La pollution de cinq petits cours d'eau suisses par 217 produits phytosanitaires organiques de synthèse (PPh) a été étudiée de mars à octobre 2017 dans le cadre du programme d'observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA SPEZ) [1]. La campagne précédente, NAWA SPEZ 2015, avait montré que les mélanges de PPh, dosés par analyse chimique, présentaient un risque élevé pour les végétaux, les invertébrés et les vertébrés (comme les poissons) dans les ruisseaux fortement influencés par l'agriculture [2]. La présente étude visait à vérifier les résultats de 2015 tout en étendant les connaissances sur l'état des petits cours d'eau dans les zones d'agriculture intensive. Pour ce faire, la campagne 2017 a porté sur deux ruisseaux de l'étude précédente et sur trois nouveaux. L'un des objectifs était également de savoir si le risque global calculé pour les végétaux à partir des données d'analyse pouvait être confirmé par un biotest sur algues vertes. A titre de comparaison, l'influence des PPh sur les communautés d'invertébrés a par ailleurs été étudiée par bioindication sur tous les sites.
Les sites d'étude sont décrits de façon détaillée dans l'article de Spycher et al. [1]. Ils ont été sélectionnés dans toute la Suisse en veillant à ce que les bassins versants présentent très peu de zones urbaines et une part importante de surfaces dédiées à l'agriculture intensive. Ils devaient par ailleurs couvrir une grande diversité de cultures et représenter différentes régions de Suisse. Deux des cours d'eau avaient déjà été étudiés en 2015 (l'Eschelisbach dans le canton de Thurgovie et le Weierbach dans celui de Bâle-Campagne). Le Bainoz (canton de Fribourg), le Chrümmlisbach (canton de Berne) et le Hoobach (canton de Schaffhouse) ont été étudiés pour la première fois dans la campagne NAWA SPEZ 2017. Les ruisseaux sélectionnés étaient d'ordre 1 à 4 selon la classification de Strahler, et n'étaient influencés ni par des effluents d'épuration ni par des déversoirs d'orage.
Des échantillons d'eau ont été prélevés en continu de début mars à la mi-octobre 2017 dans les cinq ruisseaux à l'aide d'échantillonneurs automatiques maintenus à 4°C (Maxx, TP5C). Des échantillons unitaires de 35 ml ont été prélevés toutes les 45 minutes et rassemblés tous les trois jours et demi dans des flacons de verre pour former des échantillons composites. Des prélèvements ont ainsi pu être effectués quasiment sans interruption pendant 7,5 mois dans les cinq ruisseaux et la pollution par les PPh a également pu être mesurée à l'automne. À noter que, suite à de courtes pannes des échantillonneurs, quelques échantillons n'ont pas pu être prélevés, à savoir deux dans le Chrümmlisbach et dans le Weierbach et cinq dans le Bainoz. Les méthodes d'analyse des PPh sont décrites en détail dans l'article de Spycher et al. [1].
Les échantillons ont été collectés une fois par semaine par les services cantonaux puis directement expédiés au Centre Ecotox (Dübendorf) dans des bouteilles en alu incassables réfrigérées. Dès réception, ils ont été préparés par extraction sur phase solide (SPE) avec une colonne LiChrolut EN/RP-18 (Merk, Darmstadt, Germany). Le lavage et l'élution ont été effectués avec de l'acétone et du méthanol puis l'extrait a été conservé à -20°C jusqu'à réalisation des essais. Grâce au choix de la SPE, dans laquelle les substances hydrosolubles comme les sels minéraux ou les nutriments ne se trouvent pas concentrées, les effets mesurés dans le test sur algues vertes peuvent être directement attribués aux micropolluants organiques.
Le risque encouru par les organismes aquatiques du fait de la présence de produits phytosanitaires dans le milieu peut être déterminé à partir des concentrations mesurées dans l'environnement (measured environmental concentration, MEC) et de données écotoxicologiques. Pour ce faire, des critères de qualité environnementale (CQE) sont déterminés à partir des effets mesurés dans divers tests d'écotoxicité. Si la MEC est supérieure au CQE, des effets négatifs sur les animaux, les végétaux et les micro-organismes vivant dans l'eau ne peuvent être exclus. Le rapport entre la MEC et le CQE est appelé quotient de risque (QR).
