L'utilisation durable des eaux souterraines en tant que principale ressource en eau potable et élément d'une gestion intégrée des ressources en eau est particulièrement indiquée face au changement climatique et à l'augmentation des périodes de sécheresse. L'approvisionnement en eau devra s'adapter à la pression du climat et de l'utilisation, tout comme les connaissances sur les changements hydrologiques devront être intégrées dans les concepts courants de protection et d'utilisation. Entre-temps, la sécheresse hydrologique et les basses eaux sont déjà considérées comme un danger naturel.
Pour les eaux souterraines, le défi réside dans le fait que les effets auxquels elles sont soumises restent souvent invisibles à l'œil nu, mais n'en sont pas moins importants. Un rapport d'experts initié par la Confédération sur la gestion de la pénurie d'eau locale en Suisse [1] prend donc en compte les bases hydrogéologiques de l'utilisation durable des nappes phréatiques en cas de sécheresse [2]. Une méthode correspondante pour évaluer la vulnérabilité des gisements dans les aquifères de roches meubles est présentée une nouvelle fois dans le présent article. En outre, le concept a été testé sur une quarantaine de bassins versants et a été vérifié ou complété par la modélisation de scénarios de sécheresse.
Utiliser les ressources en eau souterraine de manière responsable et en visant la sécurité d'approvisionnement ne peut se faire que de manière durable. La ressource en eau souterraine exploitable est la quantité d'eau disponible qui peut être prélevée dans le gisement sur une longue période sans que cela ait un impact négatif sur le volume moyen d'eau souterraine et sur les écosystèmes qui dépendent de l'alimentation à partir de l'aquifère concerné.
Avec un volume total de 150 km3 et étant ainsi le plus grand réservoir d'eau de Suisse [3], l'eau souterraine représente 80% de l'approvisionnement en eau potable. Environ la moitié d'entre elles sont exploitées par des puits de pompage dans des gisements peu profonds des aquifères de roches meubles. Le potentiel d'une offre d'eau souterraine durablement exploitable d'environ 18 km3/an n'est actuellement que partiellement exploité dans l'ensemble du pays. Il est toutefois inégalement réparti en fonction des conditions hydrogéologiques, de sorte que des situations de pénurie peuvent se produire localement et temporairement, notamment pendant les périodes de sécheresse.
La durabilité consiste en un état d'équilibre entre la disponibilité d'une ressource et les besoins en eau qui y sont liés (Fig. 1). La disponibilité à long terme résulte des composantes de la recharge directe et indirecte des nappes phréatiques (composées principalement des précipitations qui s'infiltrent et des eaux de surface qui s'infiltrent), éventuellement complétées par une augmentation artificielle par le biais de la recharge. Un déséquilibre entre les apports et les prélèvements, en particulier la diminution persistante du réservoir d'eau souterraine disponible, constitue une surexploitation de la ressource en eau souterraine.
Une exploitation durable implique d'éviter ou de minimiser ces changements et de les compenser sur une période donnée - par exemple sur l'année - et d'éviter que des écarts intermédiaires n'entraînent des atteintes irréparables ou une défaillance des utilisations. La recharge des nappes phréatiques constitue donc la clé de la compréhension de l'offre en eau, même pendant les périodes de sécheresse. En revanche, les divers besoins en eau potable et industrielle ainsi qu'en eau pour les aspects écologiques sont à prendre en compte.
Les effets possibles du changement climatique sur le régime hydrologique et les eaux souterraines en Suisse ont été étudiés en détail dans le cadre de programmes de recherche [4, 5]. Il en ressort que la recharge des nappes phréatiques restera à peu près la même sur l'année, mais qu'elle se déplacera en quantité vers le semestre d'hiver [6]. Ainsi, en été et en automne, il y aura moins d'eau souterraine disponible en raison de la baisse des précipitations et de la hausse des températures.
Dans le même temps, les sécheresses météorologiques seront plus fréquentes et dureront plus longtemps. Comme celles-ci ont un impact moins direct sur les eaux souterraines que sur les cours d'eau superficiels en raison de leur capacité de stockage et de retardement, les nappes phréatiques constituent justement une réserve d'eau souvent encore disponible en cas de sécheresse hydrologique. Mais leur exploitation entre alors parfois en concurrence avec le débit de base des cours d'eau et les besoins des écosystèmes dépendant des eaux souterraines.
