/s grâce à des procédés de dégrillage et de décantation, il montre ses limites face aux volumes excédant cette capacité. Ces débits excédentaires, rejetés directement dans l’environnement sans traitement, entraînent une pollution visuelle (macrodéchets) et chimique, affectant non seulement la biodiversité locale, mais également la qualité des eaux en aval.
Face à ces limites, identifiées dans le cadre de son plan général d’évacuation des eaux (PGEE), la ville a entrepris une transformation en profondeur du BEP et confié sa conception à HOLINGER SA. L’ouvrage a été réaménagé pour accueillir un système de dégrillage de haute capacité. Le volume du BEP a été réduit d’environ 500 m3 pour laisser de la place au système de traitement des eaux déversées (TED) mais le débit de dimensionnement a été multiplié par quatre.
L’installation (fig. 1–3) peut désormais traiter des débits atteignant 8 m³/s au moyen de grilles verticales espacées de 6 mm (deux dégrilleurs HUBER RakeMax haute capacité). Le débit admis est régulé au moyen de deux vannes installées en aval des dégrilleurs. Si la capacité du BEP est atteinte, les eaux pluviales sont déversées dans la Ronde après une seconde étape de dégrillage, équivalente à 3 mm. Ce deuxième niveau de dégrillage plus fin a une capacité de 4 m3/s.
Cette nouvelle configuration améliore non seulement l’efficacité du traitement, mais optimise également l’écoulement, évitant tout encombrement dans le canal principal d’évacuation.
Un autre progrès significatif réside dans l’extraction directe des déchets de dégrillage, qui ne sont plus réintroduits à la STEP. L’ensemble de cette transformation, représentant un investissement de 2,7 millions de francs suisses (TVA comprise), reflète une avancée majeure pour réduire l’impact environnemental et renforcer la résilience des infrastructures face aux évènements pluvieux extrêmes.
Le dimensionnement du système était contraint par trois variables principales: des débits importants, l’intégration dans une structure existante et une répartition des flux équilibrée entre chaque dégrilleur. De plus, la conception du dégrillage a été orientée pour minimiser les singularités hydrauliques, telles que coudes et variations brusques de section, susceptibles d’altérer la qualité du traitement ou de provoquer des débordements.
Au vu de la complexité des écoulements et l’importance des débits en jeu, des simulations numériques (Computational Fluid Dynamics – CFD 3D) ont été réalisées. Ces études ont apporté une compréhension approfondie des phénomènes hydrauliques, tout en offrant la possibilité de faire des itérations et de valider la conception.
La simulation s’est concentrée sur trois cas de débit significatif.
Le premier cas a permis de vérifier que la prise d’eau et le BEP fonctionnent correctement au débit de dimensionnement (8 m3/s) et aux débits plus faibles. Un débit d’entrée constant a été simulé pendant plusieurs dizaines de secondes afin qu’un régime stationnaire s’installe, permettant d’évaluer au mieux le fonctionnement du système au régime nominal. Les phénomènes transitoires dus à la variation du débit d’entrée ont ainsi été écartés. Les pertes de charges à travers les dégrilleurs ont été considérées pour l’optimisation de la prise d’eau, afin de garantir une répartition équilibrée entre les deux dégrilleurs.
Le deuxième cas a eu pour but d’évaluer le comportement du système pour une pluie importante qui se produira plusieurs fois au cours de la durée de vie de l’ouvrage. Ce cas de débit (25 m3/s) a également permis de valider la part d’eau captée par le BEP (soit les 8 m3/s prévu).
Finalement, le troisième cas a permis de vérifier que pour les débits extrêmes allant jusqu’à cinq fois le débit de dimensionnement (40 m3/s), la sécurité du BEP et de la station d’épuration n’était pas mise en danger. Un écoulement stabilisé a également été simulé afin d’écarter les phénomènes transitoires et les singularités hydrauliques dues aux variations de débit en entrée. Ce débit sert de «scénario catastrophe», étant admis que les cas intermédiaires sont moins risqués.
Ces trois cas de débit ont été étudiés une fois pour l’ensemble du BEP, depuis la prise d’eau jusqu’à la restitution dans le canal de contournement (fig. 4). Pour chaque géométrie de prise d’eau, l’écoulement a été étudié jusqu’à la sortie du dégrillage grossier seulement, partant du principe que la géométrie de la prise d’eau n’influence pas (ou peu) l’écoulement à l’intérieur du BEP.