Des CQE ont été déterminés par le Centre Ecotox pour 40 PPh conformément au guide technique de la directive cadre sur l'eau européenne [3]. Lorsque certains manquaient, les critères de qualité employés dans d'autres pays ont été utilisés s'ils avaient été déterminés selon la méthode de l'UE. En l'absence de telles valeurs de référence, des seuils ad hoc ont été déterminés à partir des données des dossiers de demande de mise sur le marché. Pour chaque substance, un critère de qualité aigu (CQA) et un critère de qualité chronique (CQC) ont été déterminés pour permettre d'apprécier, respectivement, le risque de mortalité et le risque d'effets négatifs sur la reproduction ou la croissance.
Comme dans l'étude de 2015, le risque dû au mélange de PPh a été apprécié séparément pour les végétaux, les invertébrés et les vertébrés aquatiques [4, 5]. Alors que les herbicides menacent principalement les végétaux et les insecticides les invertébrés, les fongicides constituent un risque pour les trois groupes d'organismes. Ainsi, le fongicide cyprodinil agit principalement sur les puces d'eau et l'azoxystrobine sur les micro-crustacés et les diatomées, tandis que les antifongiques azolés ont un effet aigu maximal sur les lentilles d'eau tout en agissant également sur les poissons en exposition chronique.
Les risques aigus (QRAmix) ont été déterminés directement dans les échantillons composites de 3,5 jours tandis que les risques chroniques (QRCmix) ont été évalués à partir des concentrations moyennes pondérées dans le temps calculées sur 14 jours [5, 6]. En considérant les profils d'exposition de NAWA SPEZ 2015, il a pu être démontré que ces deux durées convenaient respectivement à l'appréciation des effets aigus et des effets chroniques de concentrations très variables de produits phytosanitaires [7].
La figure 1 et 2 récapitule les QRAmix et les QRCmix déterminés au cours du temps pour les cinq sites. Les QRAmix et QRCmix observés ont été répartis en cinq classes conformément à la méthode d'appréciation de la qualité de l'eau [6]. Les classes «bonne qualité» (QR = 0,1 à 1) ou «très bonne qualité» (QR < 0,1) ont été attribuées aux périodes sans risque notable pour les vertébrés (V), les plantes (P) ou les invertébrés (I). Dans les périodes de qualité moyenne (QR = 1 à 2), médiocre (QR = 2 à 10) ou même mauvaise (QR >10), à l'inverse, des dommages et perturbations ne peuvent être exclus. Étant donné que chaque ruisseau présentait des périodes de qualité de l'eau médiocre pour au moins un des trois groupes d'organismes, il n'est permis d'exclure une perturbation des organismes aquatiques par les PPh dans aucun des cours d'eau étudiés.
Pour autant, les risques aigus dus au mélange n'étaient pas les mêmes sur tout les sites (Fig. 1). Les plus faibles ont ainsi été mesurés dans le Bainoz (FR) où seule une période fin mai se caractérisait par une qualité de l'eau médiocre pour les végétaux (QRAmix = 4,5). Une situation similaire a été observée dans le Weierbach (BL) où, toutefois, plusieurs périodes de qualité médiocre pour les végétaux ont été enregistrées (QRAmix de 2 à 5). Dans le Hoobach (SH), en revanche, la qualité de l'eau était ponctuellement médiocre pour les invertébrés (QRAmix de 2 à 5) et l'était également une fois pour les poissons (QRAmix = 2,7). Dans le Chrümmlisbach, une qualité de l'eau médiocre a été observée pour les trois groupes d'organismes et elle était même jugée mauvaise pour les végétaux fin avril (QRAmix de 11). C'est dans l'Eschelisbach que les risques les plus élevés ont été constatés pour les organismes aquatiques. Alors que jusqu'à fin juin, seuls les invertébrés étaient touchés (avec des QRAmix pouvant aller jusqu'à 16), la qualité de l'eau était souvent médiocre pour tous les trois groupes d'organismes de juillet à septembre. Fin juin et début juillet, deux périodes ont même été identifiées durant lesquelles la qualité de l'eau devait être qualifiée de mauvaise pour les invertébrés. Alors que les risques aigus mesurés en 2017 étaient comparables à ceux de 2015 dans l'Eschelisbach, ils étaient beaucoup plus faibles qu'en 2015 dans le Weierbach [1].
