Avec une durée de vie assez courte et une faible solubilité dans l’eau, la possibilité de retrouver le fongicide chlorothalonil dans l’eau potable est faible [1–3]. Par contre, les produits de transformation sont particulièrement persistants et souvent détectés dans des nappes phréatiques. En 2020, l’Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l’Eau (Eawag) a mis en évidence la présence de sept métabolites dont quatre appartenant au groupe des acides sulfoniques (R471811, R417888, SYN548581, R419492) et trois du groupe des phénols (R611968, SYN507900, SYN548580) dans les eaux superficielles et souterraines ainsi que dans les eaux de boisson provenant de ces dernières [4]. En Suisse, l’acide sulfonique R471811 est le métabolite le plus fréquemment détecté dans les eaux souterraines à des concentrations importantes. En effet, celui-ci dépasse la valeur de 100 ng/l dans plus de 60% des stations de potabilisation du Plateau Suisse. À l’échelle du pays, une station sur trois est concernée. Le chlorothalonil R417888, quant à lui, est détecté dans des concentrations supérieures à 100 ng/l dans plus de 20% des stations du Plateau [5]. L’emploi du chlorothalonil est désormais interdit en Suisse depuis janvier 2020. Depuis le 12 décembre 2019, un seuil de 100 ng/l a été fixé pour chaque métabolite du chlorothalonil et une valeur limite de 500 ng/l a été fixée pour l’ensemble des pesticides et métabolites dans l’eau potable [6]. Étant donné que les eaux souterraines ne se renouvellent que très lentement, la présence persistante des métabolites du chlorothalonil portera fortement atteinte à la qualité des eaux souterraines à large échelle pendant des années encore [5]. Par conséquent, l’abattement de ces métabolites et particulièrement des métabolites R471811 et R417888 est un objectif prioritaire des distributeurs d’eau.
Depuis 2020, plusieurs méthodes de traitement des métabolites du chlorothalonil ont été étudiées parmi lesquelles l’adsorption sur charbon actif (CA) et la nanofiltration (NF) qui ont montré de bonnes performances d’abattement.
Le traitement sur charbon actif (sous forme de poudre, micro-grain ou grain) permet d’éliminer des polluants sans formation de sous-produits. Sa surface poreuse offre au charbon un pouvoir d’adsorption des matières organiques et des micropolluants. Le phénomène d’adsorption du charbon est complexe et dépend de trois éléments: l’adsorbant (le charbon actif), la molécule à adsorber (les micropolluants) et l’eau à traiter. L’adsorption sur les sites actifs du charbon est facilitée pour des molécules à haut poids moléculaire, hydrophobes et à faible solubilité. Les molécules les plus légères sont adsorbées en premier mais aussi désorbées en premier [7]. Lorsque le charbon actif est saturé, un remplacement ou une régénération du média est nécessaire.
D’après l’étude effectuée par Hauret et al. [8], le charbon actif en micro-grain Microsorb™ 400R, sans ozonation en amont montre une capacité d’adsorption d’environ 32'000 BV (Bed Volume, soit le volume d’eau traitée par volume du charbon actif) pour le métabolite R471811 (jusqu’au seuil de 100 ng/l), avec de l’eau brute qui provient des sources de Thierrens au réservoir de l’Orme.
Merle et al. [2] ont réalisé une étude sur l’abattement des métabolites du chlorothalonil de l’eau du puits de la Vernaz à Corcelles-près-Payerne avec le procédé CarboPlus®. Le charbon actif utilisé est de type Microsorb™ 400, il a été ajouté sans purge jusqu’à une hauteur d’environ 175 cm du réacteur. Ensuite, une partie du charbon a été renouvelée à raison de deux fois par semaine par une dose de charbon frais équivalente à 16,8 mg/l d’eau traitée pendant la durée de test. Cette dose de charbon n’est pas suffisante pour maintenir une concentration résiduelle en métabolite R471811 en dessous de 100 ng/l. Un dépassement du seuil de 100 ng/l a été observé après un volume traité d’environ 45 m3/kg (soit environ 20'700 BV avec une densité du charbon de 460 kg/m3). Selon les études réalisées, le métabolite R471811 semble être plus difficile à éliminer par la méthode d’adsorption sur charbon actif que le métabolite R417888 [2, 8].
