Dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, cet article a pour but de fournir des recommandations pour la mise en place dâactions de monitoring des usages de lâeau potable dans les rĂ©gions de montagne, oĂč les infrastructures de mesure des usages sont souvent peu dĂ©veloppĂ©es. Ces recommandations sont basĂ©es sur lâexpĂ©rience acquise lors dâune thĂšse de doctorat rĂ©alisĂ©e Ă lâUniversitĂ© de Lausanne [1].
Deux enjeux principaux concernent la mesure des demandes en eau. Dâune part, le suivi quantitatif des usages de lâeau a gĂ©nĂ©ralement une faible rĂ©solution temporelle (le plus souvent, une seule donnĂ©e par an Ă lâĂ©chelle de lâusager pour lâĂ©tablissement de la facture dâeau). En outre, nombre de travaux de recherche soulignent le manque de donnĂ©es chiffrĂ©es disponibles sur les usages et la demande en eau [2â4]. Dâautre part, dans les territoires de montagne oĂč le tourisme est trĂšs prĂ©sent, les dynamiques temporelles des usages de lâeau potable sont trĂšs saisonniĂšres: des pics de demande peuvent subvenir sur des temps trĂšs courts â au cours dâun weekend ou dâune semaine [5]. Cette forte variabilitĂ© plaide pour un suivi des usages Ă une rĂ©solution temporelle permettant dâidentifier prĂ©cisĂ©ment les moments de lâannĂ©e oĂč les ressources en eau ne seraient pas suffisantes pour satisfaire la demande. En rĂ©gion alpine, ce type de pĂ©nurie peut survenir lors des hautes saisons touristiques correspondant aux pĂ©riodes de basses eaux, en hiver et Ă la fin de lâĂ©tĂ©. Sans pour autant provoquer des situations de pĂ©nurie, ces pĂ©riodes de stress hydrique peuvent causer des conflits dâusages plus ou moins marquĂ©s.
Dans le contexte actuel de changements climatiques, un autre point important est aussi de promouvoir des modes de gestion de lâeau plus orientĂ©s vers la maĂźtrise de la demande. Les modes de gestion par lâoffre, actuellement majoritaires, sont en effet trĂšs coĂ»teuses: lorsque lâeau manque, la solution gĂ©nĂ©ralement proposĂ©e est lâinvestissement dans lâacheminement de nouvelles ressources. Une autre solution serait dâinciter Ă plus de sobriĂ©tĂ© dans la demande en eau. Pour cela, il est nĂ©cessaire de mieux connaĂźtre les usages de lâeau effectuĂ©s sur un territoire donnĂ©: leur gĂ©ographie, leur typologie, leur saisonnalitĂ©. Pour rĂ©pondre Ă ces enjeux, une campagne de monitoring des usages de lâeau potable Ă haute rĂ©solution a Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©e dans les communes de Montana (Valais) et MegĂšve (Haute-Savoie). Les rĂ©sultats de ces mesures ont Ă©tĂ© publiĂ©s pour les deux cas: Montana [6] et MegĂšve [7]. En conclusion de ces campagnes de monitoring, cet article propose une stratĂ©gie de monitoring basĂ©e autant sur lâinstallation dâinstruments (donnĂ©es quantitatives) que sur des entretiens avec les usagers (donnĂ©es qualitatives), permettant une estimation la plus complĂšte possible des usages. Il sâagit de trouver un Ă©quilibre entre lâinvestissement en temps et en matĂ©riel et la rĂ©solution des rĂ©sultats obtenus et dâaboutir Ă une stratĂ©gie qui soit aisĂ©ment transfĂ©rable aÌ dâautres territoires et collectivitĂ©s.
Lâarticle est organisĂ© en trois parties. La premiĂšre dĂ©crit les paramĂštres Ă maximiser lors dâun monitoring des usages de lâeau Ă lâĂ©chelle communale. La seconde prĂ©sente les avantages et inconvĂ©nients des diffĂ©rentes mĂ©thodes de mesure des usages de lâeau potable. La troisiĂšme formule des recommandations pour le monitoring des usages de lâeau potable dans le cas particulier des territoires touristiques de montagne.