Les risques chroniques (Fig. 2) étaient, eux aussi, plus faibles en 2017 qu'en 2015 dans le Weierbach. Toutefois, le QRCmix maximal (51) y était encore un peu plus élevé qu'en 2015 [1]. Comme le risque aigu, le risque chronique observé dans le Weierbach concernait principalement les végétaux. Toutefois, la qualité de l'eau y était également jugée mauvaise pour les invertébrés de fin avril à mi-juin (QRCmix jusqu'à 8,8) et de fin août à début septembre (QRCmix jusqu'à 5,8). Dans l'Eschelisbach, un risque très élevé a été observé pour les invertébrés en 2017 comme en 2015. La période d'étude 2017 a cependant présenté davantage de phases de mauvaise qualité de l'eau (12 semaines contre 8 en 2015) et le QRCmix le plus élevé était de 36. Au printemps, en particulier, (avril et mai), le risque pour les invertébrés était plus important en 2017 qu'en 2015. La même situation a été observée pour les végétaux: alors qu'en 2015 la qualité de l'eau était bonne à très bonne pour ce groupe jusqu'à la mi-mai, elle était déjà moyenne à mauvaise dès avril 2017 et cet état s’est maintenu jusqu'à fin octobre (QRCmix jusqu'à 11). Dans le Chrümmlisbach, la qualité de l'eau devait être qualifiée au moins une fois de mauvaise pour tous les groupes d'organismes et une valeur du QRCmix de 43 (maximum sur le site) a été mesurée pour les végétaux et les vertébrés de fin avril à la mi-mai. Dans le Bainoz et le Hoobach, une mauvaise qualité de l'eau a également été observée par moments (QRCmix de 16 et 17, respectivement). Tandis que le risque était maximal pour les végétaux dans le Bainoz, il l'était pour les vertébrés dans le Hoobach.
En conclusion, on peut dire que, dans la totalité des cinq cours d'eau, le risque chronique dû au mélange de PPh était si élevé pour au moins l'un des trois groupes d'organismes que la qualité de l'eau en était médiocre à mauvaise la plupart du temps.
Dans l'ensemble, les résultats de la présente étude confirment l'existence déjà observée en 2015 d'un risque élevé dû au mélange de PPh dans les petits cours d'eau aux bassins dédiés à l'agriculture intensive. De nouveau, le risque chronique élevé et persistant constaté indique que des effets négatifs sur les organismes aquatiques sont probables.
Les extraits obtenus avec les échantillons composites de 3,5 jours ont été étudiés avec le test combiné sur l'algue verte Raphidocelis subcapitata [8, 9, 10]. Les paramètres écotoxicologiques mesurés étaient l'inhibition de la photosynthèse (au bout de 2 h) et la croissance (au bout de 24 h). Par comparaison avec une courbe de référence, les résultats du test peuvent être exprimés sous la forme d'une concentration d'équivalent diuron (DEQ ng/l) qui indique la toxicité de l'échantillon par rapport à celle du diuron, choisi comme herbicide de référence. Contrairement à ce qui s'était fait dans l'étude NAWA SPEZ 2015, des concentrations de DEQ ont pu être utilisées, non seulement pour la photosynthèse, mais également pour la croissance. Pour l'étude 2017, il a donc été possible d'appréhender la toxicité pour les algues de la totalité des substances organiques présentes au lieu de se limiter aux composés qui, comme le diuron, affectent la photosynthèse en inhibant le Photosystème II (PS II).
Le test algal a indiqué un risque élevé et persistant dû à des substances toxiques pour les algues dans le Bainoz, le Chrümmlisbach et le Weierbach (Tab. 1, Fig. 3). Considérant la croissance, les concentrations de DEQ mesurées dans les échantillons composites de 3,5 jours ont dépassé le critère de qualité aigu du diuron pendant 49%, 57% et 55% de la période d'étude dans le Bainoz, le Chrümmlisbach et le Weierbach, respectivement.