Les épisodes de sécheresse des 20 dernières années ont régulièrement engendré des niveaux bas documentés des eaux souterraines. A moyen terme, en raison du climat, la fonte des neiges et des glaciers aura également une influence sur les régimes d'eau souterraine et donc sur la disponibilité saisonnière de l'eau. Toutefois, les nappes phréatiques peu profondes et à réaction rapide se rétablissent relativement vite. En revanche, si le déficit de recharge persiste ou si le temps de réaction est plus long, le retour à la normale peut être plus long.
Une approche empirique est présentée pour les aquifères de roches meubles exploités par des puits de pompage en ce qui concerne leur vulnérabilité à la sécheresse. Celle-ci est basée sur l'observation d'événements passés ainsi que sur l'application d'un scénario possible de sécheresse. Le concept s'appuie sur les facteurs fondamentaux d'une exploitation durable esquissés dans la Figure 1, en comparant l'offre en eau au prélèvement d'eau. Il permet d'identifier et de classer les nappes phréatiques vulnérables à la sécheresse et de déterminer ainsi la nécessité de prendre d'autres mesures.
Le concept vise une utilisation durable à long terme des nappes phréatiques, en tenant compte des périodes de sécheresse. Ce faisant, leur vulnérabilité est toujours considérée et définie en lien avec les aspects d'utilisation. Le relevé ne donne donc pas d'indication sur la réaction de la nappe phréatique en soi, mais toujours par rapport à sa mise en valeur ou à son utilisation actuelle ou future. Elle est conçue pour une estimation à plus grande échelle et non pour des captages individuels au sein d'un gisement. Il s'agit ainsi de considérer la ressource dans son ensemble et de poser les bases de sa gestion intégrale.
L'élément fondamental d'une exploitation durable est l'équilibre entre la recharge de la nappe phréatique et le prélèvement dans celle-ci. Alors que la disponibilité de l'eau fait partie de l'évaluation standard lorsqu'on considère les différents captages d'eau souterraine, elle a longtemps joué un rôle secondaire à l'échelle régionale. La carte de bilan des eaux souterraines pour le canton de Berne, datant de 1999, fait figure de référence dans ce contexte [7]. Cet aspect est désormais bien établi dans les stratégies de l'eau et les plans de gestion actuels [p. ex. 1, 8, 9].
Ici, on a maintenant recours à un indicateur qui est utilisé dans l'exécution. Selon celui-ci, un prélèvement jusqu'à environ 20% de la recharge moyenne des eaux souterraines est considéré comme durable [10]. Un dépassement de cette valeur devrait être évité, sinon des modifications sensibles du régime des eaux souterraines ne sont pas à exclure. Le débit utilisable de manière durable n'est donc qu'une partie de ce qui - comme le formule la loi sur la protection des eaux - est apporté au gisement dans son ensemble, et signifie à nouveau que 80% du débit d'eau au sens large devrait rester disponible pour le maintien des conditions d'écoulement naturelles et des écosystèmes. Même s'il s'agit d'une valeur empirique approximative qui, dans la réalité, dépend fortement des conditions locales, elle convient bien pour une première estimation grossière.
Concrètement, trois étapes sont successivement suivies pour estimer la vulnérabilité à la sécheresse (Fig. 2) :
La succession de classements par oui ou par non détermine, selon la figure 2, la classification et l'attribution des mesures. L'enquête porte à chaque fois sur l'ensemble d'un gisement ou sur des parties de typologie hydrogéologique homogène, mais pas sur des captages individuels. Les étapes respectives sont décrites en détail ci-dessous.
Les années 2003, 2011, 2015, 2018, plus récemment 2022 et également 2023 constituent des situations comparatives pour le comportement des ressources en eau souterraine pendant une période de sécheresse. De telles données historiques donnent une première indication sur la vulnérabilité d'une ressource en eau souterraine, à savoir si des déficits quantitatifs ont déjà été observés pendant les périodes de sécheresse. Outre le volume ou le niveau des eaux souterraines, il convient également de considérer les éventuels effets sur la disponibilité de l'eau en surface.
