Les lacs suisses abritent une diversitĂ© de corĂ©gones unique en Europe. Ils en comptaient autrefois au moins 34 espĂšces, gĂ©nĂ©tiquement, morphologiquement et Ă©cologiquement distinctes, et en totalisent encore 24 aujourdâhui (fig. 1). Toutes ces espĂšces ne sont prĂ©sentes que dans des lacs situĂ©s en Suisse ou Ă la frontiĂšre des pays voisins et nâexistent nulle part ailleurs au monde. Il incombe ainsi Ă la Suisse une Ă©norme responsabilitĂ© pour la prĂ©servation de cette prĂ©cieuse biodiversitĂ© [1]. Mais lâimportance des corĂ©gones ne se limite pas aux aspects de conservation des espĂšces. Ils constituent aussi depuis des siĂšcles une ressource majeure pour la pĂȘche professionnelle et de loisir. Ces vingt derniĂšres annĂ©es, ils reprĂ©sentaient ainsi respectivement en moyenne 60 et 25 % des captures de ces deux types de pĂȘche en Suisse (www.fischereistatistik.ch). Enfin, ils occupent une place centrale dans les Ă©cosystĂšmes lacustres dont ils reprĂ©sentent la plus forte contribution Ă la biomasse en zone pĂ©lagique (eau libre) et en zone profonde [2].
Le nombre dâespĂšces de corĂ©gones historiquement prĂ©sentes dans un lac varie fortement dâun lac Ă lâautre. Ceux du Plateau nâen comportaient le plus souvent quâune seule et probablement jamais plus de trois. Les lacs pĂ©rialpins de basse altitude comme celui de Thoune abritent encore aujourdâhui jusquâĂ six espĂšces connues de corĂ©gones [3].
Bien quâil existe de maniĂšre gĂ©nĂ©rale une grande disparitĂ© morphologique entre les espĂšces, certaines prĂ©sentent une telle similitude quâil est trĂšs difficile de les distinguer Ă lâĆil nu. Plusieurs naturalistes ont successivement travaillĂ© au cours des deux derniers siĂšcles Ă la description scientifique des diffĂ©rentes espĂšces et Ă leur classification et ils ont bien souvent abouti Ă des conclusions diffĂ©rentes. Leurs divergences sâexpliquent notamment par le fait quâils ne disposaient pas des outils dâanalyse gĂ©nĂ©tique et molĂ©culaire actuels, qui nâexistent que depuis 25 ans. La complexitĂ© taxonomique des corĂ©gones rend une gestion cohĂ©rente et une protection efficace de leur diversitĂ© trĂšs difficile. Câest dâailleurs un problĂšme commun Ă tous les groupes riches en espĂšces et qui concerne Ă©galement dâautres familles de poissons.
En corollaire de cette situation, la lĂ©gislation suisse ne considĂšre aujourdâhui les corĂ©gones que de façon globale, sans tenir compte de leur diversitĂ©. Ă lâannexe 1 de lâOrdonnance relative Ă la loi fĂ©dĂ©rale sur la pĂȘche (OLFP), les corĂ©gones sont ainsi listĂ©s comme un groupe dâespĂšces (Coregonus spp.). Elle ne prĂ©cise ainsi pas de statut de conservation ou de menace pour les espĂšces individuelles. Bien que ce problĂšme soit typique des groupes taxonomiques riches en espĂšces, il nâen reste pas moins un vĂ©ritable obstacle pour les efforts de protection de la biodiversitĂ©.
Depuis plusieurs dizaines dâannĂ©es, la Suisse a de nouveau intensifiĂ© ses recherches sur la biodiversitĂ© des corĂ©gones en misant sur des mĂ©thodes de gĂ©nĂ©tique en complĂ©ment des caractĂ©risations morphologiques. Cette nouvelle approche a permis de mieux comprendre la structuration des espĂšces et leurs rapports de parentĂ© au sein des lacs ainsi que de dĂ©crypter les processus Ă©cologiques et Ă©volutifs qui ont conduit Ă lâĂ©mergence et au maintien des espĂšces et qui leur sont encore nĂ©cessaires aujourdâhui. Ces travaux ont Ă©galement fait en sorte que la biodiversitĂ© des corĂ©gones suisses dĂ©jĂ dĂ©crite dans la littĂ©rature scientifique internationale (cf. chap. La taxonomie des corĂ©gones â hier et aujourdâhui) a enfin trouvĂ© sa place dans la nouvelle Ă©dition de lâAtlas des poissons de Suisse parue en 2018 [4] ainsi que dans la Liste rouge des poissons et cyclostomes menacĂ©s de Suisse parue en 2022 [5], oĂč elle est dĂ©crite en annexe. Dans sa nouvelle Liste rouge des poissons dâeau douce dâEurope, lâUICN fait maintenant apparaĂźtre les diffĂ©rentes espĂšces de corĂ©gones de la Suisse aussi bien en annexe que dans le texte (www.iucn.org). La plupart des espĂšces y sont considĂ©rĂ©es comme menacĂ©es, voire fortement menacĂ©es.
Seules la prise en compte et la protection de cette biodiversitĂ© permettront une exploitation halieutique durable des diffĂ©rentes espĂšces de corĂ©gones. Ces poissons illustrent parfaitement comment, localement, la biodiversitĂ© assure des fonctions essentielles dans les Ă©cosystĂšmes tout en livrant une ressource alimentaire de grande valeur pour la population humaine. Toute perte au niveau de cette biodiversitĂ© peut avoir des consĂ©quences considĂ©rables sur dâimportants services Ă©cosystĂ©miques et affecter, par exemple, la productivitĂ© halieutique naturelle des lacs [6]. GrĂące au soutien financier de lâOFEV, lâEawag a rĂ©alisĂ© une synthĂšse des connaissances actuelles en matiĂšre de taxonomie et dâĂ©cologie des corĂ©gones. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans un rapport intitulĂ© «Lâexceptionnelle diversitĂ© des corĂ©gones suisses â rĂ©sultats de 150 ans de recherche» qui en prĂ©sente une analyse dĂ©taillĂ©e lac par lac dans des chapitres spĂ©cifiques [7]. Ces diffĂ©rents chapitres Ă©mettent Ă©galement des recommandations en vue de la protection des espĂšces de corĂ©gones. Celles-ci doivent maintenant ĂȘtre examinĂ©es de plus prĂšs par les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales et cantonales et appliquĂ©es dans tous les cas possibles.
Sans ĂȘtre exhaustif, cet article prĂ©sente un certain nombre de rĂ©sultats du rapport ainsi que des recommandations gĂ©nĂ©rales de gestion issues des chapitres dĂ©diĂ©s aux diffĂ©rents lacs.
Le genre Coregonus, qui rassemble notamment les espĂšces de corĂ©gones de Suisse, est potentiellement prĂ©sent dans tout lâhĂ©misphĂšre nord au-delĂ du 40e parallĂšle. En Europe, la partie septentrionale de lâarc alpin correspond Ă la limite sud de son aire de rĂ©partition naturelle. Elle est cependant isolĂ©e de son aire de rĂ©partition principale situĂ©e plus au nord. Les corĂ©gones colonisent aussi bien les eaux stagnantes que les eaux courantes. Certaines espĂšces, comme le corĂ©gone oxynrhynque, passent une grande partie de leur vie dans les eaux salĂ©es de la mer des Wadden et, comme la saumon, remontent les riviĂšres pour se reproduire [8]. En Suisse, les corĂ©gones sont naturellement prĂ©sents dans tous les grands lacs du versant nord des Alpes (fig. 2). Il y a quelques dĂ©cennies de cela, ils Ă©taient encore assez frĂ©quents dans les grands cours dâeau et les Ă©missaires des lacs, mais ils sây sont maintenant rarĂ©fiĂ©s.