Les concentrations de DEQ mesurées pour la croissance étaient plus élevées que celles mesurées classiquement pour l'inhibition de la photosynthèse (PS II) (Fig. 3). Dans l'Eschelisbach et le Weierbach, les concentrations moyennes de DEQ déterminées pour les inhibiteurs du PS II étaient comparables à celles de 2015 [2]. Elles différaient de moins d'un facteur 1,5. Dans le Weierbach, en revanche, la concentration maximale de DEQ était trois fois plus élevée en 2017 qu'en 2015.
Pour caractériser le risque chronique dû au mélange de substances toxiques pour les algues, la concentration moyenne de DEQ pondérée dans le temps a été calculée sur 14 jours pour les deux paramètres écotoxicologiques et comparée au critère de qualité chronique du diuron (CQC = 70 ng/l; [3]) (Tab. 1b). En ce qui concerne la croissance, cette concentration moyenne était supérieure au CQC pendant 100% du temps dans le Bainoz, le Chrümmlisbach et le Weierbach et l'était respectivement pendant 90% et 69% du temps dans l'Eschelisbach et le Hoobach.
Des quotients de risque basés sur les effets ont été calculés à partir des concentrations de DEQ mesurées pour la croissance dans le test algal (DEQtest algal/critère de qualité aigu déterminé pour le diuron ) puis comparés aux risques pour les végétaux dus aux mélanges évalués à partir des analyses chimiques. Par cette approche, les résultats du monitoring basé sur les effets ont pu être directement comparés à ceux du monitoring chimique (Fig. 4).
Dans la plupart des cas, le risque déterminé avec le test algal coïncide avec celui calculé pour le mélange de PPh à partir des analyses chimiques. Ces deux évaluations peuvent toutefois diverger lorsque la toxicité du mélange est majoritairement due à des PPh agissant beaucoup moins fortement sur les algues vertes que sur d'autres végétaux. C'est par exemple ce que l'on observe au Weierbach (BL) à la mi-juin (Fig. 4) où les analyses révèlent de fortes concentrations de nicosulfuron, un composé sulfonylurée auquel les algues vertes sont plus de mille fois moins sensibles que les lentilles d'eau qui ont servi à établir les CQE. Dans un tel cas de figure, le test combiné sur algues vertes sous-estime le risque de toxicité pour les végétaux. Le même problème se pose avec le 2,4-D et l'azoxystrobine: le 2,4-D, un herbicide de la famille des auxines, est plus de mille fois plus toxique pour les dicotylédones aquatiques que pour les algues vertes et l'azoxystrobine l'est sept fois plus pour les microcrustacés que pour ces algues.
Dans certaines situations, c'est au contraire le risque dû au mélange de PPh calculé à partir des analyses qui sous-estime les effets potentiels. Ainsi, certains échantillons du Bainoz présentaient début août 2017 un QRA jusqu'à dix fois plus élevé avec le test algal qu'avec les analyses chimiques. De telles divergences peuvent notamment s'expliquer par des différences méthodologiques au niveau de l'extraction sur phase solide employée pour les deux approches [11]. Dans l'ensemble, le test combiné sur algues vertes livre un QR légèrement plus élevé que les analyses chimiques. Cette différence peut être due à la présence dans le milieu de composés toxiques pour les algues qui ne sont pas appréhendés par les analyses. Ainsi, le test algal réagit également aux métabolites toxiques ou aux PPh présents à des concentrations inférieures au seuil de détection. Par ailleurs, il n'est pas non plus exclu que certaines interactions entre PPh renforcent leur action toxique.
La comparaison des deux approches d'évaluation du risque pour les végétaux aquatiques a montré qu'il était judicieux de compléter le monitoring chimique de bioessais intégratifs. Leur relative concordance indique par ailleurs une bonne robustesse des CQE employés et de la méthode d'appréciation du risque dû au mélange de PPh.
