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Article technique
25. avril 2022

MÉMORANDUM EUROPÉEN SUR LES EAUX SOUTERRAINES

Cinq revendications pour une protection durable des eaux souterraines

Les sociétés d’eau implantées le long des grands fleuves européens sont convaincues qu’un approvisionnement public en eau à la fois durable, respectueux du climat, sûr et à un prix abordable pour tous n’est possible que si la viabilité des ressources en eau potable est préservée par-delà les générations. Elles ont pour intention et objectif communs de protéger durablement les ressources en eau potable grâce à une approche préventive. L’utilisation indirecte des masses d’eaux de surface (sous forme de filtrat de rive ou d’eaux souterraines enrichies) de même que le captage d’eaux souterraines naturelles formées par les précipitations dans leurs bassins hydrographiques respectifs revêtent une grande importance sur le plan hydroéconomique. Le présent Mémorandum sur les eaux souterraines formule cinq revendications centrales pour la protection des eaux souterraines formées naturellement et complète en cela le Mémorandum européen sur les cours d’eau (European River Memorandum, ERM) portant sur la protection des masses d’eau de surface.

Le «Mémorandum européen sur les eaux souterraines en vue de garantir un captage d’eau de qualité et en quantité suffisante pour les générations futures» comprend cinq revendications centrales pour une protection durable des eaux:

Revendication 1: Les eaux souterraines doivent être naturelles et disponibles en quantité suffisante

Les eaux souterraines sont un élément indispensable à l’équilibre naturel et au cycle naturel de l’eau. Elles constituent une ressource extrêmement importante et, en tant que ressources en eau potable, revêtent une signification cruciale pour un apport sûr en eau potable saine et propre. Pour cette raison, il faut veiller à empêcher leur pollution par l’homme et à préserver leur qualité. La qualité naturelle des masses d’eau souterraine est susceptible de varier selon la situation hydrogéologique. La gestion durable des ressources en eau souterraine doit s’inspirer du processus de formation naturelle de ces eaux afin de garantir leur disponibilité en quantité suffisante et dans la meilleure qualité possible, aujourd’hui et pour les générations futures. Les eaux souterraines ne doivent être utilisées que dans des quantités permettant leur renouvellement, en effet, une surexploitation constitue une menace non seulement pour leur quantité mais également pour leur qualité. Dans le contexte du changement climatique et de l’augmentation de la population locale, ceci constitue un défi particulier pour les années et les décennies à venir.

Revendication 2: Les eaux souterraines sont un bien collectif précieux qui doit être préservé

Les eaux souterraines ne sont pas une marchandise, mais un héritage extrêmement sensible et précieux qui doit être préservé de génération en génération et être transmis dans une qualité naturelle intacte. La qualité des eaux souterraines est altérée par un grand nombre d’interventions artificielles, entre autres par le rejet de substances provenant de l’agriculture, des zones habitées, des usines et des décharges. Aussi les eaux souterraines et les ressources en eau potable doivent-elles être protégées et préservées de manière à prévenir toute pollution par l’homme. Dans le domaine agricole, les principes de l’agriculture écologique constituent une approche adaptée à cet égard.

Les sociétés d’eau doivent avoir la possibilité de capter de l’eau potable en quantité suffisante à tout moment à l’aide de procédés naturels, autrement dit sans traitement de grande ampleur. Dans le débat public sur les valeurs, la valeur de l’eau et sa protection préventive doivent occuper une place prioritaire. Lorsque des eaux souterraines ont été polluées, cette pollution persiste généralement longtemps en raison de leurs faibles vitesses d’écoulement et du ralentissement des processus de purification naturelle. Lorsque cela est possible, ce qui n’est pas toujours le cas, remédier à une pollution des eaux souterraines d’origine humaine demande des efforts extrêmement importants. Il faut donc prévenir dès aujourd’hui ce qui ne doit pas être demain. Une protection des eaux souterraines axée sur le principe de précaution doit garantir des ressources en eau potable de qualité en quantité suffisante à long terme, et les mettre à l’abri d’une utilisation polluante des sols et des sous-sols. De la même manière, ce qui a un impact négatif sur la formation naturelle des eaux souterraines, l’imperméabilisation des sols par exemple, doit être réduit au minimum. Afin de protéger en particulier les ressources en eau potable contre la pollution, les zones de protection de l’eau doivent être identifiées comme telles.