Câest aprĂšs les derniĂšres glaciations, il y a 15â000 Ă 20â000 ans, que la Suisse a Ă©tĂ© recolonisĂ©e par des poissons tels que les corĂ©gones. Auparavant, son territoire avait Ă©tĂ© presquâentiĂšrement recouvert de glaces pendant plusieurs milliers dâannĂ©es [9, 10]. Les lacs que nous connaissons aujourdâhui nâexistaient pas sous leur forme actuelle avant la fin du dernier Ăąge glaciaire oĂč ils sont apparus aprĂšs le recul des glaciers. Les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques indiquent que la diversitĂ© actuelle des corĂ©gones ne sâest dĂ©veloppĂ©e en Suisse quâaprĂšs la recolonisation des lacs post-glaciaires. Les mĂ©canismes qui ont conduit Ă une diffĂ©renciation aussi rapide dâespĂšces distinctes sont particuliĂšrement complexes. Ce processus peut ĂȘtre dĂ©crit par les concepts de «spĂ©ciation Ă©cologique» et de «radiation adaptative».
Dans la spĂ©ciation Ă©cologique, les transferts gĂ©nĂ©tiques entre deux populations sont fortement restreints ou totalement interrompus en raison de lâadaptation des populations Ă des conditions environnementales trĂšs diffĂ©rentes. Sous lâeffet de la diffĂ©renciation Ă©cologique et de la rĂ©duction des flux gĂ©niques, les deux populations dâĂ©loignent jusquâĂ former deux espĂšces diffĂ©rentes [11-13]. Pour quâune spĂ©ciation Ă©cologique puisse avoir lieu, certaines conditions doivent ĂȘtre remplies [13]:
Les lacs recolonisĂ©s par les corĂ©gones aprĂšs les glaciations prĂ©sentaient une grande variĂ©tĂ© de niches Ă©cologiques. Certaines ont Ă©tĂ© colonisĂ©es par des poissons dâautres espĂšces que les corĂ©gones qui, comme eux, ont rĂ©investi le territoire aprĂšs le recul des glaciers. Les niches situĂ©es en grande profondeur ou en eau libre, toutefois, ont Ă©tĂ© dĂ©laissĂ©es par ces poissons et sont majoritairement restĂ©es inoccupĂ©es. Les corĂ©gones se sont avĂ©rĂ©s capables dâexploiter ces niches vacantes et de sây adapter. Ils ont ainsi pu coloniser une bonne partie des grands lacs profonds de la Suisse, lançant le processus dâadaptation Ă des niches Ă©cologiques diffĂ©rentes qui a abouti Ă la spĂ©ciation multiple.
Le HĂ€gling et le Grunder se distinguent fortement aussi bien sur le plan morphologique [13] que gĂ©nĂ©tique [14-17]. Cette diffĂ©rence sâobserve le plus simplement au niveau de la croissance et du nombre de branchiospines (excroissances Ă©pineuses Ă lâintĂ©rieur de lâarc branchial). Les deux espĂšces nâont pas la mĂȘme rapiditĂ© de croissance: le Grunder mesure de 30 Ă 40âcm Ă cinq ans tandis que le HĂ€gling nâatteint que 15-20âcm (fig. 4, Ă droite). Aucun poisson de cinq ans ne prĂ©sente de taille intermĂ©diaire. Le nombre de branchiospines est de 21-30 chez le Grunder et de 33-39 chez le HĂ€gling (fig. 4, Ă gauche). Ces deux caractĂšres permettent ainsi de clairement distinguer les deux espĂšces.
Comment ces diffĂ©rences ont-elles pu se dĂ©velopper? On trouve une explication en examinant de plus prĂšs la fonction des branchiospines dans la prise de nourriture. Cet aspect a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© chez le Balchen (C. alpinus) et le Brienzlig (C. albellus) du lac de Thoune qui ressemblent respectivement au Grunder et au HĂ€gling du lac de Walenstadt aussi bien sur le plan morphologique quâĂ©cologique. Des essais de nourrissage ont montrĂ© que les Brienzligs, dotĂ©s de branchiospines longues et nombreuses, consommaient plus efficacement le petit zooplancton que les Balchens avec leurs branchiospines courtes et peu nombreuses [18] (fig. 5). Il est Ă©galement apparu que les Balchens Ă©taient plus efficaces que les Brienzligs pour la prise de nourriture benthique (des vers, en lâoccurrence) [19].
Comme le Balchen et le Brienzlig, le HĂ€gling et le Grunder sont donc adaptĂ©s Ă deux niches alimentaires diffĂ©rentes. Comme eux, ils prĂ©sentent une nette diffĂ©rence au niveau du nombre et de la longueur des branchiospines et lâanalyse de leur contenu stomacal a confirmĂ© leurs diffĂ©rences de rĂ©gime alimentaire (M. Kugler, com. pers.). Mais les deux espĂšces adoptent Ă©galement des comportements diffĂ©rents pour la reproduction. Le HĂ€gling fraie en eau profonde (en gĂ©nĂ©ral Ă plus de 20âm de profondeur) sur une longue pĂ©riode. Les premiers corĂ©gones peuvent ainsi se reproduire dĂšs la fin de lâĂ©tĂ© tandis que les derniers fraient encore pendant lâhiver. Le Grunder, quant Ă lui, ne fraie quâĂ faible profondeur (entre 50âcm et 10âm, rarement plus) et attend fin dĂ©cembre, quand la tempĂ©rature de lâeau descend en dessous de 10â°C. Les deux espĂšces ne se croisent (ou ne sâhybrident) donc que trĂšs rarement dans la nature [9, 13]. Elles se distinguent aussi trĂšs fortement sur le plan gĂ©nĂ©tique [14, 17]. En raison de toutes ces diffĂ©rences, le Grunder et le HĂ€gling doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des espĂšces Ă part entiĂšre. Elles sont le rĂ©sultat dâun processus de spĂ©ciation Ă©cologique qui sâest probablement dĂ©roulĂ© dans le complexe lac de Zurich/lac de Walenstadt juste aprĂšs sa formation.
Le complexe formĂ© par les lacs de Brienz et de Thoune dans lâOberland bernois prĂ©sente un trĂšs grand nombre dâespĂšces de corĂ©gones. Aucun autre lac ou complexe lacustre suisse nâen compte davantage. Le lac de Thoune en a, Ă ce jour, rĂ©vĂ©lĂ© six et le complexe avec le lac de Brienz en totalise sept. Cette diversitĂ© tĂ©moigne dâune bonne prĂ©servation de la biodiversitĂ© dâorigine chez les corĂ©gones, ce qui nâa pas dâĂ©quivalent sur Terre. En effet, il nâexiste nulle part ailleurs dans le monde dâendroit prĂ©sentant une telle concentration dâespĂšces dans aussi peu dâespace. En Russie, le lac Ladoga totalise certes au moins sept espĂšces sympatriques connues de corĂ©gones [24] et celui dâOnega en compte mĂȘme probablement neuf [25], mais, avec leurs superficies respectives de 9900 et de 17â700âkm2, ces lacs sont deux cents fois plus grands que le lac de Thoune qui nâoccupe que 48âkm2.
