Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
03. mars 2025

Qualité des eaux

PFAS dans les ressources en eau de Lausanne

Les PFAS regroupent plusieurs milliers de substances industrielles synthétiques qui ne sont pratiquement pas dégradables dans l’environnement. Malgré leurs avantages et leur utilité dans de nombreux domaines, les PFAS posent des problèmes pour l'environnement et la santé. Cet article se penche sur les défis analytiques quant au dosage des PFAS. Au laboratoire du service de l’eau de la ville de Lausanne, un nombre important de PFAS a été analysé sur une grande variété d’échantillons pendant plus d’un an. Les résultats portent sur les eaux de surface, les eaux souterraines, le réseau d’eau potable ainsi que la station d’épuration de Vidy.
Doriane Meyer, Stéphanie Barbier, Fereidoun Khajehnouri, 

Les substances per- et polyfluorĂ©es, aussi dĂ©nommĂ©es PFAS, ont connu un intĂ©rĂȘt croissant pour les distributeurs d’eau au cours des derniĂšres annĂ©es. Cette classe regroupe un large Ă©ventail de substances, environ 15 000, aux caractĂ©ristiques trĂšs prisĂ©es dans de nombreux domaines. Ce sont des substances synthĂ©tiques à la fois hydrophobes et lipophobes avec une grande rĂ©sistance chimique et thermique. GrĂące Ă  leurs propriĂ©tĂ©s, les PFAS sont utilisĂ©s dans le revĂȘtement des ustensiles de cuisine (casseroles, poĂȘles, etc.), dans les vĂȘtements impermĂ©ables, dans le maquillage, dans les mĂ©dicaments et les ustensiles mĂ©dicaux (fig. 1). Ceci n’étant pas une liste exhaustive, on peut, en rĂ©sumĂ©, trouver ces substances dans tous les objets du quotidien. Les sources de contamination dans l’environnement sont diverses (fig. 2).

La principale source de contamination provient de l’utilisation des mousses anti-incendie, largement rĂ©pandues lors d’exercices ou d’interventions sur des incendies rĂ©els. Cette source est particuliĂšrement importante en raison des vastes surfaces sur lesquelles les mousses sont appliquĂ©es. Les PFAS vont ainsi migrer dans les sols et contaminer la terre et l’eau souterraine, cette contamination pourrait ensuite s’étendre aux eaux de surface. Depuis plusieurs annĂ©es, les Ă©tudes toxicologiques ont montrĂ© que plusieurs problĂšmes de santĂ©s peuvent survenir suite Ă  une exposition aux PFAS. Cette derniĂšre est suspectĂ©e d’ĂȘtre associĂ©e au cancer des reins, au cancer des testicules, Ă  l’augmentation du taux de cholestĂ©rol, Ă  des troubles de la thyroĂŻde, Ă  un affaiblissement du systĂšme immunitaire ainsi qu’à diverses complications pour les foetus [2]. Il est toutefois important de noter qu’une grande partie des études repose sur des expositions aiguĂ«s, tandis que peu d’entre elles fournissent des conclusions prĂ©cises concernant une exposition prolongĂ©e Ă  des concentrations modĂ©rĂ©es. De plus, les Ă©tudes portent gĂ©nĂ©ralement sur l’exposition Ă  certains PFAS en particulier et pas sur le mĂ©lange de ces diffĂ©rentes substances. Par consĂ©quent, il est possible que la liste des pathologies associĂ©es Ă  la toxicitĂ© des PFAS évolue au cours des prochaines annĂ©es. En Suisse, l’OPBD (Ordonnance sur l’eau potable et l’eau des installations de baignade et de douches accessibles au public; [3]) dĂ©finit des valeurs maximales pour trois substances, le PFOS, le PFOA et le PFHxS, dans l'eau potable comme suit:

  • < 300 ng/l pour le PFOS
  • < 300 ng/l pour le PFHxS
  • < 500 ng/l pour le PFOA


La norme suisse est loin des rĂ©glementations appliquĂ©es par les autres pays du monde, en particulier celles des pays europĂ©ens. Il est prĂ©vu d’adapter l’OPBD Ă  cet Ă©gard en 2026 [4]. Bien que les dĂ©tails qu’elle comportera ne soient pas encore connus, une uniformisation avec la rĂ©glementation europĂ©enne est
possible.

