Plateforme pour l’eau, le gaz et la chaleur
Article technique
01. novembre 2023

L’ÉLECTROLYSE À HAUTE TEMPÉRATURE

Technologie innovante au coeur des systèmes Power-To-X

Les nouveaux électrolyseurs à haute température se combinent idéalement avec les systèmes Power-to-X. La chaleur résiduelle de ceux-ci devient un bon moyen d’améliorer l’efficacité des premiers, menant à des rendements records pour la production de vecteurs d’énergie chimiques.
Markus Friedl, Boris Kunz, Zacharie  Wuillemin, Jan Van Herle, 

Dans un futur relativement proche, l’approvisionnement Ă©nergĂ©tique de la Suisse sera principalement renouvelable [1]. Et Ă©tant donnĂ© que le pays a dĂ©cidĂ© de ne pas construire de nouvelles centrales nuclĂ©aires et de fermer les centrales existantes Ă  la fin de leur durĂ©e de vie [2], que la mobilitĂ© individuelle sera en grande partie Ă©lectrifiĂ©e et que les pompes Ă  chaleur seront de plus en plus utilisĂ©es pour le chauffage, la production d’électricitĂ© renouvelable devra ĂȘtre fortement et rapidement accrue. Cela se era partiellement avec de l’énergie hydraulique supplĂ©mentaire et surtout grĂące Ă  une combinaison d’énergie photovoltaĂŻque et Ă©olienne. Le dĂ©ploiement de cette derniĂšre dĂ©pendant cependant beaucoup de l’acceptation de la population, il est difficile d’en attendre une capacitĂ© significative Ă  court terme. En consĂ©quence, plusieurs scĂ©narios anticipent un surplus d’électricitĂ© renouvelable dĂ» au photovoltaĂŻc en Ă©tĂ© alors qu’un dĂ©ficit est observĂ© en hiver (par exemple les quatre scĂ©narios des perspectives Ă©nergĂ©tiques 2050+ de la ConfĂ©dĂ©ration Suisse [3]).

Procédes Powert-To-X

Il existe des solutions pour gĂ©rer ces Ă©carts de production [4], l’une des plus prometteuses Ă©tant la technologie Power-to-X. Les systĂšmes Power-to-X utilisent de l’électricitĂ© (power) renouvelable pour produire des vecteurs d’énergie sous forme chimique (X), donc sous forme de molĂ©cules Ă©galement utilisables comme matiĂšre premiĂšre.1 La premiĂšre Ă©tape du procĂ©dĂ© comporte un Ă©lectrolyseur qui sĂ©pare les molĂ©cules d’eau H2O en oxygĂšne O2 et hydrogĂšne H2. Une installation qui se limite Ă  cette Ă©tape est nommĂ©e Power-to-Hydrogen et fournit uniquement de l’hydrogĂšne comme vecteur d’énergie. Si on y ajoute des Ă©tapes de transformation supplĂ©mentaires et une source de dioxyde de carbone CO2 ou d’azote N2, l’hydrogĂšne H2 peut alors aussi ĂȘtre transformĂ© en diffĂ©rents vecteurs d’énergie tel que du mĂ©thane CH4, du mĂ©thanol CH3OH, des chaines d’hydrocarbures CnHm (par exemple carburant d’aviation) ou de l’ammoniac NH3 (voir tab. 1). Les vecteurs d’énergie ainsi produits sont dĂ©nommĂ©s «carburants synthĂ©tiques» ou «E-Fuels».

1 Parfois, «X» peut aussi dĂ©signer de la chaleur, permettant aux pompes Ă  chaleur d’ĂȘtre Ă©galement considĂ©rĂ©es comme installations Power-to-X. Dans cet article, la dĂ©finition la plus courante de Power-to-X est toutefois utilisĂ©e, celle dans laquelle le X reprĂ©sente un vecteur d’énergie chimique ou une matiĂšre premiĂšre.

