Des composés traces organiques tels que les résidus de médicaments ou de produits cosmétiques peuvent avoir des impacts négatifs sur la vie aquatique même en faible concentration [1]. En Suisse, certaines stations d’épuration des eaux usées (STEP) seront équipées d’étapes de traitement visant à éliminer les composés traces d’ici 2040. Les nouvelles étapes de traitement sont déjà mises en service dans dix STEP. Des procédés à l’ozone, au charbon actif en poudre (CAP) ou au charbon actif en grains (CAG) conviennent à cette optimisation de STEP [2]. La pollution des cours d’eaux par les composés traces diminuera ainsi fortement, ce qui contribuera à améliorer la qualité des eaux [1, 3].
Les avantages de ces étapes de traitement sont incontestables. Mais leur exploitation nécessite l’utilisation de ressources d’exploitation supplémentaires, qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre et d’autres impacts environnementaux. Les STEP ne représentent qu’un faible pourcentage de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre suisses et l’élimination des composés traces n’est que l’une des étapes de traitement mises en œuvre. Néanmoins, les impacts sur l’environnement engendrés par l’exploitation de ces étapes de traitement supplémentaires doivent être réduits au minimum.
Le présent article identifie les facteurs qui contribuent fortement à l’empreinte CO2 des différents procédés utilisés dans les STEP suisses. Ces connaissances soutiendront la planification et surtout l’optimisation de l’exploitation des étapes de traitement visant à éliminer les composés traces. Un grand nombre de mesures destinées à réduire l’empreinte CO2 permettent également de réduire les coûts des ressources d’exploitation et de l’électricité. Une protection des eaux respectueuse du climat peut donc aussi s’avérer intéressante du point de vue économique.
Les impacts environnementaux des systèmes techniques sont généralement évalués avec des bilans écologiques [4, 5]. Ces derniers comprennent une analyse complète de tous les impacts environnementaux potentiels sur le sol, l’air et l’eau et prennent en compte tous les flux de substances dans les systèmes situés en amont et en aval, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à l’élimination.
Par ailleurs, les impacts environnementaux supplémentaires et les coûts des mesures sont directement comparés avec les bénéfices apportés. Pour ce qui est de l’élimination des composés traces, cela signifie que l’amélioration de la qualité des eaux grâce à l’élimination des composés traces doit être quantifiée afin de pouvoir en évaluer les bénéfices. Différentes études procèdent à l’évaluation de ce bénéfice à l’aide de quelques substances, par exemple [6-10]. La présente étude renonce à ce type d’évaluation. Au lieu de cela, les auteurs partent du principe que tous les procédés susmentionnés génèrent le même bénéfice environnemental, car ils respectent le taux d’épuration de 80% exigé par la loi pour une sélection de composés traces. En s’appuyant sur l’état actuel des connaissances, les éventuelles différences peuvent être considérées comme négligeables.
Il ne s’agit donc pas d’un bilan écologique complet, mais d’une évaluation des impacts environnementaux. Les impacts environnementaux des différents procédés visant à éliminer les composés traces peuvent par exemple être évalués sur la base de certains indicateurs tels que la consommation d’énergie primaire ou l’effet de serre ou être agrégés à l’aide d’indices de charge polluante spécifiques (tab. 1). Les auteurs optent pour l’indicateur Effet de serre, car il constitue l’un des problèmes environnementaux les plus urgents auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. L’effet de serre est exprimé en équivalents CO2 ou empreinte CO2 et permet de quantifier la contribution humaine au réchauffement climatique. Le facteur Energie primaire permet de mesurer l’utilisation de ressources fossiles limitées. Il est indirectement déjà contenu dans l’indicateur de gaz à effet de serre via les émissions de gaz à effet de serre liées à leur utilisation. L’indicateur Effet de serre est calculé ici selon le modèle internationalement reconnu du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme potentiel de réchauffement climatique sur une période de 100 ans [11]. L’utilisation des énergies renouvelables n’est pas prise en compte négativement dans cette étude.
Afin de simplifier le calcul, les auteurs se concentrent par ailleurs sur les ressources d’exploitation que sont le charbon actif et l’ozone (fabrication et consommation d’électricité incluses), car elles sont à l’origine de plus de 80% des émissions de gaz à effet de serre générées par l’élimination des composés traces selon [6]. Le traitement et l’élimination d’éventuelles boues supplémentaires, la consommation d’agents précipitants et floculants, l’activité de construction et la consommation de matériaux pour la construction des bassins et des bâtiments jouent un rôle bien moins important pour l’effet de serre selon [6]. La consommation de matériaux pour la construction a toutefois été étudiée plus précisément en considérant le contexte suisse dans le paragraphe «Importance de l’infrastructure». Les aspects sociaux ou économiques ne sont pas pris en compte dans cette étude.
