LâintĂ©gration massive de chaleur renouvelable dans les rĂ©seaux de chauffage Ă distance (CAD) est conditionnĂ©e par la rĂ©duction de leurs tempĂ©ratures de fonctionnement, lesquelles dĂ©pendent Ă leur tour du niveau de tempĂ©rature des sous-stations individuelles (SST) et des tempĂ©ratures du cĂŽtĂ© secondaire (bĂątiment et/ou systĂšme de distribution) de lâĂ©changeur de chaleur. Abaisser ces tempĂ©ratures peut ĂȘtre particuliĂšrement complexe dans le cas de bĂątiments existants, oĂč les tempĂ©ratures de distribution sont connues pour ĂȘtre Ă©levĂ©es, et oĂč les actions correctives dans les espaces habitĂ©s sont particuliĂšrement difficiles (en particulier pour les bĂątiments rĂ©sidentiels collectifs). Plusieurs techniques de rĂ©duction des tempĂ©ratures au niveau des sous-stations ont Ă©tĂ© proposĂ©es ou sont actuellement Ă lâĂ©tude, mais leur mise en Ćuvre effective dans les SST existantes dĂ©pend dans une large mesure des conditions prĂ©existantes.
En Suisse, les rĂ©seaux les plus importants en termes de quantitĂ© de chaleur fournie sont Ă©galement ceux dont les tempĂ©ratures dâalimentation sont les plus Ă©levĂ©es (90â110â°C) [1]. Cependant, Ă lâintĂ©rieur des bĂątiments, les tempĂ©ratures dâapprovisionnement pour le chauffage des locaux sont gĂ©nĂ©ralement infĂ©rieures Ă 60â°C pour une tempĂ©rature extĂ©rieure de â5â°C, mĂȘme dans les bĂątiments non rĂ©novĂ©s, de sorte que lâeau chaude sanitaire (ECS) est gĂ©nĂ©ralement responsable du besoin de tempĂ©rature le plus Ă©levĂ© [2].
Dâici 2035, GenĂšve ambitionne de couvrir entre 25% et 30% des besoins en chaleur (contre environ 10% en 2023) du parc bĂąti avec des rĂ©seaux de CAD, qui devront ĂȘtre alimentĂ©s Ă 80% par des Ă©nergies renouvelables ou de rĂ©cupĂ©ration. Cet objectif implique de rĂ©duire le niveau de tempĂ©rature de son rĂ©seau principal dâau moins 20â°C. Cela reprĂ©sente un dĂ©fi de taille, compte tenu du nombre important de SST impliquĂ©es et du nombre de clients potentiellement impactĂ©s.
Le principal rĂ©seau de GenĂšve CAD-SIG construit dans les annĂ©es 1960 fournit 359âGWh/an de chaleur Ă 214 SST. Les niveaux de tempĂ©rature de 110â°C/70â°C (aller/retour) sont relativement Ă©levĂ©s et correspondent aux rĂ©seaux de 2Ăšme gĂ©nĂ©ration (2GDH). Lâextension de ce rĂ©seau, tout en augmentant la proportion de chaleur renouvelable, soulĂšve des questions quant Ă quelle(s) option(s) privilĂ©gier. Cela concerne entre autres la transformation complĂšte ou partielle du rĂ©seau actuel en un rĂ©seau 3GDH Ă 90â°C/45â°C (aller/retour).Une sĂ©rie de scĂ©narios prospectifs permet de valider la faisabilitĂ© des objectifs visĂ©s pour 2035, mais aussi de mettre en Ă©vidence la question de la rĂ©duction de la tempĂ©rature du CAD comme un problĂšme clĂ©. Les 3 options envisagĂ©es sont:
La figure 1 illustre lâarchitecture la plus courante des SST de CAD-SIG. Elle comprend un Ă©changeur de chaleur primaire appartenant Ă lâopĂ©rateur du CAD, qui alimente en chaleur le cĂŽtĂ© secondaire, appartenant au client. Une vanne motorisĂ©e contrĂŽle le dĂ©bit primaire, afin de respecter la tempĂ©rature de consigne pour la distribution du cĂŽtĂ© secondaire. Un compteur de facturation branchĂ© sur le cĂŽtĂ© primaire de lâĂ©changeur permet de mesurer la demande thermique globale, mais pas la sĂ©paration en chaleur pour le chauffage et la prĂ©paration de lâECS.