 


Tab. 1 RĂ©sumĂ© des principaux procĂ©dĂ©s permettant de produire d’autres vecteurs d’énergie chimique Ă  partir d’hydrogĂšne. EfficacitĂ©: pouvoir calorifique supĂ©rieur des produits divisĂ© par le pouvoir calorifique supĂ©rieur des rĂ©actifs en supposant une conversion complĂšte (rĂ©actifs et produits Ă  25 °C, l’eau H2O condensĂ©e).

 

Carburants Synthétiques

En comparaison avec l’hydrogĂšne, les carburants synthĂ©tiques ont l'avantage de pouvoir ĂȘtre plus facilement stockĂ©s et transportĂ©s, ce qui leur permet d’ĂȘtre employĂ©s dans des domaines difficilement Ă©lectrifiables, tels que l’aviation par exemple, oĂč l’hydrogĂšne n’offre pas une densitĂ© Ă©nergĂ©tique suffisante. En revanche, l’étape supplĂ©mentaire nĂ©cessaire Ă  la production de ces carburants synthĂ©tiques prĂ©sente l’inconvĂ©nient de nĂ©cessiter des Ă©quipements additionnels et de compliquer le procĂ©dĂ©. Ceci engendre des pertes d’énergie supplĂ©mentaires qui rĂ©duisent au final le rendement du processus. En Suisse, les centrales de rĂ©serve prĂ©vues pour produire de l’électricitĂ© en cas d’urgence (voir premier appel de la confĂ©dĂ©ration: [5]) pourront par exemple ĂȘtre opĂ©rĂ©es avec des carburants synthĂ©tiques. Le mĂ©thane, grĂące au rĂ©seau de gaz existant, ainsi que le mĂ©thanol, les hydrocarbures plus complexes et l’ammoniac, sont relativement facilement manipulables et transportables. Ainsi, il devient intĂ©ressant de produire ces vecteurs d’énergie lĂ  oĂč l’électricitĂ© renouvelable est disponible en grande quantitĂ© et Ă  faible coĂ»t, ce coĂ»t Ă©tant quasiment toujours dominant dans le coĂ»t total de production. Le rapport «Perspectives Ă©nergĂ©tiques 2050+» [3] de la ConfĂ©dĂ©ration prĂ©dit d’ailleurs que seule une partie de l’hydrogĂšne sera produite dans le pays, le reste Ă©tant importĂ© de l’étranger. Les carburants synthĂ©tiques, qui prennent une place plus ou moins importante dans les scĂ©narios examinĂ©s, peuvent Ă©galement ĂȘtre produits localement ou importĂ©s. La technologie Power-to-X n’est donc pas uniquement importante du point de vue de l’approvisionnement Ă©nergĂ©tique pour la Suisse, mais elle reprĂ©sente Ă©galement une technologie et un savoir-faire pouvant ĂȘtre exportĂ©s.

Électrolyse

Comme mentionnĂ© ci-dessus, la premiĂšre Ă©tape de n’importe quel processus Power-to-X est effectuĂ©e par un Ă©lectrolyseur. Il en existe plusieurs types (voir tab. 2), les plus connus Ă©tant les Ă©lectrolyseurs alcalins, ceux Ă  membrane polymĂšre (proton exchange membrane, PEM) et ceux Ă  membrane d’échange d’anions (anion exchange membrane, AEM) qui fonctionnent tous Ă  basse tempĂ©rature et qui permettent de dissocier de l’eau liquide dĂ©minĂ©ralisĂ©e en hydrogĂšne et oxygĂšne Ă  l’aide d’énergie Ă©lectrique. Il existe une autre classe d’électrolyseurs, qui, eux, fonctionnent Ă  haute tempĂ©rature et permettent de dissocier directement de la vapeur H2O en hydrogĂšne H2 et oxygĂšne O2


Tab. 2 Aperçu des diffĂ©rentes technologies d’électrolyseurs.