Les critères des effets des périodes de sécheresse sur les eaux souterraines sont notamment des débits insuffisants au niveau des sources et des tronçons d'exfiltration, des écosystèmes dépendant des eaux souterraines qui s'assèchent ou encore des puits de pompage à la limite de leur capacité. Dans le pire des cas, des restrictions locales de l'approvisionnement en eau à partir des captages d'eau souterraine peuvent survenir, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Des niveaux d'eau souterraine exceptionnellement bas sont également le signe de déficits quantitatifs, pour autant qu'ils soient liés aux effets mentionnés.
La deuxième étape de la classification consiste à déterminer si ces effets sont liés à une surexploitation du gisement. Pour ce faire, le critère de durabilité est utilisé pour le rapport entre la recharge et le prélèvement. Le bilan hydrique est l'instrument de base pour estimer la disponibilité des eaux souterraines. Il résulte des apports (formation nouvelle) et des débits (y compris les prélèvements) d'un bassin versant donné et sur une période donnée. Le bilan hydrique simplifié d'une nappe phréatique par rapport à une année normale (c'est-à-dire sans modification du stockage) est résumé dans l'equation suivante:
Infiltration des eaux de pluie + infiltration des eaux de surface + afflux latéral + afflux d'eau souterraine = |
Exfiltration (incl. écoulements de source) + prélèvement + écoulement d'eau souterraine |
Pour calculer le critère des 20%, on regroupe d'abord toutes les composantes d'afflux comme recharge de la nappe. En face, il y a la valeur des prélèvements aux puits de pompage. Celle-ci doit englober toutes les utilisations actives, mais en déduisant la restitution directe de l'eau pompée, comme c'est le cas par exemple pour de nombreuses utilisations énergétiques ou pour le stockage d'eau de construction. Ce sont donc les volumes réels qui sont décisifs et non les volumes concédés, car ces derniers ne correspondent pas au prélèvement moyen. Les autres composantes du débit ne sont pas pertinentes dans ce calcul.
La troisième étape consiste à considérer des conditions particulièrement défavorables de recharge de la nappe pendant une ou deux années consécutives de sécheresse. Pour cela, on suppose que l'offre est réduite, à savoir que - comme le suggèrent les périodes de sécheresse passées - il faut s'attendre à une réduction de 20% de la recharge des eaux souterraines sur l'année. La comparaison entre les prélèvements et la réduction de la recharge des nappes phréatiques peut donc fournir des indications sur les problèmes éventuels en cas de sécheresse.
Pour le calcul du critère de durabilité adapté, toutes les composantes de la recharge du bilan sont donc réduites forfaitairement de 20% et mises en relation avec les prélèvements. Il y a donc moins d'eau disponible pour la même utilisation. De plus, il est possible de prendre en compte le fait que dans les situations de diminution de l'offre, il faut s'attendre à l'avenir à une augmentation des besoins en eau souterraine, surtout de la part de l'agriculture [4]. Dans l'ensemble, le scénario de sécheresse d'une recharge réduite des eaux souterraines tient compte du fait que le volume de prélèvement durable est plus faible lors des années de sécheresse que lors des années normales. Pour l'estimation de la vulnérabilité d'un gisement, la comparaison avec une recharge réduite représente une sorte de marge de sécurité.
Le résultat de l'estimation fournit des indications sur les situations de pénurie possibles pendant les futures périodes de sécheresse et permet d'évaluer si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour l'exploitation durable à long terme (Fig. 2). Il s'agit notamment d'observer la nappe phréatique en se concentrant sur les sécheresses et de réaliser une étude détaillée afin d'approfondir les connaissances sur la nappe et sa gestion.
Si des déficits sont déjà apparus pour satisfaire les besoins en eau pendant les périodes de sécheresse passées, une clarification approfondie est en tout cas nécessaire. Si le critère de durabilité est également dépassé, il est nécessaire d'agir en priorité, y compris de réévaluer ou d'adapter les quantités prélevées. Même si aucune situation de carence n'est apparue jusqu'à présent, il faut partir du principe que le critère de 20% est dépassé et que des études détaillées doivent être lancées. Ce n'est que si aucun dépassement du critère de durabilité n'a été constaté ou n'est à prévoir, même en cas de formation réduite, qu'aucune mesure spécifique n'est nécessaire.
