Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Les sources, aussi appelées milieux fontinaux ou crénaux, sont des biotopes riches en espèces, situés à l’interface entre les eaux souterraines, les ruisseaux et les habitats terrestres. Ce qui les différencie des cours d’eau? Une température de l’eau fraîche et constante toute l’année, ainsi qu’une faune et une flore sensibles et spécialisées.
«Les sources, en tant qu’habitats, sont aujourd’hui gravement menacées en Suisse. Peu d’entre elles demeurent à l’état naturel, en particulier à basse altitude. Quelque 18% ont été conservées dans le Jura et 1% seulement sur le Plateau.»
Zélie Schaller, OFEV, l’Environnement 1/2021
Les causes liées à leur déclin sont nombreuses, notamment l’approvisionnement en eau potable, les drainages et les besoins de l’agriculture ou l’expansion de la zone à bâtir. S’y ajoute désormais l’impact du réchauffement climatique qui diminue dans certaines régions les débits et augmente progressivement la température des eaux souterraines.
Au XXIème siècle, la gestion globale de l’eau est un élément central qui permet d’anticiper les problèmes mais aussi de dégager des opportunités. Le Canton du Jura dispose d’une «cellule cours d’eau» avec des administrateurs en charge des eaux de surface: revitalisation, protection contre les crues, assainissement de la force hydraulique, entretien, qualité des eaux, sources, concessions, pêche, faune aquatique et zones humides.
Cette coordination a permis d’identifier le potentiel de revitalisation de la source de la Bonne-Fontaine (voir fig. 1). L’élément déclencheur? L’abandon par la commune de son captage d’ eau potable et de ses zones de protection des eaux, en faveur d’une connexion au réseau de distribution de l’autoroute A16 offrant de meilleures garanties en termes de quantité et de qualité des eaux. Suite à l’abrogation des zones de protection des eaux par le Gouvernement en 2020, les feux étaient au vert pour lancer le projet de renaturation. Restait à convaincre la commune. Comme le prévoit la loi cantonale jurassienne sur la gestion des eaux, la maîtrise d’ouvrage a été confiée à l’Office de l’environnement qui a également assumé 100% des coûts et récupéré 60% de subventions fédérales. Vu ces arguments, les autorités communales se sont lancées comme partenaire dans l’aventure.
Les échanges avec les autorités et commissions communales, ainsi qu’avec les associations de protection de la nature, ont permis d’orienter le projet vers un développement en deux secteurs pour cette action au coeur du village (voir fig. 2).
Premièrement une zone de 220 m2 a été dédiée à la revitalisation de la source sans accès pour le public et deuxièmement un espace spécial pour les visiteurs a été créé et agrémenté d’un panneau d’information et d’une plateforme d’observation surmontant une petite mare alimentée par l’eau de pluie (voir fig. 3 et 4).
«Un projet pour redonner vie à la source de la Bonne-Fontaine.»
Le Quotidien Jurassien, 13 mai 2023
Aucun relevé de faune ou de flore n’a été réalisé avant les travaux, le site ne présentant aucune caractéristique favorable en lien avec la source. Une retenue générait un plan d’eau stagnant chargé en nutriments qui, en plein soleil, se réchauffait rapidement. Le bassin était régulièrement envahi par des algues et la végétation autour du plan d’eau n’était ni typique de la station ni utile à la faune aquatique (voir fig. 1). Des investigations poussées ont été nécessaires pour comprendre comment le bassin se remplit en fonction des précipitations et des résurgences. Cellesci ont été localisées par un abaissement progressif du niveau d’eau par pompage sans mise à sec du cours d’eau à l’aval. Ainsi, la géométrie du projet a été définie avec les ingénieurs et le Service conseil milieux fontinaux.
Le but de la revitalisation était de retrouver une situation proche de l’état naturel, c’est-à -dire avant les interventions humaines. Il s’agissait d’obtenir une température de l’eau constante et fraîche toute l’année, d’environ 10 °C, un niveau d’eau fluctuant au gré des périodes sèches et des crues, et finalement une morphologie du lit naturelle et diversifiée. Cela passait par la suppression d’un seuil artificiel situé à l’aval des résurgences et par la récupération des eaux de l’ancien captage du village. Les espèces-cibles sont celles qui colonisent les sources, notamment les insectes aquatiques (éphéméroptères, plécoptères, trichoptères). Au niveau de la flore, il a été décidé de créer de l’ombre en plantant de trois arbres, mais de laisser le lit libre afin qu’une flore typique du milieu de source puisse s’y développer. Autour du bassin, des buissons ont été plantés pour offrir refuge et nourriture notamment aux insectes et aux oiseaux, puis l’éclairage public a été modifié à  l’aide de caches pour diminuer autant que possible la pollution lumineuse (fig. 4).
«La Bonne-Fontaine aura droit à  un retour aux sources.»
Radio Fréquence Jura (RFJ), 1er juin 2023
Durant les travaux d’août 2023 à février 2024, des étiages sévères et des crues ont permis de calibrer le système et de confirmer que les niveaux d’eau choisis pour le développement du milieu fontinal sont adéquats. Un suivi faunistique et floristique spécifique devra être réalisé d’ici quelques années, les modules cours d’eau de la Confédération n’étant pas adaptés au cas particulier des sources. Le coût total du projet s’élève à 177 000 francs financé à 40% par l’Etat jurassien et à 60% par l’OFEV via le volet revitalisation des eaux de la convention-programme 2020-2024. Selon les autorités, les retours de la population sont positifs et le fait qu’il soit à nouveau possible de voir l’eau sortir du sol est un élément fondamental.
Le Canton du Jura dispose d’un inventaire quasi exhaustif de ses sources (données disponibles dans la plateforme MIDAT-sources). Il protège désormais les milieux d’importance nationale, régionale et locale, lors des révisions des plans d’affectation des communes. Les données sont consultables sur le géoportail cantonal (https://geo.jura.ch/) dans le thème «Nature/Milieux naturels/Inventaire cantonal des sources et milieux crénaux». Les autorités ont également défini une liste d’objets à protéger ou à revitaliser, par exemple des captages abandonnés présentant un débit permanent. Le canton entend poursuivre ses efforts sur la thématique des sources, sur lesquelles la pression anthropique et climatique ne cesse de s’accroître.
La revitalisation permet aux rivières, ruisseaux, sources et lacs de retrouver leurs fonctions écologiques. La biodiversité, les loisirs de proximité et la protection contre les crues en profitent. Sur une période de 80 ans,
un quart des quelque 16 000 km de cours d’eau aménagés dans toute la Suisse devrait être revalorisé de cette manière. Dans une série informelle Aqua & Gas, agenda 21 pour l’eau et le VSA présentent des projets de revitalisation déjà achevés.
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