Le 1er janvier 2016, la nouvelle législation sur la protection des eaux est entrée en vigueur en Suisse (LEaux [1] et OEaux [2]). Cette législation exige l’élimination des composés traces organiques (ou micropolluants, MP) des eaux usées communales dans certaines stations d’épuration des eaux usées (STEP) désignées par les cantons. Actuellement, deux techniques de traitement se sont établies pour éliminer les MP des eaux usées communales: l’ozonation et l’adsorption sur charbon actif – en poudre (CAP) ou en grain (CAG). Il existe différentes techniques de traitement au CAG dans les stations d’épuration des eaux usées: soit la filtration sur CAG, soit le CAG en lit fluidisé. Ce dernier a été réalisé en 2018 à pleine échelle à la STEP de Penthaz pour la première fois en Suisse. Cet article résume un premier retour d’expérience pour ce procédé, depuis la phase de construction jusqu’à la deuxième année d’exploitation.
Située dans le Canton de Vaud, dans le bassin versant de la Venoge, la STEP de Penthaz traite les eaux usées des communes de Cossonay, Penthalaz, Penthaz, Daillens et, depuis 2019, de Bettens, Sullens et Bournens. Ces communes sont regroupées au sein de l’Association Intercommunale pour l’Epuration des Eaux usées (AIEE). Construite en 1973, la STEP a été transformée en 2015 (rénovation et extension) et sa chaîne de traitement comprend aujourd’hui des prétraitements mécaniques, une décantation primaire, une boue activée avec nitrification et dénitrification partielle, une étape de déphosphatation chimique et une décantation finale suivie d’une filtration sur disques mécaniques. Elle compte à ce jour plus de 12'000 habitants raccordés et a été dimensionnée pour 15'000 EH. Elle traite en moyenne 3200 m3/j (QTS, VSA = 2700 m3/j) et au maximum 150 l/s.
La STEP de Penthaz déverse ses eaux usées épurées dans la Venoge, rivière dans laquelle la part d’eaux usées dépasse 10%, remplissant ainsi un critère de l’OEaux pour éliminer les micropolluants. Une étape de traitement des micropolluants par CAG en lit fluidisé est donc venue compléter l’installation en 2018.
L’AIEE a mandaté le bureau d’ingénieurs Triform SA pour une étude de faisabilité, au terme de laquelle il a été proposé de réaliser des essais pilotes avec le procédé CarboPlus®. Ce procédé, développé et breveté par la société française SAUR et sa filiale Stereau, est un traitement au CAG en lit fluidisé dans un réacteur de contact à flux ascendant. Les essais pilotes se sont déroulés entre février 2016 et août 2017 et ont été suivis par un groupe d’accompagnement composé par le bureau d’ingénieurs, le fournisseur, les autorités cantonales et fédérales, l’Eawag, l’EPFL et la plateforme «Techniques de traitement des micropolluants» du VSA. Ces essais [3, 4] ont montré que le procédé CarboPlus® permet d’éliminer les micropolluants des eaux usées selon les bases légales suisses et se révèle pertinent pour une STEP comme celle de Penthaz. Ils ont de plus permis de développer des mesures pertinentes pour le suivi de l’installation et montré qu’un dosage d’environ 15 g/m3 (environ 2 g CAG/g COD) permet de garantir un taux d’épuration des micropolluants d’au minimum 80% sur l’ensemble de la STEP. Compte tenu de ces résultats et de la facilité d’exploitation du procédé, le maître d’ouvrage, le responsable de l’exploitation de la STEP ainsi que les autorités ont été convaincus de l’adéquation de ce procédé. Celui-ci a donc été choisi pour le traitement des micropolluants à la STEP de Penthaz et mis en service en 2018.
