Les sĂ©diments font partie intĂ©grante de lâĂ©cosystĂšme aquatique. Ils fournissent un habitat aux organismes benthiques et contribuent Ă la production alimentaire primaire et secondaire ainsi quâaux cycles biogĂ©ochimiques des nutriments et Ă dâautres services Ă©cosystĂ©miques importants [1]. Les sĂ©diments agissent Ă©galement comme un puits important et peuvent potentiellement accumuler une large gamme de contaminants [2, 3]. Outre les risques dâeffets nĂ©gatifs directs sur la biodiversitĂ© benthique, les principales prĂ©occupations liĂ©es Ă cette accumulation sont la libĂ©ration des contaminants stockĂ©s lors de la remobilisation des sĂ©diments (par exemple, en raison de crues, dragage, curage) et le transfert de substances dans la chaĂźne alimentaire humaine. Aussi, mĂȘme suite Ă des amĂ©liorations significatives de la qualitĂ© des eaux de surface, les sĂ©diments peuvent devenir une source de contamination secondaire pour celles-ci et les organismes aquatiques [4, 5]. Câest pourquoi on peut difficilement avoir une vision complĂšte de la qualitĂ© chimique des masses dâeau sans connaitre la qualitĂ© de leurs sĂ©diments.
Dans le cadre du systĂšme modulaire graduĂ© (SMG), des mĂ©thodes standardisĂ©es sont dĂ©veloppĂ©es pour lâĂ©tude et lâapprĂ©ciation de lâĂ©tat des cours dâeau en Suisse. Ces mĂ©thodes sont conçues pour Ă©tudier les divers aspects morphologiques, hydrologiques, biologiques, chimiques et Ă©cotoxicologiques de la qualitĂ© des eaux [6]. Cependant, bien que plusieurs offices cantonaux aient mis en place des programmes de suivi des sĂ©diments, une mĂ©thode harmonisĂ© pour le suivi de la qualitĂ© des sĂ©diments nâexiste pas Ă ce jour. Le Centre Ecotox, en collaboration avec lâOffice FĂ©dĂ©ral de lâEnvironnement (OFEV) et la plateforme QualitĂ© des eaux du VSA, des spĂ©cialistes cantonaux, des instituts de recherche et du secteur privĂ©, a publiĂ© une stratĂ©gie pour la surveillance et lâapprĂ©ciation de la qualitĂ© des sĂ©diments en Suisse basĂ©e sur lâĂ©tat chimique [7]. Cette stratĂ©gie, publiĂ©e sous forme dâun rapport dâexperts, sâadresse aux autoritĂ©s chargĂ©es de la mise en Ćuvre de la surveillance environnementale et Ă tous les professionnels travaillant dans ce domaine. Bien quâil ne sâagisse pas dâune aide Ă lâexĂ©cution, il est un premier pas vers lâharmonisation de lâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments en Suisse.
Cet article prĂ©sente la stratĂ©gie et les rĂ©sultats de son application dans 18 petits cours dâeau. Une question importante qui a Ă©mergĂ© lors de la prĂ©paration de la stratĂ©gie dâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments concernait la fraction sĂ©dimentaire Ă analyser. Finalement, la stratĂ©gie a proposĂ© lâanalyse de la contamination dans la fraction totale du sĂ©diment (<â2âmm). Cependant, dans la pratique, câest-Ă -dire dans les campagnes de surveillance menĂ©es Ă ce jour par plusieurs offices cantonaux, on sâest concentrĂ© sur lâanalyse de la contamination dans la fraction fine (<â63â”m). Afin de comparer les deux approches, les mesures chimiques ont Ă©tĂ© effectuĂ©es dans les deux fractions, sĂ©diment total et fraction fine, lors de la campagne dĂ©crite dans cet article. Cet exercice ne concernait que les substances organiques. La comparaison des concentrations entre ces deux fractions pour les mĂ©taux avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© abordĂ©e [8]. Nous obtenons ainsi une image de lâĂ©tat chimique des sĂ©diments des cours dâeau Ă©tudiĂ©s et Ă©valuons lâinfluence du choix de la fraction analysĂ©e.
La stratĂ©gie dâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments comporte au prĂ©alable des recommandations pour la conception de lâĂ©tude, la stratĂ©gie dâĂ©chantillonnage (sĂ©lection des sites de prĂ©lĂšvement, Ă©quipement, etc.) et pour la rĂ©alisation de la campagne de terrain. Une liste de 20 substances ou groupes de substances prioritaires est Ă©galement proposĂ©e pour la surveillance dans les sĂ©diments ou pour lesquelles il est recommandĂ© de rassembler des informations sur les concentrations environnementales dans les sĂ©diments en Suisse et de procĂ©der Ă une Ă©valuation du risque Ă lâĂ©chelle nationale. Cette liste a Ă©tĂ© Ă©tablie sur la base de critĂšres de dangerositĂ©, dâexposition et de risque, notamment leur potentiel dâaccumulation dans les sĂ©diments, les principales sources de pollution en Suisse et des considĂ©rations analytiques [9]. Ainsi, la liste comprend des substances historiquement surveillĂ©es dans les sĂ©diments telles que mĂ©taux, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et polychlorobiphĂ©nyles (PCB), et dâautres substances comme des polybromodiphĂ©nylĂ©thers (PBDE), des phtalates, des pesticides ou des substances per- et poly-fluoroalkylĂ©es (PFAS).