La présente étude comprend un modèle de l’élimination des composés traces dans une STEP suisse avec les trois procédés suivants: ozonation avec filtration sur sable, CAP avec filtration sur sable et filtration sur CAG. Les bases du calcul de l’empreinte CO2 sont mentionnées dans le tableau 2, tandis que la figure 1 montre la limite du système utilisée, ainsi que les hypothèses formulées sur la quantité de ressources d’exploitation nécessaires. Les hypothèses formulées dans le modèle sur la quantité de dosage et la consommation d’électricité sont basées sur le projet Micropoll [12], des essais pilotes, ainsi que les premiers enseignements tirés de réalisations à l’échelle industrielle. Tous les calculs se rapportent à un mètre cube d’eaux usées en sortie de décantation secondaire avec des valeurs d’effluents typiques pour la Suisse (fig. 1); par rapport aux eaux usées brutes (c’est-à -dire l’entrée de la STEP), les composés traces sont éliminés au minimum à 80%.
Un outil spécialement conçu pour ces estimations a servi de base au calcul des émissions liées à la fabrication de charbon actif. Les bases utilisées à cet effet sont mentionnées dans [13]. Le modèle est basé sur l’hypothèse suivante: le CAP est composé à 100% de charbon frais, tandis que le CAG est régénérable et la part de CAG perdue (10%) doit être remplacée par du charbon frais (phase de make-up). En principe, l’empreinte CO2 des installations à l’échelle industrielle peut être calculée avec les indicateurs VSA pour l’élimination des composés traces à partir des données d’exploitation actuelles [18]. Le présent modèle utilise un mix électrique suisse ayant une empreinte CO2 plus élevée (mix de consommation selon [14]), qui prend également en compte les importations d’énergie non renouvelable. Il est également supposé que l’oxygène liquide est produit en Suisse et pas dans l’UE. Le modèle permet une prise en compte différenciée des différents facteurs d’influence, ainsi que la simulation de différents scénarios.
Dans la mesure où le mix électrique suisse (182 g éqCO2/kWh) a une empreinte CO2 beaucoup plus faible que le mix européen (450 g éqCO2/kWh [19]), il joue dans l’analyse globale de l’effet de serre en Suisse un rôle plus faible que dans des études comparables telles que [6]. En revanche, l’infrastructure devrait gagner en importance. C’est pourquoi un examen plus approfondi sera effectué, afin de déterminer si l’influence de la consommation de matériaux pour construire l’infrastructure joue également un rôle secondaire pour les STEP suisses.
L’influence maximale de l’infrastructure est estimée de manière approximative à l’aide de deux exemples; l’empreinte CO2 de la consommation de matériaux pour l’infrastructure est calculée à l’aide d’un outil spécialement développé pour l’étude [13]. L’analyse a porté, d’une part, sur les matériaux utilisés pour construire l’ozonation suivie d’une filtration sur CAG à la STEP d’Altenrhein. Cette installation déjà réalisée a permis d’évaluer l’influence maximale de l’infrastructure pour les ozonations, car tous les ouvrages ont été construits à neuf et le traitement complémentaire est plus important que celui du filtre à sable. L’analyse s’est penchée, d’autre part, sur l’étape CAP planifiée à la STEP de Fehraltorf avec un réacteur de CAP, une sédimentation et une filtration (procédé Ulm). Cette installation permet d’évaluer l’influence maximale de l’infrastructure pour les procédés au CAP, car il s’agit d’un procédé exigeant des travaux considérables, ainsi qu’un traitement de flux total. La consommation de matériaux pour l’infrastructure a été calculée sur toute la durée de vie des ouvrages [13] et une réserve de 20% a été additionnée pour les matériaux non pris en compte et les incertitudes.
La figure 2 montre les calculs pour l’ozonation suivie de la filtration sur CAG: l’infrastructure représente 18% de l’empreinte CO2 d’une ozonation avec filtration sur CAG; les matériaux béton et acier d’armatures représentent plus de la moitié de l’empreinte CO2 de l’infrastructure de ce procédé combiné (diagramme circulaire dans la figure 2). Une ozonation avec filtration sur sable aurait nécessité moins de matériaux de construction, car les filtres à sable sont plus petits que les filtres à CAG. Dans le même temps, l’empreinte CO2 représentée dans la figure 2 aurait été inférieure d’env. 10 g éqCO2/m3 pour une ozonation seule avec une dose d’ozone plus élevée, mais sans CAG. Avec les matériaux de construction utilisés à la STEP d’Altenrhein, la part de l’infrastructure pour une ozonation seule n’aurait été que légèrement supérieure (22%).