Les instances cantonales et fédérales étant impliquées dès le départ dans le projet et dans le suivi des essais pilotes, les procédures de demande d’autorisation et d’indemnités ont pu être effectuées dans des délais relativement courts (voir chronologie dans l'encadré ci-dessous). De même, la mise à l’enquête du bâtiment pour le traitement des micropolluants avait déjà été réalisée conjointement à celle du bâtiment de service construit en 2017: l’installation de traitement des micropolluants a en effet pris la place du bâtiment de service qui a été reconstruit à neuf dans un espace réservé à cette intention suite à l’extension de la STEP en 2015. Ainsi, dès la fin des essais pilotes en août 2017, la construction a rapidement débuté et les travaux ont été terminés à temps pour que la STEP soit exemptée de la taxe fédérale sur les eaux usées en 2019. La mise en service a eu lieu en automne 2018 avec une montée en charge progressive jusqu’à la stabilisation de la hauteur du lit de charbon au printemps 2019.
L’étape de traitement des micropolluants a été réalisée en deux lignes de traitement. Elle est alimentée en débit partiel (max. 90 l/s) avec les eaux usées provenant de la filtration sur disques (complément à la décantation secondaire). Les eaux sont pompées depuis une fosse puis alimentent les deux réacteurs en flux ascendant. Par temps sec, ceux-ci fonctionnent en alternance durant 24 h. Si la vitesse ascensionnelle dépasse 15 m/h dans le premier réacteur, le deuxième réacteur se met en route automatiquement. A l’inverse, en cas de faible débit, une recirculation s’enclenche pour assurer une vitesse ascensionnelle minimale de 7 m/h et garantir ainsi la fluidisation du lit. Le charbon est retenu par gravité dans l’ouvrage et l’eau épurée est collectée par surverse et rejetée dans la Venoge.
L’efficacité de l’élimination des micropolluants dépend de l’adsorption sur le charbon actif. Celle-ci est liée au type de charbon actif, mais également à la surface d’échange accessible et au temps de contact dans le réacteur. Pour le procédé de traitement par CAG en lit fluidisé, les paramètres physiques des charbons actifs sont déterminants en raison des contraintes hydrauliques (flux ascendant). Le charbon Cyclecarb 305 de Chemviron (testé lors de la phase 1 des essais pilotes) a été choisi (caractéristiques voir tableau 2 dans Horisberger et al., Aqua & Gas 1/2019, p. 39 [3]).
Le charbon actif en grain est stocké dans un silo (avec protection ATEX partielle), depuis lequel il est transporté par une vis jusqu’à l’installation de préparation et de dosage (fig. 1). Cette installation permet de mouiller et définer le CAG afin d’éviter que des particules fines ou des flottants (< 1% du charbon dosé [4, 3]) ne se retrouvent dans l’effluent. Récoltés par surverse, ils sont retournés en entrée de STEP et éliminés avec les boues. Ce processus d’une durée d’environ 4 h est réalisé par batch de 20 à 40 kg de CAG.
Le CAG est ensuite acheminé dans la partie inférieure des réacteurs de contact, où il est mis en suspension par le flux ascendant d’eau à traiter. Afin de permettre la fluidisation du lit à des vitesses comprises entre 7 et 20 m/h, la granulométrie du charbon doit se situer entre 0,2 et 0,9 mm (moyenne 0,5 mm). Le charbon actif frais est injecté quotidiennement en fonction du débit traité, à un dosage et un intervalle définis en supervision. Le charbon actif usagé est extrait environ une fois par semaine du réacteur. La quantité extraite correspond à la quantité dosée durant un même laps de temps, afin de conserver une quantité de CAG constante dans le réacteur. Le charbon est extrait lorsque le lit est en expansion (fonctionnement normal), à deux hauteurs différentes et depuis les deux côtés opposés du réacteur. Le mélange eau-charbon est acheminé jusqu’à une benne drainante, où il est stocké avant d’être régénéré en usine. Les eaux de drainage, peu chargées en charbon, sont ensuite recirculées en entrée de STEP.
La figure 2 montre les composants principaux du procédé de traitement et le tableau 1 indique les paramètres de dimensionnement principaux.