La mĂ©thode dâapprĂ©ciation proposĂ©e consiste en lâanalyse chimique des substances dans la fraction des sĂ©diments <â2âmm et lâĂ©valuation du risque Ă©cotoxicologique en comparant les concentrations environnementales mesurĂ©es (MEC, Measured Environmental Concentration) dans le sĂ©diment avec les critĂšres de qualitĂ© pour les sĂ©diments (CQS) dĂ©rivĂ©s Ă cet effet. Ătant donnĂ© que les CQS sont dĂ©terminĂ©s Ă partir de donnĂ©es obtenues pour la fraction <â2âmm des Ă©chantillons de sĂ©diment, cette fraction constitue la matrice pertinente pour lâĂ©valuation du risque. Il est recommandĂ© dâutiliser les CQS en tant que rĂ©fĂ©rences ou outils de screening. Les concentrations infĂ©rieures aux CQS indiquent les substances et les sites peu prĂ©occupants sur le plan Ă©cotoxicologique. Lors dâune deuxiĂšme Ă©tape, le risque potentiel mis en Ă©vidence par un dĂ©passement des CQS demande Ă ĂȘtre confirmĂ© par une Ă©valuation plus dĂ©taillĂ©e et spĂ©cifique au site [7]. Des Ă©tudes de biodisponibilitĂ© ou de bioaccumulation peuvent ĂȘtre conduites, ainsi que des tests sur des organismes ou des bioessais selon la nature des contaminants problĂ©matiques [10]. Dans cette Ă©tude, seule la premiĂšre Ă©tape de la stratĂ©gie dâĂ©valuation a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e.
Les CQS sont dĂ©rivĂ©s Ă partir de donnĂ©es Ă©cotoxicologiques et correspondent Ă des concentrations seuils au-dessus desquelles un risque dâeffets nĂ©gatifs pour les organismes benthiques ne peut ĂȘtre exclu. Pour certaines substances qui ont tendance Ă se bioaccumuler et Ă se bioamplifier dans la chaine trophique (PCB, PBDE, PFAS), les risques dâempoisonnement secondaire chez les consommateurs ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s. Aussi, les CQS sont dĂ©rivĂ©s Ă lâaide de modĂšles de chaĂźne alimentaire simples. Pour mettre en Ă©vidence les incertitudes qui subsistent dans les valeurs de CQS, les CQS sont jugĂ©s comme dĂ©finitifs que si le facteur de sĂ©curitĂ© appliquĂ© est â€â50. Si le facteur de sĂ©curitĂ© appliquĂ© est >â50 ou si le CQS nâest obtenu quâavec les donnĂ©es de toxicitĂ© relatives Ă la colonne dâeau par la mĂ©thode de lâĂ©quilibre de partage, le CQS est alors considĂ©rĂ© comme provisoire. Les CQS dĂ©rivĂ©s Ă lâaide de modĂšles simples de bioaccumulation dans la chaĂźne alimentaire ou basĂ©s sur des donnĂ©es de terrain provenant dâailleurs et non validĂ©s pour une utilisation en Suisse sont Ă©galement considĂ©rĂ©s comme provisoires. Pour les composĂ©s organiques ou dâautres substances dont la toxicitĂ© varie en fonction de la teneur en carbone organique totale (COT), une normalisation par la teneur en COT est recommandĂ©e pour les concentrations de COT comprises entre 1 et 10%.
En fonction du rapport entre la concentration mesurĂ©e dans le sĂ©diment (MEC) et le CQS, la valeur du quotient de risque (RQ, Risk Quotient), la qualitĂ© des sĂ©diments peut ĂȘtre divisĂ©e en cinq classes (tab. 1). Le systĂšme de classification ne peut ĂȘtre utilisĂ© quâavec les substances assorties dâune valeur dĂ©finitive du CQS.
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Classification | Ăvaluation numĂ©rique selon SMG | DĂ©finition (RQ = MEC/CQS) |
Signification | ||
   | TrĂšs bonne qualitĂ© | 0,8 â 1 | La concentration mesurĂ©e dans le sĂ©diment est au moins 10 fois plus faible que le critĂšre de qualitĂ© | RQ < 0,1 | CQS respectĂ© |
 | Bonne qualité | 0,6 - < 0,8 | La concentration mesurée dans le sédiment est de 1 à 10 fois plus faible que le critÚre de qualité | 0,1 †RQ < 1 | |
 | Qualité moyenne | 0,4 - < 0,6 | La concentration mesurée dans le sédiment est inférieure au double du critÚre de qualité | 1 †RQ < 2 | CQS dépassé |
 | Qualité médiocre |
0,2 - < 0,4 | La concentration mesurée dans le sédiment est inférieure à 10 fois le critÚre de qualité | 2 †RQ < 10 | |
 | Mauvaise qualité |
0 - < 0,2 | La concentration mesurée dans le sédiment est supérieure à 10 fois le critÚre de qualité | RQ ℠10 |
Tab 1 SystÚme de classification de la qualité du sédiment basé sur la comparaison avec les critÚres de qualité du sédiment (CQS). RQ: quotient de risque; MEC: concentration mesurée dans le sédiment.
La stratĂ©gie proposĂ©e a Ă©tĂ© mise en Ćuvre en 2018 dans 18 petits cours dâeau de la liste des sites NAWA-SPEZ 2018 [11]. Les sites ont Ă©tĂ© choisis pour reprĂ©senter diffĂ©rents niveaux et sources de pollution dans le bassin versant, dont deux sites Ă bassin versant exploitĂ© de maniĂšre extensive (<â1% zones urbaines, >â90% zones boisĂ©es), cinq sites Ă bassin versant agricole (<â10% zones urbaines, 14,4â67,4% zones agricoles) et onze sites Ă bassin versant agricole-urbain (â„â10% zones urbaines, 14,2â71,1% zones agricoles). Aucune station dâĂ©puration des eaux usĂ©es (STEP) nâest prĂ©sente dans les bassins versants Ă©tudiĂ©s.