La nanofiltration (NF), développée à la fin des années 1980, est la plus récente des techniques membranaires, elle utilise une membrane comme barrière physique pour empêcher le passage des bactéries, virus et autres molécules organiques et inorganiques polluantes présentes dans l’eau à traiter. En appliquant une certaine pression, la membrane sépare l’eau à traiter en deux parties: le perméat (ou l’eau filtrée) et le concentrât (chargé en solutés qui ont été arrêtés par la membrane).
En fonction des caractéristiques de la membrane utilisée comme la pression d’opération, le seuil de coupure, la géométrie et la charge de la membrane et de la qualité d’eau brute, la NF peut éliminer efficacement les bactéries et les matières organiques, ainsi que partiellement les ions dissous.
Dans le cadre de l’étude de la réhabilitation de l’usine de potabilisation de St-Sulpice, Mechouk et al. [9] ont montré que, hormis une élimination faible du 1H-benzotriazole (à 35% environ), la nanofiltration à membrane spiralée avec un seuil de coupure de 90 Da a permis des abattements supérieurs à 80% pour la majorité des micropolluants analysés. L’étude sur le traitement des métabolites du chlorothalonil réalisée au réservoir de l’Orme a montré que les membranes spiralées aux seuils de coupure de 90 Da et 270 Da peuvent enlever totalement les métabolites R471811 et R417888 [8].
En général, afin de protéger la membrane spiralée de la turbidité, un prétraitement comme l’ultrafiltration (UF) ou la filtration sur sable, est requis. Afin de garantir les bons paramètres physico-chimiques de l’eau potable, une reminéralisation de l’eau filtrée (perméat) est souvent demandée après un traitement par NF à membrane spiralée. Ce type de membrane est aussi intolérant à la Javel et au rétrolavage [10].
Récemment, les membranes de nanofiltration directe à fibres creuses (dnF) avec des seuils de coupures faibles ont été commercialisées. Elles sont développées pour le traitement des composés organiques à faibles masses moléculaires, de la couleur, de la turbidité et de la dureté de l’eau [11]. Face aux nouveaux types de contaminations dans le domaine de potabilisation, elles présentent plusieurs avantages. Avec une pression d’opération relativement faible, elles éliminent efficacement de nombreux micropolluants avec une perméabilité plus élevée que les membranes d’osmose inverse. Elles permettent le passage d’une partie de sels minéraux de l’eau, l’étape de reminéralisation du perméat n’est donc pas systématiquement nécessaire. Elles retiennent mieux les ions multivalents que les ions monovalents et l’adoucissement partiel de l’eau est possible par ces membranes [11]. De plus, elles sont résistantes aux oxydants comme l’eau de Javel et peuvent être appliquées directement, l’étape de prétraitement n’étant pas indispensable pour ce type de membrane [10].
Jacobs Engineering, un bureau d’études et de conseil en ingénierie américain, a réalisé des tests de pilotage avec la membrane dnF40 de NX Filtration (seuil de coupure de 400 Da) sur l’eau provenant du lac Washington, à l’usine de potabilisation de Melbourne, Florida, USA. En été, cette eau est chargée en COT et en hiver elle est sujette à variation de la turbidité. Le but de ce pilotage était d’étudier la capacité d’élimination de la couleur, la turbidité et la charge organique totale de l’eau brute par la membrane dnF40. Comme attendu, la membrane dnF40 a présenté de bonnes performances d’abattement pour le COT, le COD, le fer et les sulfates. Elle a également réduit partiellement la dureté de l’eau. Pendant toute la période de test, sans ajout d’antiscalant, coagulant ou floculant, l’opération du pilote était stable. L’encrassement de la membrane n’a pas été observé grâce aux nettoyages mécaniques et hydrauliques fréquents (par air et eau). Un lavage basique à l’eau de Javel suivi d’un lavage acide sont réalisés occasionnellement [11].