La construction n’a été retardée par aucune difficulté, le bureau d’ingénieurs bénéficiant de la connaissance du terrain acquise lors de la rénovation et extension datant de 2015. L’emprise au sol de cette nouvelle étape de traitement est faible avec un total de 220 m2 pour l’entier du bâtiment, soit moins de 5% du site de la STEP (encadré rouge dans la fig. 3). Le coût global des travaux s’est élevé à environ 4 mio CHF TTC.
La mise en service de la nouvelle étape de traitement s’est déroulée sans difficulté majeure. Selon la procédure évaluée lors des essais pilotes, et afin d’éviter le gaspillage de CAG frais, une montée en charge progressive dans le réacteur a été réalisée: lors de la mise en service, seule la moitié de la quantité finale de CAG a été mise en place dans le réacteur. Néanmoins, au vu de la quantité de CAG frais dans le réacteur, de très bons résultats d’épuration ont pu être atteints dès la mise en service. Après environ 9 mois, en juin 2019, la quantité finale de CAG par réacteur a été atteinte. Par la suite, des extractions ont eu lieu environ une fois par semaine.
Les responsables d’exploitation ont suivi les essais pilotes, la phase de construction et participé à la mise en service. Leur formation a été assurée au fur et à mesure afin qu’ils puissent rapidement prendre en charge l’exploitation de manière autonome. Par la suite, Stereau a effectué des visites régulières – prévues dans le contrat – jusqu’à l’été 2020. Durant ces visites, un certain nombre d’opération de maintenance ont été effectuées avec les exploitants, complétant ainsi leurs connaissances de l’installation. Elles ont également permis d’optimiser certains aspects techniques et opérationnels (voir chapitre «Expériences d’exploitation»), en coordination avec le bureau d’ingénieurs Triform.
Les résultats présentés ci-après portent sur la période depuis la mise en service et le début du dosage régulier en octobre 2018, jusqu’à fin juin 2020. Quelques chiffres-clés d’exploitation sont listés dans le tableau 2. Le taux d’épuration moyen sur l’ensemble de la STEP a été de 87%, satisfaisant ainsi les exigences fixées par l’OEaux. L’énergie consommée par l’ensemble du traitement des micropolluants est d’environ 0,035 kWh/m3 d’eau traitée.
Les performances de traitement ont été vérifiées par le Canton de Vaud (Direction générale de l’environnement, DGE) selon l’ordonnance du DETEC [5]. Pour ce faire, des échantillons de l’eau en entrée de STEP (après la décantation primaire) et en sortie de STEP (équivalent à la sortie du traitement des micropolluants) ont été prélevés sur 48 heures. La première année d’exploitation, 12 analyses ont été effectuées, puis dès la deuxième année le nombre d’analyses a été réduit à 6, selon les exigences fixées dans l’OEaux. Les analyses des micropolluants ont été réalisées dans les laboratoires du Pôle de Compétence pour l’Analyse des Micropolluants (PCAM) de la DGE à Epalinges. A noter que les analyses des mois d’octobre 2019 à février 2020 ont dû être réalisées par un laboratoire externe.
En plus des contrôles officiels du taux d’épuration, des analyses supplémentaires ont été réalisées en entrée et en sortie du traitement des micropolluants, afin de pouvoir réaliser un bilan sur cette étape uniquement en plus du bilan global sur la STEP (biologie comprise).
Au vu des très bons taux d’épuration des micropolluants obtenus jusqu’en juin 2019 avec un dosage de 15 g/m3 (fig. 4), il a été décidé d’optimiser le dosage en le diminuant à 13 g/m3. En-dehors des longues périodes de pluie (hiver 2019/20) – pour lesquelles des optimisations ont été effectuées (cf. chapitre «Temps de pluie») – ce dosage s’est révélé suffisant pour atteindre un taux d’épuration des micropolluants de 80%.