Les sĂ©diments superficiels ont Ă©tĂ© Ă©chantillonnĂ©s Ă lâaide dâune pelle Ă main en acier inoxydable dans des zones de dĂ©pĂŽt des sĂ©diments selon les recommandations de la stratĂ©gie [7]. Des Ă©chantillons de sĂ©diments composites de 1,5âl ont Ă©tĂ© homogĂ©nĂ©isĂ©s et tamisĂ©s Ă travers un tamis de 2âmm sur le terrain. Tous les Ă©chantillons ont Ă©tĂ© transportĂ©s protĂ©gĂ©s de la lumiĂšre Ă 4â°C. Ă lâarrivĂ©e au laboratoire, 0,5âl ont Ă©tĂ© immĂ©diatement conservĂ©s Ă â20â°C. Le reste a Ă©tĂ© tamisĂ© Ă 63 ”m Ă lâaide dâeau dĂ©minĂ©ralisĂ©e, puis les sĂ©diments et lâeau utilisĂ©e pour le tamisage ont Ă©tĂ© regroupĂ©s et conservĂ©s Ă â20â°C. Ensuite, tous les Ă©chantillons ont Ă©tĂ© lyophilisĂ©s et conservĂ©s Ă tempĂ©rature ambiante, protĂ©gĂ©s de la lumiĂšre jusquâĂ leurs extractions et analyses.
Les substances ciblĂ©es Ă©taient les substances prioritaires de la stratĂ©gie, Ă lâexception du triclosan (tab. 2). Les analyses physico-chimiques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es par le Central Environmental Laboratory (CEL) de lâEPFL (mĂ©taux, PBDE, PCB, HAP, chlorpyrifos et cypermĂ©thrine, antibiotiques), le Laboratoire dâĂtude des RĂ©sidus et Contaminants dans les Aliments (LABERCA) de lâĂcole Nationale VĂ©tĂ©rinaire, Agroalimentaire et de lâAlimentation (Oniris) en France (HCBD, phtalates, tonalide, nonylphĂ©noles, octylphĂ©noles, hormones, diuron, tĂ©buconazole) et lâIstituto di Ricerca sulle Acque (IRSA-CNR) en Italie (PFAS).
Les principaux résultats sont présentés dans le tableau 2, le tableau 3 et la figure 1. Ils montrent un aperçu de la contamination dans les 18 sites échantillonnés. Les propriétés des sédiments (granulométrie, matiÚre organique) et les concentrations de contaminants varient selon les sites et montrent des niveaux préoccupants pour au moins un des contaminants analysés.
Parmi les quatre mĂ©taux inclus dans la stratĂ©gie, Zn et Cu sont ceux dont les concentrations sont les plus Ă©levĂ©es. Cinq sites prĂ©sentent des concentrations de Zn supĂ©rieures Ă 100âmg/kg et donc dĂ©passent le CQS, deux sites de qualitĂ© moyenne et trois de qualitĂ© mĂ©diocre. Ces cinq sites prĂ©sentent Ă©galement les concentrations les plus Ă©levĂ©es des autres mĂ©taux analysĂ©s (Cr, Cu, Hg et Pb). Deux sites sont aussi de qualitĂ© moyenne par rapport au Cu. Trois sites ne prĂ©sentent pas les plus fortes concentrations de Cu mais ils prĂ©sentent une faible teneur en COT et donc aprĂšs normalisation ces sites dĂ©passent le CQS. Câest-Ă -dire, le Cu est potentiellement plus biodisponible et prĂ©sente donc un risque plus Ă©levĂ© pour les communautĂ©s benthiques que dans dâautres sites prĂ©sentant des concentrations plus Ă©levĂ©es mais en mĂȘme temps un taux de COT plus Ă©levĂ©. Le Pb et le Hg, deux mĂ©taux fortement rĂ©glementĂ©s, prĂ©sentent des concentrations infĂ©rieures aux CQS.