Revendication 3: Les eaux souterraines sont un bien collectif précieux qui doit être préservé

L’approvisionnement en eau potable est un service public de base et une mission centrale de tout État. En tant qu’élément indispensable à la vie, l’eau potable revêt une importance majeure pour la société. L’accès à une eau potable propre constitue un droit de l’homme défini par l’ONU. L’approvisionnement public en eau potable (eau destinée à la consommation humaine) doit donc toujours être prioritaire sur les autres usages tels que l’agriculture, l’exploitation minière ou l’industrie. Ce principe doit être garanti dans chaque stratégie et pour chaque type d’utilisation des masses d’eau souterraine, ainsi que par des mesures réglementaires adaptées, définissant notamment un usage prioritaire dans le cadre de la législation sur les eaux. La législation sur les eaux portant sur le captage d’eau potable doit bénéficier d’une sécurité juridique maximale et les ressources en eau souterraine de grande valeur sur le plan hydroéconomique encore inutilisées à ce jour doivent être protégées par la définition de zones prioritaires dans le cadre de l’aménagement du territoire dans l’optique d’une future utilisation pour l’alimentation en eau potable.

Revendication 4: Pour protéger les eaux souterraines, l’objectif est «zéro pollution»

Il faut protéger les ressources en eau contre les impacts négatifs et éliminer les pollutions et dangers potentiels. Les principales approches pour atteindre cet objectif sont l’application du principe de précaution, du principe du pollueur-payeur et de l’interdiction de détérioration. La qualité des eaux souterraines ne doit pas être altérée, mais préservée à des fins préventives et, si nécessaire, améliorée. Si l’on entend protéger les eaux souterraines à long terme, il est nécessaire de surveiller leur état. L’objectif de protection est «zéro pollution». Il est nécessaire pour cela de fixer des valeurs d’intervention qui, lorsqu’elles sont atteintes, donnent lieu à des contre-mesures.

Valeurs d’intervention donnant lieu à une action

Les valeurs d’intervention ont pour but d’établir un niveau de protection, non seulement dans l’optique d’une protection de la santé immédiate, mais aussi dans
une optique spécifique de prévention par-delà les générations et dans le cadre de l’exigence générale de pureté de l’eau potable.
Les valeurs d’intervention définies pour les rejets en lien avec des interventions artificielles qui altèrent la qualité des eaux souterraines formées naturellement sont les suivantes:

  • Substances et produits de dĂ©gradation Ă©valuĂ©s dont les effets sur les systèmes biologiques sont connus, par substance: 0,05 ÎĽg/l (sauf dans les cas oĂą les donnĂ©es toxicologiques requièrent une valeur plus basse encore, pour les substances gĂ©notoxiques p. ex.)
  • Substances et produits de dĂ©gradation non Ă©valuĂ©s ou partiellement Ă©valuĂ©s, par substance: 0,05 ÎĽg/l
  • ÉlĂ©ments nutritifs: la moitiĂ© des valeurs limites fixĂ©es par la lĂ©gislation sur l’eau potable.

Une valeur d’intervention supérieure allant jusqu’à 0,5 μg/l pour une substance anthropogène n’est admissible que dans le cas exceptionnel où la substance et ses produits de dégradation ont été entièrement évalués sur le plan toxicologique, que l’évaluation a montré qu’ils étaient sans effet, et qu’il a été démontré en plus qu’ils ne donnaient pas lieu à la formation de produits de transformation critiques ou non évalués dans le cadre des processus de traitement de l’eau potable courants. Ces valeurs constituent des objectifs de qualité minimaux en vue d’assurer l’approvisionnement en eau à l’avenir. Les valeurs d’intervention équivalent à la moitié des valeurs correspondantes fixées dans le Mémorandum européen sur les cours d’eau pour les masses d’eaux superficielles. Elles incluent un facteur de sécurité en raison de la longueur du temps nécessaire pour qu’une tendance à long terme puisse être stoppée.

Mesures en cas de dépassement des valeurs d’intervention

Les eaux souterraines ont une longue mémoire et les substances rejetées peuvent s’y accumuler. Renverser la tendance en matière de pollution ne peut réussir que grâce à des mesures à long terme. Aussi, des mesures de protection des eaux souterraines doivent être prises immédiatement et automatiquement dès que les valeurs d’intervention sont dépassées afin de protéger l’approvisionnement en eau potable et de garantir le respect des valeurs limites dans l’eau potable.

Lorsque des substances ou des éléments nutritifs anthropogènes dépassant la valeur d’intervention sont mis en évidence, les sources de rejet primaires doivent faire l’objet de restrictions d’utilisation et de taxes d’incitation. Si ces mesures ne donnent pas le résultat escompté, d’autres mesures adaptées (interdiction d’utilisation p. ex.) doivent être prises. La non-violation durable de ces valeurs d’intervention correspond en outre à l’exigence minimale en matière de mesures d’assainissement.

Revendication 5: Les pollueurs et les décideurs politiques doivent agir

Une protection des eaux souterraines axée sur la prévention et une surveillance efficace de leur état ne peuvent être couronnées de succès que si les fabricants de substances et les utilisateurs coopèrent. De même, le gouvernement, l’administration, le législateur et la justice (autorités) doivent remplir leurs obligations de garantie de la protection des eaux souterraines et appliquer le principe du pollueur-payeur.