Les déclarations sur les effets concrets pendant les périodes de sécheresse sont une partie centrale de l'étude détaillée en aval. Celle-ci peut déterminer dans quelle mesure il faut s'attendre à des atteintes pendant les périodes de sécheresse et quels prélèvements d'eau sont autorisés pour garantir une utilisation durable de la nappe phréatique, tant pendant une période de sécheresse qu'à long terme. Un monitoring représentatif et complet, qui reflète l'ensemble de la ressource en eau souterraine et de son bassin versant (niveaux de la nappe, débits, volumes prélevés, qualité de l'eau, etc.), est de toute façon une condition préalable à la connaissance et donc à l'utilisation adéquate et durable d'une ressource en eau souterraine (y compris l'anticipation des effets de la sécheresse).
Ce qui suit, le concept de relevé, et en particulier le critère des 20%, a été appliqué et testé sur 42 nappes d'eau souterraine, principalement du Plateau et des Préalpes (Fig. 3). Cela concerne environ la moitié des 58 masses d'eau souterraines de roches meubles de Suisse [11]. Ces exemples couvrent une large gamme de nappes phréatiques plus ou moins productives dans le contexte hydrogéologique du pays, mais se situent pour la plupart dans des fonds de vallée et sont reliées à un cours d'eau.
En première approximation, les connaissances sur la ressource en eau générale du bassin versant suffisent pour la mise en œuvre. Il faut disposer de valeurs annuelles moyennes de la recharge de la nappe phréatique et des prélèvements aux puits de pompage, qui ont été tirées dans le cas présent des bilans hydriques de modèles conceptuels [par exemple 12-14] et numériques. On s'est efforcé de recourir à des informations aussi actuelles que possible sur le volume annuel prélevé. Les bilans hydriques issus de modélisations des eaux souterraines, en particulier, permettent également de tirer des conclusions différenciées sur les différentes composantes de la recharge.
Les résultats de l'enquête sont présentés dans la Figure 4 globalement ainsi qu'en relation avec le critère de durabilité. L'évaluation montre que les nappes phréatiques considérées se situent dans leur majorité à l'intérieur du critère des 20%. Seul un petit quart des gisements testés dépasse cette limite théorique, même si, dans la plupart des cas, ce n'est pas de manière drastique. Dans quelques autres cas, seule la prise en compte de la réduction de la néoformation conduit à un dépassement. En moyenne, la part du prélèvement dans la recharge est de 16% (recharge moyenne) ou de 20% (recharge réduite).
Il n'y a pas de lien apparent entre la sensibilité à la sécheresse et la ressource totale, et donc l'étendue des ressources ou leur productivité. Cela se justifie par la définition de la vulnérabilité donnée ici et par la déclaration des valeurs résultantes qui l'accompagne. Ainsi, les gisements importants et productifs présentent certes une disponibilité et un volume d'eau plus élevés, mais c'est aussi là que se trouvent souvent les exploitations importantes.
Le critère des 20% n'étant qu'un point de repère ou un indicateur, son dépassement ne signifie pas en soi une surexploitation du gisement ou une mise en danger de l'exploitation. Une telle conclusion ne pourrait être tirée que dans le cadre d'une étude détaillée. Les résultats permettent toutefois déjà de tirer des conclusions sur l'importance respective d'une formation réduite et donnent des indications sur la classification de la vulnérabilité. Les dépassements correspondent en partie à des cas dans lesquels des problèmes ou des déficits d'approvisionnement en eau se sont déjà produits par le passé. Mais le critère de carence est également rempli pour certains gisements qui se situent dans les limites de la durabilité.
Les facteurs hydrogéologiques qui influencent la réaction d'un aquifère pendant les périodes de sécheresse sont décrits en détail [6, 16]. En font partie, outre le type de recharge et le raccordement ou l'interaction avec les cours d'eau, la zone non saturée, la taille et la capacité de stockage de l'aquifère (parfois résumée par le rendement [15] ; voir Fig. 3) ainsi que les afflux latéraux provenant de roches solides [17]. Des estimations de sensibilité, telles qu'elles ont été faites pour les cours d'eau [18], peuvent également caractériser les nappes phréatiques [16, 19], bien qu'une typologie complète y soit toujours en suspens.