Pour la STEP planifiée de Fehraltorf, seules les données des matériaux de construction probablement nécessaires (béton et armature) sont disponibles. Dans la mesure où de nombreux bassins et comparativement moins de conduites et d’autres parties d’installation sont nécessaires pour le procédé Ulm, ces données permettent toutefois d’estimer grossièrement la part de l’infrastructure. Les hypothèses sur la consommation de CAP issues de la figure 1 et une réserve de 20% pour les matériaux de construction non pris en compte font apparaître une part d’infrastructure de 27% dans l’empreinte CO2. Sans les bassins de sédimentation, l’infrastructure aurait encore représenté 19% dans cet exemple. Cela correspond au procédé de dosage de CAP directement avant une filtration sur sable.
En conclusion, l’influence de la consommation de matériaux est relativement plus importante en Suisse qu’en Allemagne en raison d’un mix électrique plutôt vert, sans toutefois être dominante. Mais il est pertinent d’utiliser des ouvrages existants et ainsi de minimiser les coûts d’investissement et donc de réduire les impacts environnementaux qui en résultent. En revanche, d’autres mesures permettant de baisser la consommation de matériaux ne jouent qu’un rôle mineur pour l’empreinte CO2. La suite de l’analyse mettra donc l’accent sur la consommation des agents d’épuration.
Les résultats de l’étape de traitement des micropolluants modélisée dans la figure 3 avec les hypothèses issues de la figure 1 montrent que la majeure partie de l’empreinte CO2 apparaît lors de la production et de l’activation du charbon actif pour les procédés au charbon actif. L’extraction des matières premières, la combustion de la matière première et la vapeur nécessaire à l’activation représentent la majeure partie de la production de charbon frais, tandis que la part de l’électricité et du transport est négligeable. Lors de l’utilisation de CAG, le charbon actif régénéré a une empreinte CO2 beaucoup plus faible, malgré des quantités de dosage identiques au CAP, car la régénération nécessite uniquement du gaz et aucune matière première supplémentaire. En revanche, environ deux tiers de l’empreinte CO2 des ozonations sont générés par la consommation d’électricité pour la production d’ozone et l’exploitation du traitement complémentaire dans la STEP, et près d’un tiers provient de la consommation d’électricité pour la production d’oxygène en Suisse.
Sur la base des hypothèses formulées, l’ozonation génère la plus faible empreinte CO2 avec 23 g éqCO2/m3, suivie par le CAG avec 40 g éqCO2/m3 et le CAP avec 149 g éqCO2/m3 (fig. 3). Ce faisant, le mix électrique choisi a une grande influence. Si le mix électrique suisse se rapprochait du mix européen, l’ozonation aurait une empreinte CO2 légèrement plus élevée que la filtration sur CAG. En supposant que la production d’oxygène liquide a lieu dans l’UE et que le mix électrique européen est donc appliqué, le CAG et l’ozone obtiennent des résultats similaires en matière d’empreinte CO2. Avec le mix de production suisse (sans les importations: 29,8 g éqCO2/kWh [14]), l’empreinte CO2 de l’ozonation est 6 fois moins élevée qu’avec le mix de consommation.
La modélisation montre également que les matières premières utilisées pour la fabrication du charbon actif ont une grande influence sur l’empreinte CO2. Si une matière première renouvelable telle que des écorces de noix de coco ou du bois est utilisée pour fabriquer le charbon actif, l’empreinte CO2 diminue de plus de 40%. Par ailleurs, les produits réactivés s’en sortent beaucoup mieux, ce qui entre en ligne de compte pour la filtration sur CAG.
Compte tenu des hypothèses de base de cette étude et d’une production quotidienne d’eaux usées de 300 litres par habitant, l’élimination des composés traces engendre une empreinte CO2 supplémentaire par habitant et par jour comprise entre 7 g éqCO2 pour l’ozone et 45 g éqCO2 pour le procédé au CAP. Pour ce qui est du dernier, cela correspond à environ 200 mètres de trajet sur autoroute par jour. Globalement, l’installation CAP d’une STEP moyenne de 30'000 EH génère chaque jour autant d’équivalents CO2 que 100 personnes en Suisse. Pour que ces valeurs puissent être relativisées dans le processus d’épuration global de la STEP, le prochain paragraphe fournit une comparaison des émissions de gaz à effet de serre générées par les différentes étapes d’épuration.