Cette architecture de base peut ĂȘtre classĂ©e en trois typologies principales, en termes de facturation/comptage et de connexions en aval:
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Lâanalyse du rĂ©seau CAD-SIG est faite en deux Ă©tapes. Pour commencer les diffĂ©rentes SST sont classĂ©es en fonction de leur influence sur la tempĂ©rature de retour du rĂ©seau. Ce classement permet de repĂ©rer les SST les plus problĂ©matiques et de prioriser les interventions. La deuxiĂšme Ă©tape consiste Ă faire un audit plus complet dâun Ă©chantillon de SST pour diagnostiquer la ou les causes des tempĂ©ratures de retour Ă©levĂ©es.
Afin dâĂ©valuer lâimpact dâune SST spĂ©cifique sur la tempĂ©rature de retour du CAD, nous utilisons la mĂ©thode du volume excĂ©dentaire [3], qui permet une analyse prĂ©liminaire et un classement sur la base de la demande de chaleur annuelle (QSST) et du volume utilisĂ© (VSST) par chaque SST. La mĂ©thode consiste Ă calculer/comparer la diffĂ©rence de tempĂ©rature de retour du CAD pour les deux situations illustrĂ©es dans la figure 2:
Les rĂ©sultats de la figure 3 montrent que la plupart des SST ont un ÎT infĂ©rieur Ă 45â°C, avec seulement 29 SST sur 96 (30%) atteignant lâobjectif. Il est intĂ©ressant de noter que les SST ayant lâimpact le plus Ă©levĂ© sur la tempĂ©rature de retour du CAD ne sont pas nĂ©cessairement celles qui ont les demandes de chaleur les plus Ă©levĂ©es. En effet, les SST n°3 (443âMWh) et n°78 (965âMWh) ont un impact beaucoup plus important que les SST n°13 (1750âMWh) ou n°45 (3100âMWh) ayant des demandes de chaleur quatre Ă huit fois plus Ă©levĂ©es.
Enfin, le classement des SST par ordre de leur volume excĂ©dentaire indique que les 8 plus mauvaises dâentre elles totalisent 57% du volume excĂ©dentaire global.
En complĂ©ment, une campagne de mesure spĂ©cifique, impliquant lâinstallation de capteurs de tempĂ©rature sur 13 Ă©changeurs primaires, montre que les tempĂ©ratures de retour du cĂŽtĂ© primaire sont Ă©levĂ©es, malgrĂ© des tempĂ©ratures de retour relativement basses du cĂŽtĂ© secondaire (fig. 4). Les Ă©changeurs primaires sont classĂ©s de gauche Ă droite, par ordre dĂ©croissant de valeur mĂ©diane pour la tempĂ©rature de retour primaire. Ces derniĂšres varient de 86 Ă 56â°C (prim.âfr., bleu foncĂ©), avec une dispersion importante. La tempĂ©rature aller du CAD (prim.âch, rouge foncĂ©) est trĂšs stable et dâenviron 110â°C. Du cĂŽtĂ© secondaire, la tempĂ©rature aller varie entre 48 et 65â°C (sec.âch., rouge clair), et la tempĂ©rature retour correspondante varie entre 39 et 49â°C (sec.âfr., bleu clair).
On constate que les tempĂ©ratures de retour relativement Ă©levĂ©s du cĂŽtĂ© primaire ne sont pas dues Ă des retours Ă©levĂ©s du cĂŽtĂ© secondaire. En effet, les deux Ă©changeurs ayant le retour primaire le plus Ă©levĂ© (O9_14 et O9_12: 86 et 77â°C) sont Ă©galement ceux ayant le retour secondaire le plus bas (39 et 40â°C). Inversement, lâĂ©changeur ayant lâavant-dernier retour primaire le plus bas (G15: 56â°C) est celui dont le retour secondaire est le plus Ă©levĂ© (49â°C).
Pour une analyse plus approfondie, nous caractĂ©risons chacun des Ă©changeurs primaires ci-dessus en termes de nombre dâunitĂ©s de transfert (NUT), qui relie la surface A et le coefficient dâĂ©change U au plus petit des dĂ©bits primaire et secondaire (Vmin). Les Ă©quations pour le calcul des NUT peuvent ĂȘtre consultĂ©es dans [4] par exemple. La figure 5 montre la tempĂ©rature de retour primaire de chaque Ă©changeur, en fonction de son NUT. Les points reprĂ©sentent le NUT mesurĂ©, tandis que les courbes montrent la tempĂ©rature de retour thĂ©orique en fonction du NUT (câest-Ă -dire en fonction de la surface de lâĂ©changeur de chaleur).