 

Électrolyseurs Ă  basse tempĂ©rature
Electolyseurs alcalins

La technologie alcaline a dĂ©jĂ  une longue histoire industrielle, notamment en Suisse avec l’entreprise IHT sise Ă  Monthey qui a Ă©tĂ© rĂ©cemment reprise par l’allemand Sunfire. Cette technologie sĂ©duit aujourd’hui par sa robustesse et sa disponibilitĂ©, mais est plus limitĂ©e en ce qui concerne le rendement, la dynamique et la densitĂ© de puissance, restreignant son application Ă  des endroits oĂč l’élec-tricitĂ© renouvelable est peu chĂšre et si possible relativement constante. Dans les trĂšs grands projets actuels d’électrolyse, notamment au Moyen Orient, aux USA et en AmĂ©rique du Sud, c’est la technologie qui semble la plus demandĂ©e.

Electrolyseurs Ă  membrane polymĂšre

La technologie «Proton Exchange Membrane» (PEM) connait elle-aussi un fort succĂšs, particuliĂšrement dans son application comme pile Ă  combustible (gĂ©nĂ©rateur Ă©lectrique fonctionnant Ă  l’hydrogĂšne H2) pour l’industrie automobile. Son pendant en Ă©lectrolyse fait intervenir d’autres acteurs plus orientĂ©s vers les solutions industrielles, dĂ» en grande partie au fait que la technologie, la taille et les matĂ©riaux ne sont pas les mĂȘmes pour l’application en mode «pile» et en mode «électrolyse». Dans les deux cas, ce sont des mĂ©taux nobles qui sont utilisĂ©s comme catalyseurs (platine en mode pile, et iridium en mode Ă©lectrolyse). Cette technologie arrive Ă  maturitĂ© et des installations de plusieurs dizaines de MW sont en opĂ©ration Ă  l’heure actuelle. Si les rendements Ă©lectriques et la dynamique des Ă©lectrolyseurs PEM sont meilleurs que les alcalins et la densitĂ© volumĂ©trique de puissance nettement plus importante, le dĂ©ploiement Ă  large Ă©chelle sera en partie tributaire de la disponibilitĂ© – et donc du prix – de l’iridium ou de la capacitĂ© de rĂ©duire les quantitĂ©s requises par unitĂ© de puissance.

Electrolyseurs Ă  membrane d'Ă©change d'anions

Une troisiĂšme technologie appelĂ©e «Anion Exchange Membranes» (AEM), beaucoup plus rĂ©cente, combine les avantages des technologies alcaline et PEM. Elle se trouve Ă  un stade de dĂ©veloppement moins avancĂ© que les deux autres et n’est donc pas prĂ©sentĂ©e en dĂ©tail dans le prĂ©sent article.

Électrolyse Ă  haute tempĂ©rature

Il existe une quatriĂšme technologie qui opĂšre dans des conditions totalement diffĂ©rentes. Il s’agit des piles et Ă©lectrolyseurs Ă  oxyde solide, plus communĂ©ment connues sous leur acronyme anglais SOFC (Solid Oxide Fuel Cell) ou SOEC (Solid Oxide Electrolyser Cell). Cette technologie est basĂ©e sur un Ă©lectrolyte solide en cĂ©ramique intĂ©grĂ© dans des cellules qui sont empilĂ©es les unes sur les autres et qui forment une pile (fig. 1). Les piles Ă  oxyde solide opĂšrent Ă  une tempĂ©rature supĂ©rieure Ă  600 °C et sont donc souvent aussi nommĂ©es pile ou Ă©lectrolyseurs Ă  haute tempĂ©rature. Les piles peuvent ĂȘtre opĂ©rĂ©es de maniĂšre bidirectionnelle (opĂ©ration rĂ©versible): en tant qu’électrolyseur pour gĂ©nĂ©rer de l’hydrogĂšne Ă  partir d’électricitĂ©, ou en tant que pile Ă  combustible pour produire de l’électricitĂ© Ă  partir d’hydrogĂšne ou mĂȘme Ă  partir d’autres carburants. Dans ce deuxiĂšme cas, des carburants carbonĂ©s comme le gaz naturel permettent une production d’électricitĂ© avec un trĂšs haut rendement2 (> 60%). À la tempĂ©rature de fonctionnement, l’eau se trouve sous forme de vapeur et c’est donc celle-ci qui est directement dĂ©composĂ©e en oxygĂšne et en hydrogĂšne lors de la rĂ©action d’électrolyse.