Outre l’élimination des composés traces, les autres étapes de traitement de la STEP génèrent aussi des émissions de CO2. Selon [20] et [21], les facteurs pertinents sont avant tout la consommation d’électricité pour l’aération de la biologie, les émissions de protoxyde d’azote issues de la biologie et de l’incinération des boues ainsi que les émissions de méthane dans le réseau d’égouts, le décanteur primaire et celles provenant des stocks de boue non couverts (fig. 4). Une estimation approximative a révélé que ces processus génèrent avec le mix de consommation électrique suisse environ 175 g éqCO2 par habitant et jour, ce qui correspond à env. 1% des émissions de CO2 suisses. La part de l’élimination des composés traces dans les émissions globales de gaz à effet de serre d’une STEP est donc comprise entre 4% pour l’ozone et 20% pour le procédé au CAP. Par conséquent, l’élimination des composés traces joue un rôle mineur dans les émissions totales d’une STEP.
La comparaison des émissions de gaz à effet de serre modélisées pour l’étape de traitement des composés traces avec des données d’exploitation provenant d’installations CAP à l’échelle industrielle est représentée dans la figure 5 et celle provenant des installations d’ozone est représentée dans la figure 6.
Sur la base des données d’exploitation de 2017 (A.1) et 2018 (A.2), la STEP A a tendance à présenter des émissions de gaz à effet de serre supérieures à celles de l’étape de traitement des composés traces modélisée. Le fait que les eaux usées présentent des charges de COD plus élevées qui entrainent une augmentation de la consommation de CAP est dû au bassin versant à composante industrielle. Par ailleurs, cette STEP utilise un charbon frais à base de lignite, qui génère des émissions de gaz à effet de serre plus élevées que la houille modélisée. La STEP B a une empreinte CO2 plus faible, car sa consommation de CAP est plus faible que celle de l’étape d’élimination des composés traces modélisée. L’empreinte CO2 du charbon actif utilisé dans la STEP C est plus faible que celle d’un charbon frais à base de houille. Par ailleurs, la STEP C présente une concentration de COD relativement faible à l’entrée de l’étape CAP. L’empreinte CO2 de cette installation CAP est donc très faible.
Les trois ozonations à l’échelle industrielle étudiées génèrent de plus faibles émissions de gaz à effet de serre que l’étape d’élimination des composés traces modélisée. Cela est dû en partie à une réduction des doses d’ozone rendue possible grâce à un pilotage/réglage optimisé, à de plus faibles concentrations de substances organiques dissoutes (COD) et de nitrite ou à la faible consommation d’électricité du traitement complémentaire.
Les consommations d’électricité des installations réalisées sont mentionnées dans le tableau 3, afin de permettre une comparaison directe avec les hypothèses modélisées (voir dernière colonne). Les données des mises en œuvre à l’échelle industrielle montrent que la consommation d’électricité des installations de CAP et d’ozone sans traitement complémentaire se situe dans une fourchette similaire avec 0,02-0,03 kWh/m3, ce qui est proche des hypothèses formulées pour le CAP. C’est étonnant, car une consommation d’électricité trois fois plus élevée que pour les installations CAP était attendue jusqu’à présent pour les ozonations. En revanche, l’hypothèse concernant la consommation d’électricité de la filtration (station de relevage incluse) de 0,03 kWh/m3 correspond bien aux valeurs observées. La part de la consommation d’électricité de l’élimination des composés traces (station de relevage et filtration incluses) dans toute la STEP est comprise entre 5 et 25% dans les exemples mentionnés, ce qui est moins que prévu. Le modèle permet non seulement de comparer les données d’installations à l’échelle industrielle, mais également de simuler différentes mesures d’optimisation visant à diminuer l’empreinte CO2. Ces mesures sont explicitées dans le paragraphe suivant.