Il a été observé que l’abattement de l’absorbance UV à 254 nm présente une bonne corrélation avec l’élimination des micropolluants [6]. A Penthaz, des sondes UV online (Endress+Hauser, Viomax CAS51D; fig. 5) ont donc été installées. Une sonde UV par réacteur mesure en alternance l’entrée et la sortie du réacteur (changement toutes les 30 min). Ainsi, même en cas de divergence du signal dû à un encrassement ou un mauvais étalonnage de la sonde, la différence d’absorbance UV à 254 nm reste comparable entre l’entrée et la sortie. Les sondes UV sont nettoyées automatiquement à l’acide toutes les 12 heures.
Le système fonctionne bien, et permet un suivi de l’installation entre les résultats obtenus par les analyses du canton. Les résultats obtenus par cette configuration des sondes sont très satisfaisants pour la surveillance de l’évolution des rendements et la détection des baisses marquées (fig. 4 et chapitre «problèmes et optimisations»), ce qui est le but recherché. Il faut relever que le dosage du CAG n’est pas dépendant de cette mesure car le procédé présente une inertie grâce à la quantité de charbon présente dans le réacteur et ne nécessite donc pas un dosage fin. Le manque de précision de la corrélation entre l’abattement UV et les analyses laboratoire (fig. 6) n’est donc pas déterminante dans ce cas.
Le traitement des micropolluants a également un effet d’épuration résiduelle sur les autres paramètres standards. En effet, depuis l’entrée en service de cette étape de traitement en 2018, on observe une réduction des concentrations en COD (carbone organique dissous), Ptot et MES (matière en suspension) – ces deux dernières étant non-significatives – en sortie de STEP (fig. 7).
Le charbon Cyclecarb 305 de Chemviron, sélectionné sur conseil de Stereau et suite aux essais pilotes [4], se montre entièrement satisfaisant autant pour l’exploitation que pour le rendement d’épuration.
Le dosage de charbon actif est asservi au débit: une quantité fixe de CAG est dosée lorsqu’un certain volume a transité par un réacteur. Actuellement, l’injection est réalisée tous les 2000 m3 ce qui correspond en moyenne à une fréquence de 1 à 2 fois par jour, mais cette consigne peut être adaptée en tout temps. Les extractions sont déclenchées lorsque 10'500 m3 ont transité par réacteur, ce qui correspond à une fréquence d’environ une fois par semaine. La masse de charbon actif à extraire a été calculée en termes de volume (débit et durée d’extraction) et ajustée lorsque le niveau de charbon souhaité dans le réacteur a été atteint.
Les livraisons de CAG frais et les reprises de CAG usagé ont lieu environ 2 à 3 fois par année et sont organisées de la manière suivante: le camion arrive avec le charbon frais et sec et repart avec le CAG usagé. Le CAG frais est dépoté par transport pneumatique dans le silo. La reprise du CAG usagé depuis la benne est réalisée au moyen d’un hydroéjecteur branché sur le réseau d’eau industrielle (pression ~ 5 bar) et d’une tuyauterie souple d’appoint reliée au camion. Pour faciliter l’aspiration du charbon présent dans la benne, il est également nécessaire de remplir la benne avec de l’eau industrielle pour faciliter le transport du charbon vers le point d’aspiration. L’eau nécessaire au processus est ensuite reprise depuis le camion et ramenée en tête de STEP. Les extractions ayant commencé en juin 2019, la première reprise de CAG usagé a eu lieu en janvier 2020.
Le silo ayant une capacité de 12 tonnes, le responsable d’exploitation commande du CAG neuf lorsqu’il reste environ 3 tonnes dans le silo, c’est-à -dire environ un mois avant la livraison. Jusque-là , aucun problème de livraison n’a été constaté: la livraison est toujours arrivée le jour prévu avec le chargement commandé. Lors de la livraison, le responsable d’exploitation contrôle le taux d’humidité du CAG afin d’en tenir compte pour le dosage. Jusque-là , aucune grande variation de l’humidité n’a été constatée entre les différentes livraisons.