La somme des concentrations des 16 HAP indicateurs (âHAPiââ) dans les cours dâeau Ă©tudiĂ©s variait de 18,1 Ă 9640â”g/kg,avec les concentrations mesurĂ©es dans les sĂ©diments du Weierbach, du Ruisseau des Combes et du Nant de Crues restant relativement Ă©levĂ©es par rapport Ă des Ă©tudes rĂ©centes en Suisse [10, 12, 13]. Les concentrations de HAP augmentent avec lâaugmentation de lâoccupation du sol, mĂȘme si aucune diffĂ©rence significative nâest observĂ©e entre les sites Ă bassin versant Ă dominance agricole (AGR) et ceux avec une plus grande prĂ©sence de zones urbaines (AGRâ+âURB, fig. 2). La rĂ©partition des diffĂ©rents HAP indicateurs ne met pas en Ă©vidence des tendances significatives concernant les sources potentielles de HAP (rĂ©sultats non prĂ©sentĂ©s), probablement en raison de la prĂ©sence de sources multiples et de la complexitĂ© des processus environnementaux sur les diffĂ©rents sites. La proportion de sites dans lesquels les CQS sont dĂ©passĂ©s est de 35%, avec six sites de qualitĂ© moyenne ou mĂ©diocre pour plusieurs HAPi et 11 sites de bonne ou trĂšs bonne qualitĂ© pour tous les HAPi. Bien que des CQS sont proposĂ©s pour les 16 HAPi, les CQS ne sont dĂ©finitifs que pour les HAP acĂ©naphthĂšne, phĂ©nanthrĂšne, anthracĂšne, pyrĂšne et fluoranthĂšne. En gĂ©nĂ©ral, lâĂ©valuation basĂ©e sur les cinq HAPi avec des CQS dĂ©finitifs est un bon indicateur pour les 16 HAPi car plusieurs CQS provisoires pour dâautres HAPi sont aussi dĂ©passĂ©s dans les mĂȘmes sites. Pour une Ă©valuation des risques cumulĂ©s pour les HAP, recommandĂ©e car tous ont le mĂȘme mode dâaction toxique [14], la somme des RQ pour les cinq HAPi avec CQS dĂ©finitif (âHAPi5) a Ă©tĂ© calculĂ©e. On observe une tendance Ă pĂ©naliser vers une classe de qualitĂ© infĂ©rieure, principalement Ă des concentrations mesurĂ©es proches des valeurs CQS ou intermĂ©diaires, quand la toxicitĂ© des mĂ©langes est prise en compte dans lâĂ©valuation du risque.
Des PCB ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s dans tous les sites de cette Ă©tude, avec des concentrations allant de 0,15 Ă 13,56â”g/kg pour la somme des sept PCB indicateurs (âPCBiâ: #28, #52, #101, #118, #138, #153, #180). Comme pour les HAP, une augmentation des concentrations est observĂ©e avec une occupation plus intensive du sol des petits bassins versants Ă©tudiĂ©s, notamment dans les bassins versants agricoles-urbains (fig. 2). En ce qui concerne les congĂ©nĂšres individuels, lâincidence de dĂ©passement des CQS est similaire pour six des PCBi (PCBi sans #118), avec 65% des sites dans lesquels au moins un des congĂ©nĂšres dĂ©passe le CQS correspondant. Ce pourcentage est lĂ©gĂšrement infĂ©rieur pour le congĂ©nĂšre #118 (53%). Cette diffĂ©rence sâexplique par la maniĂšre dont a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e le CQS pour le congĂ©nĂšre #118 qui vise Ă prĂ©venir dâun empoisonnement secondaire chez les prĂ©dateurs.
Les PBDE sont des retardateurs de flamme bromĂ©s largement utilisĂ©s jusquâĂ leur rĂ©glementation au dĂ©but des annĂ©es 2000. Ils sont gĂ©nĂ©ralement dĂ©tectĂ©s moins frĂ©quemment que les PCB et avec des concentrations plus faibles. Dans cette Ă©tude, seule la somme des six indicateurs (PBDE #28, #47, #99, #100, #153 et #154) a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e, car ce sont les substances les plus faciles Ă analyser et pour lesquelles il a Ă©tĂ© possible dâĂ©tablir un CQS.
Ils nâont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s que dans cinq sites, dont quatre prĂ©sentaient Ă©galement des concentrations Ă©levĂ©es de PCB. Aucun site ne dĂ©passe le CQS pour les six PBDE indicateurs (âPBDEiâ) dĂ©rivĂ© pour protĂ©ger les invertĂ©brĂ©s benthiques de la toxicitĂ© directe (CQS dĂ©finitif). Les deux sites avec les concentrations les plus Ă©levĂ©es pour les PBDE dĂ©passent le CQS provisoire qui vise Ă prĂ©venir lâempoisonnement secondaire chez les prĂ©dateurs. Dâautres congĂ©nĂšres, notamment le #209, peuvent atteindre des concentrations jusquâĂ un ordre de grandeur plus Ă©levĂ© que celles des PBDEi dans des hot spots de contamination [13]. Aussi, il serait intĂ©ressant de surveiller la prĂ©sence du PBDE #209 Ă lâavenir dans les sites identifiĂ©s comme problĂ©matiques.
LâhexachlorobutadiĂšne (HCBD) est une substance organique halogĂ©nĂ©e persistante, rĂ©glementĂ©e par la Convention de Stockholm et, en Suisse, par lâordonnance sur la rĂ©duction des risques liĂ©s aux produits chimiques (annexe 1.1, ch. 3, let. a, ORRChim; 814.81). Elle fait Ă©galement partie de la liste europĂ©enne des substances dangereuses prioritaires Ă surveiller dans la Directive Cadre sur lâEau. Elle a donc Ă©tĂ© incluse dans la liste de substances pour la surveillance dans les sĂ©diments. Les concentrations mesurĂ©es dans les cours dâeau de cette Ă©tude sont de plusieurs ordres de grandeur infĂ©rieures au CQS, lequel protĂšge contre les effets de la toxicitĂ© directe sur les invertĂ©brĂ©s benthiques et aussi prĂ©venir un empoisonnement secondaire chez les prĂ©dateurs. Des concentrations similaires ont Ă©tĂ© mesurĂ©es lors de la derniĂšre campagne dâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments de surface du LĂ©man [13], indiquant que lâHCBD nâest pas prioritaire pour un suivi dans les sĂ©diments Ă lâĂ©chelle nationale.