Au printemps et en été 2017, les communautés d'invertébrés ont été caractérisées par la société AquaPlus sur tous les sites de prélèvement de NAWA SPEZ ou dans des tronçons de cours d'eau avoisinants (Tab. 3) [12]. À titre de comparaison, des relevés ont également été effectués dans des tronçons de référence présentant une morphologie, un régime hydrologique et une qualité de l'eau proches de l'état naturel. Les bassins versants des sites de référence ne présentaient aucune source ponctuelle de polluants et une très faible emprise des habitations, des routes et des activités agricoles.
Les communautés d'invertébrés ont été étudiées en mars, conformément aux prescriptions du système modulaire gradué de l'OFEV, puis de nouveau en juillet afin de les caractériser pendant la période d'application des produits phytosanitaires. L'indice SPEAR (SPEcies At Risk) pour les pesticides, qui a été optimisé pour les petits cours d'eau subissant des vagues de pollutions par les PPh, a ensuite été calculé à partir des données collectées selon [13]. L'indice révèle la part d'espèces sensibles aux PPh dans la communauté d'invertébrés du ruisseau. Les invertébrés réagissent de façon particulièrement sensible à la présence d'insecticides et de fongicides dans le milieu, si bien que les informations livrées par l'indice sur la qualité de l'eau se réfèrent surtout à ces deux groupes de PPh. Plus sa valeur est faible, plus la part d'invertébrés tolérants aux PPh est élevée et, donc, plus l'impact des polluants est fort. Pour l'interprétation des résultats, il convient cependant de garder à l'esprit que la composition de la communauté d'invertébrés et donc l'indice SPEARpesticides peuvent également être influencés par des facteurs hydrologiques et morphologiques (artificialisation du fond, étiages sévères, etc.).
En mars comme en juillet, l'indice SPEAR révèle que la qualité de l'eau est beaucoup moins bonne sur les sites de NAWA SPEZ que sur les sites de référence (Fig. 5). Dans les cours d'eau dont la morphologie et l'écoulement ininterrompu permettaient sans restriction de calculer l'indice (le Bainoz, le Chrümmlisbach et l'Eschelisbach), celui-ci indiquait une nette influence des PPh sur la communauté d'invertébrés. Dans les deux autres cours d'eau de l'étude NAWA SPEZ 2017 (le Weierbach et le Hoobach), l'indice SPEAR révèle également une qualité médiocre à mauvaise du milieu. Dans leur cas, cependant, des perturbations de l'habitat peuvent également y avoir une part de responsabilité. Il n'est ainsi pas exclu que l'écomorphologie fortement altérée du Hoobach (SH) ait affecté la communauté d'invertébrés et donc influé sur l'indice SPEAR. De son côté, le Weierbach s'est asséché à plusieurs endroits au mois de juillet. Il est fort probable que la communauté d'invertébrés en ait été affectée et, par là même, l'indice SPEAR.
Il serait intéressant de comparer directement le risque dû au mélange de PPh calculé pour les invertébrés à partir des analyses (Fig. 2) et l'indice SPEAR déterminé dans les ruisseaux. Malheureusement, le nombre limité de sites étudiés et le caractère ponctuel des relevés faunistiques (en été) ne le permettent pas. Bien que de fortes différences aient été observées au niveau du risque pour les invertébrés entre les différents sites, cette disparité ne se reflète pas dans les valeurs respectives de l'indice SPEAR. L'influence de l'état écomorphologique du milieu pourrait avoir joué un rôle. Ainsi, l'indice SPEAR peut être plus faible que sous la seule influence de la pollution si la morphologie est affectée et, à l'inverse, un bon état morphologique peut favoriser les invertébrés et conduire à un indice SPEAR plus élevé [12].
Bien qu'il n'ait pas été possible de comparer directement les deux approches, elles aboutissent toutes deux à la même conclusion générale : sur tous les sites d'étude de NAWA SPEZ, l'évaluation du risque dû au mélange indique un danger pour les invertébrés et l'indice SPEAR une perturbation de la communauté d'invertébrés par les pesticides. Les deux approches montrent donc de façon complémentaire que les petits cours d'eau considérés sont affectés par la présence des PPh.
