La moule quagga, une espèce invasive, a déjà pris pied dans de nombreux cours d'eau suisses. Pour la première fois, une prévision de l'ampleur de la propagation de la moule quagga a été établie pour trois lacs suisses concernés. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet Seewandel, une collaboration entre des chercheurs de l'Institut de recherche de l'eau (Eawag), des universités de Genève et de Constance et d'autres institutions. Selon cette nouvelle publication, la biomasse par mètre carré dans le lac de Constance, le lac Léman et le lac de Bienne devrait être multipliée par un facteur de 9 à 20 au cours des 22 prochaines années et la moule quagga devrait pénétrer de plus en plus dans les zones profondes des lacs. Les chercheurs s'attendent à ce que les lacs profonds de l'avant-pays alpin connaissent une dynamique comparable à celle observée dans les Grands Lacs d'Amérique du Nord, où la moule quagga a été introduite plus de 20 ans avant l'Europe. Ici comme là -bas, la moule quagga cause des problèmes aux systèmes de captage d'eau et aux installations destinées à l'exploitation de la chaleur/du froid, car elle obstrue leurs tuyaux, causant ainsi des millions de dollars de dégâts. En outre, la moule quagga a modifié la dynamique des nutriments dans les Grands Lacs : Le cycle du phosphore dans les Grands Lacs concernés est désormais régi par la dynamique de population d'une seule espèce benthique, la moule quagga.
Dans les lacs déjà touchés, le caractère invasif de la moule ne permet pas de stopper cette dynamique. "C'est malheureusement une mauvaise nouvelle pour les lacs profonds des Préalpes qui sont touchés par la moule quagga", déclare le biologiste Piet Spaak, spécialiste suisse de la moule quagga, chef de groupe à l'Eawag et dernier auteur de l'étude mentionnée. Selon Spaak, il est toutefois encore possible d'atténuer les conséquences, par exemple en aménageant l'infrastructure de manière à empêcher les moules et leurs larves d'y pénétrer. "En même temps, c'est aussi un avertissement pour les lacs dans lesquels la moule quagga n'a pas encore été trouvée, comme le lac de Zurich et le lac des Quatre-Cantons : avec des mesures appropriées, par exemple une obligation de nettoyage des bateaux et des campagnes d'information ciblées, on pourrait encore y empêcher la propagation dans de nouveaux plans d'eau."
Alors que la moule quagga n'a été détectée en Suisse qu'en 2014, elle se propage dans les lacs d'Amérique du Nord depuis la fin des années 1980. Dans leur dernière publication, les chercheurs dirigés par le premier auteur Benjamin Kraemer de l'Université de Constance ont donc comparé les données du début de la propagation de quatre des cinq Grands Lacs d'Amérique du Nord (Huron, Ontario, Michigan et Erie) avec celles de trois lacs suisses. En fait, les modèles de propagation concordent largement. "Nous partons donc du principe que la propagation de la moule quagga en Europe sera au moins aussi rapide", explique Kraemer. Comme en Amérique du Nord, cette progression sera probablement caractérisée par une évolution vers des individus plus grands - et donc une biomasse plus élevée par surface - et un déplacement vers des profondeurs plus importantes. Kraemer affirme que "la moule quagga augmente la profondeur de visibilité de l'eau et que les nutriments et le carbone sont stockés grâce à la structure de sa coquille". Il y a encore beaucoup d'inconnues et "l'impact final de la moule quagga dépendra de la façon dont elle interagit avec le changement climatique et d'autres changements environnementaux futurs."
Les conséquences possibles pour les eaux concernées pourraient être :
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Spaak souligne que la comparaison devrait être répétée tous les cinq ans environ afin de saisir la dynamique en continu. Pour les autres lacs suisses également, l'Eawag poursuivra le monitoring de la moule quagga en collaboration avec la Confédération et les cantons dans les années à venir. De nouvelles méthodes, par exemple via l'ADN environnemental, soutiennent les chercheurs dans cette démarche. Cela devrait permettre de détecter le plus tôt possible les nouvelles colonisations dans les lacs non concernés jusqu'à présent et d'étudier encore mieux les modèles de répartition et la dynamique des populations.
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Un regard en arrière - pourquoi la moule quagga connaît un tel succès
La moule quagga (Dreissena rostriformis) se propage dans les eaux suisses depuis près de dix ans. Originaire de la région de la mer Noire, elle est désormais répandue dans une grande partie de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
Depuis sa première détection en Suisse en 2014 dans le Rhin à Bâle, la moule quagga se propage rapidement en Suisse, comme Piet Spaak a pu le démontrer en 2022 avec une équipe de l'Eawag, de l'Université de Constance et de différents cantons et pays. Jusqu'à présent, elle a été trouvée dans le lac Léman, le lac de Constance, le lac de Neuchâtel, le lac de Bienne, le lac Hongrin et le lac de Morat.
A la différence de ce qui se passe le long des zones d'eau peu profonde dans la patrie d'origine de la moule, elle n'est consommée qu'en nombre relativement faible par les oiseaux aquatiques et les poissons dans les lacs profonds de l'arc alpin. Ceci, associé à ses excellentes capacités à se répandre, à se reproduire et à occuper une large niche écologique, fait d'elle une espèce invasive à succès, surtout dans les lacs profonds de Suisse, d'Allemagne, d'Autriche, de France et d'Italie.
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Publication originale
Kraemer, B. M., et al. (2023) An abundant future for quagga mussels in deep European lakes, Environmental Research Letters, https://doi.org/10.1088/1748-9326/ad059f
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Institut de recherche sur l'eau Eawag
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