Les espÚces des lacs de Thoune et de Brienz se distinguent les unes des autres par de nombreux caractÚres comme la taille, le nombre et la longueur des branchiospines, la profondeur et la période de reproduction, etc. et se différencient sur le plan génétique [3, 26]. On observe alors une corrélation entre la distance génétique entre deux espÚces et leur différence au niveau du nombre de branchiospines et de la profondeur à laquelle elles fraient [26]. Le lieu et la profondeur de capture hors de la période de frai jouent en revanche un rÎle mineur pour la différenciation entre les espÚces [26].
La spĂ©ciation Ă©cologique a fait Ă©merger dans chaque grand lac ou complexe lacustre de Suisse plusieurs espĂšces de corĂ©gones adaptĂ©es Ă diffĂ©rentes niches Ă©cologiques. Des espĂšces dâaspect similaire sont alors apparues dans diffĂ©rents lacs oĂč elles ont colonisĂ© le mĂȘme type de niches. Ainsi, le Balchen des lacs de Walenstadt et de Zurich (C. duplex) ressemble beaucoup Ă la PalĂ©e des lacs de NeuchĂątel et de Bienne (C. palaea) et au Balchen des lacs de Thoune et de Brienz (C. alpinus). LâAlbeli du lac des Quatre-Cantons (C. muelleri) ressemble quant Ă lui Ă lâHĂ€gling du lac de Walenstadt (C. heglingus) et au Brienzlig du lac de Brienz (C. albellus).
Ces ressemblances expliquent aussi les confusions des anciennes Ă©tudes qui traitaient souvent les espĂšces dâaspect similaire de lacs diffĂ©rents comme une seule et mĂȘme espĂšce [27]. Les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques montrent aujourdâhui trĂšs nettement que ces espĂšces de mĂȘme aspect ont Ă©mergĂ© indĂ©pendamment les unes des autres du fait de processus de spĂ©ciation qui se sont dĂ©roulĂ©s en parallĂšle dans les diffĂ©rents systĂšmes lacustres [15].
Une part considĂ©rable des espĂšces de corĂ©gones autrefois prĂ©sentes en Suisse ont disparu au cours des 150 derniĂšres annĂ©es [28]. Un tiers de cette diversitĂ© originelle (fig. 1) a Ă©tĂ© perdue [28]. Le degrĂ© dâextinction par lac est corrĂ©lĂ© Ă lâintensitĂ© de lâeutrophisation subie par le milieu. Ces apports excessifs de nutriments, qui ont particuliĂšrement marquĂ© la deuxiĂšme moitiĂ© du XXe siĂšcle, ont en effet causĂ© une dĂ©perdition dâoxygĂšne au fond des lacs et Ă la surface des sĂ©diments. Ce manque dâoxygĂšne Ă©tait, et le reste dans certains lacs, particuliĂšrement prononcĂ© en Ă©tĂ© et Ă lâautomne. Il a ainsi induit dans plusieurs lacs la disparition dâespĂšces se reproduisant prĂšs du fond Ă cette pĂ©riode. On dĂ©plore ainsi notamment lâextinction du Kilch (C. gutturosus) du lac de Constance et de lâAlbock du lac de Zoug (C. obliterus), qui frayaient en profondeur de la fin de lâĂ©tĂ© Ă lâautomne, ainsi que de lâAlbeli du lac de Zoug (C. zugensis), qui frayait en eau profonde de lâautomne au dĂ©but de lâhiver [9, 27, 29]. On pensait que lâEdelfisch (C. nobilis) du lac des Quatre-Cantons, qui frayait en Ă©tĂ©, avait subi le mĂȘme sort: or, aprĂšs avoir Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme Ă©teinte pendant plusieurs dĂ©cennies, lâespĂšce a Ă©tĂ© redĂ©couverte au dĂ©but des annĂ©es 2000 [30]. Les lacs ayant toujours subi des apports de nutriments trĂšs limitĂ©s, comme ceux des Quatre-Cantons, de Brienz et de Thoune, ont ainsi conservĂ© toutes les espĂšces de corĂ©gones qui y ont Ă©tĂ© dĂ©crites par le passĂ© [3, 31].
Dans certains lacs, toutefois, dâautres facteurs ont contribuĂ© Ă une extinction des espĂšces. Ainsi, la Gravenche (C. hiemalis) et la FĂ©ra (C. fera) qui vivaient autrefois dans le LĂ©man, en ont disparu avant que le phĂ©nomĂšne dâeutrophisation nâatteigne son maximum. Les causes exactes nâont pas encore pu ĂȘtre dĂ©terminĂ©es. Les corĂ©gones qui peuplent aujourdâhui le LĂ©man proviennent dâalevinages de PalĂ©e (C. palaea) Ă partir du lac de NeuchĂątel [15, 32]. Dans le lac de Walenstadt, le Bratfisch (C. zuerichensis), a disparu alors que le lac nâa jamais Ă©tĂ© eutrophe. LĂ encore, les causes demeurent obscures. Selon lâune des hypothĂšses, la correction de la Linth, qui a influencĂ© la limnologie du lac et donc sa faune piscicole, pourrait avoir jouĂ© un rĂŽle [9]. En effet, depuis quâelle a Ă©tĂ© dĂ©tournĂ©e, la Linth ne traverse plus la plaine de la Linth pour se jeter dans le lac de Zurich mais dĂ©verse directement ses eaux troubles chargĂ©es en farine glaciaire dans le lac de Walenstadt. Les eaux de ce dernier ont ainsi perdu de leur transparence, ce qui peut avoir modifiĂ© la production de plancton et donc impactĂ© les poissons.
Dans dâautres lacs, encore, les espĂšces dâorigine, ou du moins une partie dâentre elles, se sont maintenues malgrĂ© des conditions environnementales dĂ©favorables. LĂ , les alevinages ont permis de compenser les dĂ©ficiences de la reproduction naturelle, parfois inefficace jusque dans les zones littorales. Câest en bĂ©nĂ©ficiant de telles mesures quâau lac de Zoug, le Zuger Balchen (C. supersum), qui fraie en eau peu profonde, est la seule des trois espĂšces dâorigine Ă avoir survĂ©cu.