De par la therthermodynamique, cette rĂ©action consomme nettement moins d’électricitĂ© que l’électrolyse de l’eau sous forme liquide, et c’est ce qui constitue l’atout majeur de l’électrolyse Ă  oxyde solide (SOE) lorsqu’elle peut ĂȘtre combinĂ©e Ă  un processus industriel ayant de la chaleur fatale ou de la vapeur Ă  disposition. En effet, la part d’énergie utilisĂ©e pour vaporiser l’eau est pour ainsi dire gratuite puisqu’elle serait autrement perdue. De plus, l’électrolyse Ă  haute tempĂ©rature est plus efficace que l’électrolyse Ă  basse tempĂ©rature. Au final, moins d’électricitĂ© doit donc ĂȘtre fournie au systĂšme pour produire la mĂȘme quantitĂ© d’hydrogĂšne et le processus est plus efficace qu’avec un Ă©lectrolyseur Ă  basse tempĂ©rature. Au niveau du systĂšme, on s’attend Ă  une consommation de 37 Ă  45 kWh/kg H2 lorsque la vapeur est disponible, soit environ 20% d’électricitĂ© en moins que pour les Ă©lectrolyseurs Ă  basse tempĂ©rature.

La technologie SOE offre Ă©galement un autre mode d’utilisation dans lequel un mĂ©lange de vapeur H2O et de dioxyde de carbone CO2 peut ĂȘtre co-Ă©lectrolysĂ©, permettant l’obtention d’un gaz de synthĂšse (H2 et CO) en sortie de pile. En Suisse, ces piles ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es Ă  partir des annĂ©es 2000 notamment par une Ă©quipe de chercheurs Ă  l’EPFL puis transfĂ©rĂ©e au spin-off HTceramix SA Ă  Yverdon-les-Bains, ou encore par l’équipe de Sulzer Hexis Ă  Winterthur. Elles ont subi plusieurs Ă©volutions qui leur ont finalement permis d’atteindre une maturitĂ© suffisante pour ĂȘtre dĂ©ployĂ©es sur le marchĂ© domestique dans des applications de micro-cogĂ©nĂ©ration. C’est ainsi que l’entreprise HTceramix SA, acquise entre-temps par un groupe italien et devenue SolydEra SA, a dĂ©ployĂ© plus de 3000 systĂšmes de micro-cogĂ©nĂ©ration Bluegen fonctionnant au gaz naturel, accumulant au passage plus de 75 millions d’heures d’opĂ©ration et amenant la technologie Ă  maturitĂ© industrielle. La technologie de pile, initialement dĂ©veloppĂ©e Ă  Yverdonles- Bains, a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e en Italie oĂč a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e la plus grande ligne automatisĂ©e de production de piles Ă  oxyde solide en Europe (fig. 2).

2 Le rendement est défini comme le pouvoir électrique produit divisé par le pouvoir calorifique inférieur du carburant.

Power-To-X combiné à la technologie SOE

Afin d’augmenter son efficacitĂ©, la technologie Power-to-X peut donc ĂȘtre idĂ©alement combinĂ©e Ă  un Ă©lectrolyseur Ă  haute tempĂ©rature qui permet de valoriser la chaleur rĂ©siduelle de la source interne au procĂ©dĂ©, complĂ©tĂ©e le cas Ă©chĂ©ant par des sources externes. En effet, comme montrĂ© dans le tableau 1, les rĂ©actions de synthĂšse de carburants synthĂ©tiques sont exothermiques (efficacitĂ© infĂ©rieure Ă  100%) et Ă  des niveaux de tempĂ©ratures suffisants pour ĂȘtre efficacement couplĂ©s Ă  des systĂšmes de gĂ©nĂ©ration de vapeur. Ceci est d’autant plus avantageux que la chaleur rĂ©siduelle de rĂ©action est disponible au moment prĂ©cis oĂč la production de vapeur est nĂ©cessaire pour le processus d’électrolyse Ă  haute tempĂ©rature. La problĂ©matique de stockage intermĂ©diaire est ainsi Ă©liminĂ©e et le besoin Ă©ventuel d’apports externes diminuĂ©. Si la chaleur rĂ©siduelle du procĂ©dĂ© seul ne suffit pas Ă  la gĂ©nĂ©ration de vapeur, la technologie peut bĂ©nĂ©ficier d’une intĂ©gration avec des sources externes, comme un couplage avec une usine d’incinĂ©ration des ordures mĂ©nagĂšres (UIOM) par exemple.