Les phtalates, utilisĂ©s dans des centaines de produits de consommation plastiques, ont fait lâobjet dâune grande attention depuis les annĂ©es 90 de la part des organismes de rĂ©glementation des substances chimiques en raison de leur omniprĂ©sence et leur cancĂ©rogĂ©nicitĂ©, toxicitĂ© pour la reproduction et effets potentiels de perturbation endocrinienne. En Suisse, le DEHP, choisi comme indicateur de la contamination par les phtalates dans les sĂ©diments, est rĂ©glementĂ© par lâannexe 1.18 ORRChim. Leur rejet dans lâenvironnement est encore rĂ©pandu, les STEP urbaines contribuant le plus au total des phtalates rejetĂ©s dans les eaux. En raison de leur hydrophobie et de leur faible solubilitĂ© dans lâeau, la plupart des phtalates sâaccumulent dans les matiĂšres en suspension et les sĂ©diments.
Parmi les huit phtalates ciblĂ©s dans cette Ă©tude, seuls les rĂ©sultats pour le DEHP sont prĂ©sentĂ©s dans les tableaux 2 et 3 et la figure 1. Le DEHP est le phtalate le plus dĂ©tectĂ© et prĂ©sente les concentrations les plus Ă©levĂ©es, lesquelles reprĂ©sentent en moyenne 35% de la somme des phtalates mesurĂ©s. Aucun site nâa dĂ©passĂ© le CQS pour le DEHP et tous les sites entrent dans la catĂ©gorie de bonne ou trĂšs bonne qualitĂ©.
Deux autres phtalates utilisĂ©s comme alternatifs au DEHP, le DiNP et le DiDP, montrent des concentrations similaires Ă celles rapportĂ©es pour le DEHP et donc la somme de ces trois substances reprĂ©sente en moyenne 98% du total des phtalates analysĂ©s. Pour la somme des phtalates, des concentrations accrues de lâordre du mg/kg sont atteintes dans les bassins versants urbains (fig. 2). Dans les deux sites avec des bassins versants exploitĂ©s de maniĂšre extensive les phtalates prĂ©sentent des concentrations dâenviron 60â”g/kg dans les sĂ©diments.
Les nonylphĂ©nols sont des tensioactifs non ioniques qui avaient historiquement une large application dans les dĂ©tergents, les cosmĂ©tiques, les peintures, les pesticides ou les plastiques. MalgrĂ© certaines restrictions sâappliquant depuis 2006 (annex 1.8 ORRChim), ils prĂ©sentent des concentrations supĂ©rieures Ă la limite de dĂ©tection dans sept des 18 sites Ă©tudiĂ©s. Les octylphĂ©nols, un groupe de substances chimiques Ă©troitement liĂ© au nonylphĂ©nols Ă©galement rĂ©glementĂ©s en Suisse, ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s sur les trois sites prĂ©sentant les concentrations de nonylphĂ©nols les plus Ă©levĂ©es mais Ă des concentrations beaucoup plus faibles.
Le tonalide, musc synthĂ©tique utilisĂ© dans des cosmĂ©tiques, dĂ©tergents et lessives, nâa Ă©tĂ© quantifiĂ© que sur deux sites. La prĂ©sence de ces substances est plus probable sur les sites Ă plus forte pression urbaine (fig. 2) mĂȘme si les CQS Ă©taient respectĂ©s. Ces substances ne semblent pas problĂ©matiques dans les petits cours dâeau investiguĂ©s, ce qui est logique car aucun nâa de STEP dans son bassin versant.
Les rejets dâeaux usĂ©es municipales et hospitaliĂšres ainsi que les eaux usĂ©es des Ă©levages dâanimaux sont des sources potentielles majeures de mĂ©dicaments. Selon leurs propriĂ©tĂ©s physico-chimiques, ces substances peuvent sâadsorber sur les matiĂšres en suspension et les sĂ©diments. Cependant, il existe peu dâinformations sur leur prĂ©sence dans les sĂ©diments en Suisse. Dans cette Ă©tude, nous avons investiguĂ© plusieurs antibiotiques dont la ciprofloxacine, du groupe des fluoroquinolones Ă large spectre, autorisĂ©e en Suisse pour un usage humain et proposĂ©e dans la stratĂ©gie de surveillance des sĂ©diments.
La ciprofloxacine a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e sur 10 sites, avec des concentrations accrues dans trois sites. MalgrĂ© les concentrations relativement Ă©levĂ©es, aucun des sites nâa dĂ©passĂ© le CQS provisoire qui tient Ă©galement compte de la rĂ©sistance aux antibiotiques dans le milieu aquatique (fig. 1). Il y a une augmentation apparente des concentrations en antibiotiques avec lâutilisation intensive du sol des petits bassins versants, mais la plage de concentrations reste similaire pour les sites Ă bassin versant agricole et mixte Ă©tudiĂ©s (fig. 2). Le Ruisseau de Collonges et le Canal dâUvrier ont Ă©galement enregistrĂ© des concentrations similaires Ă celles de la ciprofloxacine pour les fluoroquinolones ofloxacine et norfloxacine, substances non prioritaires analysĂ©es de maniĂšre complĂ©mentaire dans cette Ă©tude. Ces substances ayant un mode dâaction similaire Ă la ciprofloxacine, lâĂ©valuation du risque cumulĂ© serait souhaitable mais Ă lâheure actuelle, les CQS ne sont pas disponibles pour ces substances.