L’élimination des composés traces fournit une contribution importante à la protection des eaux. Le procédé adapté doit être déterminé pour chaque site individuellement. Ce faisant, l’effet de serre peut être intégré dans l’évaluation des procédés, mais il ne peut pas être le critère décisif. Comme les paragraphes précédents l’ont montré, chacun des procédés d’élimination des composés traces augmente l’empreinte CO2 d’une STEP. Les exploitants doivent donc essayer de la réduire au maximum pour leur procédé. Plusieurs possibilités d’optimisation s’offrent à eux, lorsqu’ils considèrent l’élimination des composés traces avec le reste des étapes de traitement [17]. Les paragraphes suivants détaillent les résultats de la modélisation de différentes mesures pour les procédés au CAP, CAG et à l’ozone et montrent quelles mesures offrent théoriquement l’effet d’économies le plus important. Il convient de vérifier au cas par cas si ces mesures peuvent être mises en œuvre.
La figure 7 montre les résultats de la modélisation de cinq mesures d’optimisation pour les procédés au CAP et les compare avec l’étape d’élimination des composés traces modélisée dans la figure 3. Les mesures les plus efficaces sont décrites ci-après.
Un CAP issu d’une matière première renouvelable telle que le bois réduit l’empreinte CO2 de l’étape CAP de près de 40%. Le projet Empyrion montre que les CAP fabriqués à partir de bois peuvent avoir une performance similaire à celle des produits de CAP établis [24]. Par ailleurs, l’Eawag mène actuellement une étude d’envergure sur la performance d’élimination de produits CAP renouvelables disponibles dans le commerce (le rapport sera publié sur micropoll.ch). Les exploitants de STEP pourraient théoriquement effectuer des dosages de ce CAP presque deux fois plus élevés, avant que l’empreinte CO2 totale de l’installation CAP au charbon de houille ne soit atteinte. Un CAP contenant 50% de produit réactivé a un effet quasiment aussi élevé que le CAP renouvelable en matière de réduction de CO2. Mais la difficulté réside dans le fait que de nombreux fabricants n’indiquent pas clairement la part de produit réactivé. S’il est possible de réutiliser du CAP présentant une performance d’épuration encore suffisamment élevée issu d’un autre domaine d’utilisation tel que le traitement de l’eau potable, cela peut également diminuer l’empreinte CO2.
Une optimisation de 20% du dosage spécifique d’un CAP à base de charbon de houille pour un taux d’épuration équivalent réduit l’empreinte CO2 de presque 20%. Les exploitants de STEP peuvent y parvenir en sélectionnant un CAP hautement performant adapté à leurs eaux usées à l’aide de tests par agitation [25], puis en effectuant des dosages adaptés aux besoins.
La variante de procédé joue également un rôle, car les procédés avec recirculation du CAP dans la biologie présentent une charge de CAP plus élevée. Un dosage moins élevé de CAP est donc nécessaire et la concentration de COD en sortie de biologie diminue. S’il devait s’avérer dans la pratique que le procédé Ulm avec sédimentation de CAP permet des dosages beaucoup plus bas comparés au dosage avant la filtration sur sable ou dans la biologie, le critère environnemental pourrait être mieux évalué pour ce procédé. En effet, la construction des bassins a une incidence plus faible sur l’empreinte CO2 que la consommation des ressources d’exploitation. Les premières expériences d’exploitation de la STEP C issues de la figure 5 montrent toutefois que la consommation de CAP dans le procédé de dosage de CAP avant la filtration sur sable est comparable aux procédés Ulm. Dans ce cas, le dosage de CAP avant le filtre permettrait de se passer de la sédimentation et ainsi de diminuer l’empreinte CO2.
Si la concentration de COD à la sortie de la biologie peut être diminuée de 6 mg/l à 5 mg/l, cela réduit la quantité de CAP nécessaire d’un sixième et diminue l’empreinte CO2 d’env. 15%. Des concentrations accrues de substances organiques difficilement biodégradables dans des eaux usées à composante industrielle se répercutent par conséquent négativement sur l’empreinte CO2 des installations CAP. Il est donc essentiel de trouver des solutions avec les industries pour traiter à la source les eaux usées hautement concentrées.
S’il est possible de combiner un CAP renouvelable avec une concentration COD plus faible à l’entrée de l’étape CAP et un dosage spécifique plus faible, cela réduit l’empreinte CO2 d’env. 60% comparé à l’étape de traitement des composés traces modélisée.
Les résultats de quatre optimisations effectuées dans les filtrations sur CAG comparés à l’étape de traitement des composés traces modélisée sont représentés dans la figure 8. Les paragraphes suivants décrivent les mesures les plus efficaces.
Comme pour le CAP, les exploitants de STEP peuvent également réduire de près de 40% l’empreinte CO2 des filtrations sur CAG en utilisant une matière première renouvelable. Des matières premières dures telles que les écorces de noix de coco conviennent au CAG. Toutefois, seuls quelques produits sont actuellement disponibles sur le marché, à un prix beaucoup plus élevé ou avec une performance d’épuration moindre.