La membrane à fibres creuses a montré son potentiel dans le domaine de la potabilisation, toutefois, la gestion ou le traitement du concentrât chargé en polluants est une problématique qui doit encore être résolue.
Cet article présente une synthèse des résultats obtenus jusqu’ici lors de nos essais d’élimination des métabolites du chlorothalonil dans l’eau du réservoir de Châtaignier par les deux méthodes: adsorption sur charbon actif en micro-grain (pilote Opacarb® FL) et nanofiltration directe à fibres creuses (NX Filtration).
Le réservoir de Châtaignier (v. photo de titre) est constitué des eaux des captages de Praz-Longet, les Richesses, les Mossues et les Buchilles. Les eaux qui arrivent au réservoir ne sont pas traitées, seule une désinfection à la Javel est appliquée à l’eau afin de garantir sa qualité entre le réservoir et le consommateur. Selon des campagnes de mesures réalisées avant les essais par le laboratoire du Service, les sources de Richesses et de Praz-Longet ne sont pas touchées, elles ont donc été déviées. Les sources des Buchilles et des Mossues qui quant à elles contiennent différents métabolites du chlorothalonil constituent l’eau brute de ces études.
Dans le cadre de ces essais, les analyses de l’eau brute ont également été effectuées par le laboratoire du Service de l’eau, à raison d’une à deux fois par semaine durant près d’une année, de novembre 2021 à juillet 2022. Le tableau 1 résume les paramètres physico-chimiques importants, la teneur en métabolites du chlorothalonil et les autres micropolluants dont la concentration est supérieure à la limite de quantification durant les périodes de tests. Les eaux à traiter pendant les deux périodes de tests pour Opacarb® FL et NX Filtration sont de qualité assez similaire.
Les eaux brutes sont de faible turbidité (< 0,3 NTU) et moyennement dures (environ 27 °f en moyenne). Elles affichent un pH moyen de 7,6 avec une conductivité moyenne entre 600 et 650 µS/cm. Elles sont sujettes aux variations de températures saisonnières (de 6,5 à 11 °C environ) et sont pauvres en matière organique (0,5 mg C/l en COT et 0,7 m–1 d’absorbance UV à 254 nm en moyenne). Une analyse de LC-OCD (Liquid Chromatography Organic Carbon Detection) effectuée en juillet 2022 par le laboratoire d’Eawag a permis de caractériser la matière organique comme majoritairement hydrophile (86,6%) donc plutôt à tendance réfractaire à l’adsorption [7].
Les eaux provenant des sources de Buchilles et Mossues présentent une très faible présence bactériologique (en moyenne, GMA < 10 UFC/ml). L’E. coli et les entérocoques sont absentes des eaux brutes.
18 substances micropolluantes ont pu être quantifiées durant les périodes des tests, incluant des inhibiteurs de corrosion, substances médicamenteuses et phytosanitaires dont certains métabolites du chlorothalonil. Neuf métabolites du chlorothalonil, à savoir R471811, R417888, R418503, R611553, R611965, R611968, SYN507900, SYN546872 et SYN548581, ont été suivis à fréquence d’une à deux fois par semaine. Les autres micropolluants ont été analysés à raison d’une fois par mois. Les micropolluants mesurés en plus grandes concentrations dans les eaux brutes sont le R471888 quantifié dans l’eau avec une concentration moyenne aux alentours de 300 ng/l et le R417811 détecté dans l’eau avec une concentration moyenne d’environ 200 ng/l. Pendant la période de 2021–2022, les métabolites R611965, R611968 et SYN507900 ont été détectés avec des concentrations moyennes au voisinage de la valeur limite réglementaire de 100 ng/l. Les autres micropolluants restaient en dessous de cette limite pendant toute la durée des tests (tab. 1). L’ensemble des pesticides (y compris les métabolites du chlorothalonil) pendant la période de test d’Opacarb® FL est quantifié à 955 ng/l en moyenne et à 875 ng/l en moyenne pendant la période de test de NX filtration. Ces valeurs dépassent la valeur limite règlementaire de 500 ng/l.