Le CAG frais (régénéré) vient de Belgique et, pour l’instant, y retourne pour être régénéré. Si une alternative pour la réactivation se présentait en Suisse, il serait possible de l’envisager.
Les caractéristiques du charbon actif pouvant être utilisé avec le procédé CarboPlus® étant très spécifiques, la concurrence et donc les fournisseurs alternatifs sont limités. Néanmoins, une alternative avec un charbon actif provenant du fournisseur Norit a pu être testée avec succès lors des essais pilotes [4].
Un contrôle hebdomadaire de la hauteur du lit de CAG au repos et un contrôle de la hauteur d’expansion à différentes vitesses ascensionnelles sont nécessaires. Le calcul du rapport entre les deux hauteurs de lit (ratio d’expansion) permet de suivre la stabilité du lit et l’évolution de la concentration en MES dans le lit de CAG. En effet, une augmentation de la concentration en MES influence la hauteur du lit en expansion mais pas la hauteur du lit au repos [4]. Le suivi du ratio d’expansion permet de déclencher un lavage si nécessaire.
La hauteur de lit au repos est également utilisée pour contrôler que les extractions compensent effectivement les injections. Si tel est bien le cas, la hauteur de lit reste stable dans le temps. Au début des extractions régulières en juin 2019, la durée d’extraction était trop faible et, malgré une notable inflexion de la courbe (fig. 8), le lit a continué à augmenter. Ce réglage a ensuite été ajusté et le lit s’est stabilisé en décembre 2019 à environ 1,6 m au repos.
Bien qu’il ne fonctionne pas comme un filtre, le lit de CAG retient une partie des matières en suspension. Par conséquent, la teneur en MES dans le réacteur augmente avec le temps ce qui est critique pour l’hydraulique (expansion du lit) et l’efficacité du système. Afin de nettoyer le lit de charbon, un lavage à l’eau (augmentation de la vitesse ascensionnelle à 30 m/h pendant quelques minutes) ou à l’air (idem avec insufflation d’air à environ 0,3 bar) peut être déclenché.
A Penthaz, un lavage à l’eau systématique est déclenché une fois par mois, afin d’éliminer régulièrement les MES du lit de charbon actif. Des indicateurs tels que la pression mesurée par les sondes à l’entrée des rampes ou le calcul du ratio entre les hauteurs du lit expansé (15 m/h) et au repos permettent d’évaluer le besoin d’un lavage plus poussé et de déclencher manuellement un lavage à l’air. Durant la première année, aucun lavage à l’air n’a été nécessaire. Toutefois, durant l’hiver 2019/20, un encrassement plus important a été relevé et un lavage à l’air systématique quatre fois par année a été mis en place à titre préventif (fig. 8).
Une sonde de turbidité (fig. 5) a été installée par réacteur afin de surveiller d’une part l’apport en MES (des concentrations élevées en MES pouvant provoquer un colmatage du lit et un débordement des réacteurs [4]) et d’autre part les rejets de MES vers l’exutoire ainsi que les éventuelles pertes massives de charbon (départs de lit). Les sondes de turbidité sont nettoyées automatiquement à l’acide toutes les 12 h.