Nous retenons quatre paramĂštres Ă maximiser pour arriver au meilleur compromis de monitoring des usages de lâeau Ă lâĂ©chelle communale: la rĂ©solution temporelle des mesures (le pas de temps des donnĂ©es), la rĂ©solution spatiale des mesures (le niveau de diffĂ©renciation des usagers), lâĂ©chantillonnage (exhaustif ou partiel) et les contraintes du systĂšme de mesure. Ces paramĂštres concernent le cycle dâusage de lâeau, qui est dĂ©crit briĂšvement.
Les usages de lâeau peuvent ĂȘtre abordĂ©s sous la forme dâun cycle, Ă lâimage du cycle de lâeau, que nous avons appelĂ© le cycle des usages de lâeau [8]. Ce cycle peut ĂȘtre dĂ©clinĂ© pour chaque usage (distribution de lâeau potable, irrigation, production de neige artificielle, etc.) et passe par diffĂ©rentes Ă©tapes (prĂ©lĂšvement, adduction, distribution, apport, restitution; fig.â 1). Les diffĂ©rents usages de lâeau dâun territoire provoquent une distribution temporelle des demandes en eau que, par analogie au rĂ©gime hydrologique, nous appelons le rĂ©gime de lâusage; ce dernier dĂ©pend de lâusage et nâest pas forcĂ©ment le mĂȘme que le rĂ©gime de la ressource (rĂ©gime hydrologique). Finalement, chaque usage Ă une empreinte territoriale variable que nous appelons le bassin dâusage; ce dernier nâest pas forcĂ©ment le mĂȘme que le bassin versant [6].
Le pas de temps souhaitĂ© pour les donnĂ©es mesurĂ©es doit pouvoir mettre en Ă©vidence la saisonnalitĂ© des usages de lâeau. Le pas de temps horaire est gĂ©nĂ©ralement trop fin car il engendre une grande quantitĂ© de donnĂ©es, ce qui demande beaucoup de temps de traitement si lâon veut reprĂ©senter tous les usagers. Des mesures aÌ lâĂ©chelle horaire aboutissent aÌ la situation ouÌ il est difficile de valoriser les donnĂ©es rĂ©coltĂ©es dans un contexte opĂ©rationnel. Un bon compromis est le pas de temps journalier, qui permet de diffĂ©rencier les saisonnalitĂ©s des usages de lâeau dâun territoire sur une annĂ©e entiĂšre.
La rĂ©solution spatiale pose la question de lâendroit oĂč les mesures sont effectuĂ©es ainsi que le niveau de diffĂ©renciation des usagers. Les mesures effectuĂ©es dans les premiĂšres Ă©tapes du cycle dâusage (prĂ©lĂšvement, distribution) ont lâavantage dâavoir un point de mesure unique ou de se concentrer sur quelques points, mais elles ne font pas la diffĂ©rence entre les usagers. A contrario, les mesures effectuĂ©es au niveau de lâusager (apports) permettent de mettre en Ă©vidence les diffĂ©rents comportements et pratiques dâusage mais elles sont plus lourdes Ă mettre en place car elles nĂ©cessitent un suivi pour chaque compteur dâeau. La rĂ©solution spatiale idĂ©ale serait de travailler aÌ l'Ă©chelle de la personne (litres par habitant). Cette donnĂ©e est toutefois difficile Ă obtenir dans les communes touristiques ouÌ la population temporaire varie constamment: il faudrait arriver Ă diviser les apports aux compteurs de chaque bĂątiment par le nombre exact de personnes prĂ©sentes, ce qui est difficile Ă obtenir en raison des fortes variations de frĂ©quentation touristique. Le compromis proposĂ© consiste Ă ramener les volumes mesurĂ©s Ă la plus petite Ă©chelle dâunitĂ© qui ne varie pas dans le temps: volume par logement, par lit dâhĂŽtel, par surface irriguĂ©e, par place de travail dans les bureaux. De plus, ces unitĂ©s sont des donnĂ©es plus aisĂ©es aÌ obtenir que les donnĂ©es par personne.
LâĂ©chantillonnage peut ĂȘtre exhaustif ou partiel, suivant les moyens Ă disposition. Dans cette Ă©tude [1], lorsquâun Ă©chantillonnage exhaustif a Ă©tĂ© choisi (tous les compteurs dâeau potable de la commune), il a fallu se limiter Ă un pas de temps de mesure mensuel. Lorsquâun pas de temps plus court Ă©tait souhaitĂ©, il a fallu limiter la taille de lâĂ©chantillon (par ex. 10 compteurs Ă un pas de temps horaire). Dans ce cas, un Ă©chantillon ciblĂ© est choisi en sĂ©lectionnant des usagers qui ont a priori des pratiques dâusage spĂ©cifiques (par ex. hĂŽtel, maison dâhabitation, rĂ©sidence secondaire, etc.).