Si un exploitant optimise l’âge du CAG de 20% tout en conservant le même rendement d’épuration, l’empreinte CO2 diminue d’env. 15%. Des durées de vie plus longues peuvent par exemple être obtenues en choisissant un CAG adapté aux eaux usées concernées. Aucune procédure de test standardisée n’est établie pour le moment. Une autre possibilité consiste à exploiter les cellules filtrantes de manière échelonnée avec des CAG d’âges différents, qui compensent le taux d’épuration entre elles. L’objectif est d’allonger la durée de vie des différentes cellules filtrantes. Il n’existe jusqu’à présent aucune expérience réalisée dans la pratique avec ce mode de fonctionnement échelonné. Une autre possibilité permettant de prolonger les durées de vie consiste à obtenir un COD réduit à l’entrée de la filtration sur CAG grâce à des mesures prises dans les industries. Si le COD peut être réduit de 6 à 5 mg/l à l’entrée de l’étape CAG, cela diminue l’empreinte CO2 de 15%.
Si une combinaison de toutes les mesures mentionnées dans la figure 8 est possible, cela permettrait de diminuer l’empreinte CO2 de presque 55% pour les procédés CAG comparé à l’étape de traitement des composés traces modélisée.
Dans la mesure où un CAG réactivable est utilisé dans le procédé CAG en lit fluidisé, son empreinte CO2 est vraisemblablement similaire à celle des filtrations sur CAG. Dans les installations au CAG en lit fluidisé, la filtration finale serait également supprimée. Mais la consommation d’électricité pour le dosage, la préparation du CAG et éventuellement une recirculation interne pour le maintien d’un débit minimal s’ajouterait. Il existe par ailleurs des incertitudes quant à la consommation de charbon des procédés au CAG.
L’empreinte CO2 des ozonations est presque exclusivement générée par la consommation d’électricité. Un tiers de l’empreinte carbone dans la STEP est générée par l’étape principale et le traitement complémentaire et un tiers par la production d’oxygène liquide. La figure 9 contient les résultats de cinq mesures d’optimisation modélisées et les compare avec l’étape de traitement des composés traces modélisée dans la figure 3. Les deux prochains paragraphes montrent quelles mesures mentionnées dans la figure 9 permettent de faire les plus grandes économies de CO2.
Si un exploitant de STEP peut diminuer la dose d’ozone de 0,5 g O3/g COD à 0,4 g O3/g COD pour une performance égale (voir [26] et [27]), l’effet de serre de l’étape de traitement des micropolluants diminue de 10%. Si le COD peut être diminué dans le bassin versant grâce à des mesures, cela se répercute aussi sur l’empreinte carbone dans un ordre de grandeur similaire. Une concentration de nitrite diminuée de moitié à l’entrée de l’ozonation grâce à une aération suffisante entraine une diminution de 5% de l’empreinte CO2 dans l’étape de traitement des composés traces modélisée. Autre effet secondaire positif: cela permettrait de diminuer les émissions de protoxyde d’azote, ce qui aurait une grande influence sur l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la STEP.
Une consommation d’électricité réduite de 20% des générateurs d’ozone obtenue par exemple grâce à l’optimisation du fonctionnement, ou de la filtration et de la station de relevage entraine une diminution de 10% de l’effet de serre. Le guide [17] contient des idées pour réaliser différentes économies. Ici, les planificateurs peuvent aussi apporter une contribution importante en dimensionnant les agrégats de manière la plus adaptée possible aux futures conditions de fonctionnement.
Une combinaison de toutes les mesures mentionnées dans la figure 9 réduirait l’empreinte CO2 d’une ozonation d’env. 35%.
Comme le montre la figure 3, des exploitants de STEP peuvent réduire massivement les gaz à effet de serre générés par leur ozonation, en utilisant dans la STEP de l’électricité issue de sources renouvelables et en s’assurant que leur oxygène liquide est produit en Suisse.