La rĂ©glementation europĂ©enne des PFAS dans l’eau potable (Directive europĂ©enne sur l’eau potable [5] et EN 17892:2024 [6]) portant sur l’analyse ciblĂ©e impose la valeur suivante: < 100 ng/l pour la somme de 20 PFAS. Les 20 PFAS considĂ©rĂ©s sont listĂ©s dans le tableau 1.

 

Tab. 1 PFAS surveillés par analyse ciblée conformément à la directive du parlement européen
relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine [5].
Abréviation Nombre de carbones Nom complet (en anglais)
PFBA 4 Perfluorobutanoic acid
PFBS 4  Perfluorobutanesulfonic acid 
PFPeA 5  Perfluoropentanoic acid 
PFPeS 5  Perfluoropentanesulfonic acid 
PFHxA 6  Perfluorohexanoic acid 
PFHxS 6  Perfluorohexanesulfonic acid 
PFHpA 7  Perfluoroheptanoic acid 
PFHpS 7  Perfluoroheptanesulfonic acid 
PFOA 8  Perfluorooctanoic acid 
PFOS 8  Perfluorooctanesulfonic acid 
PFNA 9  Perfluorononanoic acid 
PFNS 9  Perfluorononanesulfonic acid 
PFDA  10  Perfluorodecanoic acid 
PFDS 10  Perfluorodecanesulfonic acid 
PFUnDA  11  Perfluoroundecanoic acid 
PFUnDS 11  Perfluoroundecanesulfonic acid 
PFDoDA  12  Perfluorododecanoic acid 
PFDoDS  12  Perfluorododecanesulfonic acid 
PFTrDA  13  Perfluorotridecanoic acid 
PFTrDS  13  Perfluorotridecanesulfonic acid 

 

Une valeur maximale de 500 ng/l pour le total des PFAS est Ă©galement prĂ©vue par la Directive europĂ©enne sur l’eau potable [5]. Cette mesure se base sur des mĂ©thodes analytiques diffĂ©rentes et qui ne seront pas discutĂ©es dans ce travail. 

Selon les lignes directrices techniques relatives aux mĂ©thodes d’analyse pour la surveillance des substances alkylĂ©es per- et polyfluorĂ©es (PFAS) dans les eaux destinĂ©es Ă  la consommation humaine, la limite de quantification (LOQ) doit ĂȘtre infĂ©rieure Ă  30% de la valeur maximale dĂ©crite dans la rĂ©glementation [7]. Dans le cas de la somme des 20 PFAS, il faut donc que la somme des LOQ de chaque composĂ© soit infĂ©rieure à 30 ng/l. Ceci correspond en moyenne à une LOQ maximale de 1,5 ng/l pour chaque substance. Ces restrictions sur les LOQ font de l’analyse des PFAS un dĂ©fi analytique.

Cet article prĂ©sente les problĂšmes auxquels un distributeur d’eau fait face lors de la mise en place d’une mĂ©thode pour l’analyse des PFAS par chromatographie
liquide couplĂ©e Ă  la spectromĂ©trie de masse en tandem (LC-MS/MS). De plus, le service de l’eau suit la prĂ©sence et la concentration de ces composĂ©s depuis 2019. Les rĂ©sultats obtenus depuis 2023 sont rĂ©sumĂ©s dans ce travail.


DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE ANALYTIQUE

GÉRER LES SOURCES DE CONTAMINATION: DU PRÉLÈVEMENT À L’ANALYSE D’ÉCHANTILLONS

Afin d’abaisser la limite de quantification au maximum, la principale considĂ©ration lors de l’analyse des PFAS est de rĂ©duire autant que possible la contamination tout au long du processus. Cet aspect est à prendre en compte dans toutes les Ă©tapes: le prĂ©lĂšvement, la prĂ©paration et l’analyse des Ă©chantillons.

PrélÚvement

Pour les prĂ©lĂšvements, des tubes de 15 ml en polypropylĂšne sont utilisĂ©s. DiffĂ©rents modĂšles ont dĂ» ĂȘtre testĂ©s afin de choisir ceux qui n’apportaient pas de contamination.

Stockage

Les échantillons sont ensuite stockés à 4 °C jusqu'à l'analyse. D'aprÚs notre expérience, la durée de stockage n'est pas un paramÚtre déterminant en raison de
la stabilité des PFAS. 

Analyse par LC-MS/MS

Plusieurs mĂ©thodes existent pour l’analyse des PFAS. La plupart se font par LC-MS/MS (liquid chromatography-tandem mass spectrometry) avec ou sans SPE (solid phase extraction) afin de concentrer les Ă©chantillons. L’injection directe prĂ©sente l’avantage de ne pas rajouter d’étape supplĂ©mentaire pouvant apporter des contaminations. Pour l’injection directe, la prĂ©paration des Ă©chantillons est simplifiĂ©e.

Il est impĂ©ratif d’éviter au maximum l’utilisation de verre et de privilĂ©gier les bĂ©chers en plastique (p. ex. polypropylĂšne, polyĂ©thylĂšne Ă  haute densitĂ©) afin de limiter l’adsorption des PFAS au verre. L’appareil analytique doit lui aussi comporter quelques modifications pour minimiser la contamination. En effet, les tubings en PTFE (polytĂ©trafluoroĂ©thylĂšne) ne peuvent pas ĂȘtre utilisĂ©s. La plupart des fournisseurs proposent des kits pour l’analyse de PFAS par LC-MS/MS. Ces kits comprennent, entre autre, des tubings en PEEK (polyĂ©therĂ©thercĂ©tone) qui remplacent ceux en PTFE et Ă©galement une « isolator column ». L’isolator column est une colonne, souvent de plus petite taille, qui intervient avant la colonne analytique afin de retenir la contamination propre au systĂšme.

PROBLÈMES FRÉQUENTS ET SOLUTIONS
PFAS Ă  longues chaĂźnes

Le premier enjeu porte sur la fiabilitĂ© des rĂ©sultats. En effet, comme la diversitĂ© des composĂ©s analysĂ©s est importante, il est normal qu’il soit difficile de mettre en place une mĂ©thode convenant parfaitement Ă  chaque substance. Souvent, les PFAS Ă  longue chaĂźne posent plus de problĂšmes. Plus la chaĂźne est longue (PFNS, PFDA, PFDS, etc.), plus le composĂ© est difficile Ă  analyser.

DĂ» aux vials de l’autosampler qui sont souvent en verre, l’adsorption des PFAS aux parois engendre une rĂ©ponse plus faible et une LOQ plus haute. De plus, comme la quantitĂ© adsorbĂ©e augmente avec le temps, deux injections Ă©cartĂ©es dans le temps au sein de la mĂȘme sĂ©quence d’analyse peuvent donner des rĂ©sultats diffĂ©rents. Ce phĂ©nomĂšne se produit aussi avec des vials en polypropylĂšne mais dans une moindre mesure. Un autre aspect est que les PFAS Ă  longues chaĂźnes sortent plus tard dans le chromatogramme et cela implique souvent une ligne de base avec un bruit de fond plus important. Une rĂ©ponse Ă  ces diffĂ©rents aspects serait d’avoir plusieurs mĂ©thodes selon la taille des composĂ©s et de sĂ©parer les longues chaĂźnes des chaĂźnes courtes. Il est possible de diluer les Ă©chantillons dans du mĂ©thanol afin de rĂ©duire l'adsorption des PFAS. L’inconvĂ©nient de cette mĂ©thode est que la LOQ est plus Ă©levĂ©e dĂ» Ă  la dilution, c’est pourquoi il n’est peut-ĂȘtre pas avantageux de l’appliquer Ă  tous les composĂ©s.