Les contraintes de lâinfrastructure de monitoring dĂ©pendent des modalitĂ©s de relĂšve des compteurs (manuelle, automatique, relĂšve Ă distance), du coĂ»t du matĂ©riel aÌ installer par rapport Ă lâexistant (compteurs dâeau, dĂ©bitmĂštres, modules de communication) et de la praticitĂ© et du temps de travail nĂ©cessaire par relĂšve, par compteur et par an.
Les diffĂ©rentes mĂ©thodes de mesure appliquĂ©es dans cette Ă©tude [1] sont les dataloggers, la tĂ©lĂ©-relĂšve radio, la tĂ©lĂ©-relĂšve «online», la relĂšve manuelle dĂ©lĂ©guĂ©e et les entretiens. Chacune a des avantages et des inconvĂ©nients. La figureâ 2 classe ces mĂ©thodes en fonction de leur coĂ»t dâinstallation et du temps de relĂšve nĂ©cessaire. Pour chaque mĂ©thode, nous faisons varier la proportion de compteurs mesurĂ©s (10% ou 100%), la rĂ©solution des donnĂ©es (1Ă/jour; 1Ă/mois ou 1Ă/an) et le niveau de mesure (distribution; compteur dâeau). Il est Ă noter que des compteurs dâeau domestiques Ă©taient dĂ©jĂ en place dans les communes Ă©tudiĂ©es (un compteur par bĂątiment).
Les chroniques des volumes distribuĂ©s sur lâentiĂšretĂ© du rĂ©seau dâeau potable sont gĂ©nĂ©ralement mesurĂ©es par les communes. Le coĂ»t dâinstallation des appareils de mesure est Ă©levĂ© (voir fig. 2) car en amont des rĂ©seaux, le diamĂštre des conduites est important. Par contre, un seul compteur suffit.
Le principe de la relĂšve dĂ©lĂ©guĂ©e est que des personnes volontaires relĂšvent les index de leur compteur domestique Ă intervalles rĂ©guliers. Dans cette Ă©tude, le concierge dâun immeuble a par exemple fait des relĂšves manuelles une fois par mois.
Les avantages de cette mĂ©thode sont quâil nây a pas de coĂ»t, ni de travaux dâinstallation. De plus, le contact avec la personne faisant les relĂšves permet de rĂ©colter des informations sur les pratiques et caractĂ©ristiques des usagers du bĂątiment: typologie des logements et des rĂ©sidents, saisonnalitĂ© dâoccupation, arrosage des jardins. La rĂ©solution temporelle manuelle (mensuelle) est satisfaisante.
Les inconvĂ©nients sont que la qualitĂ© des sĂ©ries de donnĂ©es est dĂ©pendante de la motivation et de la rigueur de la personne volontaire. Il est difficile dâobtenir une sĂ©rie de donnĂ©es sur le long terme car il est rare que les personnes volontaires continuent aÌ relever leur compteur aprĂšs un certain temps (6 mois Ă 1 an) sâil nây a pas dâincitation concrĂšte. De plus, cette mĂ©thode nĂ©cessite beaucoup de travail de prĂ©paration (recherche de volontaires, prise de contact, entretiens) pour chaque compteur si lâon souhaite construire un Ă©chantillon important.
La relĂšve radio est une relĂšve Ă distance des index des compteurs dâeau Ă lâaide dâantennes Ă©mettrices (installĂ©es sur les compteurs) et dâun boĂźtier rĂ©cepteur. Cette mĂ©thode est gĂ©nĂ©ralement effectuĂ©e depuis la voie publique (il nâest ainsi pas nĂ©cessaire de rentrer dans les bĂątiments) et si le boĂźtier rĂ©cepteur permet une acquisition automatique des donnĂ©es, il est possible de collecter les index depuis un vĂ©hicule en mouvement.