Cette synergie est particuliĂšrement intĂ©ressante en Ă©tĂ© quand le surplus d’énergie renouvelable peut ĂȘtre transformĂ© en vecteur d’énergie chimique et quand ces usines ont du mal Ă  trouver preneur pour leur chaleur rĂ©siduelle. Le dioxyde de carbone CO2 nĂ©cessaire (avec l’hydrogĂšne) Ă  la production du mĂ©thane, mĂ©thanol ou des chaines d’hydrocarbures (voir tab. 1) peut Ă©galement ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ© sur place et en toute saison. En mars 2022, les exploitants d’installations de traitement des dĂ©chets se sont justement engagĂ©s Ă  installer des systĂšmes de captage de CO2 dans toutes les UIOM suisses d’ici Ă  2030. La figure 3 illustre la diffĂ©rence entre un systĂšme Power-to-Methane conventionnel Ă©quipĂ© d’un Ă©lectrolyseur Ă  basse tempĂ©rature conventionnel avec un rendement de 0,55 MW⁄1,1 MW = 50% (basĂ© sur la valeur calorifique supĂ©rieure) et un systĂšme Power-to-Methane utilisant un Ă©lectrolyseur Ă  haute tempĂ©rature avec un rendement de 0,55 MW⁄0,79 MW = 70%. 

L’idĂ©e de combiner l’électrolyse Ă  haute tempĂ©rature avec des processus de synthĂšse en utilisant leur chaleur rĂ©siduelle a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© poursuivie dans le cadre de diffĂ©rents projets de recherche.3 Mais cette idĂ©e n’a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e expĂ©rimentalement que rĂ©cemment Ă  la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e de la Suisse orientale (OST) deRapperswil SG, oĂč une telle installation a Ă©tĂ© construite et mise en service par l’Institut fĂŒr Energietechnik (IET) et le Groupe des MatĂ©riaux pour l’Énergie (GEM) de l’École Polytechnique FĂ©dĂ©rale de Lausanne (EPFL). Cette installation a permis de dĂ©montrer la faisabilitĂ© du systĂšme complet, de la production d’électricitĂ© renouvelable jusqu’à la gĂ©nĂ©ration de mĂ©thane de synthĂšse et son utilisation finale dans un vĂ©hicule au gaz naturel compressĂ© (GNC), le tout complĂ©tĂ© par la capture du dioxyde de carbone de l’atmosphĂšre. Deux Ă©lectrolyseurs y sont installĂ©s: une PEM conventionnelle (10 kWel) et un Ă©lectrolyseur Ă  haute tempĂ©rature (5 kWel). La figure 4 montre un schĂ©ma simplifiĂ© de l’installation en question avec son systĂšme de gestion de chaleur spĂ©cifiquement dĂ©veloppĂ©. Celui-ci emploie de l’huile thermique pour absorber la chaleur rĂ©siduelle de la mĂ©thanation et l’utiliser pour la gĂ©nĂ©ration de vapeur qui est ensuite fournie Ă  l’électrolyseur Ă  haute tempĂ©rature. L’installation a permis de dĂ©montrer expĂ©rimentalement, pour la premiĂšre fois, que l’efficacitĂ© d’un processus Power-to-Methane peut ĂȘtre augmentĂ©e de 20 points de pourcentage en y installant un Ă©lectrolyseur Ă  haute tempĂ©rature plutĂŽt qu’un Ă©lectrolyseur conventionnel [9].

