Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 défini dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), toute la chaîne gazière est amenée à évoluer afin de continuer à garantir les services énergétiques qu’elle fournit tout en intégrant de nouvelles considérations socio-environnementales et énergétiques. L’extraction et la production de gaz naturel fossile, fortement émissives, vont être progressivement remplacées par la production de biométhane à partir de ressources issues de la biomasse (méthanisation, pyrogazéification) ou à partir d’électricité renouvelable excédentaire (Power-to-Gas). Du côté des usages, la diminution des consommations de gaz va être amenée par des actions de maîtrises de la demande en énergie (efficacité énergétique, sobriété) ainsi que par la conversion d’une partie du parc de chaudières en pompes à chaleur hybride et électrique. Le développement du (bio)GNV (gaz naturel pour véhicules) va également jouer un rôle important tant au niveau des consommations de gaz (temporalités, volumes) que de la réduction de la pollution de l’air et de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles. Le biométhane a ainsi un rôle important à jouer dans un contexte comme celui de la Suisse, avec un important déficit hivernal au niveau de la production électrique et une structure décentralisée des entreprises énergétiques. Dans cette optique, les réseaux de gaz ont un rôle central en permettant une plus grande flexibilité, notamment via l’équilibre entre les différents vecteurs énergétiques à différentes échelles (interÂopérabilité des réseaux, cogénération, Power-to-Gas, etc.) [1]. Les objectifs nationaux visent une production de biométhane (toutes filières confondues) correspondant à 6–8% de la consommation finale en 2030 et l’étude «Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050?» produite par l’ADEME (Agence de la transition écologique), GRDF (Gaz Réseau Distribution France) et GRTgaz (l’entreprise est un des deux gestionnaires de réseau de transport de gaz en France) examinent la faisabilité d’un scénario 100% gaz renouvelable en 2050 [2]. La méthanisation comptant pour environ 25% du gisement total en biométhane identifié pour 2050 et étant technologiquement maîtrisée (la pyrogazéification est encore au stade de démonstrateur industriel tandis que la filière méthanisation en France est structurée), elle est appelée à continuer de se développer dans les années à venir. En Bourgogne-Franche-Comté, le potentiel 2050 identifié est de l’ordre de 7 TWh, soit environ 40% de la consommation régionale de gaz. La croissance de la méthanisation et l’évolution des usages du gaz impactent d’ores et déjà les réseaux de distribution et leur exploitation, qui vont devoir continuer à s’adapter dans les prochaines années.
La structure et le fonctionnement des réseaux de distribution de gaz naturel leur confèrent des potentiels d’adaptation intéressants dans le cadre de la transition écologique [3]. Ils ont par nature une position intermédiaire entre production et consommation, dont les évolutions vont continuer à avoir des impacts importants: multiplication des points de production, renforcement des réseaux, maillages, rebours, développement d’une infrastructure de recharge GNV, etc. Ces adaptations doivent également être pensées dans le contexte de l’interopérabilité des réseaux d’énergie, nécessaire à la diversification du mix énergétique. D’une part, les réseaux offrent un certain nombre d’opportunités. En premier lieu, ils sont inscrits dans les territoires: le réseau de distribution dont la gestion est concédée à GRDF couvre 77% de la population française, réparti sur 9500 communes, pour près de 200'000 km de canalisations, appartenant aux communes. Les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de gaz sont tenus d’intervenir en moins d’une heure pour des raisons de sécurité, ce qui impose une proximité spatiale importante avec les réseaux. La proximité des GRD et des réseaux avec les territoires est d’autant plus marquée qu’ils participent à l’élaboration des politiques énergétiques locales et aux politiques d’aménagement depuis la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV). Les différentes briques technologiques pour adapter les réseaux sont de plus maîtrisées (épuration du biogaz, injection, maillages, rebours, etc.). D’autre part, le fonctionnement de la distribution impose quelques limites aux potentiels d’adaptation des réseaux. La structure et les caractéristiques locales des réseaux de distribution (capacités d’accueil, couverture spatiale, proximité au gisement) impactent les possibilités de mobilisation du gisement. Le cadre régulé de la distribution impose – logiquement – de justifier les investissements d’adaptation des réseaux au travers d’un dispositif défini par décret et basé sur la dynamique des projets de méthanisation. Le développement de la méthanisation peut aussi entraîner des problèmes d’acceptabilité, souvent liés aux installations de digestion et à leur fonctionnement plutôt qu’aux réseaux de gaz, enterrés: l’implantation d’un méthaniseur ou le passage de camions transportant les intrants méthanisables ont des impacts directs sur le territoire (émissions, odeurs, trafic, modification du paysage, etc.). Cependant, l’émergence des projets en amont comme le développement du GNV en aval dépendent principalement de décisions prises par d’autres acteurs et dans d’autres contextes/thématiques (collectivités, agriculteurs, etc.). L’existence de ces différentes représentations contribue à complexifier la planification et la prospective locale.
