L’eau en bouteille, produit de luxe?

Animée par Julien Scheckter, l’émission «On en parle» du 11 janvier dernier consacrait une partie de son temps d’antenne à l’intérêt grandissant des consommateurs pour l’eau en bouteille, aussi bien en Suisse que dans le monde. L’auteur du présent article a été invité afin de réagir en direct en tant que spécialiste de la branche de l’eau potable.

Le journaliste Christophe Canut s’est rendu en décembre dernier Chez Colette, endroit très branché du premier arrondissement de Paris, à quelques encablures du Louvre et des Tuileries. Boutique proposant nombre d’objets contemporains et insolites, on y trouve également un bar à eau disposant d’une impressionnante carte de près de 80 eaux plates et gazeuses en bouteilles, provenant du monde entier. Le journaliste en est revenu avec, dans ses bagages, des extraits de reportage, ainsi qu’une bouteille contenant une eau d’une coloration noire opaque. Cette dernière est due à un procédé d’infusion avec de l’acide fulmique, qui provoquerait selon les dires du porte-parole de Chez Colette un enrichissement en sels minéraux et oligoéléments. Importée du Canada, cette eau noire est vendue dans le bar à eau 6 euros la bouteille de 33 cl.

Second invité, Michel Charbonnet, directeur d’Aproz Sources minérales SA, ne s’étonne pas de la prolifération de tels bars à eau, formes d’expression de la mondialisation selon la chercheuse Agathe Euzen. Il est convaincu qu’on peut déguster des eaux comme de grands crus viticoles. Certains médias parlent même d’«Eaunologie» afin de renforcer le parallèle.

Une interview de l’anthropologue Fabienne Wateau a été diffusée lors de l’émission. Auteure d’une enquête sur une marque d’eau pétillante bien connue qu’elle dénomme «l’eau des riches», elle est arrivée à la conclusion que boire de l’eau en bouteille est une forme de distinction sociale. Le prix devient secondaire pour un produit bénéficiant d’énormes moyens marketing, les producteurs y associant des noms de stars du moment telles qu’Ariana Grande, reprenant à leur compte le packaging des marques de soda.

En conclusion, les deux invités de l’émission se sont rejoints sur le fait qu’encourager les jeunes à boire de l’eau au lieu de sodas ou de boissons alcoolisées était une excellente chose. Ils sont également d’accord sur le fait qu’il appartient à chaque consommateur de choisir le type d’eau qu’il souhaite consommer. Il faut toutefois bien souligner, comme cela a été fait lors de l’émission, que le prix de l’eau potable distribuée au robinet est considérablement inférieur à l’eau en bouteille, pour un produit livré à domicile dont la qualité est garantie au quotidien par les distributeurs d’eau.

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