CompatibilitĂ© de l’analyse de PFAS a vec d ’autres mĂ©thodes

Dans l'idĂ©al, il faudrait dĂ©dier un appareil uniquement Ă  l'analyse des PFAS afin de limiter les contaminations au sein de la machine. Cependant, cela n'est pas rĂ©alisable pour la plupart des laboratoires. Le fait de mĂ©langer plusieurs mĂ©thodes d’analyse sur le mĂȘme appareil peut Ă©galement donner lieu Ă  une baisse dans la qualitĂ© des rĂ©sultats pour l’analyse de PFAS.

Dans le cas d’un appareil non dĂ©diĂ©, une stratĂ©gie possible est de dĂ©dier des lignes d’éluants et un emplacement de colonne Ă  l’analyse des PFAS uniquement. Étant donnĂ© que certaines sections de l’appareil sont nĂ©cessairement partagĂ©es avec les autres mĂ©thodes, il convient de nettoyer au maximum l’appareil avant l’analyse de PFAS.

Ligne de base des chromatogrammes polluée e t résolution des pics

En raison des trĂšs faibles concentrations analysĂ©es, il est frĂ©quent que les lignes de base des chromatogrammes aient un bruit important. De plus, un problĂšme rĂ©current est la rĂ©solution des pics des diffĂ©rents isomĂšres des PFAS. En effet, certaines de ces substances montrent des pics d’intensitĂ© considĂ©rable pour leurs isomĂšres ramifiĂ©s (p. ex. le PFOS, le PFHxS ou le PFOA). Ces deux phĂ©nomĂšnes sont Ă  prendre en compte lors du choix de la colonne analytique.

MÉTHODE UTILISÉE AU LABORATOIRE DU SERVICE DE L’EAU

Sur la base des considĂ©rations exposĂ©es prĂ©cĂ©demment et de diffĂ©rents tests prĂ©liminaires, le laboratoire du service de l’eau de la ville de Lausanne utilise dĂ©sormais la mĂ©thode suivante pour dĂ©terminer le paramĂštre Somme de 20 PFAS (tab. 1, [5]) ainsi que 17 autres substances de la classe des PFAS: Analyse d’échantillons non diluĂ©s avec une colonne ACQUITY UPLCÂź CSHℱ Phenyl-Hexyl 1,7 ÎŒm, 2,1 x 100 mm sur un appareil ACQUITY UPLC Class I & Xevo TQ Absolute de Waters (fig. 3) avec le kit PFAS.

 

RÉSULTATS DANS LES EAUX DE LA RÉGION LAUSANNOISE

Le service de l’eau de la ville de Lausanneest le 3e distributeur d’eau potable en Suisse. Il est dotĂ© de plusieurs usines et stations de traitement qui sont approvisionnĂ©es par des eaux brutes diverses. En effet, ces usines s’alimentent en eaux de surface et en eaux souterraines. Deux lacs (lac LĂ©man et lac de Bret) et environ 100 sources sont exploitĂ©s. Cette eau potable est ensuite distribuĂ©e Ă  la population au moyen de 920 km de conduites et d’environ
40 cuves d’une capacitĂ© de stockage cumulĂ©e de 130 000 m3. Afin d’en assurer la qualitĂ©, environ 3500 Ă©chantillons sont prĂ©levĂ©s chaque annĂ©e sur lesquels
40 000 paramÚtres sont analysés.