Une légère baisse de l'indice SPEAR a été observée entre mars et juillet aussi bien sur les sites de NAWA SPEZ que sur les sites de référence (Fig. 5). Ce phénomène s'explique par l'émergence des larves d'insectes en début d'été [12]. Le fait que l'indice relevé dans les ruisseaux de NAWA SPEZ soit déjà plus faible que dans les cours d'eau de référence au printemps suggère que leurs communautés d'invertébrés n'ont pas eu la possibilité de se régénérer pendant l'hiver et qu'elles étaient donc déjà appauvries au début de la période d'application des PPh.
L'indice SPEAR a été déterminé aussi bien en 2017 qu'en 2015 dans le Weierbach et l'Eschelisbach (Fig. 6). Sur ces deux sites, l'indice atteste d'une qualité médiocre voire mauvaise de l'eau indépendamment de l'année d'observation.
Les résultats de la campagne NAWA SPEZ 2017 montrent de nouveau l'existence d'un risque élevé pour les végétaux et les invertébrés dans les petits cours d'eau des zones d'agriculture intensive suite à la présence de produits phytosanitaires dans le milieu.
L'évaluation du risque dû au mélange de PPh à partir des données d'analyse indique l'existence d'un risque aigu mais aussi d'un risque chronique important pour les organismes aquatiques. L'évolution de ces risques dans le temps et leur niveau élevé dans les ruisseaux étudiés en 2017 ont confirmé les principales conclusions de l'étude NAWA SPEZ 2015. Le risque élevé et persistant pour les végétaux et les invertébrés suggère fortement un manque de régénération des organismes dans les bassins fortement sollicités par l'agriculture.
L'étude 2017 a montré que, pour évaluer le risque dû aux PPh toxiques pour les algues, il était pertinent de compléter l'approche basée sur les analyses chimiques d'une approche biologique basée sur le test combiné sur algues vertes. Cet essai biologique mesure en effet directement le risque global pour les végétaux dû au mélange de substances présentes dans un échantillon. Il intègre les effets de tous les composés organiques affectant la photosynthèse et la croissance des algues vertes de même que leurs interactions potentielles. Cette approche biologique indique un risque légèrement plus élevé que l'approche physico-chimique dans la plupart des cas et beaucoup plus élevé dans certaines situations particulières. Dans le cas où le risque dû au mélange de PPh émane principalement de substances ayant un mode d'action spécifique, il se peut qu'il soit sous-estimé par le test combiné sur algues vertes. Un tel cas de figure se présente lorsque d'autres végétaux sont beaucoup plus sensibles aux substances dominantes que les algues vertes et que le CQE est donc très bas. La bonne concordance généralement observée entre les deux approches d'évaluation du risque indique cependant une bonne robustesse aussi bien des CQE que de la méthode de détermination du risque dû au mélange de PPh.
L'indice SPEAR, qui permet de quantifier les perturbations de la communauté d'invertébrés d'un cours d'eau par les PPh, s'est également avéré être un bon indicateur dans cette étude. Cet indice, qui réagit principalement à l'action des insecticides et fongicides, a montré que les communautés d'invertébrés étaient affectées par la présence de PPh dans tous les ruisseaux de l'étude NAWA SPEZ 2017.
Le test combiné sur algues vertes enregistre les effets des substances organiques contenues dans l'extrait d'un échantillon d'eau, obtenu par extraction sur phase solide, sur la photosynthèse et la croissance de l'algue verte unicellulaire Raphidocelis subcapitata. Différentes dilutions de l'extrait (correspondant à des facteurs de pré-concentration de 2 à 264) sont testées afin d'établir une courbe dose-réponse. Grâce à une courbe de référence établie pour l'herbicide diuron, l'effet de l'échantillon peut être exprimé en équivalents diuron (DEQ, en ng/l), l'action inhibitrice de l'échantillon correspondant à l'effet de x ng/l de diuron. Le facteur de pré-concentration est alors pris en compte. Les paramètres mesurés sont l'inhibition de la photosynthèse (au bout de 2 h) et la croissance (au bout de 24 h).