Selon l’état actuel des connaissances, une surveillance de la quantité de charbon actif rejetée vers l’exutoire sous forme de particules fines est nécessaire [7]. Faisant suite à la première étude réalisée sur le pilote [4, 7], des analyses par thermogravimétrie [8, 9] ont été effectuées par la FHNW sur l’installation pleine échelle entre mai et septembre 2019. Les premières analyses ont montré des résultats peu clairs, où les teneurs en charbon de certains échantillons prélevés en entrée du traitement des micropolluants étaient supérieures à celles des échantillons prélevés de sortie. Une analyse de la matrice de l’eau a été effectuée par la FHNW en même temps que les prises d’échantillon suivantes et a permis d’obtenir des résultats plus cohérents. Ceux-ci indiquent que les pertes en charbon par l’installation CarboPlus® de la STEP de Penthaz se situent entre 0 et 3% (en moyenne < 0,5%), ce qui est acceptable selon l’état de la technique actuelle (> 95% de rétention du charbon [7]), et sont comparables à d’autres procédés de traitement par charbon actif selon les résultats de la première étude de la FHNW [9]. Les résultats sont stables pour les différentes conditions d’exploitation (dosage, vitesses ascensionnelles, etc.). Selon le VSA [7], il est recommandé de procéder à des analyses de pertes de charbon actif au moins 4 fois par année.
Aucune influence du traitement des micropolluants sur le fonctionnement du reste de la STEP n’a été constatée, bien que des eaux de lavage peu chargées soient recirculées en tête de STEP une fois par mois. Par contre, la présence de filamenteuses dans la biologie en janvier-février 2020 a occasionné une augmentation des MES dans les réacteurs. Cependant, les mesures de turbidité en entrée et sortie du traitement des micropolluants ont évolué de manière identique,
témoignant ainsi que ces MES ne se sont pas accumulées dans le lit de CAG.
Lors de la première livraison de CAG, des corps étrangers dans le charbon ont obstrué la conduite d’injection du charbon dans les réacteurs. Ce problème a pu être résolu par le fournisseur de charbon qui a installé un filtre supplémentaire au remplissage du camion à l’usine ainsi qu’un filtre à maille grossière de sécurité à la sortie du camion lors du remplissage du silo.
Un problème de dosage est survenu à la fin de période de montée en charge (mai 2019): les pesons du silo n’étant pas étalonnés correctement, le silo affichait une réserve de CAG alors qu’il était vide. Durant plusieurs jours, aucun CAG n’a été dosé jusqu’à ce qu’une diminution du rendement UV permette de comprendre l’origine du problème et d’étalonner correctement le silo. Lors des livraisons de CAG, l’humidité du charbon actif est mesurée afin d’en tenir compte lors de la pesée des injections de CAG. Malgré cela, le dosage effectif est toujours légèrement inférieur à la consigne. Ceci doit être vérifié régulièrement et la consigne ajustée si nécessaire.
Durant l’hiver 2019/20, une baisse générale du taux d’épuration a été observée et des rendements insuffisants ont été obtenus sur les analyses laboratoires du 30 janvier 2020 et 26 février 2020 (fig. 4). La cause principale a pu être identifiée: en raison de l’augmentation du débit (5500 m3/j en moyenne en décembre), l’installation de dosage n’arrivait pas à suivre la cadence des injections car le processus de mouillage et définage du CAG durait environ 5 h 30 min pour une charge de CAG. Ainsi, au lieu de la consigne de 13 g/m3, seuls environ 11 g/m3 ont effectivement été dosés. Ce problème a pu être résolu en diminuant à 4 h les temps de préparation (sans diminuer la qualité du CAG dosé) et en réduisant la fréquence de dosage: initialement une charge de CAG était dosée tous les 1500 m3, par la suite une charge plus grande était dosée tous les 2000 m3.
D’autres causes de ces rendements insuffisants sont possibles, telles que l’influence des dysfonctionnements de la biologie (bactéries filamenteuses) sur le traitement des micropolluants à cette période ou un biais dans le calcul du rendement: les analyses ayant été sous-traitées à un laboratoire externe avec des limites de détection plus élevées, le taux d’épuration calculé a pu être plus faible que le taux d’épuration réel. En effet, à débits équivalents, les rendements calculés pour les deux prélèvements du 30 janvier 2020 et du 26 février 2020 sont inférieurs à la tendance observée généralement, tant sur les analyses en laboratoire que par les mesures UV (fig. 9). De plus, les abattements UV de ces deux prélèvements sont de 24% et 23% respectivement ce qui équivaut à un taux d’épuration d’environ 80% sur l’étape micropolluants (biologie non comprise).