Au service de l’eau de la ville de Lausanne, l’analyse de PFAS a dĂ©butĂ© en 2019, avec seulement 3 substances Ă©tudiĂ©es, un
chiffre qui est passé à 37 en 2024. Les 20 substances normées (cf. tab. 1) dans la directive du parlement européen relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine [5] sont comprises dans les 37 substances analysées.

Les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s dans cet article ne se baseront que sur 16 substances parmi les 20 de la liste. Ceci est dĂ» Ă  l’évolution des substances analysĂ©es au fil du temps. Cependant, il est important de noter que les 4 substances manquantes sont le PFHpS, le PFUnDS, le PFDoDS, et le PFTrDS. Avec les rĂ©sultats obtenus par la suite pour ces 4 substances, il est possible de considĂ©rer que leurs concentrations sont nĂ©gligeables (elles ne sont normalement pas dĂ©tectĂ©es dans les matrices aqueuses). Il est donc possible de comparer la concentration obtenue pour 16 PFAS Ă  la valeur maximale pour la somme des 20 substances (tab. 1) fixĂ©e par la directive europĂ©enne.

EAUX DE SURFACE 
Lac LĂ©man (fig. 4)

Deux usines de traitement de l’eau potable se trouvent au bord du lac LĂ©man: l’usine de Lutry et l’usine de St-Sulpice. À Lutry, 8 Ă©chantillons ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s
en entrĂ©e et en sortie d’usine entre mai 2023 et juin 2024, tandis qu’à St-Sulpice, 7 Ă©chantillons ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s sur la mĂȘme pĂ©riode. 

Pour les deux usines, l’eau brute contient sensiblement la mĂȘme charge de PFAS. Pour ce qui est des Ă©tapes de traitement, seuls des traitements destinĂ©s aux micropolluants ont manifestement un impact sur la concentration en PFAS. Une diminution est visible pour l’usine de Lutry. Ceci peut ĂȘtre attribuĂ© Ă  la prĂ©sence d’une étape de traitement par charbon actif en poudre. Cette Ă©tape n’est pas prĂ©sente dans le circuit de traitement de l’usine de St-Sulpice. Bien qu’une lĂ©gĂšre augmentation soit visible pour l’eau traitĂ©e à St-Sulpice, elle reste dans l’incertitude de mesure de la mĂ©thode analytique. Il est cependant possible que certains traitements relarguent une faible quantitĂ© de PFAS.

Pour les deux usines, la concentration de PFAS dans l’eau traitĂ©e est largement infĂ©rieure aux valeurs maximales prĂ©vues par la norme suisse et la norme europĂ©enne. En effet, une concentration infĂ©rieure Ă  10 ng/l est obtenue pour l’eau brute et l’eau traitĂ©e des deux usines.

Selon les Ă©tapes de traitement, des PFAS peuvent se former ou subir des modifications. En effet, il est commun d’observer une transformation des substances polyfluorĂ©es en substances perfluorĂ©es dans des conditions d’oxydation. La composition de l’eau brute est quasiment identique entre Lutry et St-Sulpice. En effet, les PFAS prĂ©sentant les concentrations les plus importantes sont le PFOS, le PFBA et le PFHxS. Ensuite, comme les Ă©tapes de traitement diffĂšrent entre les deux usines, les concentrations des diffĂ©rents PFAS dans l'eau traitĂ©e varient. Les PFAS prĂ©sents dans l’eau brute restent prĂ©sents dans l’eau traitĂ©e mais parfois Ă  des concentrations infĂ©rieures à celles d’autres substances. À Lutry, l’eau traitĂ©e contient majoritairement du PFHxA, du PFBA et du PFPeA, tandis qu’à St-Sulpice, c’est le PFOA, le PFOS et le PFHxA qui sont prĂ©sents dans les concentrations les plus importantes.