Perspectives pour la Suisse

La technologie Power-to-X combinĂ©e Ă  l’électrolyse Ă  haute tempĂ©rature offre donc une possibilitĂ© pour la Suisse d’utiliser non seulement l’électricitĂ© en excĂšs mais aussi la chaleur rĂ©siduelle en excĂšs et de produire avec une grande efficacitĂ© des vecteurs d’énergie chimiques pour les applications difficiles Ă  Ă©lectrifier. La transportabilitĂ© et le stockage de cette forme d’énergie permet Ă©galement un transport et une importation sur de grandes distances, y compris Ă  l’échelle mondiale. De plus, les technologies Power-to-X et Ă©lectrolyse Ă  haute tempĂ©rature peuvent ĂȘtre exportĂ©es en tant que savoir-faire, crĂ©ant de la valeur Ă©conomique en Suisse. La stratĂ©gie de SolydEra SA est de poursuivre et accĂ©lĂ©rer le dĂ©veloppement dans le domaine des applications industrielles et notamment de l’électrolyse. RĂ©cemment, elle a abouti – grĂące au soutien initial du Canton de Vaud, de la ConfĂ©dĂ©ration et des Projets EuropĂ©ens CH2P et SWITCH – au dĂ©veloppement d’une pile et d’un systĂšme industriel de nouvelle gĂ©nĂ©ration dĂ©passant les 100 kW en Ă©lectrolyse. Celui-ci est totalement rĂ©versible et peut fonctionner aussi bien comme Ă©lectrolyseur que comme gĂ©nĂ©rateur Ă©lectrique multi-fuel. Il est en cours de test, avant un premier dĂ©ploiement industriel prĂ©vu courant 2024. Ces systĂšmes suscitent un grand intĂ©rĂȘt auprĂšs d’entreprises actives dans le domaine du Green Hydrogen, celui des applications Power-to-X en gĂ©nĂ©ral, ou encore dans le secteur maritime. Le nouveau modĂšle de pile Ă  combustible, quant Ă  lui, est en cours d’industrialisation et est proposĂ© en prĂ©-sĂ©rie Ă  des intĂ©grateurs Ă©ventuels.

La technologie dĂ©veloppĂ©e Ă  Rapperswil, elle, est sur le point d’ĂȘtre amenĂ©e Ă  l’échelle supĂ©rieure dans le projet de recherche EuropĂ©en «24/7 ZEN»3. Un consortium composĂ© de partenaires espagnols, italiens, grecs, belges et suisses conçoit et dĂ©veloppe un systĂšme Power-to-X rĂ©versible environ 20 fois plus important que la plateforme Ă  Rapperswil (mode Ă©lectrolyseur 100 kWel, mode pile Ă  combustible 33 kWel). Les partenaires suisses sont la Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e de la Suisse orientale (OST), SolydEra SA et la Haute école de Lucerne (HSLU). Ces mĂȘmes partenaires suisses, en plus du Groupe des MatĂ©riaux pour l’Energie (GEM, EPFL) dĂ©jĂ  responsable du systĂšme d’électrolyse Ă  haute tempĂ©rature Ă  Rapperswil, ainsi que d’autres partenaires industriels, ont entamĂ© une coopĂ©ration pour une dĂ©monstration sur une installation industrielle en Suisse. Plus de dĂ©tails sur le sujet seront communiquĂ©s ultĂ©rieurement, dĂ©but 2024. Le GEM, en parallĂšle Ă  sa collaboration Ă©tablie avec OST, coopĂšre avec la HES-SO Sion et SolydEra SA pour installer Ă  Sion un systĂšme rĂ©versible Ă  taille rĂ©duite (10 kWel SOFC/30 kWel SOE) qui servira de plateforme de test. Ce dĂ©veloppement [11–13] est cofinancĂ© par le Canton du Valais, le distributeur local d’énergie Oiken et, dans le futur, par Innosuisse. Le GEM a Ă©galement dĂ©veloppĂ© son propre mĂ©thanateur [14] dont la chaleur est directement transformĂ©e en vapeur pour alimenter un Ă©lectrolyseur SOE. Ce travail a Ă©tĂ© fortement soutenu par l’entreprise Gaznat. Actuellement testĂ© Ă  l’échelle de 5 kW, il est prĂ©vu de l’agrandir Ă  l’échelle suivante dans un nouveau projet soutenu par l’EPFL.