Pour calculer le risque émanant de l'échantillon, les concentrations de DEQ sont comparées aux critères de qualité environnementale (CQE) du diuron. Ce risque indique la probabilité que l'échantillon soit toxique pour tous les organismes ou pour certains groupes d'organismes. Dans un échantillon d'eau non prétraité (natif), des effets toxiques des produits phytosanitaires organiques sont susceptibles de se produire à partir d'une concentration de DEQ d'environ 1000 ng/l.
Dans la campagne de NAWA SPEZ 2017, des échantillons composites ont été prélevés en continu tous les 3,5 jours. Pour calculer le risque aigu, les concentrations de DEQ déterminées pour ces échantillons de 3,5 jours dans le test combiné sur algues vertes ont été comparées avec le critère de qualité aigu du diuron (250 ng/l). Pour calculer le risque chronique, les concentrations de DEQ de quatre échantillons consécutifs de 3,5 jours ont été moyennées (durée totale: 14 jours) et comparées avec le critère de qualité chronique du diuron (70 ng/l) [7].
[1] Spycher, S. et al. (2019): Pollution élevée des ruisseaux par les produits phytosanitaires - NAWA SPEZ 2017 confirme la pollution répandue des petits cours d'eau des zones d'agriculture intensive.
[5] Spycher, S., S. Mangold, T. Doppler, M. Junghans, I. Wittmer, C. Stamm et H. Singer (2018): Pesticide Risks in Small Streams - How to Get as Close as Possible to the Stress Imposed on Aquatic Organisms. Environmental Science and Technology 52: 4526-4535
[8] Escher, B.I., N. Bramaz, J.F. Mueller, P. Quayle, S. Rutishauser et E.L. Vermeirssen (2008): Toxic equivalent concentrations (TEQs) for baseline toxicity and specific modes of action as a tool to improve interpretation of ecotoxicity testing of environmental samples. Journal of Environmental Monitoring 10: 612-621
[11] Simon, E., A. Schifferli, T. Bucher, D. Olbrich, I. Werner et E.L.M. Vermeirssen (2019): Solid-phase extraction of estrogens and herbicides from environmental waters for bioassay analysis – effects of sample volume on recoveries. Analytical and Bioanalytical Chemistry
[12] Hürlimann, J., C. Baumgartner, I. Heggelin Blumenthal et M. Enser (2018): NAWA SPEZ Pestizide 2017 – Biologische Untersuchungen an den SPEZ-Stellen und Referenzstellen (Untersuchungsbericht Aquaplus)
[13] Liess, M. et P.C. Von Der Ohe. (2005): Analyzing effects of pesticides on invertebrate communities in streams. Environ Toxicol Chem. 24: 954-65. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15839571.
Les auteurs remercient vivement toutes les personnes qui ont participé à l'étude au sein des laboratoires et services cantonaux de la protection des eaux et en particulier Claudia Minkowski, Matthias Ruff (Berne), Thomas Amiet, Xenia Ehrensperger, Marin Huser, Nadine Konz (Bâle-Campagne), Dominique Folly, Jacques Grandjean (Fribourg), Christoph Moschet, Raffael Fehlman, Mareike Böhler (Schaffhouse), Heinz Ehmann et Margie D. Koster (Thurgovie). Un grand merci également à Yves Bourdilloud (STEP ERES) pour les prélèvements dans le Bainoz. Nous souhaitons d'autre part remercier la section Qualité de l'eau de l'OFEV pour le financement partiel de l'étude et les commentaires constructifs.
Un grand merci également à nos collègues du Centre Ecotox Andrea Schifferli, Sina Hasler et Thomas Bucher pour la mesure des paramètres du biotest au laboratoire ainsi qu'à Anke Schneeweiss et Muris Korkaric pour leur aide précieuse lors de l'interprétation. Nous souhaitons par ailleurs remercier Heinz Singer, Christian Stamm, Rebekka Teichler (Eawag Uchem) et Silwan Daouk, Tobias Doppler, Irene Wittmer (VSA) pour la bonne collaboration au sein du projet et pour leurs commentaires avisés de même que Simon Spycher pour la réalisation des graphiques et Laurence Frauenlob (Waldkirch/D) pour la traduction en français.
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