La technologie Opacarb® FL, brevetée et proposée à la commercialisation par Veolia, consiste en une filtration ascendante au sein d’un réacteur contenant du charbon actif sous forme de micro-grain (fig. 1). Le réacteur est une colonne de 40 cm de diamètre extérieur et de 4 m de hauteur. Une charge de 100 kg de Microsorb™ 400R, un charbon actif micro-grain aggloméré à base houille bitumineuse de Chemviron, a été mise en œuvre lors de ce pilotage. Le débit entrant est de 2 m3/h. La vitesse de passage est de 20 m/h. Le temps de contact est d’environ 9 min à 10 °C. La hauteur du lit de charbon actif augmente lorsque la température diminue, ceci est dû à l’augmentation de la viscosité de l’eau. Cette technologie implique une récolte de l’eau traitée par surverse après passage dans un pack lamellaire qui va retenir les éventuelles fines et particules qui remonteraient dans la colonne.
L’essai a été mené de novembre 2021 à avril 2022, en collaboration avec OTV Veolia. Ce pilote est conçu pour permettre d’ajouter ou d’enlever régulièrement du charbon actif lorsque le réacteur est en opération. Toutefois, l’objectif de cet essai est de déterminer le plus rapidement possible les capacités d’élimination des métabolites du chlorothalonil, en définissant le nombre de BV, c’est-à -dire le nombre de volume d’eau traitée par volume de charbon mis en œuvre (en m3 eau/m3 CA) en respectant la réglementation (métabolites sous les 100 ng/l). Par conséquent, aucun renouvellement ou soutirage du média n’a été appliqué dans le cadre de ce pilotage, contrairement à ce qui est d’usage de faire industriellement.
L’eau traitée sortie du haut du réacteur est collectée pour des analyses de physico-chimie, micropolluants et bactéries. Ces analyses ont été réalisées par le laboratoire du Service de l’eau à raison d’une fois par semaine. La fréquence d’analyse monte à deux fois par semaine lorsque la concentration en métabolites détectée dans l’eau traitée s’approche de la valeur limite de 100 ng/l. Le volume d’eau traitée par volume de charbon pour lequel la concentration d’un métabolite reste en dessous de 100 ng/l est la capacité de traitement du charbon actif vis-à -vis de ce métabolite.
Le pilote membranaire de nanofiltration à fibres creuses est développé par l’entreprise NX Filtration et est en exploitation depuis février 2022. Il contient une membrane dnF40 qui est une membrane de nanofiltration directe, à fibres creuses, en polyéthersulfone, avec un seuil de coupure de 400 Da (fig. 2, tab. 2). La membrane fonctionne avec le mode «interne-externe» (fig. 3). La pression transmembranaire est de 6 bars maximum. Un préfiltre à 200 µm en amont protège la membrane. Afin de limiter le colmatage de la membrane, les sens de filtration «Top-Bottom» et «Bottom-Top» sont alternés automatiquement. Après chaque cycle de filtration (2 h ou 4 h) les lavages hydrauliques et à l’air sont enclenchés automatiquement. Un lavage basique à l’eau de Javel suivi par un lavage acide est réalisé manuellement à chaque changement de test.
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Caractéristiques de la membrane dNF40 |
|
Matériau | PES modifié |
Seuil de coupure | 400 Da |
Surface | 43 m2 |
Charge | NĂ©gative Ă pH=7 |
Diamètre intérieur de tubes | 0,7 mm |
Sens de filtration | Interne-externe, mode tangentiel |
Réjection de bactéries | > 6 log |
PTM maximum | 6 bars |
pH opération | 2 à 12 |
Tab. 2 Caractéristiques de la membrane dNF40.