Le rendement d’épuration tend toutefois à diminuer avec l’augmentation du débit, avec un risque de rendements insuffisants au-delà des débits de 6500 à 7000 m3/j, soit environ deux fois le débit moyen. D’autres optimisations par temps de pluie sont ainsi encore en discussion. Dans le cas de pluies sur plusieurs jours, une augmentation du dosage à 15 g/m3 pourrait être envisagée. Les retours d’expérience des deux dernières années permettent également d’estimer qu’une augmentation de la hauteur du lit de CAG de 1,5 m au repos à 1,7 ou 1,8 m serait possible, afin d’avoir plus de marge en cas de débits élevés.
Grâce à un rinçage à l’eau industrielle des conduites de dosage et d’extraction, aucun colmatage n’a été constaté. L’installation de préparation et de dosage du CAG n’a présenté aucun dysfonctionnement. De même, les pompes péristaltiques installées pour l’extraction du charbon (mélange charbon-eau) ont été fonctionnelles et satisfaisantes. De manière générale, aucune usure ou abrasion due au charbon n’a été constatée ni dans les conduites, ni dans les réacteurs. Durant l’été 2020, les rampes et diffuseurs des réacteurs ont été contrôlés et aucune présence de CAG ou de MES n’a été observée. D’autres points devront encore être vérifiés, par exemple l’usure de la vis de dosage où une abrasion est possible, le CAG étant amené sous forme sèche jusqu’à l’installation de dosage.
Hormis le suivi des taux d’épuration et la surveillance générale de l’installation, la maintenance de routine se résume à un contrôle hebdomadaire de la hauteur du lit de CAG au repos et au contrôle de la hauteur d’expansion à différentes vitesses ascensionnelles (env. 1 heure par semaine). Lors du remplissage du silo et de la vidange de la benne (environ 2 à 3 fois par an), une demi-journée de travail est nécessaire. La charge de travail supplémentaire n’a pas nécessité une augmentation notable du temps de travail général des deux exploitants.
Les coûts d’exploitation sont aujourd’hui principalement liés aux consommables à hauteur d’environ 35'000 CHF, soit 3 CHF/hab/an. En ajoutant l’amortissement et la maintenance, le coût annuel est estimé à 90'000 CHF, soit 7,50 CHF/hab/an.
Ce procédé de traitement présente l’avantage d’être simple et robuste à l’exploitation et à la maintenance. L’injection quotidienne de charbon dans le réacteur assure une certaine réactivité et flexibilité du système. Les deux années d’expériences d’exploitation montrent qu’un dosage de 13 g/m3 permet de respecter le taux d’épuration de 80% requis, bien que quelques optimisations pour respecter ce rendement lors des périodes de forts débits ont été nécessaires. La mise en place d’une mesure UV online permet une surveillance de l’efficacité de traitement en temps réel. Des analyses thermogravimétriques pour quantifier la part de charbon actif dans les MES en sortie de l’installation indiquent que les pertes de charbon actif sont faibles et correspondent à l’état de la technique ainsi qu’aux pertes observées sur d’autres procédés de traitement au charbon actif. En conclusion, le procédé à CAG en lit fluidisé permet d’éliminer les micropolluants des eaux usées selon les bases légales suisses et s’est révélé un choix pertinent pour la STEP de Penthaz.
Suites aux expériences réalisées à la STEP de Penthaz, certaines options ont été discutées et sont désormais proposées par Stereau. Par exemple, il est prévu de stocker le charbon usagé dans une cuve en béton, spécialement dans le cas de STEP de taille plus importante où le système avec benne n’est plus adéquat. L’alimentation gravitaire est également envisagée lorsque la hauteur d’eau est suffisante par rapport aux pertes de charge. Il est alors possible de s’affranchir d’une station de pompage, seules des pompes «booster» sont nécessaires pour les séquences de lavage.