Il est important de comprendre le mĂ©canisme qui a conduit Ă lâextinction des espĂšces. Selon le plus connu, lâextinction dâune espĂšce se produit lorsque le nombre dâindividus baisse progressivement ou subitement et que les populations disparaissent les unes aprĂšs les autres jusquâĂ lâextinction totale. Or les corĂ©gones sont touchĂ©s par un autre mĂ©canisme, trĂšs peu connu jusquâĂ rĂ©cemment, qui peut intervenir lorsque plusieurs espĂšces dâun mĂȘme genre sont prĂ©sentes au mĂȘme endroit: il sâagit dâune spĂ©ciation inversĂ©e [33]. Lâextinction dâune espĂšce ne se produit alors pas uniquement en raison de la rarĂ©faction de ses membres mais aussi parce quâun changement du contexte environnemental a provoquĂ© une modification des forces Ă©volutives Ă lâorigine de lâĂ©mergence de lâespĂšce. Si les forces Ă©volutives qui ont conduit Ă la spĂ©ciation Ă©cologique sâaffaiblissent voire sâinversent, les Ă©changes gĂ©niques entre les espĂšces peuvent sâintensifier, ce qui conduit Ă une perte de diffĂ©renciation interspĂ©cifique. Si par exemple la sĂ©lection naturelle a induit une spĂ©ciation Ă©cologique Ă travers des adaptations aux diffĂ©rentes niches du fond (basses tempĂ©ratures toute lâannĂ©e, faible luminositĂ©, nourriture benthique) et de la surface (tempĂ©ratures Ă©levĂ©es lâĂ©tĂ©, bonne visibilitĂ©, nourriture planctonique abondante), et que lâeutrophisation prive le fond dâoxygĂšne et de nourriture, les individus de lâespĂšce de fond qui remontent Ă la surface et se croisent avec des individus de lâespĂšce de surface bĂ©nĂ©ficient dâun avantage naturel. Câest par ce phĂ©nomĂšne que des variants gĂ©niques dâespĂšces disparues peuvent ĂȘtre dĂ©tectĂ©s chez les espĂšces survivantes, comme câest le cas au lac de Constance [34, 35]. Ainsi, le Kilch (C. gutturosus) a bel et bien disparu du lac mais une partie de ses gĂšnes sont encore dĂ©tectables dans le gĂ©nome des espĂšces de corĂ©gones encore prĂ©sentes.
La grande diversitĂ© des espĂšces de corĂ©gones et la difficultĂ©, pour certaines, de les reconnaĂźtre et de les dĂ©crire avec certitude, ont fait en sorte que leur systĂ©matique (câest-Ă -dire leur classification) a Ă©tĂ© maintes fois remaniĂ©e au cours du temps.
Les premiers travaux sur la taxonomie des corĂ©gones Ă ĂȘtre parvenus jusquâĂ nous sont ceux de Belonius [36] qui, en 1554, nâen dĂ©crivait quâune seule espĂšce en Suisse, Ă savoir le Lavaretus. En 1563, Konrad Gessner distinguait, quant Ă lui, six espĂšces de corĂ©gones [37]. MalgrĂ© les dĂ©bats sur la reconnaissance des diffĂ©rentes espĂšces, il existait dĂ©jĂ Ă cette Ă©poque des dĂ©nominations locales spĂ©cifiques pour les corĂ©gones dâaspects diffĂ©rents. Les travaux de Fatio (1855 ; 1890) puis de Steinmann (1950) livrent un bon aperçu de lâĂ©volution de la systĂ©matique des corĂ©gones [9, 27, 29]. Fatio (1890) a, le premier, procĂ©dĂ© Ă son remaniement complet. Steinmann (1950) sâest ensuite basĂ© sur la classification de Fatio (1890) mais lâa utilisĂ©e dâune maniĂšre peu conforme aux connaissances taxonomiques actuelles (ni, dâailleurs, Ă celles de son temps). Il ne reconnaissait ainsi quâune seule espĂšce (C. lavaretus) et rĂ©partissait la diversitĂ© des corĂ©gones en Ă©cotypes identifiĂ©s au sein de catĂ©gories dĂ©finies sur des bases gĂ©ographiques. La plupart des Ă©cotypes dĂ©crits par Steinmann sâobservent dans plusieurs lacs mais le naturaliste prĂ©cise que, sâils se ressemblent physiquement, ils se sont dĂ©veloppĂ©s indĂ©pendamment les uns des autres. Dans la premiĂšre rĂ©vision moderne de la taxonomie des corĂ©gones publiĂ©e par Kottelat en 1997 [38], la majeure partie de ces Ă©cotypes sont reconnus en tant quâespĂšces. Cette rĂ©vision se base sur le concept biologique de lâespĂšce mais ne repose pas sur des examens morphologiques poussĂ©s. La rĂ©vision la plus rĂ©cente de la taxonomie des corĂ©gones de Suisse a Ă©tĂ© livrĂ©e par Selz et al. (2020) et Selz et Seehausen (2023), qui ont Ă©tudiĂ© les corĂ©gones des lacs de Thoune, de Brienz, des Quatre-Cantons, dâAlpnach, de Sarnen, de Zoug et de Sempach et ont Ă©galement dĂ©crit de nouvelles espĂšces qui nâavaient jamais Ă©tĂ© identifiĂ©es auparavant. Les derniĂšres analyses gĂ©nĂ©tiques [39] montrent que la classification de Kottelat (1997) Ă©tait globalement juste. Il lui manquait toutefois plusieurs espĂšces que lâĂ©chantillonnage systĂ©matique des lacs et les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques et morphologiques ont permis dâidentifier dans les populations actuelles ou, pour les espĂšces disparues, dans les collections [3, 31]. Tous ces nouveaux Ă©lĂ©ments sont exposĂ©s dans les chapitres du rapport sur les corĂ©gones suisses consacrĂ©s aux diffĂ©rents lacs [7]. MĂȘme si toutes les questions relatives Ă la systĂ©matique des corĂ©gones ne sont pas encore rĂ©solues, les bases scientifiques nĂ©cessaires Ă lâidentification des espĂšces ont Ă©tĂ© considĂ©rablement amĂ©liorĂ©es. Ă partir des connaissances actuelles, il est possible dâĂ©mettre des recommandations gĂ©nĂ©rales et de proposer des mesures concrĂštes pour la protection des espĂšces et la gestion halieutique durable des corĂ©gones.
Les diffĂ©rentes espĂšces de corĂ©gones jouent un rĂŽle important dans tous les lacs suisses aussi bien pour la pĂȘche professionnelle que pour la pĂȘche de loisir. La conservation et la gestion halieutique des espĂšces de poissons et dâĂ©crevisses sont rĂ©glementĂ©es par la Loi fĂ©dĂ©rale sur la pĂȘche (LFP; RS 923.0) et son ordonnance (OLFP; RS 923.01). La LFP vise Ă prĂ©server ou Ă accroĂźtre la diversitĂ© naturelle et lâabondance des espĂšces indigĂšnes de poissons, Ă protĂ©ger, Ă amĂ©liorer ou, si possible, Ă reconstituer leurs biotopes, Ă protĂ©ger les espĂšces et les races menacĂ©es et Ă assurer lâexploitation Ă long terme des peuplements de poissons (art. 1 LFP). Une gestion halieutique durable suppose de rĂ©pondre du mieux possible aux exigences dâaujourdâhui sans hypothĂ©quer sur la capacitĂ© des gĂ©nĂ©rations futures Ă rĂ©pondre Ă leurs propres besoins. Il importe donc de prendre en compte de maniĂšre Ă©quitable les aspects socio-Ă©conomiques et Ă©cologiques et de peser les intĂ©rĂȘts avec un soin particulier [40]. Cela signifie concrĂštement quâil est possible dâexploiter les diffĂ©rentes espĂšces de corĂ©gones dâun lac pour la pĂȘche tant que leurs populations restent stables Ă long terme et tant que la protection des espĂšces et populations locales menacĂ©es est assurĂ©e.