Le pilote est automatisé et peut être contrôlé à distance. Différents paramètres de travail ont été examinés afin de trouver la meilleure configuration du système. Jusqu’à mi-juillet, huit tests ont été réalisés selon le plan exposé dans le tableau 3. Les tests n° 1 à 5 comparent l’effet du taux de conversion sur l’élimination des métabolites et d’autres micropolluants de la membrane. Les tests n° 4 et n° 6 examinent l’effet du flux. Les tests n° 4 et n° 7 sont les tests de la vélocité. Les tests n° 4 et n° 8 étudient l’effet du cycle de filtration.
Les métabolites du chlorothalonil ont été analysés dans l’eau brute, le filtrat, le concentrât et dans la boucle de circulation du système, à raison de deux fois par semaine. Les paramètres physico-chimiques et microbiologiques ont été analysés hebdomadairement. Une analyse complète des micropolluants et des paramètres physico-chimiques a été réalisée pour chaque test.
Les résultats montrent que les métabolites du chlorothalonil sont bien adsorbés par le charbon actif en micro-grain Microsorb™ 400R (fig. 4). Le charbon actif adsorbe 100% des métabolites jusqu’à 20'000 BV environ. Le métabolite R471811 dans l’eau traitée dépasse le seuil de 100 ng/l à partir de 38'000 BV. Ceci correspond à une capacité d’abattement approximative de 18,17 µg de R471811 par gramme de charbon actif jusqu’au seuil de 100 ng/l. Le métabolite R417888, quant à lui, reste en dessous du seuil réglementaire sur la durée totale de l’essai, soit 41'000 BV. Comparé au métabolite R471811, le charbon actif a une meilleure capacité d’abattement pour le métabolite R471888, ceci est en accord avec les études réalisées auparavant [2, 8]. Les autres métabolites du chlorothalonil restent en dessous du seuil de quantification durant toute la durée des tests.
L’abattement moyen de l’ensemble des pesticides analysés est de 87%. Même lorsque le lit du charbon est percé par le métabolite R471811, l’abattement pour l’ensemble des pesticides reste efficace et la valeur totale reste inférieure au seuil de 500 ng/l jusqu’à la fin du test, soit 41'000 BV.
Les deux micropolluants Atenolol et 1H-Benzotriazole sont présents dans l’eau brute occasionnellement avec des concentrations légèrement supérieures à la limite de quantification de 25 ng/l durant la période de test. Il n’y a pas d’abattement mesuré pour ces composants.
La turbidité de l’eau traitée augmente durant quelques jours après la mise en service du pilote puis se stabilise au voisinage de la turbidité de l’eau brute. Les rapports C/C0 en absorbance UV à 254 nm et en COT des eaux traitées augmentent au fil du temps (fig. 5). Lorsque le rapport C/C0 en absorbance UV et le rapport C/C0 en COT atteint une valeur de 0,50 environ, le métabolite R471811 commence à être détecté dans l’eau brute. Lorsque ces rapports atteignent une valeur de 0,78 environ, la concentration en R471811 dans l’eau traitée atteint la valeur limite réglementaire de 100 ng/l. Le rapport C/C0 en absorbance UV semble offrir un bon moyen pour le suivi rapide et en ligne sur site de la percée des métabolites.
Lors de toute la durée de l’essai, aucune trace d’E. coli ou d’entérocoques n’a été décelée dans l’eau brute ou dans l’eau traitée. Les GMA ont été détectés à de très faibles concentrations dans l’eau brute, néanmoins, le charbon actif étant un excellent support pour ces germes, ils se sont développés sur le média.
Hydrauliquement, la membrane dnF40 a fonctionné de manière stable pendant toute la durée des tests. Jusqu’à ce jour, huit tests ont porté des résultats sur la performance du pilote. L’élimination des métabolites et de l’ensemble des pesticides selon les tests est exposée dans la figure 6.