Un territoire est un système réalisant plusieurs fonctions (habiter, se déplacer, produire l’alimentation, etc.) en consommant de la matière et de l’énergie [4], que l’on peut aborder avec des approches métaboliques [5]. Au niveau local, l’amont (méthanisation) comme l’aval (usages) des réseaux de distribution sont liés à des processus et activités territoriales (agriculture, mobilité, habitat, industrie, etc.). L’exploration des impacts (positifs comme négatifs) du biométhane pour l’aide à la décision (dans le cadre d’un PCAET, Plan Climat Air Energie Territorial, par exemple) nécessite d’intégrer la production et la consommation de biométhane dans un cadre territorial. La production de biométhane, ses usages et les évolutions des réseaux qui en découlent doivent être pensés avec une approche territoriale multi-échelles, en cohérence avec l’objectif national de neutralité carbone. Cette approche permet de fournir tant pour les GRD que pour les collectivités des critères d’analyse et d’aide à la décision pertinents. La consommation d’énergie étant territoriale par essence (pour se déplacer, se chauffer, etc.), la principale problématique concerne la question de la localisation d’infrastructures de production (méthaniseurs) et ses impacts territoriaux (effets induits sur la production agricole, acceptabilité des infrastructures, etc.).
Dans le cas du biométhane agricole, les principaux intrants méthanisables sont les résidus de cultures, les effluents d’élevage et les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE; voir encadré). Ils sont directement liés aux processus agricoles de production alimentaire, fourragère, de gestion du carbone et des nutriments des sols (N, P, K), eux-mêmes dépendants du climat, de la pédologie et de la structure de l’agriculture locale (grandes cultures, polyculture-élevage, plaines, etc.), caractéristiques territoriales par essence. La méthanisation, en permettant la valorisation de déchets agricoles, contribue ainsi à la réduction des impacts environnementaux de l’agriculture en produisant une énergie renouvelable et un fertilisant locaux qui viennent en remplacement de l’extraction-production de gaz naturel et de la production d’engrais minéraux, procédés extraterritoriaux fortement émissifs. L’épandage du digestat est lui aussi lié à la gestion des nutriments et à la fertilisation, qui dépend des pratiques agricoles (recours aux engrais, agriculture biologique, etc.). Les épandages d’engrais comme d’effluents et de digestat sont de plus responsables d’émissions de N2O (protoxyde d’azote), un puissant gaz à effet de serre (GES), mais aussi de NH3 (ammoniaque) qui contribue à l’eutrophisation des milieux ainsi qu’à la formation de particules fines (PM2,5) dans l’atmosphère. En termes prospectifs, le développement de la méthanisation doit donc être cohérent avec les prospectives agricoles (impacts environnementaux, production des intrants, évolution de l’alimentation, des pratiques, Plan d’Alimentation Territorial, etc.). La multifonctionnalité de la méthanisation et ses liens avec le territoire ouvrent ainsi des questionnements dont les éléments de réponse et les leviers d’action se trouvent dans d’autres domaines que l’énergie et à des échelles loco-régionales.
