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15. août 2022

Biofilm

Approches biologiques pour lutter contre les légionelles

Dans toute la Suisse, les infections causées par les bactéries de la souche Legionella sont en nette augmentation. Les chercheuses et chercheurs de l’Eawag ont à présent établi une sorte de liste des possibilités pour endiguer la croissance de ces organismes microbiens des systèmes d’eau potable à l’aide d’autres organismes vivants.

Les lĂ©gionelles sont des bactĂ©ries vivant dans l’eau et prĂ©sentes dans de très nombreuses canalisations, pommeaux de douche, installations de ventilation, chauffe-eau et tours de refroidissement. Elles peuvent infecter les ĂŞtres humains et provoquer une lĂ©gionellose si – par exemple en prenant une douche â€“ elles pĂ©nètrent dans les voies respiratoires avec de fines gouttelettes. Mais nul besoin d’être alarmistes, car les lĂ©gionelloses sont bĂ©nignes dans la plupart des cas. La fièvre de Pontiac ressemble Ă  une grippe. Cependant, les bactĂ©ries peuvent aussi provoquer un type d’infection pulmonaire potentiellement mortelle – appelĂ©e maladie du lĂ©gionnaire â€“ chez les personnes immunodĂ©primĂ©es. La lĂ©gionellose reste une maladie rare, mĂŞme si le nombre de cas d’infections en Suisse a doublĂ© ces dix dernières annĂ©es avec 600 cas par an. «Cette augmentation est prĂ©occupante», dĂ©clare Alessio Cavallaro, doctorant dans le groupe Microbiologie de l’eau potable dirigĂ© par Frederik Hammes.

Ajout de micro-organismes inoffensifs

Alessio Cavallaro vient de publier avec ses collègues un article rĂ©capitulatif sur le contrĂ´le dit probiotique des lĂ©gionelles. «Notre dĂ©finition de “probiotique” est l’ajout ciblĂ© de micro-organismes inoffensifs afin de modifier la composition microbienne du système et d’endiguer la croissance des agents pathogènes», Ă©crivent les scientifiques dans leur article. Attendez, des microbes dans l’eau potable dont les autoritĂ©s contrĂ´lent rĂ©gulièrement «l’innocuitĂ© bactĂ©riologique»?

En riant, Alessio Cavallaro explique: «Nous, les microbiologistes, savons que les environnements stĂ©riles n’existent pas. Une communautĂ© d’organismes vit dans l’eau potable et elle est assez diversifiĂ©e.» Cette diversitĂ© vivante colonise les conduites et forme sur leurs parois ce qu’on appelle des biofilms. Ainsi, les interactions biologiques entre les plus petits organismes vivants sont presque aussi diversifiĂ©es que la composition des espèces dans le biofilm. Et c’est prĂ©cisĂ©ment lĂ , dans cet univers glissant, que les lĂ©gionelles sont chez elles. «Ce microbe n’est pas une pollution externe au système, mais fait partie du microbiome naturel des canalisation», ajoute Frederik Hammes.

Le cycle de vie des légionelles se divise en deux phases. En coopération avec d’autres bactéries, elles participent à la formation du biofilm où elles restent jusqu’à ce qu’elles soient absorbées par une amibe ou un autre unicellulaire. Grâce à une astuce (dont les détails moléculaires sont désormais connus), certaines légionelles ne servent pas de nourriture, mais s’installent dans un compartiment séparé de la cellule hôte où elles commencent la seconde phase de leur cycle de vie.

Ă€ l’intĂ©rieur de leur cellule hĂ´te, les lĂ©gionnelles ne sont pas uniquement protĂ©gĂ©es de la chaleur et des poisons chimiques. Elles trouvent aussi toutes les substances organiques dont elles ont besoin pour se reproduire. «À cet Ă©gard, les lĂ©gionelles sont assez sĂ©lectives. Elles dĂ©pendent de nombreux acides aminĂ©s qu’elles ne peuvent pas produire elles-mĂŞmes», explique Alessio Cavallaro. La phase de reproduction prend fin lorsque la cellule hĂ´te explose et que les nombreuses nouvelles lĂ©gionelles doivent trouver une niche dans le biofilm.

Utiliser les interactions dans l’univers microbiologique

Dans leur article, les chercheuses et chercheurs expliquent comment ce cycle de vie peut être interrompu: lorsque les unicellulaires sont déjà infectés par d’autres bactéries par exemple, il devient plus difficile pour les légionelles de se reproduire à l’intérieur d’une cellule, parce qu’elles doivent partager les précieuses ressources de la cellule hôte avec les autres intrus. D’autres approches sont également évoquées dans l’article récapitulatif. En France, une entreprise teste des amibes particulières qui, apparemment, ne se laissent pas berner par l’astuce des légionelles et les dévorent vraiment au lieu de les laisser se reproduire dans leur organisme. Toutefois: «Les preuves scientifiques indépendantes de l’efficacité de cette approche restent limitées», prévient Alessio Cavallaro.

Dans leurs travaux, Alessio Cavallaro et Frederik Hammes mettent tout d’abord l’accent sur un autre aspect de l’univers microbiologique: la capacitĂ© de nombreuses bactĂ©ries Ă  produire des composĂ©s toxiques – tels que des antibiotiques â€“ afin d’inhiber la croissance de leurs concurrentes joue un rĂ´le important dans le biofilm. Pour leurs recherches en laboratoire, les scientifiques vaccinent les plaques de culture colonisĂ©es par les lĂ©gionelles avec diverses bactĂ©ries. Aux endroits oĂą se forme avec le temps une zone transparente autour de la goutte, les autres microbes ont rĂ©ussi Ă  inhiber la croissance des lĂ©gionelles.

«Nous espĂ©rons pouvoir dĂ©duire des mesures de contrĂ´le des lĂ©gionelles Ă  partir de ces connaissances sur les interactions Ă©cologiques», dĂ©clare Frederik Hammes. NĂ©anmoins, ce ne sont actuellement que des projets. Ă€ ce jour, les stratĂ©gies probiotiques sont encore loin d’une utilisation concrète dans les systèmes d’eau potable. Les approches, qui s’avèrent prometteuses sur les plaques de culture de bactĂ©ries, doivent d’abord ĂŞtre progressivement Ă©prouvĂ©es dans des conteneurs plus grands, puis dans des systèmes d’eau potable pilotes.

MalgrĂ© tout, les chercheuses et chercheurs s’interrogent dĂ©jĂ  sur la perception de leurs travaux par la sociĂ©tĂ©. «Il faut une bonne communication qui explique Ă  l’opinion qu’il ne s’agit pas d’éliminer les bactĂ©ries des systèmes, car c’est impossible», prĂ©cise Frederik Hammes. «L’intention des approches probiotiques consiste davantage Ă  modifier de manière ciblĂ©e la nature des communautĂ©s bactĂ©riennes.»

 

 

en savoir plus: FEMS Microbiology Ecology

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