La capacité de réjection de la membrane dépend de la taille, la polarité et la charge des molécules à éliminer et aussi des paramètres de fonctionnement de la membrane. Les résultats montrent que la capacité d’abattement de la membrane est meilleure pour le métabolite R471811 qui est de masse molaire la plus élevée parmi les métabolites examinés. Les deux phénols R611968 et SYN507900 sont de même formule moléculaire (C8H3Cl3N2O2) et donc de masse molaire (265,5 g/mol). Le métabolite R611968 est plus hydrophobe que le SYN507900 [3]. La capacité d’abattement est meilleure pour le métabolite R611968 à exception du test n° 8 dont le cycle de filtration est de 4 h au lieu de 2 h pour les autres tests. La quantité de l’ensemble des pesticides dans les perméats reste inférieure au seuil de 500 ng/l pour tous les tests avec un abattement minimum de 49% lors du test n° 8.
L’inhibiteur de corrosion 1H-benzotriazole se trouve dans l’eau brute uniquement lors du test n° 2, à une concentration de 36 ng/l, l’abattement est de 47% pour cette substance. L’atenolol se présente dans l’eau brute uniquement lors du test n° 5 avec une concentration de 33 ng/l. Il n’y a pas d’abattement pour cette molécule avec la configuration du test n° 5.
Le taux de conversion, le flux, la vélocité et la durée du cycle de filtration ont été examinés. Les résultats détaillés des tests sont les suivants:
L’abattement des métabolites est satisfait pour tous les tests dont le taux de conversion est de 85%. Nous avons constaté qu’avec une même conversion de 85%, le changement des autres paramètres comme le flux, la vélocité, la durée de cycle de filtration n’apporte pas de changement notoire dans l’abattement des métabolites et de l’ensemble des pesticides. Dans l’esprit d’économiser de l’énergie et de l’eau, il serait intéressant d’examiner la configuration: conversion 85%, flux 20 l/(m2h), vélocité 0,2 m/s, durée de cycle de filtration 4 h pour confirmer la capacité de la membrane sur l’abattement des micropolluants.
L’abattement d’absorbance UV à 254 nm varie entre 77% à 93%, les faibles valeurs d’absorbance dans l’eau traitée ne permettent pas des mesures de grande précision. L’abattement en COT est de 60 à 76%. La membrane rejette bien les ions sulfates, la réjection est de 72% à 88%. La réduction de la dureté est de 8% à 40%. La réjection est de 8% à 55% pour le magnésium et de 9% à 38% pour le calcium. La réjection des ions monovalents est faible, inférieure à 20% : K+ < 15%, Na+ ≤ 5%, Br– ≤ 5%, Cl– ≤ 16%, NO3– ≤ 10%. La turbidité de l’eau brute est déjà faible (inférieure à 0,15 NTU en moyenne), l’abattement est inférieur à 40%. La réduction de la conductivité varie de 8 à 30%.
En théorie, la membrane a une capacité de réduction des bactéries de 6 log, toutefois les GMA se présentent dans le perméat. Il s’agit d’une contamination externe. La tuyauterie du pilote est en PVC, un développement bactérien dans la tuyauterie est donc possible.
Les résultats des huit tests peuvent être résumés comme suit (voir aussi fig. 7):
La membrane offre un bon abattement pour l’absorbance UV, le COT et les ions sulfates. La réjection des ions bivalents comme le calcium et le magnésium est meilleure que celle pour des monovalents, ceci est en accord avec d’autres études réalisées sur le même type de membrane [10]. L’adoucissement partiel a eu lieu pour tous les tests. Comme la dureté moyenne de l’eau brute est d’environ 27 °f, une légère réduction de la dureté est favorable pour rendre l’eau moins dure.
La charge des micropolluants augmente dans le concentrât. La figure 8 affiche le pourcentage d’augmentation de la charge des métabolites R471811, R417888 et de l’ensemble des pesticides dans le concentrât en comparaison à l’eau brute. Dans le cadre de nos essais, avec les prélèvements réalisés, la concentration du R471811 et du R417888 peut être 5 fois plus élevée que la concentration présente dans l’eau brute.