Avec la présente évaluation, ces facteurs d'influence ne peuvent tout au plus être mis en relation qu'indirectement, car les résultats de l'étude doivent justement être compris comme une vulnérabilité par rapport au prélèvement. Les effets de la sécheresse ne sont pris en compte que de manière non spécifique sous la forme d'une réduction globale de la recharge de la nappe phréatique. En revanche, les facteurs d'influence cités précédemment peuvent être mis en parallèle avec des situations de pénurie, dans la mesure où ces dernières ne sont pas uniquement dues à une infrastructure de puits insuffisante. Dans les deux cas de la Figure 3 avec une part de prélèvement dans la recharge de la nappe > ; 50%, il s'agit par ailleurs de systèmes d'écoulement dominés par la recharge artificielle.
Il peut parfois être instructif de considérer séparément certaines parties de nappes souterraines testées - lorsque cela s'avère hydrogéologiquement judicieux. Ainsi, parmi les gisements testés, il est souvent apparu que le rapport entre les ressources locales et les prélèvements était plus défavorable en amont qu'en aval, malgré les points forts de l'exploitation à cet endroit. Cela pourrait s'expliquer par des différences dans les tronçons d'exfiltration et d'infiltration ainsi que par la part des affluents latéraux dans la recharge des eaux souterraines. Selon les conditions d'exploitation et les conditions hydrogéologiques, l'effet inverse peut également se produire.
Il en va de même pour les zones proches et éloignées des cours d'eau d'un gisement en ce qui concerne l'interaction entre les eaux souterraines et les eaux de surface. Dans les gisements d'eau souterraine liés aux rivières, l'infiltration fluviale peut représenter une part considérable de la recharge, jusqu'à plus de 50% dans les exemples considérés. L'infiltration induite, c'est-à-dire l'attraction supplémentaire d'eau de rivière par le pompage, peut encore augmenter la disponibilité [3, 20]. Parfois, les bilans d'eau issus de modèles d'eaux souterraines incluent déjà des taux d'infiltration élevés correspondants. Souvent, le débit du cours d'eau infiltrant est le facteur limitant, ce qui est particulièrement important pendant les périodes de sécheresse.
Suivant l'approche générale, une étude détaillée de l'utilisation en cas de sécheresse doit être réalisée si nécessaire. En période de sécheresse, les prélèvements d'eau souterraine sont souvent plus importants, tandis que la recharge diminue simultanément. Cela conduit inévitablement à une diminution du volume disponible sur une période donnée.
Une étude détaillée comprend l'élaboration d'un modèle conceptuel de la ressource en eau souterraine ou d'un bilan hydrique détaillé, la détermination de la modification du réservoir d'eau souterraine, l'intégration d'un scénario de référence et l'évaluation de la réponse hydrogéologique aux périodes de sécheresse. Les modèles d'eaux souterraines peuvent fournir de telles informations en tenant compte de scénarios de sécheresse [21].
Lors de l'élaboration d'un modèle d'écoulement, on intègre généralement toutes les données disponibles sur les conditions hydrogéologiques du sous-sol, le volume des eaux souterraines et les variations du niveau de la nappe, ainsi que les composantes de la recharge et du prélèvement. Ainsi, les processus et les interactions sont déjà saisis quantitativement. Ils peuvent ensuite être appliqués aux scénarios climatiques et d'utilisation choisis.
Le bilan hydrique moyen à long terme ou celui d'une année normale constitue l'état de référence pour la simulation de situations de sécheresse. Alors que le relevé de base part globalement d'une recharge de la nappe phréatique réduite de 20%, le modèle permet d'utiliser des scénarios résolus dans le temps. La modélisation de scénarios de sécheresse et d'éventuels scénarios d'utilisation permet d'obtenir des informations sur les modifications de la recharge des nappes phréatiques, sur les modifications du stockage ou encore sur le moment et l'ampleur du rabattement des nappes phréatiques.