Un des avantages de la relĂšve radio est lâexhaustivitĂ© de lâĂ©chantillon, si tous les compteurs sont Ă©quipĂ©s dâantennes. Le coĂ»t est Ă©galement rĂ©duit lorsquâil nây a que les antennes Ă installer sur les compteurs existants (voir fig. 2). Les relĂšves sont relativement rapides: avec un boĂźtier radio en acquisition automatique, tous les compteurs de la commune de Montana (plus de 700) sont relevĂ©s en moins dâune semaine par les techniciens communaux lors de la facturation annuelle. La relĂšve pourrait ĂȘtre encore plus rapide grĂące Ă lâacquisition automatique depuis un vĂ©hicule, mais dans la pratique, les techniciens prennent le temps de vĂ©rifier manuellement que chaque compteur est correctement relevĂ©.
Pour le monitoring Ă Montana dans le cadre de cette Ă©tude, il fallait gagner du temps de relĂšve car lâobjectif Ă©tait dâeffectuer chaque mois une mesure de lâensemble des compteurs de la commune. La stratĂ©gie choisie a Ă©tĂ© de faire une acquisition radio automatique depuis le vĂ©hicule en mouvement, sans vĂ©rification manuelle. Ce compromis permet de faire la relĂšve en une journĂ©e, mais sans garantie de collecter la totalitĂ© des compteurs: au total, environ 30% nâont pu ĂȘtre relevĂ©s [6].
Cette stratĂ©gie de monitoring est un compromis avec une bonne reprĂ©sentativitĂ© de lâĂ©chantillon, une rĂ©solution temporelle satisfaisante (mensuelle), des coĂ»ts rĂ©duits et une praticitĂ© opĂ©rationnelle.
Un Ă©chantillon cibleÌ de huit compteurs dâeau de bĂątiments prĂ©sentant a priori des pratiques dâusage diffĂ©rentes a Ă©tĂ© choisi en concertation avec les techniciens de la RĂ©gie des eaux de MegĂšve pour installer des dataloggers. Les enregistreurs choisis Ă©taient reliĂ©s aÌ une tĂȘte de lecture filaire qui sâemboĂźte sur les compteurs existants. Lâavantage des dataloggers est la possibilitĂ© de haute rĂ©solution temporelle des donnĂ©es (dans notre cas, une mesure par heure). De plus, ils ont Ă©tĂ© installĂ©s sur des compteurs situĂ©s sur la voie publique, ce qui facilite la relĂšve. Egalement, ils nĂ©cessitent peu dâintervention: lâautonomie des dataloggers est de plusieurs mois.
Cette mĂ©thode prĂ©sente aussi des inconvĂ©nients. Le temps nĂ©cessaire pour le dĂ©chargement des donnĂ©es est relativement important: il faut accĂ©der au compteur et connecter le datalogger aÌ un ordinateur. Cette mĂ©thode a aussi un coĂ»t important en matĂ©riel: 480 francs par enregistreur (voir fig. 2). De plus, les dataloggers sont sensibles aÌ lâhumiditĂ© et aux chocs. Par ailleurs, lâenjeu de confidentialitĂ© et de protection de la vie privĂ©e est fort. Il a Ă©tĂ© difficile dâobtenir lâaccord de tous les usagers initialement sĂ©lectionnĂ©s: beaucoup ont refuseÌ de participer aÌ la campagne, en particulier certains hĂŽtels. Enfin, un important point faible de cette stratĂ©gie est la petite taille de lâĂ©chantillon. Mais malgrĂ© cet Ă©chantillon limitĂ©, le ciblage des usagers effectueÌ avec lâaide de la RĂ©gie des eaux a permis de mettre en Ă©vidence des saisonnalitĂ©s dâusage caractĂ©ristiques, aÌ partir desquels une typologie a pu ĂȘtre proposĂ©e [7].
Les boĂźtiers online se connectent au compteur dâeau et envoient en temps rĂ©el les index sur une plateforme web via une communication GSM (Global System for Mobile Communications) ou une connexion internet.
Lâavantage de ce systĂšme est quâil nâest pas nĂ©cessaire de se dĂ©placer pour la relĂšve et quâil permet nâimporte quelle rĂ©solution temporelle. Le gros inconvĂ©nient est son coĂ»t Ă©levĂ© (voir fig. 2) qui, dans le cadre cette recherche, a limitĂ© fortement la taille de lâĂ©chantillon (trois bĂątiments).