Les essais pilotes réalisés au réservoir de Châtaignier ont mis en évidence les conclusions suivantes:
Les métabolites du chlorothalonil sont bien adsorbés par le charbon actif sous forme de micro-grain Microsorb™ 400R. Sa capacité de traitement est de 38'000 BV, correspondant à 18,17 µg/g CA pour le métabolite R471811, jusqu’au seuil de 100 ng/l. Lorsque la concentration de ce métabolite en sortie du filtre est en dessous de 100 ng/l, les autres métabolites du chlorothalonil restent inférieurs aux seuils de quantification des méthodes d’analyse.
La membrane de nanofiltration directe dnF40, à fibres creuses, avec le seuil de coupure de 400 Da, à différentes configurations de travail, a permis d’éliminer efficacement les métabolites du chlorothalonil et l’ensemble des pesticides, à l’exception du test n° 5 avec 90% de conversion. En outre, il a été révélé ce qui suit:
[1] International Agency for Research on Cancer, IARC (1999): Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, n° 73: Chlorothalonil
[2] Merle, T. et al. (2022): Charbon actif et métabolites du chlorothalonil. Aqua & Gas 7/2022: 50–55
[3] Hintze, S. et al. (2021): Determintation of chlorothalonil metabolites in soil and water samples, Journal of Chromatography A 1655: 462507. https://doi.org/10.1016/j.chroma.2021.462507
[4] Eawag Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l’Eau (2020): Fact sheet – Métabolites du chlorothalonil: un nouveau challenge pour l’approvisionnement en eau potable
[5] OFEV: Métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines. https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/eaux/info-specialistes/etat-des-eaux.html; dernière modification 23.08.2022
[6] DFI: Ordonnance du DFI du 16 décembre 2016 sur l’eau potable et l’eau des installations de baignade et de douche accessibles au public (OPBD, RS817.022.11), version du 1er août 2021
[7] Omlin, J.; Chesaux, L. (2010): EPFL, Projet d’études: Évaluation de charbons actifs en poudre (CAP) pour l’élimination des micropolluants dans les eaux résiduaires urbaines
[8] Hauret, A. et al. (2022): Traitement des métabolites du chlorothalonil, Cas: Eau en provenance de l’adduction de Thierrens, exploitée par le service de l’eau de Lausanne. Aqua & Gas 6/2022: 50–59
[9] Mechouk, C. et al. (2019): Traitement des micropolluants en station de potabilisation. TSM n° 6 114e année: 51–69. https://astee-tsm.fr/numeros/tsm-6-2019/mechouk/
[10] Van der Poel, S. (2020): Parting ways – removal of salts and organic micropollutants by direct nanofiltration, Pretreatment of surface water for the production of dune infiltration water. Master of Science (MSc) in Civil Engineering thesis, Delft University of Technology
[11] Filtration Separation 59, n° 2 (2022): Hollow fiber nanofiltration: 26–27
[12] Momento Degremont, Suez: Séparation par membranes, Modules à fibres creuses. Degremont®. suezwaterhandbook.fr
Les auteurs remercient vivement les entreprises OTV Veolia (Philippe Sauvignet) et NX Filtration (Christian Dinaux, Rémy Duvillard et Anurag Arun) pour leur collaboration. Un grand merci également à Fereidoun Khajehnouri et à toute son équipe du laboratoire du Service de l’eau de la Ville de Lausanne pour les nombreuses analyses effectuées ainsi qu’au personnel d’exploitation des usines et stations pour l’aide à la mise en place et à l’exploitation des installations (spécialement à Messieurs Alexandre Franco, Frédéric Michel et Patrice Fabbro). Sans oublier Eloïsa Villalpando qui a fourni une aide précieuse pour la réalisation des lessives chimiques du pilote membranaire.
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