Pour illustrer le concept de relevé ainsi que l'outil de modélisation des eaux souterraines pour l'estimation de la vulnérabilité à la sécheresse, les deux ont été appliqués à deux gisements opposés du Plateau suisse. Les bassins versants se distinguent par leur taille, leur rendement, leurs conditions hydrogéologiques et, finalement, leur vulnérabilité aux périodes de sécheresse.
Dans les deux cas, des scénarios de sécheresse ont été simulés sur la base de modèles d'eaux souterraines déjà existants (FEFLOW). La modélisation a été effectuée de manière instationnaire sur deux ans en supposant des années de sécheresse successives. Alors que la formation nouvelle à partir des précipitations, des apports latéraux et de profil résulte directement des scénarios de sécheresse, la connexion au fleuve est modélisée en fonction de ces paramètres. Le débit d'eau de surface respectif est également pris en compte de manière dynamique. Le volume prélevé dans les puits de pompage a également été rendu variable.
Une réduction de 20% des composantes directes de la recharge a d'abord été simulée et comparée à des scénarios d'années sèches spécifiques du passé (par rapport à une année de référence normale). Pour cela, des combinaisons des années de sécheresse 2011 et 2018 (scénario 4029) ou deux fois l'année de sécheresse 2011 (scénario 4022) ont été utilisées. Pour chacun des scénarios, la baisse maximale du niveau de la nappe phréatique sur le bassin versant ainsi que l'évolution temporelle du réservoir d'eau souterraine et les composantes du bilan au cours de la deuxième année de sécheresse sont représentées dans les figures 5 et 6 en tant que résultats de la modélisation.
Il s'agit ici d'une nappe locale de près de 5 km2 avec des dépôts bien perméables, mais d'une épaisseur moyenne de 10 m seulement, qui est exploitée par plusieurs puits de pompage ainsi que par des captages de sources (figure 5). Dans le relevé de base, il se révèle vulnérable à la sécheresse (prélèvement > ; 20% de la formation nouvelle). Ainsi, lors de périodes de sécheresse, comme en 2018, des restrictions ont été signalées pour les puits de pompage existants, tout comme pour les captages de sources.
La comparaison révèle une disparité entre les scénarios testés. Alors que le scénario -20% a peu d'influence sur le volume d'eau souterraine disponible, le scénario 4029 montre une nette diminution au cours de la première année de sécheresse. Cette situation se normalise pendant l'hiver et se répète l'année suivante. L'abaissement moyen de la nappe phréatique n'est certes que de l'ordre du mètre, mais il peut avoir un effet significatif dans les puits de pompage.
L'offre diminue d'environ 25% dans le scénario 4029 par rapport à la référence et se situe donc dans la fourchette de l'hypothèse de base du concept. Enfin, le scénario 4029 Q+20% a tenu compte du fait que les besoins en eau et donc les prélèvements peuvent augmenter en période de sécheresse. Mais cela n'a plus qu'une faible influence sur le niveau des eaux souterraines.
L'élaboration du modèle des eaux souterraines est déjà l'une des mesures engagées par le service des eaux. La simulation des scénarios de sécheresse fournit des indications supplémentaires, notamment en ce qui concerne les effets concrets sur les puits de pompage. En outre, il est envisagé d'exploiter la nappe phréatique par des puits plus profonds.
Dans le deuxième exemple, il s'agit d'un gisement d'eau souterraine très productif d'importance régionale avec une surface de modélisation d'environ 150 km2 (Fig. 6). Elle est exploitée par un grand nombre de puits avec un débit moyen de prélèvement d'un peu plus de 1 m3/s au total. Cela correspond à environ 10% de l'offre régionale exploitable, ce qui permettrait de doubler assez précisément le volume de prélèvement tout en respectant le critère de durabilité. Cette hypothèse a ensuite été retenue pour tous les scénarios de modélisation (scénario 2Q) afin de tester les effets à cette limite.
Le seul doublement du prélèvement n'a guère d'effet sur le niveau de la nappe et la variation du stockage lors de la simulation, car il diminue en priorité la composante d'exfiltration vers la rivière - alors que l'infiltration reste quasiment constante. De même, le gisement réagit globalement moins vite et moins nettement aux situations de sécheresse modélisées. Ceci est en accord avec le classement issu de l'enquête de base.