Pour lâĂ©laboration du rapport sur les corĂ©gones de Suisse [7], les connaissances actuelles sur la rĂ©partition et lâĂ©cologie de toutes les espĂšces de corĂ©gones du pays ont Ă©tĂ© compilĂ©es et les Ă©ventuelles lacunes identifiĂ©es. Dâautre part, des recommandations concernant des mesures et Ă©tudes souhaitables pour une gestion halieutique durable des diverses espĂšces de corĂ©gones ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es sous le prisme de la conservation des espĂšces et exposĂ©es dans les chapitres spĂ©cifiques Ă chaque lac.
Les pages qui suivent prĂ©sentent les points les plus importants sous la forme de recommandations gĂ©nĂ©rales. Ă noter que certaines de ces recommandations peuvent ĂȘtre en dĂ©saccord avec certains intĂ©rĂȘts Ă court terme de la pĂȘche. Nous tenons donc Ă prĂ©ciser que les mesures proposĂ©es ont pour prĂ©occupation premiĂšre la prĂ©servation de la diversitĂ© des corĂ©gones ainsi que des mĂ©canismes Ă©cologiques et Ă©volutifs nĂ©cessaires Ă cette diversitĂ©. Il appartient maintenant aux autoritĂ©s cantonales et fĂ©dĂ©rales dâĂ©valuer la compatibilitĂ© de lâexploitation halieutique et de la protection des espĂšces pour chaque espĂšce et pour chaque lac. Mais nous tenons Ă rappeler que lâapplication de nos recommandations permet dâassurer la durabilitĂ© de la pĂȘche Ă long terme.
Â
Dans une partie des lacs suisses, les populations de corĂ©gones exploitĂ©es pour la pĂȘche font dĂ©jĂ lâobjet de suivis rĂ©guliers. Câest sur les rĂ©sultats de cette surveillance que sâappuie la rĂ©glementation des captures. Par exemple, la croissance et lâĂąge des corĂ©gones sont suivis pour estimer si la taille minimale de capture ou la dimension des mailles des filets conviennent ou doivent Ă©ventuellement ĂȘtre modifiĂ©es. Pour prĂ©server la biodiversitĂ© des corĂ©gones et pouvoir exploiter longtemps cette ressource halieutique, en assurant donc une plus grande stabilitĂ© des rendements, il faut que les diffĂ©rentes espĂšces soient Ă©tudiĂ©es sĂ©parĂ©ment afin que la rĂ©glementation soit adaptĂ©e Ă leur diversitĂ©. JusquâĂ prĂ©sent, la surveillance de la biodiversitĂ© nâĂ©tait pas le but de ces monitorings, comme en atteste le fait quâils nâenregistrent en gĂ©nĂ©ral que les captures rĂ©guliĂšres de la pĂȘche professionnelle ou ne portent que sur les espĂšces de corĂ©gones exploitĂ©es pour la pĂȘche et ce, de façon globale sans les distinguer les unes des autres. Au vu des nouveaux rĂ©sultats sur la biodiversitĂ© des corĂ©gones, il apparaĂźt donc que les monitorings doivent ĂȘtre amĂ©liorĂ©s dans de nombreux lacs. Le dĂ©tail de ces amĂ©liorations doit cependant ĂȘtre dĂ©fini au cas par cas pour chaque lac.
Les lacs suisses sont, Ă de rares exceptions prĂšs, le lieu de mesures de rempoissonnement avec au moins une espĂšce de corĂ©gone. Des corĂ©gones matures sont alors capturĂ©s pendant la fraie pour prĂ©lever des Ćufs et de la laitance qui sont ensuite mĂ©langĂ©s artificiellement afin dâobtenir des Ćufs fĂ©condĂ©s qui seront incubĂ©s en Ă©closerie. Les larves sont ensuite dĂ©versĂ©es dans le lac.
La pertinence des alevinages doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e en fonction des objectifs de conservation des espĂšces. Dans les lacs suffisamment bien alimentĂ©s en oxygĂšne au niveau des frayĂšres, la reproduction naturelle est en gĂ©nĂ©ral satisfaisante pour toutes les espĂšces de corĂ©gones [41] (fig. 7). Il convient, dans ces lacs, de sâinterroger sur le bien-fondĂ© dâune reproduction artificielle suivie dâalevinage du point de vue de la conservation des espĂšces et de se demander si lâalevinage doit absolument ĂȘtre rĂ©alisĂ© Ă©tant donnĂ© ses effets nĂ©gatifs potentiels sur la biodiversitĂ© [3, 42, 43]. Lâun des problĂšmes liĂ©s Ă cette pratique est dĂ» Ă la difficultĂ©, lors de la pĂȘche des gĂ©niteurs, de distinguer les individus dâespĂšces diffĂ©rentes, ce qui entraĂźne des croisements involontaires lors de la fĂ©condation en Ă©closerie. Qui plus est, la fĂ©condation artificielle contourne le choix du partenaire et peut donc entraĂźner une sĂ©lection artificielle et un effet de domestication dans la pisciculture (câest-Ă -dire une modification des caractĂ©ristiques gĂ©nĂ©tiques et comportementales due aux pratiques dâĂ©levage). Tous ces phĂ©nomĂšnes affaiblissent les populations naturelles des diffĂ©rentes espĂšces de corĂ©gones et peuvent donc menacer la biodiversitĂ© [43-45].
Sur le plan halieutique, il convient dâautre part de noter quâun rempoissonnement en trop grande densitĂ© peut sâavĂ©rer nĂ©faste pour lâexploitation, en particulier dans les lacs dont les corĂ©gones proviennent en premier lieu dâalevinages. Plusieurs Ă©tudes menĂ©es sur les corĂ©gones [43, 46, 47] montent quâune trop forte intensitĂ© de rempoissonnement affecte la croissance en exacerbant la compĂ©tition intraspĂ©cifique pour les ressources alimentaires et peut donc compromettre une exploitation durable des ressources halieutiques. Dans ces lacs, la quantitĂ© de poissons dĂ©versĂ©s doit donc ĂȘtre dĂ©terminĂ©e en fonction de la capacitĂ© de rendement du lac.
Si les pratiques de rempoissonnement sont maintenues, il est primordial de veiller à ce que leurs impacts soient aussi faibles que possible et à contrÎler leur efficacité.
Les connaissances sur les exigences Ă©cologiques des diffĂ©rentes espĂšces sont encore en partie lacunaires. Ce problĂšme concerne tout particuliĂšrement les corĂ©gones des lacs riches en espĂšces et sur lesquels les Ă©tudes disponibles sont dĂ©jĂ anciennes. Ces Ă©tudes ne peuvent souvent ĂȘtre reprises en lâĂ©tat dans la mesure oĂč elles se fondent sur une identification erronĂ©e ou incertaine des espĂšces. Pour pouvoir, Ă lâavenir, prĂ©server la biodiversitĂ© exceptionnelle des corĂ©gones et lâexploiter de façon durable pour la pĂȘche, il est indispensable de pouvoir se baser sur des connaissances scientifiques solides. Il est donc important dâĂ©tudier de façon ciblĂ©e les caractĂ©ristiques Ă©cologiques des diffĂ©rentes espĂšces (habitat et pĂ©riode de reproduction, alimentation, croissance, etc.) et leurs modifications (report de la pĂ©riode de frai, altĂ©rations de la croissance, etc.) sous lâeffet de facteurs tels que le dĂ©rĂšglement climatique, lâaugmentation de la turbiditĂ© de lâeau, la gestion halieutique ou les espĂšces invasives comme la moule quagga.
