L’embouchure du Mujon, à savoir le Mujon et le Bois des Vernes sur sa rive gauche, est un secteur à très haute valeur biologique et paysagère, attesté dans plusieurs inventaires cantonaux et fédéraux. Ce secteur a toutefois subi plusieurs atteintes successives au XXème siècle. Le Mujon a été canalisé et ses rives ont été remblayées. Le Bois des Vernes a également fait l’objet de remblayages, localement avec des matériaux pollués, et de plantations forestières avec des essences étrangères à la station (cultivars de peuplier).
Ces atteintes ont notamment dégradé l’écomorphologie du Mujon et sa connectivité latérale. Les remblais au sein du Bois des Vernes ont également favorisé le développement d’alliances forestières non alluviales (forêts à bois dur) tandis que la populiculture a favorisé des essences non stationnelles.
Au vu de ces déficits, la Commune d’Yverdon-les-Bains, en collaboration avec la Direction générale de l’environnement – Division Eaux et forces hydrauliques du Canton de Vaud (DGE-EAU), a mis en œuvre un projet de revitalisation ambitieux destiné à réaliser pleinement le potentiel biologique et paysager de l’embouchure du Mujon. Le projet a été établi en collaboration étroite avec le bureau exécutif de l’Association de la Grande Cariçaie, gestionnaire de la réserve naturelle englobant le Bois des Vernes.
Des mesures d’accueil et de gestion du public ont été intégrées au projet en collaboration avec le bureau d’agglomération AggloY afin de renforcer l’offre en itinéraires de mobilité douce et de limiter les dérangements pour la faune. Un processus d’information et de collaboration avec les associations de quartier a également été mis en œuvre. Les mesures de revitalisation mises en œuvre peuvent être différenciées selon deux secteurs principaux, à savoir le Mujon et le Bois des Vernes sur sa rive gauche.
Les premiers travaux réalisés sur le Mujon ont consisté à supprimer les renforcements de berges existants (dalles en béton). Ces travaux ont ensuite permis d’entreprendre les travaux de mise en forme du chenal et des berges. Le chenal a ainsi fait l’objet d’une diversification de sa largeur ainsi que de sa profondeur pour créer des conditions d’écoulement différenciées. Dès la fin des travaux, une grande diversité d’hélophytes et d’hydrophytes s’est rapidement établie dans le chenal, en conformité avec les objectifs du projet qui visaient à créer des conditions favorables à deux espèces végétales menacées présentes à l’embouchure du Mujon, la grande glycérie et le cresson amphibie.
Des annexes fluviales, en eau de manière permanente ou temporaire, ont été terrassées en rive gauche. Elles sont notamment utilisées comme zones de grossissements par les cyprinidés et comme lieux de ponte et de développement larvaire par les odonates. Ces annexes fluviales ont été terrassées en évitant les secteurs ayant été remblayés avec des matériaux pollués. Par ailleurs, dans le cadre du développement du projet, des études spécifiques ont été entreprises afin de confirmer que la revitalisation du Mujon n’engendrait pas une dispersion de polluants depuis les remblais existants.
Les berges ont fait l’objet d’une modulation importante de leur pente et de leur sinuosité pour favoriser le développement de successions végétales structurées. Des tas de bois morts et de souches issus des abatages en rive gauche ont ainsi été installés sur les berges afin de structurer celles-ci rapidement et d’offrir des habitats à la petite faune. Ces éléments ont également permis de dissuader les promeneurs de pénétrer dans le Bois des Vernes. Afin d’accélérer le développement d’une végétation en station, des plants de saules et d’aulnes situés dans l’emprise des travaux ont également été transplantés en pied de berge. Les surfaces semées se sont limitées à la berge droite. Sur le reste du tronçon renaturé, une expression du stock grainier a été privilégiée avec un suivi intensif du développement de néophytes envahissantes.
Les travaux de revitalisation dans le Bois des Vernes ont débuté avec des travaux forestiers sur une surface d’un hectare. Sur le flanc Est du massif, ces travaux visaient à supprimer des peuplements forestiers non stationnels composés de cultivars de peupliers et à permettre un recru forestier d’essences en station. Au cœur du massif, les abatages ont ciblé les surfaces de forêt à bois dur qui s’étaient développés sur des remblais ainsi que les secteurs destinés à être aménagés en tant que plans d’eau. Les travaux forestiers ont été entrepris à la période hivernale afin de limiter les impacts sur la faune et en préservant les surfaces adjacentes aux travaux.
A l’issue des travaux forestiers, les remblais qui avaient été réalisés au siècle passé dans le Bois des Vernes ont été évacués a minima jusqu’au niveau du terrain naturel préexistant au remblais. Quelques buttes de sable ont été maintenues pour favoriser la nidification du martin-pêcheur. Un chapelet de plans d’eau de différentes dimensions et profondeurs a ensuite été créé en privilégiant les secteurs les mieux exposés. Ces aménagements ont permis de créer une mosaïque de milieux alluviaux évoluant de manière dynamique au fil des années. Ils offrent également des habitats de grande valeur à de nombreuses espèces menacées et/ou prioritaires.
A l’emplacement des anciens remblais, des surfaces de roselière et de cariçaies se sont ainsi rapidement implantées. Elles sont actuellement colonisées par des essences ligneuses alluviales pionnières comme le saule. A terme, ces successions alluviales évolueront vers un climax forestier s’apparentant à la saulaie blanche et à l’aulnaie noire. Ces deux alliances sont particulièrement menacées en Suisse et hébergent une faune très spécialisée.
Les nouveaux plans d’eau ont permis de renforcer fortement l’attractivité pour les batraciens du Bois des Vernes, objet classé à l’inventaire fédéral des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale. Le crapaud commun ainsi que le triton palmé, deux espèces présentes dans le secteur, profitent notamment de ces aménagements.
Le projet de revitalisation de l’embouchure du Mujon a permis de rétablir des échanges intenses et résilients entre le Mujon et le massif forestier du Bois des Vernes. Une mosaïque de milieux terrestres, alluviaux et aquatiques a été créée. Celle-ci participe au maintien d’échanges biologiques à l’échelle de la rive ouest du Lac de Neuchâtel et constitue également un premier jalon pour le rétablissement des échanges biologiques entre les rives lacustres et l’arrière-pays.
D’un point de vue humain, le projet du Mujon a permis de mettre en réseau de nombreux acteurs territoriaux réunis autour d’un projet fédérateur. De multiples synergies ont ainsi été développées entre services communaux, cantonaux, bureaux d’étude, gestionnaires et associations de quartier afin de développer un projet intégré à tous points de vue. Cette collaboration se poursuit actuellement dans le cadre de l’entretien de l’embouchure revitalisée.
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