Enfin, la science, les sociétés d’eau ainsi que tout individu de la société doivent apporter leur contribution. La protection préventive des eaux souterraines commence à la source des rejets possibles.

Une réglementation stricte en matière de mise en circulation et de responsabilité concernant les produits

Les substances non naturelles qui sont persistantes (P), mobiles (M) ou susceptibles de nuire à la santé ou toxiques (T) représentent un risque particulier pour les eaux souterraines et un danger considérable pour l’approvisionnement en eau potable. Avant l’autorisation et l’enregistrement de substances, celles-ci doivent être analysées et évaluées quant à leurs propriétés PMT, de même que leurs produits de dégradation et de transformation. Seules les substances, produits de dégradation et de transformation compris, qui ne sont ni persistantes (P), ni mobiles (M), ni susceptibles de nuire à la santé, ni toxiques (T) doivent être autorisées. Afin de prévenir le rejet de substances particulièrement critiques dans le cycle de l’eau, ces exigences doivent constituer des critères essentiels d’autorisation et d’enregistrement des substances.

Par ailleurs, la responsabilité concernant les produits, la surveillance des eaux souterraines et le contrôle périodique des autorisations de substances données doivent être conçus de manière à être conformes au principe du pollueur-payeur et exclure de futures pollutions.

Un relevé systématique des données de production et d’utilisation

Compte tenu du grand nombre d’activités qui représentent une menace pour la qualité des eaux souterraines, un aménagement du territoire dans ce sens est indispensable. Connaître les données environnementales et les données d’émissions de l’industrie et résultant de l’utilisation des sols, en particulier de l’agri11 culture, dans les bassins versants des installations de captage d’eau souterraine est un élément décisif pour garantir l’approvisionnement en eau potable. Ces données doivent être communiquées en toute transparence et mises à la disposition des autorités ainsi que des sociétés d’eau à tout moment.

Une surveillance systématique par les autorités

La surveillance et le contrôle des eaux souterraines sur le plan de la qualité et de la quantité conditionnent une protection durable. Ceci s’applique en particulier dans les zones de protection et de captage des sociétés d’eau. Les analyses doivent porter sur toutes les substances ayant une signification pour l’eau potable. Il faut pour cela un réseau de mesures adapté aux conditions régionales et permettant une évaluation généralisée et axée sur les risques afin de protéger l’approvisionnement en eau potable. Des modèles de calcul peuvent corroborer les données provenant de ces réseaux, mais ne peuvent en aucun cas les remplacer dans les situations où il s’agit d’identifier des zones polluées de manière sûre et fiable. Lors de la conception des réseaux de mesure pour la surveillance des eaux souterraines, il est nécessaire de prévoir un délai de préalerte suffisant afin de pouvoir prendre des contre-mesures en temps voulu et de renverser efficacement des tendances négatives. Outre la surveillance, l’application systématique du principe de précaution et du principe du pollueur payeur est l’une des principales missions de l’administration.

170 entreprises de distribution d'eau de 18 pays soutiennent le mémorandum sur les eaux souterraines

Le Mémorandum européen sur les eaux souterraines a été rédigé et publié par la coalition ERM. Les organisations mentionnées ci-dessous, qui forment ensemble la coalition ERM, regroupent environ 170 entreprises de distribution d'eau. Elles défendent les intérêts de 188 millions de personnes en matière de protection des eaux et de consommation d’eau potable dans les bassins versants du Rhin et de la Ruhr, du Danube, de l’Elbe, de la Meuse et de l’Escaut dans les dix-huit pays riverains: Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, France, Croatie, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Monténégro, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suisse, République tchèque, Bulgarie et Hongrie.

  • IAWR, l’Association internationale des sociĂ©tĂ©s d’eau du bassin rhĂ©nan, avec ses trois organisations membres
    – AWBR, l’Association des sociétés d’eau du Rhin et du lac de Constance
    – ARW, l’Association des sociétés d’eau du Rhin
    – RIWA-Rijn, l’Association des sociétés d’eau de rivière du Rhin
  • IAWD, l’Association internationale des sociĂ©tĂ©s d’eau du bassin hydrographique du Danube
  • AWE, l’Association des distributeurs d’eau potable du bassin hydrographique de l’Elbe
  • AWWR, l’Association des sociĂ©tĂ©s d’eau du bassin hydrographique de la Ruhr
  • RIWA-Maas, l’Association des sociĂ©tĂ©s d’eau de rivière de la Meuse
  • RIWA-Schelde, l’Association des sociĂ©tĂ©s d’eau de rivière de l’Escaut

 

 

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