Alors que les deux scénarios de sécheresse génèrent encore des montants d'abaissement relativement similaires au cours de la première année de modélisation, des effets cumulatifs entrent en jeu au cours de la deuxième année pour le scénario 2Q 4022. Dans ce cas, en cas de diminution continue, le volume minimal d'eau souterraine n'est atteint qu'à la fin de la deuxième année de sécheresse. Malgré le double prélèvement, il n'y a que de faibles rabattements en surface en raison du rendement élevé - sauf localement dans les zones périphériques du gisement - et seulement de l'ordre du décimètre dans les puits de pompage eux-mêmes.
La méthode de relevé considère les gisements d'eau souterraine exploités aussi bien du côté de l'offre que de l'utilisation et permet, sur la base de critères simples, d'évaluer leur vulnérabilité à la sécheresse. En outre, les gisements sont classés en fonction des études détaillées nécessaires sur leurs caractéristiques hydrogéologiques, afin de mieux comprendre leur réponse aux périodes de sécheresse et leurs effets concrets.
Le critère de durabilité de 20%, qui correspond à la part du prélèvement dans la recharge des nappes phréatiques, s'est avéré approprié comme valeur de référence empirique dans l'application de la méthodologie. Même si chaque gisement doit être considéré au cas par cas, il peut servir de point de repère et de première évaluation de l'utilisation durable, y compris dans des conditions de sécheresse. L'application à différentes situations hydrogéologiques en Suisse ainsi que les résultats de la modélisation confirment la plausibilité de ce critère.
La faisabilité et la mise en œuvre sont limitées par le manque de données disponibles, surtout en dehors des grands aquifères de vallée bien documentés. Les données fiables sur les volumes d'eau effectivement prélevés par toutes les utilisations de l'eau, au-delà des captages individuels pour l'ensemble de la ressource, constituent une lacune particulière ; les volumes de concession ne sont pas suffisants à cet égard. Enfin, les valeurs nécessaires d'un bilan hydrique estimé (au moins semi-quantitatif) devraient être connues de manière standard pour toutes les nappes exploitées et les modèles de données devraient être progressivement étendus à cet égard.
La modélisation de scénarios de sécheresse se prête aussi bien à la validation de l'approche présentée qu'à l'étude détaillée qui s'ensuit. Les modélisations présentées, ainsi que d'autres, soutiennent certes le concept, mais elles soulignent en même temps que la valeur indicative de l'enquête de base ne peut être que le point de départ d'autres études. Dans certains cas, les effets sur les gisements vulnérables peuvent s'en écarter sensiblement si l'on procède à une estimation réaliste.
Si des valeurs moyennes à long terme suffisent pour le bilan hydrique, il faut considérer des conditions instationnaires pour la modélisation de la sécheresse. La simulation de deux années de sécheresse consécutives, éventuellement avec une répartition spécifique de la recharge au cours de l'année, augmente la robustesse de l'affirmation et reflète des scénarios réalistes, comme par exemple la succession des années 2022 et 2023. Il est également approprié de prendre en compte une diminution des débits d'eau de surface accompagnant les périodes de sécheresse ou d'éventuels effets à moyen terme du changement climatique sur les régimes d'eau souterraine. Entre-temps, il existe également des scénarios hydrologiques qui peuvent être utilisés pour une telle modélisation [22].
La connaissance quantitative des effets concrets des périodes de sécheresse sur les ressources en eau souterraine et le degré de vulnérabilité fournissent la base d'une adaptation adéquate de l'approvisionnement en eau. De tels modèles peuvent être étendus en intégrant par exemple l'irrigation agricole ou les potentiels d'exploitation [23, 24]. Les résultats permettent d'établir des bases pour la gestion et une utilisation durable des eaux souterraines, par exemple en ce qui concerne l'extension des puits, les abaissements attendus ou encore les débits résiduels dans les cours d'eau connectés.
Les gisements sélectionnés se situent dans l'ensemble dans les limites de la durabilité. Cela est certainement dû à une exploitation globalement durable sous la surveillance des cantons, mais dans le cas présent, cela peut aussi être dû en partie à la sélection des bassins versants. L'un dans l'autre - en combinaison avec la réduction des risques par différents piliers - cela plaide en faveur d'une grande résilience de l'approvisionnement de la Suisse en eau potable et en eau non potable à des fins industrielles, agricoles et énergétiques [25].