Notre objectif est de développer, en s’appuyant sur des concepts et des méthodologies d’analyse systémiques, une représentation territoriale d’un système biométhane agricole et donc un modèle, permettant la production de scénarios d’évolution, de la ressource à l’usage (biométhane, digestat), ainsi que d’indicateurs renseignant sur la durabilité du système (émissions de GES, polluants, volet économique, acceptabilité). Notre cas d’étude concerne le biométhane injecté dans la maille gazière de la Communauté Urbaine du Grand Besançon (CUGB), produit à partir des ressources agricoles environnantes. En plus de sa représentativité des problématiques locales de GRDF, le cas d’études et son périmètre ont été choisis de manière à disposer de suffisamment de données territoriales pour renseigner le modèle. Cette disponibilité des données est assurée par les différentes base de données ouvertes (Agreste pour l’agriculture, Open Data, base Carbone, etc.) ainsi que par la plateforme OPTEER, un système d’information territorial, faisant aujourd’hui partie intégrante de l’observatoire régional Climat-Air-Energie de Bourgogne-Franche-Comté (ORECA) [6].
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La première étape consiste en l’analyse et la modélisation du système territorial biométhane agricole, constitué de tous les éléments permettant la production et l’usage de biométhane ainsi que l’usage du digestat (épandage). Les structures de l’agriculture et des réseaux de distribution autour de la CUGB permettent de définir la zone d’études (fig. 1). En effet, les zones du Haut-Jura et du Haut-Doubs, près de la frontière suisse, ne sont pas favorables à la culture de CIVE (climat trop froid) et la présence de l’AOP Comté contraint fortement la mobilisation des intrants (épandage, autonomie fourragère, etc.). Les réseaux de ces zones ne présentent pas non plus de potentiel d’adaptation important et ne sont pas favorables à l’injection pour des raisons topologiques (petites mailles de consommation, zone de plateaux). La Haute-Saône en revanche offre des perspectives plus intéressantes quant au gisement: la polyculture-élevage y est répandue (Agreste: la statistique, l’évaluation et la prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation) et la culture de CIVE y est possible. Nous nous intéressons plus particulièrement aux impacts dus à l’introduction de deux projets de méthanisation dont l’injection du biométhane produit est prévu dans la maille gazière de la CUGB. Ces projets produisent 65 GWh et 23 GWh à partir de CIVE et d’effluents bovins, soit respectivement 5,8% et 2% de la consommation de gaz naturel de la CUGB (tous secteurs confondus), qui compte près de 200'000 habitants (fig. 2).
Pour intégrer tous les éléments de la ressource à l’usage, le système biométhane agricole doit continuer à répondre aux fonctions du système énergétique actuel tout en ne concurrençant pas les processus agricoles (alimentation, fourrage, gestion du carbone et des nutriments). Ces derniers doivent donc être intégrés à la modélisation afin d’avoir une vue complète des flux de matières et d’énergie. Le système biométhane agricole est ainsi décomposé en quatre sous-systèmes (fig. 3):
Le modèle présenté est basé sur la représentation des flux physiques du système biométhane, qui sont le socle de son fonctionnement. Les différents critères permettant d’évaluer la durabilité d’un tel système sont tous directement liés à ces flux physiques: eutrophisation, écotoxicité, occupation du sol, émissions de GES, etc. Ces dernières sont emblématiques des impacts environnementaux et constituent une première application intéressante du modèle. En effet, la problématique des émissions de GES liées à la méthanisation agricole est représentative de la comptabilité carbone des énergies renouvelables: la variabilité des projets et des territoires dans lesquels ils s’inscrivent complexifient la quantification des impacts climatiques, d’autant plus que ces questionnements peuvent être associés à différentes échelles spatiales, allant de l’exploitation agricole (parcelle) à la collectivité territoriale (commune, intercommunalité). La dimension prospective est également impactée, notamment en termes de mise au point et de suivi de trajectoires d’émissions: les émissions de GES sont usuellement associées à différents secteurs (agriculture, transport, résidentiel-tertiaire, industrie de l’énergie, etc.) et l’attribution des différentes émissions du système biométhane, par construction intriqué aux secteurs agricoles et énergétiques, nécessite de dépasser cette entrée sectorielle dans une perspective d’aide à la décision.