Les entretiens avec les usagers demandent beaucoup de temps et ne permettent pas dâobtenir de valeurs volumiques prĂ©cises. En revanche, ils sont un excellent complĂ©ment aux mĂ©thodes quantitatives, car ils permettent dâexpliquer les saisonnalitĂ©s dâusage en dĂ©crivant les pratiques dâutilisation de lâeau. Ils permettent Ă©galement dâobtenir des informations sur le nombre dâusagers par bĂątiment, les infrastructures particuliĂšres (arrosage du jardin, piscine) et la frĂ©quence des usages.
Il est Ă©vident que la stratĂ©gie Ă mettre en place pour un monitoring de lâeau potable est Ă adapter au cas par cas afin de tirer profit des infrastructures de mesure dĂ©jĂ en place. Lorsque des compteurs dâeau domestiques sont dĂ©jĂ prĂ©sents, il est intĂ©ressant de pouvoir les Ă©quiper dâantennes de tĂ©lĂ©-relĂšve radio pour pouvoir passer Ă une frĂ©quence de mesure mensuelle, voire plus fine. Lorsque des dĂ©bitmĂštres sont dĂ©jĂ installĂ©s au niveau des prĂ©lĂšvements ou de la distribution, il est intĂ©ressant de les Ă©quiper de boĂźtiers de communication online pour un suivi en temps rĂ©el.
Si dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, lâobjectif est dâobtenir une image la plus complĂšte possible des usages de lâeau potable Ă lâĂ©chelle du territoire, nous proposons un monitoring faisant le compromis entre rĂ©solution temporelle, rĂ©solution spatiale et taille de lâĂ©chantillon. Tout dâabord, nous proposons de mesurer les volumes Ă chaque Ă©tape du cycle dâusage [8]: les prĂ©lĂšvements, la distribution et les apports au niveau des compteurs dâeau (fig. 1). Ceci permet notamment dâĂ©valuer le taux de pertes dans les rĂ©seaux entre chaque Ă©tape. En outre, le rĂ©gime des prĂ©lĂšvements est une donnĂ©e importante car câest lui qui devra ĂȘtre comparĂ© au rĂ©gime des ressources disponibles pour Ă©valuer si le territoire concernĂ© se retrouve en stress hydrique.
La rĂ©solution temporelle des donnĂ©es doit ĂȘtre assez fine pour pouvoir identifier les pics de demande, notamment ceux liĂ©s au tourisme journalier. Elle ne doit pas ĂȘtre trop fine non plus car une quantitĂ© trop importante de donnĂ©es Ă traiter rend difficile la mise en pratique opĂ©rationnelle. Il faut Ă©galement que les pics dâusage soient lisibles sâils sont mis en graphique pour avoir une vision globale sur une annĂ©e. Nous proposons le pas de temps de mesure journalier.
La rĂ©solution spatiale doit ĂȘtre assez fine pour distinguer les diffĂ©rents rĂ©gimes dâusage propres Ă chaque type dâusager (leur «signature temporelle»). Nous proposons de mesurer Ă lâĂ©chelle du bĂąti, via les compteurs dâeau domestiques. Une rĂ©solution spatiale plus fine (Ă lâĂ©chelle de lâusager) est problĂ©matique, en raison de la difficultĂ© dâĂ©valuer les rĂ©sidents temporaires. De plus, lâĂ©chelle du bĂąti est bien adaptĂ©e pour des reprĂ©sentations cartographiques de lâensemble dâune commune.
Lorsque lâon ne peut mesurer Ă la fois Ă lâĂ©chelle du compteur et au pas de temps journalier, il est possible de jouer sur la taille dâĂ©chantillonnage (voir fig. 1). Nous proposons dans ce cas de combiner un Ă©chantillon exhaustif (100% des compteurs) à «basse» rĂ©solution temporelle (1Ă/mois) par radio-relĂšve, avec un Ă©chantillon ciblĂ© (10% des compteurs, issus dâune sĂ©lection) Ă haute rĂ©solution temporelle (1Ă/jour) par transmission online. LâĂ©chantillon exhaustif permet dâavoir une vision globale de la saisonnalitĂ© de lâensemble des compteurs et lâĂ©chantillon ciblĂ© est lĂ pour permettre de dĂ©crire et expliquer de maniĂšre plus fine certains rĂ©gimes particuliers.