Les hormones 17 -Ă©thinylestradiol (EE2), estradiol (E2) et estrone (E1) figurent Ă©galement sur la liste des substances prioritaires pour leur surveillance dans les sĂ©diments. Elles se trouvent dans la mĂȘme situation que les antibiotiques, câest-Ă -dire que leur prĂ©sence dans les eaux de surface et leur tendance Ă sâaccumuler dans les sĂ©diments sont avĂ©rĂ©es mais un manque de donnĂ©es subsiste pour ce compartiment environnemental en Suisse. Les ĆstrogĂšnes naturels E1 et E2 ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s dans 18 et dans huit sites, respectivement, tandis que lâhormone synthĂ©tique EE2 nâa jamais Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e. Six sites prĂ©sentent des concentrations supĂ©rieures Ă celles mesurĂ©es dans le reste des sites, dont quatre Ă bassin versant agricole-urbain, un site Ă bassin versant agricole et un site Ă bassin versant exploitĂ© de maniĂšre extensive.
La gamme de concentrations est similaire Ă celle rencontrĂ©e dans les sĂ©diments de petits cours dâeau en France soumises Ă une pollution diffuse mixte [15] ains que dans les sĂ©diments de petits cours dâeau de la zone hautement urbanisĂ©e de Budapest, en Hongrie [16]. Dans la plupart des sĂ©diments mesurĂ©s dans les campagnes de surveillance approfondies dans les riviĂšres europĂ©ennes, les concentrations dans des hot spots peuvent atteindre des concentrations jusquâĂ un ordre de grandeur supĂ©rieur Ă celles trouvĂ©es dans cette Ă©tude [17, 18]. Cependant, les CQS des trois ĆstrogĂšnes Ă©tant infĂ©rieurs Ă la limite de quantification, tous les sites dĂ©passaient les CQS dĂšs que les substances Ă©taient dĂ©tectĂ©es et donc la forte incidence des dĂ©passements des CQS est frappante.
Comme pour les eaux de surface, des outils basĂ©s sur les effets tels que les tests in vitro pourraient aider Ă mieux relever les dĂ©fis liĂ©s Ă lâĂ©valuation de ce type de substances [19]. En effet, les CQS ne sont que provisoires en raison du manque de donnĂ©es dâeffets sur les invertĂ©brĂ©s benthiques. De plus, les outils basĂ©s sur les effets permettraient aussi dâĂ©valuer le risque cumulĂ© non seulement des trois hormones mais aussi dâautres substances potentiellement perturbatrices du systĂšme endocrinien tels que les octylphĂ©nols et nonylphĂ©nols, les phtalates ou certains pesticides. Bien que de tels tests soient en cours de normalisation pour les eaux de surface [19], leur application Ă des matrices plus complexes comme les sĂ©diments est encore en cours de dĂ©veloppement.
Lâherbicide diuron, les insecticides chlorpyrifos et cypermĂ©thrine et le fongicide tĂ©buconazole sont ceux retenus comme indicateurs de contamination par les pesticides dans la stratĂ©gie dâĂ©valuation [7]. Les concentrations de cypermĂ©thrine Ă©taient infĂ©rieures Ă la limite de quantification dans tous les sites. Ătant donnĂ© que la limite de quantification (0,5â”g/kg) Ă©tait supĂ©rieure au CQS, lâĂ©valuation des risques ne peut pas ĂȘtre rĂ©alisĂ©e. Des mĂ©thodes dâanalyse plus sensibles sont actuellement en cours de dĂ©veloppement et pourraient rĂ©pondre Ă ces exigences. Une Ă©valuation plus approfondie devrait ĂȘtre effectuĂ©e au vu de la forte toxicitĂ© de la cypermĂ©thrine pour les organismes benthiques.
Le diuron et le tĂ©buconazole ont Ă©tĂ© quantifiĂ©s sur un seul site, le Canal dâUvrier, et dĂ©passent leur CQS provisoire. Le Canal dâUvrier se distingue des autres sites par la forte prĂ©sence de vignobles dans son bassin versant, bien que ni dans cette Ă©tude ni dans des Ă©tudes prĂ©cĂ©dentes [10] il ne soit possible de distinguer clairement lâinfluence de lâagriculture dans les sĂ©diments des sites Ă bassin versant agricole-urbain. Le chlorpyrifos, quantifiĂ© dans six des 18 sites, dĂ©passent son CQS provisoire dans le Zapfenbach, le Ruisseau de Collonges, le Weierbach et le Canal dâUvrier, avec des concentrations dâun ordre de grandeur provoquant des effets lĂ©taux chez les espĂšces benthiques lors dâexpositions en laboratoire [7].
Le chlorpyrifos et le diuron ont Ă©tĂ© depuis interdits dans les produits phytosanitaires [21], et il est possible que leur prĂ©sence ait dĂ©jĂ diminuĂ© dans les petits cours dâeau. Cependant, ils peuvent encore persister dans des dĂ©pĂŽts sĂ©dimentaires au vu de leurs propriĂ©tĂ©s physico-chimiques et selon les conditions environnementales. En effet, ces pesticides ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s jusquâen 2022 dans les archives sĂ©dimentaires et les sĂ©diments de surface des petits lacs et Ă©tangs [22]. Aussi, leur surveillance dans les sĂ©diments est justifiĂ©e jusquâĂ atteindre des niveaux de concentrations ne prĂ©sentant pas de risque.
Bien que seules ces substances aient Ă©tĂ© retenues comme indicatrices, il est trĂšs probable que si la liste des pesticides analysĂ©s Ă©tait Ă©largie dâautres substances pourraient ĂȘtre trouvĂ©es Ă des concentrations prĂ©occupantes, comme cela a Ă©tĂ© observĂ© dans dâautres petits cours dâeau Ă bassin versant Ă forte activitĂ© agricole [10, 23].