L’objectif est de quantifier les variations d’émissions de GES (CO2, CH4, N2O) dues à l’introduction de deux projets de méthanisation dans la zone d’études et injectant dans la maille gazière de la CUGB. Cela nous permettra dans un deuxième temps de pouvoir construire des scénarios d’évolution de cet indicateur GES en fonction des prospectives loco-régionales existantes, qui ne sont pas présentés ici. Les principales données et sources utilisées pour renseigner le modèle sont présentées dans le tableau 1 et sont majoritairement issues d’approches type Analyse de Cycle de Vie (ACV), complétées par différentes hypothèses, notamment agronomiques.
Les méthodes type ACV Carbone sont aujourd’hui répandues et sont appliquées à toute sorte d’entité (produit, entreprise, etc.). Ces méthodes ont donné lieu à de nombreuses études spécifiques, renseignant sur l’empreinte carbone d’entités plus ou moins complexes. En parallèle de ces nombreuses études, l’ADEME gère la base Carbone, recense et valide les facteurs d’émissions d’un grand nombre de processus (combustion de gaz naturel, etc.). Cette base est utilisée comme référence dans les PCAET afin d’établir les bilans GES. Le principal intérêt de ces méthodes est de pouvoir quantifier, ou du moins estimer, différentes empreintes carbone et de fournir les bases méthodologiques pour mener ce travail, notamment dans des optiques d’aide à la décision dans le cadre de la transition écologique. Pour le biométhane, les travaux menés ont conduit l’ADEME à intégrer deux valeurs différentes dans la base Carbone (intégrant une partie amont et une partie combustion): une valeur pour le biométhane injecté en considérant un mix moyen de 39,5 g CO2eq/kWh et une valeur spécifique à la filière STEP (station de traitement des eaux usées) de 14,7 g CO2eq/kWh (voir tab. 2 et 3).
Un certain nombre de limites contraignent cependant leur utilisation. D’abord, les études sur des objets complexes, comme les projets de méthanisation, sont difficilement généralisables car les résultats dépendent des unités fonctionnelles définies et des frontières considérées, ce qui explique la distinction entre les facteurs d’émission du biométhane en mix moyen ou en filière STEP: dans le deuxième cas, les émissions associées au procédé de méthanisation sont marginales car elles s’ajoutent à celles de la station d’épuration et sont donc facilement quantifiables (l’ajout d’une méthanisation en sortie de STEP revient à ajouter une brique technologique de valorisation du biogaz sans altérer le fonctionnement de la STEP). Cela explique également pourquoi les filières territoriales et agricoles de la méthanisation par exemple n’ont pas de valeurs spécifiques attribuées: la variabilité des projets (intrants, localisation, technologie, etc.) entraîne nécessairement une variabilité des émissions réelles, ce qui permet de proposer des valeurs génériques moyennes mais limite la production de valeurs précises, basées sur la réalité des projets et des territoires. Cette problématique, valable pour la majorité des énergies renouvelables, a par exemple conduit à développer des ACV dynamiques pour la production électrique [7]. L’utilisation de ces données requièrt également des compétences variées, tant techniques qu’organisationnelles, notamment pour la scénarisation, la spatialisation ou encore l’agrégation des résultats en un indicateur final, travaux qui demandent des connaissances en modélisation, en informatique ou encore en analyse qualitative et quantitative.
Afin de calculer les variations d’émissions de GES du système, on distingue deux types d’émissions: les émissions induites et les émissions évitées. Elles peuvent être directes (situées dans le territoire d’étude) ou indirectes (situées hors de la zone d’étude).
Les installations de méthanisation génèrent des émissions au niveau des méthaniseurs (fuites, torchage, autoconsommation) ainsi qu’au niveau des stockages (intrants, effluents). Les émissions des méthaniseurs sont principalement du CH4 tandis que les stockages émettent du N2O proportionnellement aux teneurs en azote initiales des intrants. La valorisation du biogaz génère principalement des émissions indirectes dues à la production de l’électricité utilisée pour l’épuration du biogaz et la compression du biométhane (on suppose que l’électricité est produite avec le mix électrique moyen français et donc majoritairement produite hors de la zone d’étude).