Lac de Bret (fig. 5)

Le lac de Bret est un lac artificiel constituant une des principales ressources en eau pour la ville de Lausanne. C’est la seule alimentation en eau de l’usine de Bret. Respectivement 8 et 11 prĂ©lĂšvements d’eau brute et d’eau traitĂ©e ont Ă©té analysĂ©s entre mai 2023 et octobre 2024. Une diminution de presque 50% de la concentration en PFAS est visible. Cet effet peut ĂȘtre attribuĂ© Ă  la prĂ©sence des diffĂ©rentes Ă©tapes de traitement (charbon actif en grains et ozonation). De plus, du point de vue de la concentration en PFAS, l’eau traitĂ©e sortant de l’usine de Bret est similaire Ă  celle de l’usine de Lutry. En effet, les deux usines disposent  ’étapes de traitement au charbon.

Pour les deux types d’eau, les concentrations sont trĂšs faibles, bien infĂ©rieures aux normes suisses et europĂ©ennes. En moyenne, les concentrations obtenues sont infĂ©rieures Ă  10 ng/l pour les deux types d’eau. L’eau brute contient majoritairement du PFOA, du PFBA et du PFHxA tandis que dans l’eau traitĂ©e, les  concentrations les plus importantes sont celles du PFBA, du PFHxA et du PFPeA.

EAUX SOUTERRAINES
Usine de Sonzier (sources du Pay s d’Enhaut) (fig. 6)

L’usine de Sonzier s’alimente d’eaux souterraines. Ces sources se situent dans une rĂ©gion plutĂŽt montagneuse. Pour cette usine, respectivement 7 et 6 Ă©chantillons d’eau brute et d’eau traitĂ©e ont Ă©té prĂ©levĂ©s entre juin 2023 et juin 2024 afin d’analyser leur charge en PFAS.

Il est clair que les concentrations de PFAS dans cette usine sont bien infĂ©rieures à celles analysĂ©es dans les 3 autres usines. Une trĂšs lĂ©gĂšre augmentation est visible pour l’eau traitĂ©e mais la diffĂ©rence est dans l’ordre de grandeur de l’incertitude de mesure de la mĂ©thode analytique. La barre d’erreur est plus importante pour l’eau traitĂ©e, ceci peut ĂȘtre dĂ» Ă  une contamination lors du prĂ©lĂšvement ou lors de l’analyse d’un des 6 Ă©chantillons. De plus, il est normal de ne pas observer de baisse significative Ă©tant donnĂ© qu’il n’y a pas d’étape de traitement au charbon Ă  l’usine de Sonzier. Le seul type de traitement pratiquĂ© dans cette usine est la filtration membranaire (ultrafiltration).

L’eau brute contient majoritairement du PFHxA, du PFOA et du PFOS tandis que dans l’eau traitĂ©e, la concentration la plus importante est celle du PFOA, suivie par
le PFHxA.

Autres sources

Une investigation quant Ă  la quantité de PFAS a Ă©tĂ© menĂ©e sur l’ensemble des eaux souterraines appartenant au service de l’eau de la ville de Lausanne. Ces analyses concernaient 100 Ă©chantillons prĂ©levĂ©s entre mai 2023 et septembre 2024. En moyenne, la somme des 16 PFAS Ă©tait de 1,99 ng/l (± 3,12 ng/l) sur l’ensemble des sources. La concentration la plus élevĂ©e analysĂ©e dans cette pĂ©riode Ă©tait de 11,3 ng/l. Dans tous les cas, mĂȘme les valeurs les plus Ă©levĂ©es ne dĂ©passent pas les valeurs maximales des normes suisse et europĂ©enne.

La particularité de ces sources est la trÚs faible concentration de PFOS. Elles contiennent majoritairement du PFHxA, du PFOA et du PFBA.

RÉSEAU D’EAU POTABLE

Le service de l’eau de la ville de Lausanne possĂšde 22 rĂ©servoirs comportant chacun une ou plusieurs cuves alimentĂ©es par les diffĂ©rentes usines de traitement de l’eau potable.