Les PFAS, un trĂšs large groupe de substances avec de nombreuses utilisations industrielles et domestiques, sont dĂ©tectĂ©s presque partout dans le milieu naturel et les ĂȘtres vivants [24]. Les zones autour des aĂ©roports et des zones dâentraĂźnement Ă la lutte contre les incendies sont les plus critiques pour la contamination des sĂ©diments, p.âex. [25]. Globalement, les niveaux de concentrations et la distribution des 13 PFAS ciblĂ©s dans cette Ă©tude, y compris le PFOS comme indicateur pour la surveillance des sĂ©diments, indiquent lâabsence de sources de contamination spĂ©cifiques et que les sources diffuses sont la principale source de PFAS dans les sĂ©diments des petits cours dâeau Ă©tudiĂ©s [26].
Les concentrations mesurĂ©es dans les sites des bassins versants urbains sont plus Ă©levĂ©es que celles mesurĂ©es dans les sites des bassins versants exploitĂ©s de maniĂšre extensive et agricoles (fig. 2). Les sĂ©diments du KĂŒntenerbach, Zapfenbach et Isella montrent des concentrations accrues en PFAS par rapport au reste des sites. Le PFOS, fortement rĂ©glementĂ© depuis 2006, prĂ©sente la frĂ©quence de dĂ©tection et les concentrations les plus Ă©levĂ©es. Cependant, aucun des sites ne dĂ©passe le CQS provisoire pour la toxicitĂ© gĂ©nĂ©rale et uniquement les sĂ©diments du KĂŒntenerbach dĂ©passe le CQS provisoire qui protĂšge les prĂ©dateurs dâun empoisonnement secondaire. Bien que le PFOS semble donc un bon indicateur de la contamination par les PFAS, il faut noter que lâĂ©valuation des risques liĂ©s Ă la contamination par le PFOS ne tient pas compte des autres PFAS prĂ©sents dans les sĂ©diments Ă des concentrations similaires Ă celles du PFOS, et dont les propriĂ©tĂ©s et le comportement environnemental sont beaucoup moins connus.
Ătant donnĂ© que les CQS sont dĂ©terminĂ©s Ă partir de donnĂ©es obtenues sur la fraction <â2âmm des sĂ©diments, cette fraction constitue la matrice pertinente dâun point de vue Ă©cotoxicologique pour lâĂ©valuation du risque basĂ© sur lâanalyse chimique des sĂ©diments. Cependant, les campagnes de surveillance mises en place par plusieurs offices cantonaux spĂ©cialisĂ©s utilisent la fraction fine (<â63â”m) pour la surveillance de la contamination dans les sĂ©diments dans lâoptique dâĂ©tudier les tendances spatiales et temporelles Ă long terme. La comparaison des donnĂ©es obtenues Ă partir de chacune de ces deux fractions dans les programmes de surveillance, ainsi que lâinterprĂ©tation des concentrations dans la fraction fine (<â63â”m) par les CQS fait encore lâobjet de discussions. Donc un deuxiĂšme objectif pour ce premier exercice Ă©tait lâanalyse et la comparaison des concentrations de substances organiques dans les deux fractions sĂ©dimentaires. En gĂ©nĂ©ral lâanalyse de la fraction <â63â”m se traduit par une frĂ©quence de dĂ©tection et des concentrations plus Ă©levĂ©es Ă celles mesurĂ©es dans le sĂ©diment total (<â2âmm; tab. 1), principalement en raison des dĂ©tections dans les sites oĂč les particules fines reprĂ©sentent moins de 20% du total (KĂŒrtenenbach, Eschelisbach, Laveggio, Le Combagnou et Irence). Dans ce cas, lâanalyse de la fraction fine prĂ©sente un avantage Ă prendre en compte si lâobjectif de lâĂ©tude est le suivi des tendances [7]. Les HAP et le DEHP font exception, car mĂȘme si la frĂ©quence de dĂ©tection est plus Ă©levĂ©e dans la fraction <â63â”m les concentrations sont supĂ©rieures dans la fraction <â2âmm dans plus de la moitiĂ© des sites Ă©tudiĂ©s. Ceci a dĂ©jĂ Ă©tĂ© observĂ© pour diffĂ©rentes substances organiques, dont les HAP [27], et attribuĂ© dans une certaine mesure Ă la prĂ©sence de diffĂ©rentes quantitĂ©s et types de matiĂšre organique dans les diffĂ©rentes fractions de sĂ©diments [28]. Il pourrait Ă©galement sâagir de la prĂ©sence de particules anthropiques riches en DEHP qui contribuent aux concentrations plus Ă©levĂ©es dans les fractions les plus grossiĂšres des sĂ©diments.