3 Nom complet du projet: «Reversible SOEC/SOFC System for a Zero Emissions Network Energy System»; Site internet: https://24-7zenproject.eu/

 

Bibliographie

[1] La ConfĂ©dĂ©ration Suisse: Loi sur l’énergie (LEne), entrĂ©e en vigueur 1 janvier 2018. https://www. fedlex.admin.ch/eli/cc/2017/762/fr
[2] La ConfĂ©dĂ©ration Suisse: Loi sur l’énergie nuclĂ©aire (LENu), entrĂ©e en vigueur 1 janvier 2005. https:// www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2004/723/fr
[3] Kemmler, A. et al. (2022): Energieperspektiven 2050+, Technischer Bericht, Gesamtdokumentation der Arbeiten. Office fĂ©dĂ©ral de l’énergie, dĂ©cembre 2021, actualisĂ© avril 2022. https://www.bfe. admin.ch/bfe/fr/home/politique/perspectivesenergetiques- 2050-plus.html/
[4] Friedl, M. et al. (2018): Saisonale Flexibilisierung einer nachhaltigen Energieversorgung der Schweiz, Fokusstudie. Forum Energiespeicher Schweiz (FESS), Aeesuisse, novembre 2018. https://speicher.aeesuisse.ch/wp-content/uploads/ sites/15/2021/09/FESS_Fokusstudie_ Saisonale_Flexibilisierung.pdf
[5] CommuniquĂ©s de l’Office fĂ©dĂ©ral de l’énergie (OFEN) du 28 juillet 2023 sur le premier appel d’offres pour des centrales de rĂ©serve aprĂšs 2026.
[6] Office fĂ©dĂ©ral de l’environnement (OFEV): Convention avec les exploitants d’usines d’incinĂ©ration des ordures mĂ©nagĂšres, 15 mars 2022
[7] Ebbesen, S.; Hansen, J.; Mogensen, M. (2013): Biogas upgrading using SOEC with a Ni-ScYSZ electrode. ECS Transactions 57: 3217
[8] KIT Karlsruhe Institute of Technology: Power-to- Gas with High Efficiency. Communiqué de presse, février 2018
[9] OST – Haute Ă©cole spĂ©cialisĂ©e de la Suisse orientale: Wirkungsgrad von Power-to-Gas auf 70% erhöht. CommuniquĂ© de presse, janvier 2023
[10] Friedl, M. et al. (2022): Forschungsplattform fĂŒr Power-to-Gas. Aqua & Gas 3/2022: 28-34. https:// www.aquaetgas.ch/de/energie/gas/20220225_ ag3_forschungsplattform-f%C3%BCr-power-to-x/
[11] Ligang, W. et al. (2019): Power-to-fuels via solidoxide electrolyzer: Operating window and technoeconomics. Renewable and Sustainable Energy Reviews 110: 174–187
[12] Ligang, W. et al. (2018): Optimal design of solidoxide electrolyzer based power-to-methane systems: A comprehensive comparison between steam electrolysis and co-electrolysis. Applied Energy 211: 1060–1079
[13] Sun, Y. et al. (2020): Enhancing the operational flexibility of thermal power plants by coupling hightemperature power-to-gas. Applied Energy 263: 114608
[14] Aubin, P. et al. (2022): Evaporating water-cooled methanation reactor for solid-oxide stack-based power-to-methane systems: Design, experiment and modeling. Chemical Engineering Journal 456: 140256

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