Ces cuves contiennent l’eau qui est par la suite distribuĂ©e Ă  la population via le rĂ©seau d’eau potable. L’eau des diffĂ©rents rĂ©servoirs a Ă©tĂ© analysĂ©e entre juin 2023 et juin 2024. Au total, 132 Ă©chantillons ont Ă©tĂ© analysĂ©s.

Les concentrations sont largement infĂ©rieures aux valeurs limites prĂ©vues par la confĂ©dĂ©ration et par l’union europĂ©enne. En moyenne, tous les rĂ©servoirs prĂ©sentent encore une fois des charges en PFAS infĂ©rieures Ă  10 ng/l (fig. 7).

Les proportions des PFAS prĂ©sents dans le rĂ©seau d’eau potable varient en fonction du mĂ©lange d’eaux de surface et d’eaux souterraines qui l’alimente. En  moyenne, les rĂ©servoirs contiennent majoritairement du PFHxA, du PFBA et du PFPeA.

PLAGES

Afin d’étudier la rĂ©partition des concentrations des PFAS dans le lac LĂ©man, 13 Ă©chantillons ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s sur diffĂ©rentes plages rĂ©parties le long du lac dans la rĂ©gion lausannoise lors d’une campagne durant l’étĂ© 2023. Ces rĂ©sultats peuvent ĂȘtre comparĂ©s avec les concentrations de PFAS dĂ©tectĂ©es dans l’eau brute des deux usines prĂ©sentes sur le lac LĂ©man (fig. 8). Il est clair que les concentrations obtenues sont similaires pour les 3 types d’échantillons. Cela montre que, dans la limite des tests effectuĂ©s, il n’y a pas de diffĂ©rence significative liĂ©e Ă  la profondeur ou Ă  la localisation des points de prĂ©lĂšvement. En effet, les Ă©chantillons de plages sont prĂ©levĂ©s Ă  la surface (entre 50 cm et 2 m), tandis que les eaux brutes des usines sont respectivement captĂ©es à 60 m et 50 m Ă  Lutry et Ă  St-Sulpice. De plus, l’usine de Lutry et celle de St-Sulpice sont sĂ©parĂ©es de plus de 11 km Ă  vol d’oiseau.

Les compositions des 3 types d’échantillons prĂ©sentĂ©s ci-dessus (l’eau brute à Lutry, l’eau brute Ă  St-Sulpice et l’eau des plages) sont trĂšs similaires. De faibles
variations sont toutefois prĂ©sentes. Elles peuvent ĂȘtre due Ă  la diffĂ©rence dans les pĂ©riodes Ă©tudiĂ©es ainsi qu’au nombre de rĂ©sultats accumulĂ©s (une seule campagne a Ă©tĂ© effectuĂ©e pour les Ă©chantillons provenant des plages). Il en rĂ©sulte que l’eau du lac contient majoritairement du PFOS, du PFBA, du PFHxA et du PFHxS.

STATION D’ÉPURATION

Des Ă©chantillons d’eau usĂ©e provenant de la STEP de Vidy ont Ă©tĂ© analysĂ©s. Cette STEP ne dispose pas encore d’étape de traitement des micropolluants  (concrĂ©tisĂ©e dans les annĂ©es Ă  venir [8]). Les étapes de traitement actuelles ne permettent pas d’éliminer les PFAS. Les prĂ©lĂšvements ont Ă©tĂ© effectuĂ©s en entrĂ©e et en sortie de STEP Ă  45 reprises entre avril 2023 et aoĂ»t 2024.

Les valeurs varient considĂ©rablement d’un Ă©chantillon Ă  l’autre en raison des diffĂ©rences dans la composition des eaux usĂ©es entrant dans la STEP, liĂ©es aux
variations dans l’utilisation domestique et industrielle des clients raccordĂ©s au rĂ©seau d’assainissement. Les conditions atmosphĂ©riques peuvent Ă©galement influencer ces variations.