L’étude CFD [2] a également permis de modéliser avec précision le comportement des eaux en aval, en particulier le ressaut hydraulique lors du passage en régime subcritique dans le canal d’évacuation. Ces prédictions ont joué un rôle clé pour prévenir les perturbations hydrodynamiques, telles que les vagues ou turbulences qui pourraient compromettre la performance globale du système.
Grâce à ces outils numériques, il a été possible d’optimiser le dimensionnement du canal et les interfaces entre les différents éléments hydrauliques. Ce processus garantit une capacité d’évacuation maximale en respectant les contraintes constructives.
Le nouveau système de dégrillage a nécessité la construction d’un bâtiment pour accueillir les systèmes d’évacuation des déchets et garantir la maintenance de l’infrastructure. À l’initiative du maître d’ouvrage, il a été décidé de construire l’intégralité de la structure en bois (fig. 5). Au-delà des aspects esthétiques, cette volonté incarne une démarche forte en matière de durabilité et de respect de l’environnement, en cohérence avec les objectifs globaux du projet et de la ville.
Le bois présente plusieurs avantages. Contrairement à certains matériaux de construction plus traditionnels, il peut aisément supporter les variations de température et d’humidité et offre une bonne résistance aux effluents chimiques présents dans les eaux pluviales. Cette durabilité naturelle permet à la structure de conserver son intégrité à long terme, réduisant ainsi les besoins en maintenance et en remplacement.
De plus, sa légèreté et sa facilité de mise en œuvre ont permis de raccourcir les délais de construction et de réduire les coûts. Sur le plan écologique, le bois a une empreinte carbone bien inférieure à celle du béton ou de l’acier et contribue ainsi a réduire l'impact environmental du projet. En optant pour cette solution, la ville a favorisé une solution locale, renouvelable et respectueuse des principes écologiques.
Grâce aux transformations majeures apportées au système de gestion des eaux pluviales, La Chaux-de-Fonds dispose désormais d’une infrastructure optimisée et adaptée aux défis actuels. Le nouveau dispositif de dégrillage de haute capacité est pleinement opérationnel, permettant de traiter efficacement des débits jusqu’à 8 m3/s.
Depuis sa mise en service, plusieurs épisodes importants ont montré que la capacité pratique du TED était de l’ordre de 9 m3/s. En juillet 2023, un débit total de 26 m3/s a par ailleurs été enregistré dans le canal, permettant de valider le dimensionnement et le fonctionnement de l’installation en cas de fortes précipitations (fig. 6).
Le TED assure aujourd’hui une réduction significative des déchets solides rejetés dans l’environnement, contribuant ainsi à une amélioration notable de la qualité des eaux dans le ruisseau de la Ronde (fig. 7). L’extraction directe des déchets de dégrillage a également simplifié la maintenance et réduit les risques de surcharge à la station d’épuration, optimisant ainsi le fonctionnement global du réseau. En parallèle, les ajustements hydrauliques réalisés dans le canal d’évacuation principal ont éliminé les perturbations qui compromettaient autrefois la stabilité du flux.
Deux ans après sa mise en service, les améliorations significatives observées témoignent du succès de ce projet. L’intégration précoce des outils numériques dès les premières phases de planification a permis non seulement de concevoir et d’optimiser cette infrastructure publique d’envergure, mais aussi de garantir la gestion des eaux pluviales à long terme.
Les débits prévus lors du dimensionnement permettront d’absorber efficacement les épisodes pluvieux qui devraient devenir plus fréquents et plus intenses à l’avenir, en raison du changement climatique.
Les résultats obtenus depuis la mise en place du nouveau système de dégrillage sont particulièrement significatifs. La pollution liée aux macrodéchets dans les eaux superficielles, spécifiquement dans le ruisseau de la Ronde, a été réduite de 99%, un indicateur majeur de l’efficacité du dispositif. Depuis sa mise en service en 2023, environ 11 tonnes de déchets ont été extraites directement lors du processus de dégrillage, évitant leur dispersion dans l’environnement et limitant leur impact sur les écosystèmes. Les chiffres-clé sont résumés dans le tableau 1.
Masse de déchets évacuée | 11 t |
Réduction relative de la pollution liée aux macrodéchets dans la Ronde | -99% |
Débit max enregistré dans le canal | 25,6 m3/s |
Investissement | 2,7 mio. francs |
Tab. 1 Chiffres-clé du bassin de rétention des eaux pluviales transformé en un système de dégrillage haute capacité.
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Un grand merci à Pierre Schneider, ancien ingénieur de Ville, Jaques Vidal, ancien responsable de la STEP, ainsi que Didier Gretillat et Jérôme Chazel, responsables actuels de la STEP.
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