Pour le sous-système agriculture, on considère que l’introduction de la méthanisation n’impacte pas les processus alimentaires et fourragers en place. La majorité des émissions dues aux cheptels bovins existant déjà (fermentation entérique, stockages), les émissions directes comptabilisées sont donc celles dues à la production des intrants végétaux (CIVE dans notre cas), principalement liées aux engins agricoles et au transport des matières. La fertilisation génère aussi des émissions directes: des émissions induites par l’épandage du digestat mais aussi des émissions évitées dues à la substitution d’une part d’engrais minéraux et d’effluents par du digestat. La production des intrants et l’épandage digestat incluent une part de transport.
Pour la distribution et les usages, seule la différence de potentiel de réchauffement global (PRG) due à la substitution de gaz naturel par du biométhane est considérée: cela permet un gain de 2 kg CO2eq/kg CH4. Les résultats sont présentés dans le tableau 4.
L’agrégation de ces différentes variations d’émissions permet d’estimer un facteur d’émission global du biométhane en soustrayant ces variations (∆ = induites – évitées) au facteur d’émission moyen du gaz naturel fossile (0,227 kg CO2eq/kWh): on obtient une valeur de 54,9 g CO2eq/kWh. Cette valeur est à comparer à celle de la base Carbone de l’ADEME, de 39,5 g CO2eq/kWh pour le biométhane. Notre méthode de construction est cohérente avec celle de l’ADEME [8] et dans notre cas la production de CIVE contribue à augmenter le bilan global: la production de CIVE est encore marginale et discutée en France, et la part des CIVE dans le mix moyen considéré par l’ADEME est de 10%, plus faible que dans notre étude. Il faut tout de même noter qu’en l’absence de données spécifiques les émissions liées à la culture des CIVE ont été calculées comme s’il s’agissait de cultures principales, donc les calculs effectués constituent une fourchette haute: les CIVE requièrent usuellement moins de travail agricole (passage d’engins agricoles, engrais) dans des optiques de conservation des sols et d’agroécologie (voir encadré sur les CIVE).
Il est important de préciser ici les conséquences de la définition des frontières, des intrants et des émissions associées: dans le cas de la Suisse, l’étude EcoInvent 3.4, utilisé dans le projet EcoDynBat [10], calcule un facteur d’émission du biogaz produit à partir d’effluents de 1,92 kg CO2eq/m3. Dans cette méthode, les effluents ne sont pas considérés comme des déchets mais comme des matières recyclables et le calcul intègre donc des impacts supplémentaires qui ne sont pas présents dans le cas du traitement de déchets, comme la méthanisation de biodéchets ou de boues de STEP, dont les impacts environnementaux sont considérés nuls. En ramenant cette valeur au biométhane contenu dans le biogaz (67% dans le projet EcoDynBat), ce facteur serait d’environ 1,2 kg CO2eq/m3, à comparer à la valeur de l’ADEME pour le mix moyen de biométhane de 0,452 kg CO2eq/m3.