MalgrĂ© les variations, la tendance montre une augmentation de la concentration des PFAS en sortie de la STEP (fig. 9). Ceci peut avoir plusieurs explications [9]; une diffĂ©rence de dilution entre l’entrĂ©e et la sortie pourrait rĂ©sulter des intempĂ©ries, et une formation ou une transformation de PFAS pourrait survenir durant les
Ă©tapes de traitement. Les valeurs minimales sont de 15 ng/l en entrĂ©e et 19 ng/l en sortie tandis que les valeurs maximales sont de 286 ng/l en entrĂ©e et 538 ng/l en sortie de la STEP. Bien que les limites hautes des ordres de grandeurs de concentrations ne soient que trĂšs rarement atteintes, il est intĂ©ressant de noter que ce sont les seuls types d’échantillons pour lesquels les concentrations dĂ©passent 100 ng/l. Cependant, il est important de rappeler que cette valeur maximale s’applique Ă  l’eau potable.

Les substances retrouvĂ©es peuvent sensiblement varier Ă©tant donnĂ© qu’elles dĂ©pendent directement de l’activitĂ© domestique et industrielle. Que ce soit Ă  l’entrĂ©e ou Ă  la sortie de la STEP, le composĂ© avec les concentrations les plus importantes est le PFHxA. Ensuite, les Ă©chantillons d’entrĂ©e de STEP contiennent majoritairement du PFOS et du PFOA. Les Ă©chantillons de sortie de STEP contiennent, quant à eux, majoritairement du PFOA et du PFHpA.

Malgré les concentrations élevées dans les eaux déversées par la STEP de Vidy dans le lac Léman, les concentrations dans le lac restent faibles, comme mentionné
plus haut (cf. fig. 8). Cependant, il est possible que le largage de ces PFAS ait d’autres impacts, que ce soit sur les sĂ©diments ou la faune et la flore. Bien que des
Ă©tudes existent sur les concentrations des PFAS dans les poissons [10], aucun lien direct n’existe avec les concentrations de PFAS relarguĂ©es par les STEP.

CONCLUSION

Le service de l’eau de la ville de Lausanne gĂšre une grande variĂ©tĂ© de ressources en eau. Afin d’en assurer la qualitĂ©, les mĂ©thodes analytiques sont dĂ©veloppĂ©es
en anticipant l’évolution des rĂ©glementations fĂ©dĂ©rales. C’est en effet l’objectif pour l’analyse des PFAS. Bien que les normes actuelles en vigueur en Suisse soient moins contraignantes que celles des pays alentours, il est clair que cela va changer. Ce durcissement des valeurs maximales va soulever plusieurs dĂ©fis pour les distributeurs d’eau. En effet, le traitement et l’analyse de l’eau sont les deux domaines impactĂ©s. Au niveau de l’analyse, plus les valeurs maximales baissent, plus la prĂ©paration et l’analyse des Ă©chantillons se compliquent. Les contaminations au cours du processus d’analyse reprĂ©sentent un des problĂšmes majeurs. De plus, la sensibilitĂ© des appareils analytiques est critique. La mĂ©thode analytique actuellement mise en place au laboratoire du service de l’eau de la ville de Lausanne  permet de respecter la norme europĂ©enne en vigueur (pour la liste de 20 substances), qui est probablement trĂšs proche de la future norme suisse. Avec cette mĂ©thode, il a Ă©tĂ© montré que les ressources en eau (eaux de surface et eaux souterraines) prĂ©sentent des concentrations largement infĂ©rieures aux exigences lĂ©gales fĂ©dĂ©rales. La substance prĂ©sente en quantitĂ©s considĂ©rables dans tous les types d’eau est le PFHxA. Dans l’ensemble, le PFOA, le PFBA, le PFOS et le PFPeA sont les autres PFAS avec les concentrations les plus Ă©levĂ©es. Des variations de compositions sont prĂ©sentes selon la provenance des Ă©chantillons.

BIBLIOGRAPHIE

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