Lâeutrophisation des lacs dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XXe siĂšcle a, par effet de ricochet, entraĂźnĂ© une disparition totale ou partielle dâespĂšces endĂ©miques dans beaucoup de lacs [28]. Aujourdâhui, grĂące aux mesures prises pour amĂ©liorer la qualitĂ© des eaux, la plupart des grands lacs riches en espĂšces ont retrouvĂ© un Ă©tat naturellement pauvre en nutriments qui permet la survie de toutes les espĂšces de corĂ©gones quâils abritent. Toutefois, malgrĂ© une baisse notable de leurs concentrations en nutriments par rapport aux annĂ©es dâeutrophisation maximale, certains lacs du Plateau prĂ©sentent encore des valeurs trop Ă©levĂ©es, responsables de la persistance dâun manque dâoxygĂšne en profondeur et au niveau des frayĂšres [48]. Dans ces lacs, les efforts doivent ĂȘtre poursuivis pour amĂ©liorer la qualitĂ© de lâeau afin de restaurer des conditions permettant la reproduction naturelle des corĂ©gones.
Il apparaĂźt, dâautre part, que beaucoup de lacs suisses ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune baisse beaucoup plus importante des rejets de phosphore que des rejets dâazote. Un rapport trĂšs rĂ©cent qui compile les connaissances actuelles sur le sujet rĂ©vĂšle que la modification du rapport azote/phosphore qui rĂ©sulte directement de lâĂ©volution diffĂ©rente des rejets pourrait avoir un impact sur la structure du rĂ©seau trophique dans les lacs suisses [49]. Toutefois, les consĂ©quences exactes sur les diffĂ©rents niveaux du rĂ©seau nâont pas encore Ă©tĂ© totalement Ă©tudiĂ©es.
Qui plus est, le dĂ©rĂšglement climatique et dâautres types de rejets comme ceux de micropolluants peuvent Ă©galement contribuer Ă modifier la limnologie des lacs dâune maniĂšre susceptible de menacer certaines espĂšces de corĂ©gones. Ces nouveaux risques doivent ĂȘtre Ă©tudiĂ©s plus en dĂ©tail.
Ces derniĂšres annĂ©es, une baisse de croissance a Ă©tĂ© constatĂ©e chez certaines espĂšces de corĂ©gones dans diffĂ©rents lacs [47, 50, 51]. Alors quâune relation a pu ĂȘtre Ă©tablie entre la rĂ©oligotrophisation dâun lac â et donc la modification de la disponibilitĂ© en ressources alimentaires â, la taille des populations des diffĂ©rentes espĂšces et la croissance [52], le fait que les processus Ă©volutifs pouvaient, eux aussi, avoir contribuĂ© Ă une baisse de croissance a Ă©tĂ© peu pris en compte jusquâĂ prĂ©sent. Ătant donnĂ© que la croissance est influencĂ©e aussi bien par les conditions environnementales que par des facteurs gĂ©nĂ©tiques, le prĂ©lĂšvement systĂ©matique des poissons Ă forte croissance par la pĂȘche peut induire, Ă moyen et Ă long terme, une baisse de la croissance dans la population concernĂ©e.
Cette Ă©volution induite par la pĂȘche, bien connue en milieu marin, a encore Ă©tĂ© peu Ă©tudiĂ©e chez les corĂ©gones [53]. En Suisse, les Ă©tudes de corrĂ©lation menĂ©es jusquâĂ prĂ©sent dans le lac de Constance [54] et le lac de Joux [55] indiquent que ces effets Ă©volutifs induits par la pĂȘche pourraient jouer un rĂŽle non nĂ©gligeable. Ce risque concerne tous les lacs et espĂšces de corĂ©gones connaissant une forte pression de pĂȘche. Pour mieux comprendre ce facteur, des Ă©tudes doivent ĂȘtre menĂ©es Ă titre dâexemple dans les lacs pour lesquels de nombreuses donnĂ©es sont disponibles.
La biodiversitĂ© des corĂ©gones des grands lacs suisses, qui sâest dĂ©veloppĂ©e au cours des quelque 15â000 derniĂšres annĂ©es, est unique en son genre. Les corĂ©gones constituent la plus forte biomasse de poissons dans tous les habitats des grands lacs, Ă lâexception des zones littorales peu profondes, et leur biodiversitĂ© joue donc un rĂŽle central dans ces Ă©cosystĂšmes. Cette biomasse abondante et diversifiĂ©e a, de toujours, constituĂ© une ressource alimentaire locale et durable pour la population humaine. Les Ă©tudes menĂ©es ces vingt derniĂšres annĂ©es sur la biodiversitĂ© des corĂ©gones nous ont permis de mieux comprendre comment une telle diversitĂ© a pu voir le jour, comment elle se structure sur le plan Ă©cologique et gĂ©nĂ©tique et pourquoi de nombreuses espĂšces ont disparu au cours des 80 derniĂšres annĂ©es. Leurs rĂ©sultats montrent quâil est essentiel de prendre en compte les mĂ©canismes et conditions qui ont conduit Ă lâĂ©mergence de cette biodiversitĂ© pour pouvoir prĂ©server les espĂšces encore prĂ©sentes et garantir Ă long terme une exploitation durable de cette ressource halieutique. La protection de la biodiversitĂ© et donc de la diversitĂ© Ă©cologique des corĂ©gones au sein des lacs contribue Ă prĂ©server la capacitĂ© naturelle de rendement de ces Ă©cosystĂšmes, et donc les ressources alimentaires quâelle assure aux sociĂ©tĂ©s humaines [6].
Les Ă©tudes ont Ă©galement montrĂ© quâil Ă©tait nĂ©cessaire de revenir sur certains des principes de gestion halieutique appliquĂ©s aujourdâhui et de dĂ©velopper de nouvelles approches. Par ailleurs, des lacunes ont Ă©tĂ© mises en Ă©vidence, notamment sur lâĂ©cologie de beaucoup dâespĂšces de corĂ©gones, et il est essentiel de les combler pour pouvoir Ă lâavenir agir sur des bases scientifiques solides face Ă des Ă©cosystĂšmes lacustres modifiĂ©s (par le changement climatique, les espĂšces invasives, etc.). Câest Ă cette condition que la biodiversitĂ© pourra ĂȘtre prĂ©servĂ©e durablement et restera exploitable Ă long terme.