Lorsquâil nâest pas possible dâinstaller un systĂšme de mesure, les mĂ©thodes qualitatives (observations de terrain, entretiens) se rĂ©vĂšlent trĂšs intĂ©ressantes pour complĂ©ter les donnĂ©es volumiques. Nous proposons mĂȘme de les utiliser de maniĂšre systĂ©matique car elles permettent dâexpliquer les comportements dâutilisation de lâeau lorsquâil y a une importante diversitĂ© dâusagers et de pratiques dâusage. Dans notre schĂ©ma de monitoring (fig. 1), nous proposons de faire un entretien avec chaque usager de lâĂ©chantillon ciblĂ©, mesurĂ© Ă haute rĂ©solution temporelle.
Le schĂ©ma de monitoring prĂ©sentĂ© dans cet article est destinĂ© Ă lâĂ©tude des usages de lâeau potable dans le contexte de la gestion intĂ©grĂ©e de lâeau et a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© Ă partir de deux cas en territoires de montagne: Montana et MegĂšve. Nous proposons dans ce schĂ©ma de tendre vers un compromis entre la rĂ©solution spatiale et temporelle des mesures, en instrumentant Ă tous les niveaux du cycle dâusage, en optant pour la radio-relĂšve des compteurs dâeau domestiques, en jouant sur lâĂ©chantillonnage et en combinant les mĂ©thodes quantitatives et qualitatives.
Le compromis prĂ©sentĂ© nâest pas destinĂ© Ă ĂȘtre appliquĂ© tel quel Ă dâautres communes, mais il propose un canevas de dĂ©cision et permet dâĂ©tablir des prioritĂ©s pour les mesures Ă effectuer lorsquâil est nĂ©cessaire de mettre en place un monitoring des usages de lâeau dans un territoire dans lequel il y a peu dâinfrastructures de mesure.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous plaidons pour un recours plus systĂ©matique quâactuellement au monitoring des usages de lâeau. Une telle pratique permet de rĂ©pondre Ă lâun des objectifs de la gestion intĂ©grĂ©e des eaux, qui est de pouvoir Ă©valuer de maniĂšre prĂ©cise la disponibilitĂ© de la ressource et la demande et dâĂ©laborer des sĂ©ries de donnĂ©es constituant la base pour une information transparente des usagers [9]. Elle constitue Ă©galement une base essentielle pour la modĂ©lisation intĂ©grĂ©e de la ressource et des usages de lâeau dans le futur [10].
[1] Calianno, M. (2018): Quantifier les usages de lâeau en territoire touristique de montagne. ThĂšse de doctorat, UniversitĂ© de Lausanne
[2] Grouillet, B. et al. (2015): Historical reconstruction and 2050 projections of water demand under anthropogenic and climate changes in two contrasted Mediterranean catchments. Journal of Hydrology 522: 684â696
[3] Leroy, E. (2015): Proposition dâinterface science-socieÌteÌ pour la gestion inteÌgreÌe de la ressource en eau dans un contexte de changements climatiques. ThĂšse de doctorat, UniversiteÌ de Grenoble
[4] Gargano, R. et al. (2017): Probabilistic Models for the Peak Residential Water Demand. Water 9â(6): 417
[5] Reynard, E. et al. (2014): Interdisciplinary assessment of complex regional water systems and their future evolution: how socioeconomic drivers can matter more than climate, Wiley Interdisciplinary Reviews Water 1(4): 413â426
[6] Calianno, M.; Milano, M.; Reynard, E. (2018): Monitoring water use regimes and density in a tourist mountain territory. Water Resources Management 32: 2783â2799
[7] Calianno, M. (soumis): The analogous method: reproducing the seasonality of drinking water distribution in mountain tourist resorts. Revue de GĂ©ographie Alpine
[8] Calianno, M. et al. (2017): Quantifier les usages de lâeau: une clarification terminologique et conceptuelle pour lever les confusions. VertigO â la revue eÌlectronique en sciences de lâenvironnement 17(1) [en ligne] URL: https://journals.openedition.org/vertigo/18442
[9] Musy, A.; Higy, C.; Reynard, E. (2014): Hydrologie 1: Une science de la nature. Une gestion sociétale. Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes
[10] Milano, M. et al. (2015): Climatic and anthropogenic changes in Western Switzerland: Impacts on water stress. Science of the Total Environment 536: 12â24
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