On constate que les retours primaires Ă©levĂ©s (voir fig. 4) sont dus Ă des valeurs NUT relativement faibles, gĂ©nĂ©ralement infĂ©rieures Ă 1,5. Avec un NUT augmentĂ© Ă 4 (essentiellement une surface dâĂ©change accrue), tous les Ă©changeurs atteindraient des retours primaires compris entre 43 et 49â°C, sans affecter le fonctionnement du cĂŽtĂ© secondaire. Un ÎT plus Ă©levĂ© du cĂŽtĂ© primaire induirait un dĂ©bit proportionnellement plus faible, libĂ©rant ainsi de la capacitĂ© pour lâextension du rĂ©seau ou la possibilitĂ© dâabaisser la tempĂ©rature aller primaire.
Cette Ă©tude porte sur un rĂ©seau de chaleur Ă distance de 2Ăšme gĂ©nĂ©ration datant des annĂ©es 1960, fournissant 359âGWh/an Ă 110â°C/70â°C (tempĂ©ratures aller/retour). Il est prĂ©vu de baisser sa tempĂ©rature de fonctionnement pour permettre dâaugmenter la part de chaleur renouvelable dans son mix Ă©nergĂ©tique.
Tout dâabord, nous utilisons la mĂ©thode du volume excĂ©dentaire pour classer les diffĂ©rentes SST en fonction de leur influence sur la tempĂ©rature de retour du CAD. Lâoptimisation des SST ayant un volume excĂ©dentaire significatif pourrait conduire Ă des amĂ©liorations de la performance du CAD et Ă la rĂ©duction de la tempĂ©rature de fonctionnement. Cependant, la visite des sous-stations sĂ©lectionnĂ©es montre diffĂ©rentes typologies de connexion et de comptage (Ă©changeurs de chaleur simples ou multiples, ainsi que connexion aux sous-rĂ©seaux au niveau du quartier), ce qui rend la supervision automatique, la dĂ©tection et lâinterprĂ©tation de niveaux de tempĂ©rature inadĂ©quats plus difficile.
En auditant un ensemble de sous-stations spĂ©cifiques, nous avons observĂ© que dans la plupart des cas, le cĂŽtĂ© secondaire nâest pas responsable des tempĂ©ratures de retour Ă©levĂ©es du cĂŽtĂ© primaire. Bien quâinattendue, cette situation est sans aucun doute plus facile pour lâopĂ©rateur du CAD, puisque les Ă©changeurs primaires sont sous sa propre responsabilitĂ© et gestion. Des optimisations complĂ©mentaires du cĂŽtĂ© secondaire, qui dĂ©couleraient de la responsabilitĂ© des clients, devraient bien sĂ»r ĂȘtre effectuĂ©es si possible et/ou nĂ©cessaire.
[1] Quiquerez, L. (2017): DĂ©carboner le systĂšme Ă©nergĂ©tique Ă lâaide des rĂ©seaux de chaleur: Ă©tat des lieux et scĂ©narios prospectifs pour le canton de GenĂšve. Doctoral Thesis, UniversitĂ© de GenĂšve.
[2] SIA (2020): Norme SIA 385/1:2020. Installations dâeau chaude sanitaire dans les bĂątiments â Bases gĂ©nĂ©rales et exigences
[3] Nussbaumer, T. et al. (2019): Guide de planification Chauffage Ă distance. ASCAD, SuisseEnergie
[4] KaborĂ©, M. et al. (2012): ModĂ©lisation et caractĂ©risation expĂ©rimentale dâun Ă©changeur Ă plaque. Archive de Ăcole dâingĂ©nieurs de lâuniversitĂ© de Savoie (n.d.).
[5] Callegari, S.A. et al. (2023): Strategies and potentials of temperature reduction on existing district heating substations: two case studies. GenĂšve.
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Cette Ă©tude a Ă©tĂ© financĂ©e par lâOFEN et SIG, dans le cadre du projet SWEET DeCarbCH.
Le rapport complet [5] est disponible Ă lâadresse:Â https://archive-ouverte.unige.ch/unige:172333
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