(Traduction: Laurence Frauenlob)
[1] Tschudin, P. et al. (2017): Endemiten der Schweiz â Methode und Liste 2017. In Schlussbericht im Auftrag des Bundesamts fĂŒr Umwelt (BAFU), p. 37
[2] Alexander, T.; Seehausen, O. (2021): Diversity, distribution and community composition of fish in perialpine lakes. In «Projet Lac» synthesis report. Eawag: Swiss Federal Institute of Aquatic Science and Technology, p. 282
[3] Selz, O.M. et al. (2020): A taxonomic revision of the whitefish of lakes Brienz and Thun, Switzerland, with descriptions of four new species (Teleostei, Coregonidae). Zookeys (989): 79-162
[4] Zaugg, B. (2018): Fauna Helvetica - Pisces - Atlas. CSCF. p. 240
[5] OFEV (ed.) (2022): Liste rouge des poissons et cyclostomes. EspĂšces menacĂ©es en Suisse. Ătat 2022. Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement (OFEV); info fauna (CSCF), Ă©dition actualisĂ©e 2022. L'environnement pratique n° 2217-F, Berne
[6] Alexander, T.J.; Vonlanthen, P.; Seehausen, O. (2017): Does eutrophication-driven evolution change aquatic ecosystems? Phil. Trans. R. Soc. B 372 1-10
[7] Selz, O.M. et al.: Die aussergewöhnliche Vielfalt der Schweizer Felchen â Ergebnisse aus 150 Jahren Forschung. Sous-presse (paraĂźt en mars 2025), Eawag/Aquabios sur mandat de l'Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement, Ittigen
[8] Hansen, M.M. et al. (2008): Reproductive isolation, evolutionary distinctiveness and setting conse rvation priorities: The case of European lake whitefish and the endangered North Sea houting (Coregonus spp.). BMC Evolutionary Biology 8(137): 1-17
[9] Steinmann, P. (1950): Monographie der schweizer Koregonen. Schweizerische Zeitschrift fĂŒr Hydrologie 12+13
[10] Taylor, E.B. (1999): Species pairs of north temperate freshwater fishes: evolution, taxonomy, and conservation. Reviews in Fish Biology and Fisheries 9: 299-324
[11] Schluter, D. (2001): Ecology and the origin of species. Trends in Ecology & Evolution. 16: 372-380
[12] Rundle, H.D.; Nosil, P. (2005): Ecological speciation. Ecology Letters. 8: 336-352
[13] Vonlanthen, P. (2009): On speciation and its reversal in adaptive radiations - The central European whitefish system. Inauguraldissertation, UniversitÀt Bern, Bern
[14] Feulner, P.G.D.; Seehausen, O. (2019): Genomic insights into the vulnerability of sympatric whitefish species flocks. Molecular Ecology 28(3): 1-15
[15] Hudson, A.G.; Vonlanthen, P.; Seehausen, O. (2011): Rapid parallel adaptive radiations from a single hybridogenic ancestral population. Proc. R. Soc. B 278: 58-66
[16] Douglas, M.R.; Brunner, P.C.; Bernatchez, L. (1999): Do assamblages of Coregonus (Telostei: Salmoniformes) in the Central Alpine region of Europe represent species flocks? Molecular Ecology. 8: 589-603
[17] Vonlanthen, P. et al. (2008): Untersuchungen zur Verwandtschaft der Felchen aus dem ZĂŒrichsee, dem Walensee und dem Linthkanal. Eawag, Kastanienbaum
[18] Roesch, C. et al. (2013): Experimental evidence for trait utility of gill raker number in adaptive radiation of a north temperate fish. Journal of Evolutionary Biology 26(7):1578-1587
[19] Lundsgaard-Hansen, B.; Vonlanthen, P.; Seehausen, O. (2013): Adaptive plasticity and genetic divergence in feeding efficiency during parallel adaptive radiation of whitefish (Coregonus spp.). Journal of Evolutionary Biology 26: 483-498
[20] Groves, C.P. et al. (2017): Species definitions and conservation: a review and case studies from African mammals. Conservation Genetics. 18: 1247-1256
[21] Mayr, E. (1999): Systematics and the origin of species, from the viewpoint of a zoologist. Harvard University Press
[22] Mayr, E. (1942): Systematics and the Origin of Species. New York: Columbia University Press.
[23] Tobler, M. (2023): A Primer of Evolution - An Introduction to Evolutionary Thought: Theory, Evidence, and Practice. Open (Access) Textbook
[24] Hudson, A.G. et al. (2007): Review: The geography of speciation and adaptive radiation in coregonines. Arch. Hydrobiol. Spec. Issues Advanc. Limnol. 60: 111â146
[25] Kottelat, M.; Freyhof, J. (2007): Handbook of European Freshwater Fishes. Cornol, Switzerland, Publications Kottelat
[26] Doenz, C. et al. (2018): Rapid buildup of sympatric species diversity in Alpine whitefish. Ecology and Evolution 8: 9398-9412
[27] Fatio, V. (1890): Histoire naturelle des poissons, in Faune des vertébrés de la Suisse. H. Georg, Editor; GenÚve et Bale
[28] Vonlanthen, P. et al. (2012): Anthropogenic eutrophication drives extinction by speciation reversal in adaptive radiations. Nature. 482: 375-362
[29] Fatio, V. (1855): Les corégones de la Suisse (féras diverses) - classification et conditions de frai. Recueil Zoologique Suisse 2: 649-665
[30] MĂŒller, R. (2005): The re-discovery of the vanished «Edelfisch» Coregonus nobilis Haack, 1882, in Lake Lucerne, Switzerland. Advances in Limnology - Biology and Management of Coregonid Fishes 60: 419-430
[31] Selz, O.M.; Seehausen, O. (2023): A taxonomic revision of ten whitefish species from the lakes Lucerne, Sarnen, Sempach and Zug, Switzerland, with descriptions of seven new species (Teleostei, Coregonidae). Zookeys 1144: 95-169
[32] Bardel, M. (1956): La pĂȘche professionnelle des corĂ©gones dans les eaux françaises du Lac LĂ©man. Bull. Fr. Piscic 182: 26-36
[33] Seehausen, O. (2006): Conservation: Losing Biodiversity by Reverse Speciation. Current Biology 16(9): R334-R337
[34] Frei, D. et al. (2022): Genomic variation from an extinct species is retained in the extant radiation following speciation reversal. Nature Ecology & Evolution 6: 461-468
[35] Frei, D. et al. (2022): Introgression from extinct species facilitates adaptation to its vacated niche. Molecular Ecology 32(4): 841-853
[36] Belonius, P. (1554): La nature et diversité des Poissons. Paris: De aquatilibus libri duo
[37] Gessner, K. (1563): Fischbuoch - Das ist ein kurtze, doch vollkom[m]ne beschreybung aller Fischen so in dem Meer vnnd sĂŒssen wasseren, Seen, FlĂŒssen, oder anderen BĂ€chen jr wonung habend.
[38] Kottelat, M. (1997): European freshwater fishes. Biologia 52: 1-271
[39] De-Kayne, R. et al. (2022): Genomic architecture of adaptive radiation and hybridization in Alpine whitefish. Nature comm. 13: 4479
[40] Conseil fĂ©dĂ©ral (2022): Mise en Ćuvre de l'Agenda 2030 pour le dĂ©veloppement durable - Rapport national 2022 de la Suisse, 60 p.
[41] MĂŒller, R. (1992): Trophic state and its implications for natural reproduction of salmonid fish. Hydrobiologia 243/244: 261-268
[42] OFEV (2023): Rempoissonnement en Suisse. SynthÚse des suivis d'efficacité. Office fédéral de l'environnement, Berne. Connaissance de l'environnement n° 2328, 36 p.