Pour Ă©viter le risque de contamination et les dĂ©fis pratiques associĂ©s au tamisage, le guide technique pour la surveillance des sĂ©diments de la DCE de lâUE [29] prĂ©conise quâil est possible dâanalyser les substances chimiques dans la fraction <â2âmm et de normaliser ensuite les rĂ©sultats Ă la fraction <â63âÎŒm. Globalement, la normalisation surestime les concentrations mesurĂ©es dans la fraction <â63âÎŒm (pente >â1) pour tous les contaminants [30]. Cela dĂ©montre une accumulation non nĂ©gligeable de contaminants dans les particules de sĂ©diments de taille comprise entre 63âÎŒm et 2âmm. En outre, les rĂ©sultats de cette Ă©tude montrent que lâanalyse dans la fraction <â63â”m prĂ©sente des avantages dans les programmes de surveillance des micropolluants prĂ©sents Ă des concentrations faibles ou prĂ©sentant des dĂ©fis analytiques telles que les pesticides ou les hormones, notamment si les sĂ©diments sont sableux. Il est possible dâestimer la concentration dans le sĂ©diment <â2âmm Ă partir de la quantification de la contamination dans la fraction <â63â”m pour une comparaison ultĂ©rieure avec les CQS, mais avec une tendance Ă la sous-estimation (pentes <â1, notamment pour les nonylphĂ©nols, certains HAP, le DEHP ou les hormones). NĂ©anmoins, des pics de concentration significatifs qui parfois dĂ©passent les CQS sont identifiĂ©s bien que des faux nĂ©gatifs soient attendus, câest-Ă -dire des sites oĂč les CQS sont dĂ©passĂ©s lorsque les mesures sont effectuĂ©es dans le sĂ©diment <â2âmm mais sont respectĂ©s si lâĂ©valuation du risque est rĂ©alisĂ©e sur la base des concentrations estimĂ©es Ă partir de mesures dans le sĂ©diment <â63â”m.
Cet article prĂ©sente une application de la stratĂ©gie dâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments pour la Suisse dans 18 petits cours dâeau. Les rĂ©sultats obtenus montrent que lâĂ©tat chimique des sĂ©diments des petits cours dâeau dans les bassins versants agricoles et urbains est dĂ©tĂ©riorĂ©. Les concentrations de contaminants variaient selon les sites, montrant des niveaux prĂ©occupants dâau moins un des contaminants Ă©tudiĂ©s dans tous les sites selon les critĂšres de qualitĂ© utilisĂ©s pour lâĂ©valuation des risques. En se basant sur les plus fortes incidences de dĂ©passement des CQS, les substances les plus problĂ©matiques sont les PCB et les hormones ĆstrogĂ©niques. Toutefois, les CQS pour ces groupes de substances ne sont que provisoires et comportent un niveau dâincertitude dans lâĂ©valuation des risques Ă ne pas nĂ©gliger. Pour certains pesticides, la limite de quantification dans cette Ă©tude Ă©tait supĂ©rieure au CQS, empĂȘchant lâĂ©valuation des risques. Les Ă©tudes futures devraient prĂ©voir des techniques dâanalyse plus sensibles afin de permettre une meilleure Ă©valuation des risques globaux au vu de la forte toxicitĂ© de ces substances pour les organismes benthiques. Parmi les substances avec des CQS dĂ©finitifs, les mĂ©taux Cu et Zn et les HAP sont les plus problĂ©matiques, avec environ 30% des sites dĂ©passant les CQS correspondants. Les concentrations mesurĂ©es et/ou lâĂ©valuation des risques basĂ©e sur le CQS confirment la pertinence de la liste des substances Ă surveiller dans les sĂ©diments, exceptĂ© lâHCBD qui ne semble pas prioritaire. La liste des substances doit ĂȘtre revue et, si nĂ©cessaire, mise Ă jour en fonction des donnĂ©es acquises lors des campagnes de surveillance et selon le cadre rĂ©glementaire en vigueur sur la protection de lâenvironnement.
La stratĂ©gie proposĂ©e est un premier pas vers lâharmonisation de lâĂ©valuation de la qualitĂ© des sĂ©diments en Suisse. Une diffĂ©rence importante entre la stratĂ©gie proposĂ©e et les pratiques en vigueur dans les campagnes de surveillance mises en place Ă ce jour par les offices cantonaux rĂ©side dans lâanalyse de la contamination dans la fraction <â2âmm de sĂ©diments. Dans cette campagne, il nâa pas Ă©tĂ© possible dâidentifier des dĂ©pĂŽts sĂ©dimentaires composĂ©s dâun minimum de 20% de fines dans plusieurs sites. Selon lâobjectif de lâĂ©tude et les propriĂ©tĂ©s des sĂ©diments la fraction Ă analyser peut-ĂȘtre adaptĂ©e et les concentrations extrapolĂ©es. Cependant, lâextrapolation peut conduire Ă une sur- ou sous-estimation, entraĂźnant des rĂ©sultats erronĂ©s dans lâĂ©valuation des risques.
De mĂȘme, les CQS provisoires et le plus souvent dĂ©passĂ©s devraient ĂȘtre revus Ă lâavenir en fonction des dĂ©veloppements scientifiques (p.âex. des nouvelles donnĂ©es de toxicitĂ©). Il convient toutefois de pas oublier que les CQS ne sont proposĂ©s quâĂ titre dâoutil de screening. Lâutilisation dâoutils basĂ©s sur les effets, tels que les bioessais, lâĂ©tude des communautĂ©s benthiques ou des Ă©tudes de bioaccumulation devrait contribuer Ă lâamĂ©lioration de lâĂ©valuation des risques sur les sites oĂč les CQS sont dĂ©passĂ©s.
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Cet article est dĂ©diĂ© Ă la mĂ©moire de notre cher collĂšgue Marc Babut et de son hĂ©ritage inestimable pour la communautĂ© des Ă©cotoxicologues du sĂ©diment. Ce projet a Ă©tĂ© financĂ© par lâOffice FĂ©dĂ©ral de lâEnvironnement (OFEV). Les autrices et auteurs remercient BiolâEau pour la rĂ©alisation de la campagne dâĂ©chantillonnage, Christina LĂŒthi (Centre Ecotox) pour lâaide pendant le traitement des Ă©chantillons et Yael Schindler Wildhaber (OFEV) et RĂ©becca Beauvais (Centre Ecotox) pour la lecture du manuscrit.
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