Si l’air sortant de l’ozonation est réutilisé dans la biologie au lieu d’être rejeté dans l’atmosphère (dans le sens d’une approche globale), l’aération diminuera en conséquence. La STEP D peut ainsi économiser près de 2% de la consommation d’électricité totale de la STEP, ce qui correspond dans cet exemple à 50% de la consommation d’électricité d’une installation d’ozone. Cela s’explique par le fait que les effluents gazeux sont presque exclusivement composés d’oxygène pur. Cela réduit l’empreinte CO2 de toute l’installation de manière significative. Il convient de vérifier au cas par cas si ce type de solution peut être mise en œuvre. Elle requiert par exemple des systèmes d’aération appropriés et de faibles distances entre l’ozonation et la biologie. La STEP E suit une autre approche. Elle utilise les rejets thermiques des générateurs en hiver pour chauffer les bâtiments de l’exploitation. En été, ces rejets de chaleur sont transmis dans les eaux usées et indirectement employés via l’utilisation de l’énergie thermique en provenance des eaux usées, la température des eaux usées n’augmentant que très peu.
Par ailleurs, la STEP E a opté pour une combinaison de production d’oxygène sur site à l’aide du VPSA (Vacuum Pressure Swing Adsorption) et une livraison d’oxygène liquide pour couvrir les pics de consommation. La figure 10 représente aussi bien l’empreinte CO2 actuelle de la STEP E, qu’une solution hypothétique comportant seulement de l’oxygène liquide pour cette STEP. Ce faisant, on considère que l’exploitant de la STEP E adapterait le fonctionnement des générateurs à oxygène liquide en utilisant un faible débit de gaz et une concentration élevée d’ozone, la quantité d’ozone produite restant alors équivalente. Il est supposé que les générateurs ont besoin de la même quantité d’électricité avec cette modification. Avec la combinaison VPSA et oxygène liquide, la STEP E économise 12% de l’empreinte CO2 de l’ozonation comparé à une solution fonctionnant seulement avec de l’oxygène liquide. Vous trouverez des réflexions supplémentaires sur la production sur site versus livraison d’oxygène dans [17].
L’effet de serre n’est pas le critère décisif pour le choix du procédé d’élimination des composés traces dans les STEP, mais il peut être intégré dans l’évaluation des procédés et ainsi fournir des indications pour réaliser des optimisations d’exploitation.
Nous avons montré, à l’aide d’un modèle d’étape de traitement des composés traces typique pour la Suisse incluant les ressources d’exploitation, que l’ozonation est le procédé qui génère le moins d’émissions de gaz à effet de serre au vu des hypothèses formulées. En comparaison, l’empreinte CO2 des installations au charbon actif en poudre est six fois plus élevée et celle des filtres au charbon actif en grains est deux fois plus élevée. Le CAG obtient de bien meilleurs résultats que le CAP, car il est régénérable. L’hypothèse retenue sur le mix électrique a une grande influence sur l’empreinte CO2 de l’ozonation et celle retenue sur la matière première a une grande influence sur l’empreinte CO2 du charbon actif. Par conséquent, il est toujours important de communiquer les hypothèses retenues lors de la comparaison des procédés et de calculer différents scénarios.
La contribution de l’élimination des composés trace aux émissions de gaz à effet de serre dans toute la STEP est d’un cinquième maximum, selon le procédé utilisé. Par ailleurs, les STEP ne sont responsables que d’environ 1% des émissions de gaz à effet de serre en Suisse. Cependant, les émissions supplémentaires doivent être réduites au minimum. La diminution de l’utilisation de matériaux pour l’infrastructure a une moindre importance. Les plus grandes économies peuvent être réalisées via une optimisation de l’exploitation de l’élimination des composés traces.
Si les concentrations de COD et de nitrite en sortie de biologie ne sont pas encore optimisées, le contrôle de la réduction du COD inerte dans le bassin versant et une aération suffisante de la biologie offrent aux exploitants de STEP de grandes possibilités d’économies concernant l’empreinte CO2 de l’élimination des composés traces et donc de l’ensemble de l’installation. Pour les installations au charbon actif, choisir un CAP ou un CAG issu de matières premières renouvelables ou contenant une grande part de produit réactivé est la mesure la plus efficace. Une quantité de dosage optimisée a également une grande influence. Les exploitants de STEP peuvent optimiser le dosage en utilisant par exemple un CAP présentant un taux d’épuration élevé pour leurs eaux usées et en dosant en fonction des besoins. Pour les ozonations, les exploitants peuvent réduire l’empreinte CO2 en combinant une consommation d’ozone minimisée et des optimisations de consommation électrique des différents agrégats comme les générateurs et en choisissant délibérément de l’électricité verte.