Il reste à souligner qu'un dépassement du critère de durabilité n'est pas automatiquement synonyme de surexploitation. Une vulnérabilité constatée à cet égard n'est pas nécessairement liée à des problèmes. Il appartient aux exploitants et aux organes d'exécution de connaître et de définir les seuils dont le dépassement ne peut plus être toléré en raison d'une baisse temporaire du niveau des nappes phréatiques et de la disponibilité de l'eau en cas de sécheresse. La gestion des prélèvements, y compris l'infiltration induite et sous éventuelle recharge artificielle, est alors la variable d'ajustement de la gestion des nappes.
L'inventaire des nappes déjà connues et exploitées n'est ici qu'une première étape. L'objectif doit être, d'une part, de connaître suffisamment l'ensemble des ressources en eaux souterraines (y compris les réserves potentielles) et, d'autre part, de les gérer de manière dynamique et intégrale en tenant compte de l'évolution des conditions hydrogéologiques et de toutes les utilisations. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera possible d'identifier à temps les tendances négatives, de les contrer et de s'adapter aux changements induits par le changement climatique.
[1] Chaix, O. et al. (2016) : Détermination des régions où il faut agir en cas de sécheresse. Rapport d'experts sur la gestion de la pénurie d'eau locale en Suisse sur mandat de l'Office fédéral de l'environnement OFEV, 51 p. + 12 annexes
[2] Darazs, O. et al. (2016) : Détermination des ressources en eau souterraine disponibles de manière durable. Rapport d'experts sur la gestion de la pénurie d'eau locale en Suisse, annexe e). CSD Ingénieurs SA sur mandat de l'Office fédéral de l'environnement OFEV, 13 p.
[3] Sinreich, M. et al. (2012) : Ressources en eau souterraine de la Suisse - Estimation des valeurs caractéristiques. Aqua & ; Gas 9/2012 : 16-28
[4] Björnsen Gurung, A. ; Stähli, M. (2014) : Ressources en eau de la Suisse : disponibilité et utilisation - aujourd'hui et demain. PNR 61 Gestion durable de l'eau, Synthèse thématique 1, 69 p.
[5] OFEV (2021) : Effets du changement climatique sur les eaux suisses. Hydrologie, écologie aquatique et gestion des eaux. Connaissance de l'environnement n° 2101, 140 p.
[6] Hunkeler, D. et al. (2021) : Effect of Climate on Groundwater Quantity and Quality in Switzerland. Projet Hydro-CH2018. Sur mandat de l'Office fédéral de l'environnement OFEV, 80 p.
[7] WEA (1999) : Bilan des eaux souterraines en terrain meuble. Carte synoptique du canton de Berne. Office de l'eau et de l'énergie du canton de Berne
[8] Grand Conseil SG (2012) : Gestion des eaux souterraines dans le canton de Saint-Gall. 70 p.
[9] AfU SO (2022) : Approvisionnement en eau Soleure 2030 - Stratégie partielle Birs. 23 p.
[10] OFEV (2012) : Zones de protection des eaux souterraines en terrain meuble - Un module de l'aide à l'exécution Protection des eaux souterraines. L'environnement pratique n° 1207, 58 p.
[11] Sinreich, M. et al. (2023) : Les masses d'eau souterraines de Suisse - Concept de relevé et domaines d'application. Aqua & ; Gas 6/2023 : 44-52
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Cette étude a été réalisée dans le cadre du groupe de travail «Eaux souterraines en tant qu'élément de la gestion intégrale des eaux» de la Société suisse d'hydrogéologie (SSH). Les auteurs remercient ses membres pour leur collaboration, leurs collègues des bureaux d'ingénieurs (notamment TK Consult AG, AFRY Schweiz AG, Simultec AG et CSD Ingénieurs SA), divers services cantonaux et le monde scientifique pour les données relatives aux bilans des eaux souterraines, ainsi que l'Office fédéral de l'environnement OFEV pour son soutien. Les propriétaires des données des modèles d'eaux souterraines ont aimablement cédé celles-ci pour la simulation des scénarios de sécheresse. Les modélisations elles-mêmes ont été réalisées par Simultec AG.
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