[43] Bunnell, D.B. et al. (2024): How diverse is the toolbox? A review of management actions to conserve or restore coregonines. Int. J. Lim. 60: 5
[44] Honsey, A.E. et al. (2024): Impacts of artificial rearing on cisco Coregonus artedi morphology, including pugheadedness. Canadian Journal of Zoology 102(7): 586-599
[45] Anneville, O. et al. (2015): Impact of Fishing and Stocking Practices on Coregonid Diversity. Food and Nutrition Sciences. 6: 1045-1055
[46] Wedekind, C. et al. (2022): Persistent high hatchery recruitment despite advanced reoligotrophication and significant natural spawning in a whitefish. Global Ecology and Conservation 38: e02219
[47] Vonlanthen, P.; Polli, T. (2022): Fischereibiologische Untersuchungen Hallwilersee - Felchenmonitoring bis 2021. Auftraggeber: Departement Bau, Verkehr und Umwelt, Sektion Jagd und Fischerei, Kanton Aargau. Aquabios GmbH: Cordast
[48] OFEV (2022): Eaux suisses - Ă©tat et mesures. Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement, Berne. Ătat de l'environnement n° 2207, 90 p.
[49] Knapp, D.; Posch, T. (2022): VerĂ€nderung der Stickstoff- zu Phosphor-VerhĂ€ltnisse in Seen - Mögliche Konsequenzen fĂŒr die Struktur von Nahrungsnetzen in Schweizer Seen. Projekt im Auftrag des Bundesamtes fĂŒr Umwelt BAFU, Bern. Limnologische Station, Institut fĂŒr Pflanzen- und Mikrobiologie, UniversitĂ€t ZĂŒrich, Kilchberg
[50] MĂŒller, R.; Bernet, D. (2011): Die Entwicklung des Brienzersees seit 1999: Zustandsanalyse 2010. Limnos, Fischereiinspektorat Kanton Bern, Horw
[51] Kirchhofer, A.; Breitenstein, M.; Vonlanthen, P. (2021): Monitoring der FelchenfÀnge der Berufsfischer von Brienzersee, Thunersee und Bielersee 1984-2018. Auftraggeber: Fischereiinspektorat des Kantons Bern. WFN, p. 50
[52] MĂŒller, R. et al. (2007): Bottom-up control of whitefish populations in ultra-oligotrophic Lake Brienz. Aquatic Sciences 69: 271-288
[53] Dunlop, E.S.; Feiner, Z.S.; Höök, T.O. (2018): Potential for fisheries-induced evolution in the Laurentian Great Lakes. Journal of Great Lakes Research. 44(4): p. 735-747
[54] Thomas, G.; Eckmann, R. (2007): The influence of eutrophication and population biomass on common white fish (Coregonus lavaretus) growth â the Lake Constance example revisited. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 64: 402-410
[55] Nusslé, S.; Bornand, C.N.; Wedekind, C. (2009): Fishery-induced selection on an Alpine whitefish: quantifying genetic and environmental effects on individual growth rate. Evolutionary Applications 2(2): 200-208
La spĂ©ciation sâeffectue en gĂ©nĂ©ral graduellement. Les nouvelles espĂšces Ă©mergent peu Ă peu Ă mesure que les populations se diffĂ©rencient de lâespĂšce ancestrale. Ce processus sâaccompagne dâune rarĂ©faction des accouplements entre individus de deux populations diffĂ©rentes, qui sâintensifie jusquâĂ donner naissance Ă deux espĂšces gĂ©nĂ©tiquement distinctes et isolĂ©es sur le plan reproducteur (fig. 6). Ces deux critĂšres correspondent Ă la dĂ©finition biologique de lâespĂšce.
LâespĂšce est, en biologie, lâunitĂ© de base de la systĂ©matique. Chaque espĂšce biologique est le rĂ©sultat dâun phĂ©nomĂšne de spĂ©ciation. En raison du caractĂšre graduel de ce processus, il est impossible de donner une dĂ©finition universelle de la notion dâespĂšce qui convienne Ă toutes les situations et rĂ©ponde de la mĂȘme maniĂšre Ă tous les critĂšres thĂ©oriques et pratiques des diffĂ©rentes disciplines de la biologie [20]. En pratique, les scientifiques se rĂ©fĂšrent donc selon leur discipline Ă des dĂ©finitions lĂ©gĂšrement diffĂ©rentes de lâespĂšce, qui peuvent parfois conduire Ă des classifications diffĂ©rentes. La plupart des scientifiques appliquent le concept biologique de lâespĂšce [21] dans lequel une espĂšce est ainsi dĂ©finie [22]: «Une espĂšce est un groupe dâindividus et de populations naturelles entretenant librement des Ă©changes de gĂšnes, ou susceptibles dâen entretenir sâils ou elles se trouvaient sur un mĂȘme territoire. Des individus ou populations appartiennent Ă des espĂšces diffĂ©rentes si, dans la nature, ils nâĂ©changent habituellement pas librement de matĂ©riel gĂ©nĂ©tique bien quâils vivent sur un mĂȘme territoire et quâaucune barriĂšre gĂ©ographique nâempĂȘche donc le flux gĂ©nique (il existe donc un isolement reproducteur indĂ©pendant de la gĂ©ographie).»
Les mĂ©canismes conduisant Ă cet isolement reproducteur partiel ou total sont multiples. Ils entraĂźnent cependant tous une interruption partielle ou totale du flux gĂ©nique entre les populations, prĂ©alable indispensable Ă lâĂ©mergence de diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques entre les espĂšces. Cela permet aux diffĂ©rentes espĂšces de sâadapter Ă diffĂ©rentes conditions environnementales. Mais des diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques peuvent Ă©galement apparaĂźtre au sein mĂȘme dâune espĂšce, lorsque deux populations se trouvent isolĂ©es gĂ©ographiquement. Avec le temps, ces populations gĂ©ographiques peuvent donner naissance Ă des espĂšces indĂ©pendantes.
Dans le cas des corĂ©gones, la situation est souvent sans Ă©quivoque puisque plusieurs espĂšces sont prĂ©sentes dans un mĂȘme lac. Si plusieurs populations vivent dans un mĂȘme lac mais prĂ©sentent des diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques sur de nombreux sites de leur gĂ©nome, autrement dit, si elles sont largement isolĂ©es sur le plan reproducteur, il sâagit dâespĂšces biologiques diffĂ©rentes. Les diffĂ©rences gĂ©nĂ©tiques entre espĂšces sâaccompagnent souvent de diffĂ©rences morphologiques. Mais il peut Ă©galement arriver que des espĂšces se distinguent sur le plan gĂ©nĂ©tique sans quâelles puissent ĂȘtre distinguĂ©es Ă lâĆil nu sur le plan morphologique (il sâagit alors dâespĂšces dites cryptiques). Les analyses gĂ©nĂ©tiques permettent ainsi dây voir plus clair. Si des examens plus poussĂ©s sont ensuite menĂ©s, il nâest pas rare quâils rĂ©vĂšlent des diffĂ©rentes morphologiques ou Ă©cologiques passĂ©es inaperçues jusquâalors.
Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «AQUA & GAS» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.
Avec l'abonnement en ligne, lisez le E-paper «Wasserspiegel» sur l'ordinateur, au téléphone et sur la tablette.
Kommentare (0)