Lorsque le fer métallique se corrode, c’est-à -dire rouille, se forment alors des oxydes de fer qui peuvent lier fortement les polluants tels que l’arsenic. Des filtres à eau simples et peu coûteux basés sur ce principe ont été élaborés pour permettre aux populations des régions d’Afrique et d’Asie concernées de traiter elles-mêmes l’eau potable polluée à l’arsenic. On utilise pour cela de la poudre de fer, des copeaux de fer et des clous en fer, souvent associés à du sable. De nombreuses recherches sur l’efficacité de cette méthode de filtrage ont été entreprises ces dernières années, à l’Eawag notamment – par exemple au Bangladesh. «Les recherches consacrées jusqu’à présent à ce thème présentent néanmoins un désavantage», déclare Andreas Voegelin, responsable du groupe géochimie environnementale moléculaire du département Ressources en eau et eau potable (W+T) de l’Eawag. «Les réactions entre le fer et l’arsenic sont étudiées le plus souvent dans des suspensions où le matériel de filtrage flotte dans l’eau. Mais les résultats ne montrent pas les processus qui se déroulent dans l’espace poreux, c’est-à -dire dans les espaces creux entre les particules solides d'un filtre.» Les chercheurs du département W+T se sont particulièrement intéressés à la manière dont l’élimination de l’arsenic est influencée par le fonctionnement périodique d’un filtre à eau, c’est-à -dire lorsque le débit d’eau alterne avec une accumulation d’eau.
C’est cette question que veulent approfondir les groupes de travail d’Andreas Voegelin, Joaquin Jimenez-Martinez, Stephan Hug et Michael Berg dans une expérimentation commune qui associe toutes leurs expertises respectives. L'ingénieur de l’environnement Jonas Wielinski, qui a passé son doctorat à l’Eawag, a relevé le défi et mis au point un dispositif expérimental qui reproduit et visualise le mieux possible les conditions dans un filtre à arsenic. «Notre objectif était d’observer et de comprendre les processus géochimiques dans l’espace poreux entre les particules de fer et les grains de sable à l’échelle du micromètre», explique J. Wielinski, qui mène désormais ses recherches à la Carnegie Mellon University aux USA en tant que post-doctorant.
Dans le laboratoire de microfluidique de J. Jimenez-Martinez, J. Wielinski a examiné sous un microscope optique un filtre à arsenic miniature: un canal de 250 micromètres de profondeur et de 45 millimètres de long, rempli alternativement de bandes de grains de sable de quartz et de bandes de grains de fer. Les chercheurs ont ajouté à l’eau utilisée pour le modèle de filtre de l’arsenic et d’autres éléments dans des concentrations typiques pour les eaux souterraines du Bangladesh. La pompe reliée au filtre a fait circuler l’eau dans le système pendant douze heures, suivi de douze heures de pause durant lesquelles l’eau reposait dans le filtre. Durant cette expérience de plusieurs semaines, J. Wielinski a testé régulièrement l’eau filtrée afin de déterminer l’élimination de l’arsenic. Il a pris automatiquement une photo du modèle de filtre toutes les 30 minutes avec le microscope optique. Ces images, diffusées en accéléré, montrent en détail comme le fer métallique se corrode et comment les oxydes de fer nouvellement formés changent de couleur de manière cyclique – du noir-vert au rouge-orange et au brun, lorsque l’eau s’écoule, et vice-versa, lorsqu’il n’y a pas d’écoulement d’eau. Ces changements de couleur sont une conséquence des processus de corrosion au cours desquels divers oxydes de fer sont produits et transformés de manière cyclique.
À la fin de l’expérience, le modèle de filtre a été analysé par microscopie à rayons X afin de déterminer le type et la répartition des oxydes de fer et l’arsenic qui y est lié. En combinant ces résultats aux changements de couleur observés avec le microscope optique, les chercheurs ont réussi à comprendre en détail la formation dynamique et la transformation des oxydes de fer dans le filtre ainsi que leur effet sur l’élimination de l’arsenic. «Avec cette nouvelle configuration expérimentale, nous avons pu montrer visuellement comment la répartition des grains de fer et de sable de quartz et le débit d’eau à travers le filtre influencent le déroulement spatial et temporel de l’élimination de l’arsenic», déclare J. Wielinski. En l’occurrence, l’alternance entre débit d’eau et accumulation d’eau a un effet positif sur la performance du filtre. «Un résultat utile pour l'optimisation ultérieure de tels filtres», constate-t-il et il ajoute: «La configuration développée dans cette étude recèle en outre un fort potentiel pour les recherches sur d’autres processus biogéochimiques en milieux poreux comme par exemple dans les nappes aquifères ou les sols.»
Publication originale
Wielinski, J.; Jimenez-Martinez, J.; Göttlicher, J.; Steininger, R.; Mangold, S.; Hug, S. J.; Berg, M.; Voegelin, A. (2022) Spatiotemporal mineral phase evolution and arsenic retention in microfluidic models of zerovalent iron-based water treatment, Environmental Science and Technology, 56(19), 13696-13708, doi:10.1021/acs.est.2c02189, Institutional Repository
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