Ces premières estimations permettent un premier niveau de territorialisation de la méthanisation et peuvent constituer des éléments intéressants dans le cadre d’ACV dynamiques au niveau d’un territoire ou d’une exploitation agricole, ou pour l’accompagnement des GRD dans les politiques énergétiques locales. L’analyse systémique proposée reste partielle et l’approche, basée sur les flux physiques d’énergie et de matière, peut permettre d’explorer les interactions fonctionnelles à l’interface des différents systèmes et ouvre la voie à des évaluations énergétiques des solutions par le biais d’indicateurs comme le taux de retour énergétique (EROI). L’introduction de la dimension économique permettrait de quantifier les investissements nécessaires (CAPEX et OPEX), tant pour les exploitations agricoles portant les projets que pour les GRD ou les collectivités locales. Cette dimension est d’autant plus importante d’un point de vue prospectif, en intégrant l’évolution des subventions pour la méthanisation, amenées à baisser en parallèle de la baisse des coûts de production liée à la structuration de la filière. La spatialisation du modèle et des résultats est également primordiale, et plus particulièrement pour la prospective: la localisation du gisement méthanisable et des projets de méthanisation par exemple sont des paramètres déterminants tant pour l’injection (distance aux réseaux, raccordements, etc.) que pour l’acceptabilité des projets (passage de camions pour le transport des intrants, odeurs, etc.). La spatialisation du gisement prospectif par exemple (fig. 5) apporte des éléments sur les volumes de biométhane potentiellement produits mais aussi sur les zones d’intérêt dans lesquelles l’animation de la filière et l’émergence de projets doivent être approfondies. La sensibilité des différents paramètres ainsi que les intervalles de confiance des données sources doivent encore être précisés et constituent des éléments importants à approfondir afin de disposer d’une méthodologie robuste (robustesse du modèle, propagation des erreurs, etc.). L’approche territoriale proposée met en évidence l’intérêt de l’intégration et de l’analyse conjointes de données issues de champs disciplinaires différents (énergétique, agronomie, etc.). De ce fait, elle pose les fondements de la nécessaire interopérabilité entre les bases de données thématiques pour répondre aux questionnements écologiques actuels, notamment pour développer des scénarios systémiques territoriaux, ce qui constitue la suite immédiate de ce travail.
Les Cultures Intermédiaires à Vocation Énergétique (CIVE) sont un genre particulier de Cultures Intermédiaires Multi-Services Environnementaux (CIMSE). Ces dernières sont des cultures implantées entre deux cultures principales et elles offrent plusieurs avantages: couverture des sols, captage des nitrates, augmentation de la biodiversité, etc. Les principales CIMSE sont montrées dans la figure 4. Les CIVE sont donc des CIMSE utilisées pour produire de l’énergie. Leur production et leur utilisation, notamment pour la méthanisation, soulève de nombreuses questions tant au niveau des exploitations qu’en termes de prospective: impact sur le carbone labile des sols, sur l’azote minéral, concurrence avec l’alimentation ou le fourrage, etc. Ces impacts dépendent en effet des contextes climatiques, agricoles, mais aussi politiques. Le choix des espèces est également primordial (volume du système racinaire, résistance au froid, etc.).
[2] ADEME, GRDF et GRTgaz (2018): Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050? Disponible à l’adresse: https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050
[4] Fléty, Y. (2014): Vers une mise en observation des systèmes énergétiques territoriaux: une approche géographique pour territorialiser l’énergie. Thèse de doctorat, Besançon. http://www.theses.fr/2014BESA1001
[6] de Sède-Marceau, M.-H. et al. (2018): OPTEER, un dispositif de connaissance et d’analyse territoriale par et pour les acteurs de la transition énergétique. Revue Internationale de Géomatique 28(1): 95‑124. https://doi.org/10.3166/rig.2017.00040
[7] Padey, P.-Y. et al. (2020): Dynamic Life Cycle Assessment of the Building Electricity Demand. In: Erneuern! Sanierungstrategien für den Gebäudepark. Zenodo. https://doi.org/10.5281/ZENODO.3900180
[9] Solagro (2016): Scénario Afterres 2050. Disponible à l’adresse: https://afterres2050.solagro.org/wpcontent/uploads/2015/11/Solagro_afterres2050-v2-web.pdf
[10] Beloin-Saint-Pierre, D. et al. (2020): Rapport du projet «EcoDynBat: Dynamic Life Cycle Assessment of Buildings». Disponible auprès des auteurs
Les auteurs remercient l'ANRT (Association Nationale de la Recherche et de la Technologie) et GRDF qui ont permis par leur financement via le dispositif CIFRE la réalisation de ces travaux menés dans le cadre d'une thèse de doctorat de géographie, réalisée au sein du laboratoire ThéMA, UMR 6049, CNRS et Université de Bourgogne-Franche-Comté. Nos remerciements s'adressent également à l'association Atmo-BFC pour son accompagnement dans le cadre de ces travaux.
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