Ce procédé de traitement des micropolluants a séduit beaucoup de responsables d’exploitation et décideurs politiques de par sa simplicité d’exploitation. Ainsi, plusieurs projets de traitement des micropolluants par CAG en lit fluidisé sont actuellement à l’étude ou en construction, et ce pour des STEP de plus grande taille que la STEP de Penthaz.
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Essais pilotes, 1re partie (vérifications de l’adéquation du procédé et atteinte des objectifs de traitement selon l’OEaux, charbon Chemviron Cyclecarb 305)
Essais pilotes, 2e partie (vérifications complémentaires sur le fonctionnement et le dimensionnement de l’installation, test d’un autre charbon actif, le Norit GAC 3040 AW)
Demande de permis de construire conjointe avec bâtiment de service
Soumission dossier de consultation (procédure OFEV phase A)
Soumission demande d’indemnités (procédure OFEV phase B)
Vote du crédit par l’AIEE
Appels d’offres et projet d’exécution
DĂ©but des travaux
Mise en eau et test de mise en service
DĂ©compte final et demande de versement des subventions OFEV
Début de l’exploitation à un dosage de 15 g CAG/m3
Dans les années à venir, il est important que les responsables d’exploitation échangent entre eux afin de profiter des expériences des uns et des autres. Si vous êtes un exploitant de STEP intéressé à rejoindre le groupe d’échanges d’expériences charbon actif qui se réunit régulièrement, vous pouvez vous adresser à la plateforme: info@micropoll.ch
[1] Loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (RS 814.20, LEaux), état au 01.01.2016
[2] Ordonnance fédérale du 28 octobre 1998 sur la protection des eaux (RS 814. 201, OEaux), état au 01.01.2016
[3] Horisberger, M.; Casazza, R.; Grelot, J. (2019): Elimination des micropolluants – essais pilotes. Traitement par charbon actif en grain en lit fluidisé à la STEP de Penthaz. Aqua & Gas 1/2019: 39-45
[4] Horisberger, M.; Casazza, R. (2018): Traitements des micropolluants STEP de Penthaz – Essais pilotes Charbon actif en grain en lit fluidisé – procédé CarboPlus®. www.micropoll.ch
[5] Ordonnance du DETEC visant à contrôler l’efficacité des mesures d’élimination des composés traces organiques dans les installations d’épuration des eaux usées du 3 novembre 2016 (RS 814.201.231), état au 01.12.2016
[6] Plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants» (2017): Concepts de surveillance de l’efficacité d’épuration des étapes de traitement supplémentaires permettant l’élimination des micropolluants. www.micropoll.ch
[7] Plateforme VSA «Techniques de traitement des micropolluants» (2019): Evaluation de la rétention de charbon actif – état actuel. www.micropoll.ch
[8] Krahnstöver, T.; Wintgens, T. (2017): Aktivkohle-Nachweis im Abwasser. Quantitativer und selektiver Nachweis niedriger PAK-Konzentrationen mittels Thermogravimetrie. Aqua & Gas 1/2017: 32–37
[9] Krahnstöver, T.; Wintgens, T. (2018): Aktivkohle-Schlupf aus Reinigungsstufen zur Elimination von Mikroverunreinigungen. Projektbericht der FHNW an den Verband Schweizer Abwasser- und Gewässerschutzfachleute, Plattform «Verfahrenstechnik Mikroverunreinigungen»
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Les auteurs remercient vivement les personnes suivantes pour leur collaboration durant ces deux années d’exploitation et/ou leur participation à la rédaction de cet article: R. Devantay, R. Nicolet, P. Gerhard, J.-P. Golay, N. Raemy de l’AIEE, A. Morgado, M. Duchadeau, F. Montels de Stereau, C.-A. Jaquerod, G. Hack de la DGE, A. Brander, P. Wunderlin du VSA et P. Eckert de la FHNW.
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