Il est réjouissant de constater que de nombreuses installations d’élimination des composés traces à l’échelle industrielle présentent d’ores et déjà en Suisse une empreinte CO2 plus faible que celle attendue dans l’étape de traitement des composés traces modélisée. Et les optimisations se poursuivent, car la faible consommation des ressources d’exploitation et la faible consommation d’électricité ne réduisent pas seulement le réchauffement climatique, mais se répercutent aussi positivement sur les coûts d’exploitation. La protection des eaux et la protection du climat sont deux objectifs parfaitement combinables et réalisables sur le plan économique.
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[5] International Standardisation Organisation (2016): «ISO 14044: Management environnemental — Analyse du cycle de vie — Exigences et lignes directrices» Genève, Suisse
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[10] Rahman S. M. et al. (2018): «Comparative Life Cycle Assessment of Advanced Wastewater Treatment Porcesses for Removal of Chemicals of Emerging Concern» Environmental Science and Technology, Bd. 52, pp. 11346-11358
[11] GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (2014): «GIEC – Changements climatiques 2014: Rapport de synthèse. Contribution des groupes de travail I, II et III tau cinquième Rapport d’évaluation du GIEC» Genève, Suisse
[12] Abegglen C.; Siegrist H. (2012): «Micropolluants dans les eaux usées urbaines - Étape de traitement supplémentaire dans les stations d’épuration» OFEV – Connaissance de l’environnement
[13] Remy C. (2019): «Dokumentation zum Berechnungstool für THG-Emissionen und Primärenergieverbrauch für Infrastruktur der vierten Reinigungsstufe und Herstellung bzw. Reaktivierung von Aktivkohle – VSA-Tool» Centre de compétences sur l’eau de Berlin, sur www.micropoll.ch
[14] Messmer A.; Frischknecht R. (2016): «Umweltbilanz Strommix Schweiz, 2014» sur mandat de l’Office fédéral de l’environnement.
[15] Abegglen C. et al. (2009): «Ozonung von gereinigtem Abwasser – Schlussbericht Pilotversuch Regensdorf» sur mandat de l’OFEV et d’AWEL
[16] Plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants» (2018): «Aperçu des procédés destinés au post-traitement biologique lors de l’ozonation» www.micropoll.ch/rapports
[17] Büeler A. et al. (2018): «Guide Energie dans les stations d’épuration / Élimination des micropolluants – chapitre Efficacité énergétique dans les installations MP» InfraWatt
[18] Recommandation VSA (2018): «Définition et standardisation d’indicateurs pour les procédés d’élimination des composés traces organiques» www.micropoll.ch
[19] Moro A.; Lonza L. (2018): «Electricity carbon intensity in European Member States: Impacts on GHG emissions of electric vehicles» Transportation Research, Bd. Part D 64, pp. 5–14
[20] Wunderlin P. et al. (2013): «Émission de protoxyde d’azote lors du traitement biologique des eaux usées: impact, formation et stratégies de réduction» Aqua & Gas 2/2013, pp. 54–59
[21] Gruber W. et al.: «N2O emission in full-scale wastewater treatment: Proposing a refined monitoring strategy» Science of the Total Environment, planifié.
[22] Cunningham M.; Baier U. (2015): «Methanemissionen auf Kläranlagen» Aqua & Gas 3/2015, pp. 60–62
[23] Kind E.; Levy G. (2012): «Efficacité énergétique et production d’énergie dans les STEP» sur mandat de l’OFEV
[24] Hagemann N. et al. (2019): «Aktivkohle – Made in Switzerland!» Aqua & Gas1/2019, pp. 32–38
[25] Böhler M. (2019): «Essais en laboratoire visant à déterminer le rendement d’épuration du charbon actif en poudre servant à éliminer les micropolluants dans les stations d’épuration» www.micropoll.ch
[26] Schachtler M.; Hubaux N. (2016): «BEAR- Innovative Regelstrategie der Ozonung» Aqua & Gas 5/2016, pp. 84-93
[27] Hubaux N.; Schachtler M. (2016): «Procédé LOD - oxydation en plusieurs étapes» Aqua & Gas 11/2016, pp. 50-56
Pöyry: M. Fink, H. Werhonig; TBF: D. Bühler, Ch. Alder, Ch. Fux; Hunziker: A. Büeler, R. Moser, Th. Hug; Gujer: T. Rieck
InfraWatt/SuisseEnergie: E.A. MĂĽller, M. Vogelsanger
Exploitants de STEP: Ch. Egli, P. Sonderegger, B. Bangerter, P. Holderegger, M. Schachtler, Ch. Abegglen
Eawag: M. Böhler, E. Morgenroth; EPF: S. Pfister
Plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants»: P. Wunderlin, J. Grelot et tout le groupe de travail
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